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avoient pris, contre lui, par leurs pléni- 1815. potentiaires, l'engagement de maintenir ce traité: « Par son évasion et son entrée en » France à main armée, il a rompu la con»vention qui l'avoit établi à l'île d'Elbe, et » détruit le seul titre légal auquel son exis»tence pouvoit se trouver rattachée, il s'est privé lui-même de la protection des lois, et » a manifesté qu'il ne sauroit y avoir ni paix » ni trève avec lui. » Les puissances déclarèrent en conséquence qu'il s'étoit placé » hors des relations civiles et sociales, et » que, comme perturbateur du repos du » Monde, il s'étoit livré à la vindicte

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blique. Une déclaration aussi énergique ne produisit aucun effet salutaire en France. Le rebelle la fit déclarer apocryphe par les journaux qu'il avoit remis en servitude, D'ailleurs l'armée, jointe aux partisans qu'il avoit dans l'Etat, imposoit à tout le monde, et une force immense pouvoit seule détruire une révolution militairement opérée. Pour la consolider, son auteur avoit cherché à faire enlever, de Vienne, Marie-Louise et son fils. Ce complot fut découvert à l'instant même où il alloit s'exécuter; le 19 mars.

Ce revers de Buonaparte fut compensé par d'autres avantages obtenus dans l'intérieur.

1815. Le duc de Bourbon fait dans Angers d'inutiles efforts pour ranimer les cendres de la Vendée. De sourdes intrigues même traversent tous ses desseins. Il est forcé de se retirer, et ne parvient pas sans risque à Nantes, où il ne trouve d'autre ressource que la possibilité de faire route pour l'Espagne. La tentative du Midi, quoique glorieuse, pensa être encore plus funeste à la France. Lorsque le rebelle souilloit son territoire, le duc d'Angoulême et MADAME se trouvoient à Bordeaux pour y célébrer le 12 mars, jour anniversaire de l'entrée du prince dans cette ville. Avant le retour de cette heureuse époque, on apprend la révolte du Corse. Le duc d'Angoulême, dans la nuit du 9 au 10, part de Bordeaux, et y laisse MADAME. Cette princesse, qui n'étoit connue que par des prodiges de douceur, de sensibilité, de constance dans le malheur, enfin, par des vertus privées, cette princesse pieuse, modeste et presque timide, déploiè à l'instant le plus grand caractère et le plus mâle courage. Remplissant les fonctions d'un gouverneur et d'un général, elle ose entreprendre de se maintenir dans Bordeaux; et cette ville, enflammée par son énergie, se dispose à lutter contre le torrent qui a déjà submergé la France presque entière. La garde

nationale est prête à verser, pour le maintien 1815. du trône, la dernière goutte de son sang. Mais la garnison est gagnée. MADAME va la haranguer dans les casernes et le Château-Trompette. Voyant qu'on l'écoule sans émotion, elle dit à la troupe : « Vous n'êtes plus François ; » allez, retirez-vous. » Elle sort dé la place, qu'elle laisse plongée dans le deuil le plus profond, et s'embarque à Pouillac, près de Montlieu (2 avril), sur un bâtiment de guerre anglois, qui la conduit à Saint-Sébastien, d'où elle retourne en Angleterre.

De son côté, le duc d'Angoulême, qui n'avoit pas encore paru à la tête d'une armée, se couvrit de gloire dans les provinces méridionales, dont le roi lui avoit donné le commandement général. Il se rendit à Marseille pour y former le noyau d'une armée. Louis XVIII avoit surnommé cette ville l'excellente. Elle justifia ce nom. Mais la troupe de ligne, qui s'y trouvoit en ce moment, avoit un tout autre esprit. De Marseille à Bordeaux, tout reconnut l'autorité royale pendant le mois de mars. Le duc d'Angoulême forma le projet de conquérir Lyon. Alors le Midi tout entier eût appartenu à son maître. Les trois plus grandes villes de cette contrée, arborant les couleurs royales, eussent entraîné tout le reste. Le général

1815. Debelle, opposé au neveu de son roi, l'attaque

près de Montélimart, est repoussé, va couvrir Valence, se porte à Loriol, est blessé, battu, mis en pleine déroute (2 avril). Le prince donne des marques de la plus brillante valeur dans le combat, et de la plus tendre humanité après la victoire. Non seulement les soins, mais l'argent et les secours de toute espèce consolent les blessés et les prisonniers. Valence ouvre ses portes le lendemain 3 avril. Mais bientôt presque tout le Midi, intimidé par les nouvelles qui viennent du Nord, se laisse entraîner aux séductions des émissaires et des fauteurs du rebelle. A l'exception du régiment royal étranger, du 10° régiment de ligne, et de quelques chefs d'une fidélité inébranlable, le peu de soldats qui sont dans l'armée du duc d'Angoulême ou le trahissent ou l'abandonnent. L'alternative d'être pris ou tué paroissant inévitable pour ce prince, s'il demeure à la tête de sa troupe, on le supplie de se sauver seul; on lui en indique les moyens : il répond avec constance qu'il aime mieux mourir que d'abandonner ses compagnons d'armes, et permet seulement qu'on traite avec les révoltés. Une convention' tolérable est arrêtée (8 mars ). On lui laisse la faculté de se retirer à Marseille; disposition qui est

changée presque aussitôt; on exige qu'il s'em- 1815. barque au port de Cette. Sa petite troupe est licenciée à la Palude, ville voisine du PontSaint-Esprit; il est livré à la garde de cinquante chasseurs de l'armée ennemie. Le général en chef Grouchy refuse de ratifier la convention avant d'y être autorisé par Buonaparte. Le prince enfermé, gardé à vue, se croit destiné à périr comme le duc d'Enghien. Il écrit à Monsieur : « Je suis résigné à mon sort. Je ne >> crains ni la mort ni la prison; que le roi ne » consente à rien d'indigne de sa couronne » pour me sauver. » Le Corse, prévoyant les dangers qu'il alloit courir lui-même, et que sa famille partageroit avec lui, recule devant ce nouveau crime. Le prince put s'embarquer à Cette, le 16 avril, et aborda, le 18, à Barcelonne. Dans cette courte et malheureuse campagne, il supporta la fatigue et le danger comme un guerrier vieilli dans les camps. Au mépris de la convention de la Palude, qui promettoit sûreté aux royalistes, les volontaires du Midi éprouvèrent tous les genres de vexations. Ceux qui ne furent pas assassinés, se virent, en grande partie, insultés, pillés ou mutilés; on en massacra trois cents dans le seul département du Gard. La Corse, en général, s'étoit déclarée pour le rebelle; mais le

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