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Le sieur Chavaille avait-il été placé par l'Appel subséquent de la veuve Giraud, dans la même position que l'avait été l'intimé dans l'espèce de cet arrêt, par l'opposition de l'appelant à la confirmation par défaut du jugement de première instance?

Qu'il l'eût été relativement à trois des croisées de l'exhaussement desquelles il s'agissait, c'est-à-dire, de celles de ces croisées qui appartenaient à la veuve Giraud dont il était garant, le défenseur du sieur Ducasse en convenait devant la cour de cassation; et cela résultait clairement de la doctrine établie au mot Appel, §. 15, no 3.

Mais que, par les Appels de la veuve Giraud, le sieur Chavaille eût été relevé de relativement son acquiescement antérieur, à celle de ces croisées qui lui appartenait personnellement, c'est ce qu'il est impossible d'admettre.

Donc, rien ne pouvait, au moins relativement à cette croisée, nécessiter de sa part, après l'Appel de la veuve Giraud, un nouvel acquiescement au chef du jugement dont elle était l'objet, pour qu'il fût irrévocablement lié par le premier acquiescement qu'il avait donné à ce même chef par son exploit du

2 mars 1822.

Donc, au moins, relativement à cette croisée, son second Appel incident était nonrecevable.

. Donc la loi avait été violée par l'arrêt de la cour royale de Bordeaux qui avait reçu l'Appel.

Donc cette violation pouvait tout au plus être couverte par le défaut de recours en cassation contre la disposition de l'arrêt du 20 mars précédent qui, en joignant l'Appel principal de la veuve Giraud à l'Appel principal du sieur Ducasse et au premier Appel incident du sieur Chavaille, avait réservé tous Appels incidens, et par conséquent jugé à l'avance que le sieur Chavaille était encore à temps pour appeler incidemment du chef du jugement de première instance, que celui dont il s'était porté incidemment appelant par son exploit du 2 mars 1822.

autre

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l'on avait en tête devant le triparties que bunal de première instance, peut-on, à l'occasion de l'Appel qu'en interjette l'une de ces deux parties, en appeler soi-même incidemment contre l'autre partie qui n'en est pas appelante?

La négative est évidente, et elle a été consacrée par l'arrêt de la cour de cassation, du 27 juin 1820, rapporté au mot Acquiescement, §. 5, no 1.

§. V. 10 L'Appel que le garant, condamné à indemniser le garanti, interjette du chef du jugement qui accueille la demande principale, suffit-il pour autoriser, de la part du garanti qui n'a pas appelé dans le délai de la loi, un Appel incident de ce même chef du jugement ?

20 Suffit-il pour autoriser le demandeur principal à appeler incidemment contre le garant, du même chef, en ce qu'il ne lui adjuge pas tout ce qui lui appartient ou lui est dû?

I. Sur la première de ces questions, il faut distinguer entre le cas où l'Appel est interjeté par un garant simple et le cas où il l'est par un garant formel.

Au premier cas, la négative est la conséquence naturelle du principe consigné dans l'arrêt de la cour de cassation, du 27 juin 1820, cité au §. précédent, que l'Appel incident n'est recevable, soit après acquiescement, soit après les délais de la loi, qu'autant qu'il y a eu Appel principal de la partie contre laquelle il est interjeté; et c'est ainsi, en effet, que l'a jugé l'arrêt suivant de la même cour.

Le 21 janvier 1811, jugement du tribunal de première instance de Strasbourg, qui condamne le sieur Thomann à payer à la dame de Beaufranchet le capital et les arrérages échus d'une redevance prétendue foncière, et qu'il soutenait être féodale, et sa ci-devant épouse, divorcée, à l'indemniser de la moitié de cette redevance.

Le 18 février de la même année, signification de ce jugement au sieur Thomann, à la requête de la dame de Beaufranchet.

Quelques jours après, le sieur Thomann fait lui-même signifier le jugement à sa cidevant épouse.

Le 16 mars suivant, celle-ci en appelle par un acte qu'elle fait signifier tant à la dame de Beaufranchet qu'au sieur Thomann.

Le 1er février 1812, c'est-à-dire, long-temps après l'expiration des trois mois qui ont suivi la signification du 18 février 1811, le sieur

Thomann intervient sur cet Appel et se rend lui-même incidemment appelant contre la dame de Beaufranchet.

Question de savoir si cet Appel incident est recevable. La dame de Beaufranchet soutient que non, parcequ'il n'y a pas eu d'Appel principal de sa part.

Le 8 février 1812, arrêt de la cour d'Appel de Colmar qui rejette la fin de non-recevoir, reçoit l'Appel incident du sieur Thomann, et, infirmant le jugement de première instance, déclare la redevance dont il s'agit, féodale et par conséquent abolie.

Mais sur le recours en cassation de la dame de Beaufranchet, arrêt du 18 juillet 1815, au rapport de M. Carnot, et sur les conclusions de M. l'avocat général Lecoutour, par lequel, « Vu l'art. 443 du Code de procédure civile...;

» Considérant que la demanderesse n'était pas appelante du jugement du 21 janvier 1811, et que, dès-lors, il ne pouvait y avoir Appel incident de la part de Thomann, du même jugement dans ses rapports avec la demanderesse; que l'Appel interjeté par la femme Thomann, défenderesse à la garantie, ne pouvait relever Thomann, seule partie au procès, de ce qu'il n'avait pas lui-même interjeté Appel dans le délai utile à l'encontre de la demanderesse principale, celle-ci n'ayant aucun intérêt direct ni indirect à ce qui avait été jugé sur la demande en garantie intentée par Thomann contre sa femme; que c'est donc avoir faussement appliqué la troisième disposition de l'art. 443 du Code de procédure civile, que d'en avoir fait l'application à l'Appel interjeté par Thomann, après les trois mois expirés, à compter du jour que le jugement lui avait été signifié à la requête de la demanderesse, et par suite avoir violé la première disposition dudit article qui prononce la déchéance de l'Appel qui n'a pas été interjeté dans le délai de rigueur;

» Par ces motifs, la cour casse et annulle... (1) ».

Dans le second cas, la question dépend de principes d'un ordre différent.

L'effet de la garantie formelle étant de mettre le garant qui ne la conteste pas, ou qui est jugé en être tenu, à la place du garanti,

et de faire réfléchir sur le second tout le résultat de la défense que le premier oppose à la demande principale, il est clair que le

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garanti n'a pas besoin, lorsque le jugement qui l'évince, est frappé par le garant d'un Appel principal, d'en interjeter lui-même un Appel incident, puisque, soit qu'il en appelle, soit qu'il n'en appelle pas personnellement, le jugement qui interviendra sur l'Appel de son garant, sera toujours exécutoire en sa faveur comme à son désavantage.

Mais de ce que le garanti n'a pas besoin d'appeler personnellement, s'ensuit-il que l'Appel qu'il interjette après le délai de la loi, incidemment à l'Appel interjeté par son garant, soit non-recevable.

Non, ou du moins ce serait sans intérêt qu'on le déclarerait tel, parceque le garanti est, quoique mis hors de cause, autorisé par assister l'art. 182 du Code de procédure, à y pour la conservation de ses droits, et que par conséquent l'Appel incident qu'il interjette, doit, tout tardif qu'il est, équipoller à un acte par lequel il se bornerait à déclarer qu'il assiste à la cause d'Appel que le garant a introduite.

III. Sur la seconde question, nul doute que, si l'Appel est interjeté par un garant simple, le demandeur principal, qui est intimé sur cet Appel, ne soit non-recevable à s'en faire un titre pour appeler lui-même incidemment contre le garanti. Il n'y a, en effet, alors ni raison ni prétexte pour ne pas appliquer le principe que l'Appel incident n'est ouvert que contre la partie qui l'a en quelque sorte provoqué par un Appel principal.

Mais n'en est-il pas autrement lorsqu'il s'agit de l'Appel interjeté par un garant formel? Le demandeur principal, intimé sur cet Appel, ne peut-il pas, quoiqu'il soit hors des délais, ou qu'il ait acquiescé au jugement qui ne lui a adjugé qu'une partie de ses conclusions, interjeter, on ne dit pas contre le garant (car il ne peut y avoir aucun doute à cet égard), mais contre le garanti non appelant, un Appel incident dont l'objet soit de lui faire obtenir l'entier effet de la demande qu'il a formée en première instance?

Il le peut, selon moi, avec d'autant moins de difficulté, que ce n'est, de sa part, qu'une mesure surérogatoire ; et que, quand même il n'appellerait pas incidemment contre le garanti, l'Appel incident qu'il interjetterait contre le garant, suffirait, en cas de réformation du chef du jugement qui lui porte préjudice, pour que l'arrêt infirmatif opérât contre le garanti, d'après l'art. 185 du Code de procédure civile, le même effet que si cet Appel eût été dirigé contre le garanti lui

même.

15.

Voici néanmoins une espèce dans laquelle a été cassé un arrêt qui l'avait ainsi jugé.

Le 25 brumaire an 5, contrat de mariage par lequel Isaac Vincens fait donation de deux immeubles à Henri-César, l'un de ses fils.

En 1806, ces deux immeubles sont vendus par expropriation forcée sur le donataire. Le sieur Bodin s'en rend adjudicataire, moyennant la somme de 27,825 francs; et il les revend ensuite aux sieurs Picard et Théron.

Plusieurs années après, trois des enfans d'Isaac Vincens, décédé, forment contre les sieurs Picard et Théron une demande en réduction, sur laquelle ceux-ci exercent un recours en garantie contre le sieur Bodin, leur vendeur.

Le sieur Bodin se reconnaît garant, et, de concert avec les sieurs Picard et Théron qui restent en cause, il conclud au rejet de la demande principale.

Le 14 avril 1820, jugement du tribunal de première instance de Nismes, qui admet la demande en réduction, mais seulement sur les 27,825 francs qui ont formé le prix de l'adjudication de 1816, et en affranchit les deux immeubles en nature.

Les légitimaires font signifier ce jugement tant au sieur Bodin qu'aux sieurs Picard ét Théron, avec sommation de leur payer la somme qu'il leur adjuge.

Appel de ce jugement de la part du sieur Bodin.

De leur côté, les légitimaires en appellent incidemment tant contre le sieur Bodin que contre les sieurs Picard et Théron, et concluent à ce que ceux-ci soient condamnés à délaisser les deux immeubles.

Les sieurs Picard et Théron soutiennent que cet Appel est non-recevable à leur égard, parceque les légitimaires ont acquiescé au jugement par la signification qu'ils en ont fait faire avec sommation de l'exécuter. Il est vrai (ajoutent-ils) que l'Appel du sieur Bodin, notre garant, vous a relevés de cet acquiescement en ce qui le concerne; mais il ne vous en a point relevés par rapport à nous puisque nous n'avions pas appelé. Votre Appel incident reste donc, de vous à nous, soumis à toute la rigueur de la règle qui ne l'admet que contre la partie qui a interjeté un Appel principal.

2

Le 28 mai 1822, arrêt de la cour royale de Nisme qui rejette cette fin de non-recevoir,

<«< Attendu que le sieur Bodin, cité en garantie formelle par les hoirs Théron et Picard, a déclaré prendre leur fait et cause; que, dès-lors, l'action des demandeurs Vincens a été liée indivisément entre eux, demandeurs

originaires, et le garant; que la présence en l'instance des garantis, faute par eux d'avoir demandé leur mise hors de cause, n'a pu nuire à ladite indivisibilité, étant indifférent, pour les demandeurs, que les garantis assistent ou non dans la cause avec le garant, du moins en ce qui concerne l'objet principal de la demande en matière réelle; qu'on ne saurait établir cette séparation entre les garantis et le garant, par cela seul que les demandeurs ont signifié aux garantis le jugement intervenu entre les parties avec la déclaration qu'il serait procédé à son exécution;

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Qu'une telle signification a pu être faite en conformité de l'art. 185 du Code de procédure, d'après lequel les jugemens rendus contre le garant sont exécutoires contre les garantis ; que, par cet acte, les demandeurs se sont privés du droit d'interjeter Appel principal; mais que le garant qui représente les garantis, ayant toujours la faculté d'appeler lui-même, et ayant usé de cette faculté, les demandeurs devenus intimés, ont pu se rendre incidemment appelans à l'égard de toutes les dispositions du jugement; car l'Appel du garant pouvant profiter aux garantis, il est d'une juste réciprocité qu'ils courent aussi les chances défavorables;

pu

être

» Que, si, dans l'espèce, le jugement eût ordonné le desistat des biens, comme il avait été demandé par l'exploit introductif d'instance, les droits du garant n'auraient lésés par l'acquiescement des garantis; par la même raison, le garant ayant appelé du jugement qui n'avait pas fait droit à la demande en desistat, les intimés ont pu mer, par Appel incident, quoique, dans leur acte envers les garantis, on eût pu trouver un acquiescement de leur part, toujours subor donné au cas où ceux-là, ou leur garant,

récla

n'eussent pas eux-mêmes interjeté Appel;

>>

Que de toutes ces considérations, il résulte que les hoirs Théron et Picard ont été légalement amenés en la cause pour continuer d'y assister comme en première instance ».

Le 11 juillet suivant, second arrêt qui, statuant au fond, infirme le jugement de première instance en ce qu'il a limité l'action des légitimaires au prix de l'adjudication de 1806, et condamne les sieurs Picard et Théron à délaisser en nature les immeubles dont il s'agit.

Les sieurs Picard et Théron se pourvoient en cassation contre le premier de ces arrêts, suite contre le second. par

et

En recevant l'Appel incident des légitimaires (disent-ils), la cour royale de Nismes

a, par une fausse application des art. 182, 183, 184, 185 et 443 du Code procédure, violé les art. 1350 et 1351 du Code civil sur l'autorité de la chose jugée.

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est

Quoique les termes de l'art. 443 du Code civil (ajoutent-ils) semblent n'apporter aucune restriction à la faculté d'appeler incidemment, il a été néanmoins admis en principe que l'Appel incident ne peut excéder la mesure de l'Appel principal. Ainsi, lorsqu'une demande formée contre deux défendeurs, accueillie en partie et en partie rejetée, et que l'un des deux défendeurs interjette Appel principal de la disposition qui lui préjudicie, le demandeur originaire, qui aurait acquiescé au jugement, pourrait bien sans doute encore appeler incidemment de la disposition qui rejette une partie de sa demande, mais seulement vis-à-vis de l'appelant principal. Quant à l'autre défendeur qui n'a pas appelé, l'Appel incident est non-recevable. C'est ce que la cour de cassation a jugé par arrêt du 27 juin 1820.

» Dans l'espèce, l'Appel principal interjeté par Bodin, ne pouvait autoriser les enfans Vincens à appeler incidemment à l'égard des héritiers Picard et Théron, qui avaient acquiescé au jugement en ce qui les concernait; cependant la cour royale de Nismes a jugé le contraire. Le principal, ou, pour mieux dire, l'unique motif sur lequel elle s'est fondée, c'est que la cause des héritiers Picard et Théron et de Bodin, leur garant, était indivisible. Mais il est facile de prouver que cette indivisibilité n'existe pas.

» Sans doute, lorsqu'après avoir appelé son garant, le garanti demande et obtient sa mise hors de cause, il se trouve lié par les actes du garant, parceque, laissant le garant seul en cause, il s'est entièrement reposé sur lui du soin de la défense commune. Mais si, loin de demander sa mise hors de cause, le garanti a voulu y rester pour veiller à ses intérêts, alors, quoique le garant et le garanti aient des rapports communs, puisque l'objet de la difficulté est le même pour eux, leurs droits sont cependant distincts et séparés. Supposez, en effet, qu'au lieu de rejeter la demande en délaissement formée contre les défendeurs, le jugement l'eût ordonné, et que les garantis y eussent acquiescé, cet acquiescement n'aurait pu lier le garant. Supposez, au contraire, que ce soit le arant qui ait acquiescé, cet acquiescement n'aura pas pu nuire non plus aux garantis. On en peut dire autant d'un aveu, d'un désistement. Leurs intérêts ne sont donc pas indivisibles.

Ainsi tombe le motif sur lequel s'est fondée la cour royale de Nismes ».

A ces moyens, les légitimaires, défendeurs à la demande en cassation, opposent vainement les motifs qui ont déterminé la cour royale de Nismes en leur faveur. Par arrêt du 17 mai 1825, au rapport de M. Piet, conformément aux conclusions de M. l'avocatgénéral de Marchangy, et après un délibéré en la chambre du conseil,

« Vu les art. 182, 183, 184, 185 et 443 du Code de procédure et les art. 1350 et 1351 du Code civil.... ;

» Considérant qu'aux termes de l'arrêt du 28 mai 1822, le jugement du 14 avril 1820 a été signifié, d'abord à l'avoué des tiersacquéreurs, ensuite à leurs domiciles, à la requête des enfans Vincens, avec déclaration l'exécution en serait poursuivie ;

que

» Qu'il est reconnu par cet arrêt, que les défendeurs se sont privés par là du droit d'interjeter Appel, cette signification formant, de leur part, un acquiescement à la chose jugée;

» Considérant que cet acquiescement a fait cesser, dès-lors, ce qu'il y avait de commun et d'identique dans l'intérêt des garantis et du garant, puisque les garantis se trouvaient pleinement rassurés contre l'éviction dont la demande les avait menacés, seul objet qui les concernât;

» Que, si l'Appel principal du sieur Bodin, dirigé contre les enfans Vincens, autorisait ces derniers à proposer un Appel incident contre lui de ce même jugement auquel ils avaient acquiescé, ils n'ont pu diriger ce même Appel incident contre les héritiers Picard et Théron, qui non seulement n'avaient pas attaqué ce jugement de première instance, mais qui, tout au contraire, en avaient consenti et entendaient en réclamer l'exécution;

» Qu'en déclarant recevable cet Appel incident, en tant qu'il était dirigé contre les tiers-détenteurs, sous le prétexte de l'indivisibilité avec Bodin, vendeur, qui s'était reconnu garant formel, et en les condamnant, par suite, à délaisser les immeubles acquis par Picard et Théron, leurs auteurs, les 25 mai et 2 août 1809, l'arrêt du 28 mai 1822 et celui du 11 juillet suivant ont contrevenu à la chose jugée et devenue irrévocable; 'que ces arrêts ont à la fois violé les art. 1350 et 1351 du Code civil, et fait une fausse application des art. 182, 183, 184, 185 et 443 du Code de procédure;

>> Par ces motifs, la cour casse et annulle les arrêts rendus par la cour royale de Nismes

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J'ai beaucoup médité cet arrêt, et j'ai cherché, par toutes les combinaisons possibles, à le concilier avec le principe régulateur de la garantie formelle; mais je n'ai pu y parvenir.

Supposons d'abord que, devant les premiers juges, les sieurs Picard et Théron se fussent, d'après la faculté que leur en laissait l'art. 182 du Code de procédure, retirés de l'instance, dès le moment où le sieur Bodin, reconnaissant sa qualité de garant formel, avait déclaré prendre leur fait et cause.

Dans cette hypothèse, les légitimaires auraient-ils eu besoin, après l'Appel principal du sieur Bodin, de faire signifier un Appel incident aux sieurs Picard et Théron pour faire infirmer contre eux le chef du jugement de première instance qui limitait leur action au prix de la vente par expropriation forcée de 1806? Non, certes. Il leur eût suffi, pour cela, d'appeler incidemment contre le sieur Bodin. Pourquoi ? Parcequ'en faisant prononcer leur mise hors de cause en première instance, les sieurs Picard et Théron avaient évidemment consenti à ce que le sieur Bodin les remplaçât à tous égards; parcequ'ils l'avaient, par là, constitué leur représentant; parceque l'art. 185 voulant que le jugement rendu contre le garant, soit, de plein droit, exécutoire contre le garanti, est nécessairement censé vouloir que les procédures faites contre l'un, soient censées faites contre l'autre.

Mais, dès-lors, comment, dans cette même hypothèse, les sieurs Picard et Théron auraient-ils pu se prévaloir de ce qu'avant d'appeler incidemment, les légitimaires leur avaient fait signifier le jugement de première instance avec sommation de l'exécuter? Avec quelle force, avec quelle justesse, les légitimaires ne leur auraient-ils pas répondu? << En vous faisant signifier le jugement de » première instance, en vous sommant de » l'exécuter, en usant même du droit que >> nous donnait l'art. 185, nous avons sans » doute acquiescé envers vous à ce jugement, comme nous y avons acquiescé envers le » sieur Bodin, en lui faisant la même signi>>fication et la même sommation; mais nous

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» la condition qu'il n'en serait pas appelé a dans l'intérêt qui lui était propre. Or, cette » double condition a failli de votre part, » comme de celle du sieur Bodin, par l'Appel que le sieur Bodin nous a fait signifier. Nous rentrons donc, par l'effet de cet Appel, dans la faculté d'appeler incidem»>ment Qu'importe que cet Appel ne soit > pas votre ouvrage personnel? Qu'importe qu'il n'ait été interjeté que par le sieur » Bodin? Le sieur Bodin, en l'interjetant, » n'a pas seulement agi pour lui-même, il a » encore agi pour vous. Car il était votre re› présentant; il l'était par cela seul qu'il

D

avait pris votre fait et cause; il l'était » parcequ'en vous retirant de l'instance, » vous l'aviez virtuellement chargé de faire » pour vous tout ce qu'il jugerait nécessaire » à la défense de vos intérêts; il l'était parcequ'il est impossible que la loi déclare exécutoire contre vous le jugement rendu » contre lui, sans déclarer, par cela même, » que les procédures et les diligences faites » par lui, sont censées faites par vous ».

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Qu'auraient pu opposer les sieurs Picard et Théron à cette réponse? Rien assurément que de vaines cavillations, rien que des futilités qui seraient tombées d'elles-mêmes.

Eh bien! Le langage victorieux et péremptoire qu'on aurait pu leur tenir dans l'hypothèse dont il s'agit, c'est-à-dire, dans le cas où, devant les premiers juges, ils se fussent retirés de l'instance, n'a-t-on pas pu le leur tenir également dans le cas où ils se trouvaient réellement? N'a-t-on pas pu le leur tenir, quoique, devant les premiers juges, ils eussent déclaré vouloir rester en cause? Oui sans doute, on l'a pu, et par une raison bien simple: parcequ'ils n'étaient restés en cause suivant l'expression de l'art. 182, que pour la conservation de leurs droits; parcequ'ils n'y étaient restés que pour être à portée de contredire ou désavouer sur-le-champ les déclarations et les actes que le sieur Bodin eût pu faire à leur préjudice; parcequ'en y restant, ils n'avaient pas cessé d'avoir le sieur Bodin pour représentant; parcequ'ils n'avaient, par là, ni atténué, ni, à plus forte raison, neutralisé la prise de leur fait et cause par le sieur Bodin; parceque, dès-lors, tout ce qui, fait par le sieur Bodin, n'était ni contredit ni désavoué par eux, leur devenait nécessairement propre.

Donc, même en restant en cause ils étaient censés avoir appelé par l'organe du sieur Bodin.

Donc l'Appel interjeté par le sieur Bodin, autorisait les légitimaires à appeler incidem

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