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couvrent de fédérés, et la France est menacée 1815.

de la guerre civile.

Indépendamment de ces atroces mesures, le seul retour de Buonaparte cût suffi pour la rallumer dans la fidèle Vendée. Le marquis de Larochejaquelein, Louis, frère de Henri, tué en 1794, revenoit de l'Angleterre avec des armes et des munitions (16 mai). Il est nommé général en chef des Vendéens, et le baron. Canuel chef d'état-major-général. Il y a d'abord au bourg d'Aizenay, à quelques lieues de la Roche-Guyon, une rencontre entre les troupes royales et celles de Buonaparte que commande le général Travot. Un neveu de l'illustre Charre!te, et du même nom que lui, est blessé à mort. L'usurpateur négocie avec les chefs de la Vendée; la discorde se met entre eux. Quelques uns prêtent l'oreille à la pacification. Le marquis de Larochejaque lein n'y veut point entendre; trois d'entre eux licencient leurs troupes et méconnoissent l'autorité du général en chef, qui les destitue. Ce dernier seul, aux prises avec Travot, est tuế au combat des Mathes, près de Saint-Gilles ; guerre de la Vendée languit dès ce moment. Ce succès de Buonaparte fut bien plus que balancé par le malheur de Murat: Il avoit été convenu entre les deux beaux-frères,

la

1815. que celui qui gouvernoit le royaume de Naples, feroit une diversion en Italie. Dès la fin de mars, il avoit attaqué les Autrichiens, et appelé à l'indépendance, sous sa protection, tous les peuples de cette contrée. Il eut d'abord quelques succès. L'Autriche lui propose de le maintenir s'il veut se déclarer pour la coalition européenne; il répond avec arrogance qu'il est trop tard, que l'Italie veut être libre, et le sera. Presque aussitôt la fortune, et la mollesse de ses troupes trahissent son courage. Elles ne tiennent nulle part contre les Autrichiens. Il demande à son tour un arrangement, et sollicite un armistice qui lui est refusé. Telle est sa détresse, que d'une nombreuse armée, il ne reste près de lui que quatre hommes avec lesquels il rentre dans Naples. Il étoit brave. En revoyant sa femme, il ne lui dit que ces mots : « Je n'ai pu mourir. » Le lendemain (20 mai) il se sauve déguisé, vient débarquer aussi au golfe Juan, et ne peut obtenir de Buonaparte de se rendre à Paris, où sa présence eût trop vivement rappelé le souvenir de sa chute, et la perte du meilleur point d'appui de la révolte de son patron.

Celui-ci étoit alors occupé de son champde-mai, qui ne fut tenu que le 1er juin, Le

Champ-de-Mars fut le lieu de la scène. Buo- 1815. naparte y parut accompagné de Joseph, de Lucien (qui étoit accouru de Rome pour seconder l'entreprise de son frère), et de Jérôme. Louis resta dans la retraite. Là se trouvèrent ceux qu'on appeloit les grands de l'empire, un nombre trop considérable de prélats, les membres des colléges électoraux, et les députés qu'ils avoient nommés à la chambre des représentans; enfin cinquante mille hommes de troupes; un archevêque célèbre les mystères de la religion chrétienne; un autre, à genoux, présente au fugitif de l'île d'Elbe le livre des Evangiles sur lequel il jure d'observer et de faire observer les lois de l'empire. Cambacérès, redevenu prince, et archichancelier, proclame l'acceptation. de l'Acte additionnel. Les sénateurs avoient déclaré qu'il réunissoit en sa faveur quinze cent trente-deux mille quatre cent cinquantesept suffrages, et qu'il ne s'en élevoit contre lui que quatre mille huit cent deux. Ces sortes d'acceptations révolutionnaires sont dans un tel mépris, que ce n'est pas la peine d'observer qu'il se vantoit d'avoir eu quatre millions de voix pour sa première élévation à l'empire; que les troupes et tous ceux qui possédoient un emploi avoient opiné en 1815;

1815. que l'immense pluralité des François n'avoit pas donné de voix, et que le retour de Buonaparte avoit si peu l'approbation générale, qu'on n'y avoit vu applaudir que la populace; qu'il en avoit lui-même fait l'observation dans plus d'une ville de province, et qu'à Paris la police étoit obligée de payer les acclamations quotidiennes qui se faisoient dans le jardin des Tuileries, et que le peuple appeloit criées.

Peu de jours après cette représentation du champ-de-mai, qui n'avoit de commun que le nom avec les anciennes assemblées nationales, les chambres furent convoquées. Les membres de celle des représentans avoient été nommés par un très-petit nombre d'électeurs; car toute la saine partie de la nation avoit en horreur le crime de Buonaparte, et n'en attendoit que les plus grands malheurs. Les circonstances paroissant très-urgentes à cet homme audacieux, il s'écarta des formes instituées par lui-même pour les élections. Il n'y eut qu'un seul degré. Les choix, en général, furent tels qu'on devoit s'y attendre. Il n'y eut de propriétaires de biens territoriaux, dit-on, parmi les membres qu'environ un douzième. On y aperçut d'anciens révolutionnaires très-mal famés, des régicides,

et, pour tout dire en un mot, un de ces 1815. membres du terrible comité de la convention, qui s'étoit abreuvé du sang des François. On le vit avec effroi reparoître à la tribune. Buonaparte, ouvrant la session (7 juin), dit aux chambres réunies qu'il venoit commencer la monarchie constitutionnelle; l'Acte additionnel ayant été jugé trop peu démocratique par les amateurs de révolutions, il laissa entendre qu'il y seroit remédié. Il dit que les rois en vouloient à notre indépendance, que leurs armées arrivoient sur nos frontières, leur cita l'exemple du sénat de Rome prise par les Gaulois, et les exhorta tous à préférer la mort au déshonneur de la France, qu'il supposoit attaché à la perte de sa cause. La chambre des pairs, dans son adresse (du 11), adopta sa pensée. « L'intérêt de » la France, lui dit-elle, est inséparable du » vôtre, et si la fortune trompoit vos efforts, des revers, SIRE, n'affoibliroient pas notre persévérance, et ils redoubleroient notre » attachement pour vous. » La chambre des représentans, un peu moins docile, manifesta dans son adresse le projet de remanier surle-champ la constitution. Buonaparte, qui leur avoit cité récemment un trait de l'histoire. romaine, s'appuya, cette fois, de celle du

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