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2o Quel nombre d'Avocats peut-il s'adjoindre ù cet effet?

I. « Telles sont (ai-je dit à l'audience de la cour de cassation, section des requêtes, le 4 pluviose an 10) les deux questions que vous présente la demande en réglement de juges, formée par la veuve Cottin, contre le cit. Sélis, maire de Liége.

» Sur la première, la veuve Cottin soutient la négative, et sur ce fondement conclud à ce que vous renvoyez à l'un des tribunaux d'appel les plus voisins, l'affaire pendante entre elle et le cit. Sélis, au tribunal d'appel de Liége.

» Le cit. Sélis, au contraire, soutient l'affirmative, mais il ne se borne point là: il prétend en outre que, quand même vous décideriez cette question contre lui, ce ne serait pas encore une raison pour dépouiller le tribunal d'appel de Liége, 10 parceque rien n'empêcherait, suivant lui, de compléter ce tribunal, en faisant rentrer momentanément dans son sein les trois membres qui président les tribunaux criminels des départemens de l'Ourthe, de Sambre - et - Meuse, et de la Meuse-Inférieure ; 2o parcequ'il ne s'agit pas, quant à présent, de juger le fond du procès, mais seulement de statuer sur les incidens qui tiennent uniquement à la procédure; qu'ainsi, les trois juges qui, jusqu'à ce moment, se sont abstenus, comme ayant déjà en première instance, connu du fond en qualité des membres du ci-devant tribunal civil du département de l'Ourthe, pourraient, sans aucune espèce d'inconvénient, reprendre leurs places dans le tribunal d'appel, et concourir aux jugemens à rendre.

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A ces deux moyens subsidiaires, le cit. Sélis ajoute une proposition qui est de la même nature: il soutient que, si, contre son attente, l'affaire est renvoyée à un autre tribunal, elle ne devra et ne pourra l'être que pour le jugement des récusations à juger entre les parties, sauf à étendre le renvoi au fond, au cas que les récusations soient admises.

» La demanderesse, de son côté, oppose à la défense de son adversaire,

>>> L'incapacité dont elle prétend que les présidens des tribunaux criminels sont implicitement frappés par la loi du 27 ventôse an 8, de siéger dans les tribunaux d'appel, tout le temps que dure leur présidence;

» La récusation que la loi autorise ellemême contre les juges de première instance qui voudraient prendre part aux jugemens à rendre sur l'appel de leurs propres sentences,

sans que le législateur distingue entre les jugemens à rendre sur les incidens et les jugemens à rendre sur le fond;

» Enfin, l'impossibilité qu'il y a, suivant elle, de scinder un renvoi, de ne dessaisir qu'en partie un tribunal, et de n'en saisir un autre que partiellement.

» Tel est le résumé de tout ce qui a été dit dans cette affaire; et vous voyez que, des quatre questions qui y sont agitées, il est possible que vous n'en jugiez qu'une.

>> Car, si vous décidiez la première contre la veuve Cottin, il deviendrait inutile d'examiner les trois subséquentes, puisque cellesci n'ont été élevées par le cit. Sélis, que pour le cas où il serait jugé que le tribunal d'appel ne peut pas être complété par des hommes de loi.

» C'est donc à la première question que nous devons d'abord nous attacher; et, à cet égard, voici quels sont les moyens de la demanderesse.

>> La loi du 27 ventôse an 8 porte, en toutes lettres, que les jugemens des tribunaux d'appel ne pourront être rendus par moins de sept juges. Voilà une disposition impérative et absolue; c'est par sept juges au moins que doivent être rendus les jugemens de tribunaux d'appel; donc, s'il se trouve moins de sept juges dans un tribunal d'appel, il n'y peut être rendu aucun jugement. Et qu'on ne dise pas que des hommes de loi peuvent tenir lieu de juges la loi ne leur a pas donné ce caractère; et la preuve qu'elle a, au contraire, entendu le mot juges dans sa signification stricte et littérale, c'est qu'elle n'a pas établi de suppléans près les tribunaux d'appel, comme elle en a établi près les tribunaux de première instance et près les tribunaux criminels

:

» Cette seule observation, continue la demanderesse, fait tomber à l'avance l'objection

que l'on pourrait tirer de l'art. 16 de la loi du 30 germinal an 5 : car il y avait des suppléans près les tribunaux civils de département; il n'est donc pas étonnant que cette loi ait permis à ces tribunaux de se compléter, à défaut de suppléans, par l'appel de défenseurs officieux. D'ailleurs, cette loi a été faite pour un ordre de choses qui n'existe plus; elle a, par conséquent et à ce seul titre, cessé d'être loi.

» C'est ainsi que raisonne la demanderesse; c'est sur ce système que repose sa demande en renvoi.

» Nous remarquerons d'abord que le droit, ou plutôt le devoir des tribunaux, d'appeler des hommes de loi pour se compléter, lors

qu'il leur manque un ou plusieurs membres nécessaires à cet effet, est, en France, presque aussi connu que l'ordre judiciaire ; et cela résulte de ce qu'il est, non pas établi, mais reconnu comme déjà existant sans contradiction, par l'art. 6 de l'ordonnance du 15 juillet 1519, par l'art. 11 de l'ordonnance de 1539, par l'art. 5 de l'édit des présidiaux de 1551, par l'art. 17 de l'ordonnance de Moulins de 1566, et par l'art, 25 du tit, 24 de l'ordonnance de 1667.

» La loi du 24 août 1790, en réorganisant l'ordre judiciaire, s'est tue sur ce point, comme l'ont encore fait depuis, d'abord la constitution de l'an 3, ensuite la loi du 27 ventôse an 8; et de son silence sont nées des contestations très-nombreuses sur la validité des jugemens que les nouveaux tribunaux avaient rendus avec le concours d'hommes de loi.

» Pour faire cesser ces contestations, l'assemblée législative a rendu, le 29 août 1792, une loi ainsi conçue :

» Art. 1. Tous jugemens auxquels ont concouru des gradués assermentés, ou des hommes de loi, pour l'absence ou l'empêchement des juges des tribunaux, sont déclarés valides,

appe

» 2. En cas d'absence ou d'empêchement de juges, les tribunaux sont autorisés à ler des gradués assermentés ou des hommes de loi, pour les remplacer et concourir aux jugemens.

» Les doutes écartés par cette loi, se sont reproduits sous la constitution de l'an 3. On a prétendu qu'en exigeant le concours de cinq juges, pour rendre des jugemens dans les tribunaux civils de département, cette constitution avait dérogé à l'ancienne règle qui faisait, des hommes de loi, les suppléans-nés des juges. Mais l'art. 16 de la loi du 30 germinal an 5 a fait justice de ce système; et il est à remarquer que la jurisprudence n'avait pas attendu cette loi pour se fixer: elle avait, sur ce point, pressenti la volonté du législateur, et en avait dévancé la manifestation: ce qui était d'autant plus raisonnable, que la loi du 29 août 1792 n'avait été révoquée par aucune autre ; qu'ainsi, elle subsistait

encore.

» Ou devait croire, d'après cela, que la difficulté ne se représenterait plus dans le nouvel ordre judiciaire qu'a établi la loi du 27 ventôse an 8; et le conseil d'état, c'està-dire, le premier rédacteur de cette dernière loi, était bien loin de s'y attendre, lorsque, par son avis du 17 germinal an 9, approuvé le même jour, il annonçait que le parti le plus sage que pussent prendre les tribunaux d'ap

pel, en cas de partage, était de choisir un départiteur parmi les hommes de loi ou avoués qui auraient assisté à l'audience et entendu les plaidoiries. On ne peut pas, en effet, exprimer plus clairement que les hommes de loi sont encore dans le nouvel ordre judiciaire, ce qu'ils étaient dans le précédent, dans l'ancien et dans le très-ancien, c'est-à-dire, habiles à siéger dans les tribunaux d'appel, comme dans ceux de première instance, à y remplacer les juges, à concourir aux jugemens qui s'y rendent.

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Cependant la demanderesse vient encore leur contester cette honorable prérogative; mais sans doute ses efforts n'auront pas le succès qu'elle paraît en espérer.

» Le silence de la loi du 27 ventôse an 8 est pour elle un bien faible argument, lorsque l'on considère que la constitution de l'an 3 était pareillement restée muette sur l'habilité des hommes de loi à suppléer les juges, et que néanmoins la loi du 30 germinal an 5 a maintenu cette habilité : ce qu'elle n'eût pas pu faire, si le seul silence de la constitution de l'an 3 eût été abrogatif de la loi du 29 août *1792.

:

» C'est encore un bien faible argument que de dire la loi du 30 germinal an 5 était relative aux tribunaux civils de département; elle ne peut donc pas être appliquée aux tribunaux d'appel.

des

» D'abord, les tribunaux d'appel n'ont pas besoin, en cette matière, de la loi du 30 germinal an 5, qui, en effet, ne parle que ci-devant tribunaux civils; il leur reste une loi plus ancienne et plus générale, celle du 29 août 1792, qui comprend dans sa disposition tous les tribunaux sans distinction, et qui par conséquent s'applique aujourd'hui aux tribunaux actuels, comme elle s'appliquait précédemment aux tribunaux créés par la loi du 24 août 1790.

» C'est ainsi que la loi du 24 août 1790 ellemême, la loi du 3 brumaire an 2, et celle du 23 vendémiaire an 4, quoique faites pour des tribunaux actuellement supprimés, n'en conservent pas moins tout leur empire sur les nouveaux tribunaux de première instance et d'appel, dans tous les points auxquels il n'a pas été dérogé par l'institution de ceux-ci.

>> En second lieu, l'art. 5 de la loi du 30 germinal an 5 n'a pas été fait précisément pour attribuer aux ci-devant tribunaux civils le droit d'appeler dans leur sein des hommes de loi, en remplacement des juges absens ou empêchés. Il ne fallait pas pour cela de nouvelle disposition législative; et, comme nous

l'avons déjà dit, il n'existait là-dessus aucune difficulté dans la jurisprudence.

» Mais il fallait une loi pour fixer le nombre des hommes de loi que les tribunaux civils pourraient s'adjoindre; car jusqu'alors ce nombre était indéfini ; et c'est pour le limiter à deux au plus, qu'a été décrété l'art. 16 de la loi dont il s'agit.

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Enfin, c'est inutilement que la demanderesse se prévaut de ce que la loi du 27 ventôse an 8 n'a pas établi de suppléans près les tribunaux d'appel.

» Y avait-il des suppléans près les tribunaux supprimés en 1790? Non. Cependant ces tribunaux étaient autorisés, et même obligés, de se compléter par l'appel d'hommes de loi. Il n'y a donc rien de commun entre l'existence ou la non-existence des suppléans en titre dans les tribunaux, et le droit qu'ont les tribunaux, ou le devoir qui leur est imposé, de s'agréger des hommes de loi pour remplacer les juges absens, malades, ou valablement récusés (1).

(1) J'aurais pu ajouter ici que la question avait déjà été jugée en ce sens depuis la mise en activité de la loi du 27 ventôse an 8.

Dans le fait, la veuve Bouliech et son fils attaquaient un arrêt rendu par une cour d'appel qui, pour se compléter, s'était adjoint un avocat.

«Ils disaient (ce sont les termes de M. Sirey, tome 2, page 4) que jamais les anciennes cours souveraines n'appelèrent de simples gradués sur leur siége; >> Que nos tribunaux d'appel doivent se l'interdire, d'autant plus qu'appeler un défenseur subitement pour juger à l'instant même, ce serait rendre impossible toutes récusations péremptoires, puisque, d'après la loi du 5 vendémiaire an 4, elle doivent être faites trois jours avant l'audience;

>> Que, si la loi du 29 août 1792 établit cette permission, ce fut par la force des circonstances révolutionnaires, et pour maintenir une foule de jugemens infectés de cette irrégularité; mais que la constitution de l'an 5 et la loi du 19 vendémiaire an 4 rétablirent bientôt la pureté des principes, en ne confiant le pouvoir de juger, même momentanément, qu'à des élus du peuple ;

» Qu'à la vérité, la loi du 30 germinal an 5 permit encore aux tribunaux d'appeler un ou deux défenseurs officicux; mais que cette loi fut également circonstancielle et rendue avec urgence; que d'ailleurs elle est essentiellement abrogée par la constitution de l'an 8 et par la loi du 27 ventôse suivant;

» Qu'en matière de pouvoirs publics, chaque nouvelle distribution change absolument la distribution précédente; que, si l'organisation judiciaire, faite en conséquence de la constitution de l'an 5, avait abrogé la loi du 29 août 1792, tellement que, pour autoriser l'usage des gradués ou hommes de loi, il fallût la loi du 30 germinal an 5, par identité de raison, l'organisation judiciaire, faite en conséquence de la constitution de l'an 8, doit avoir abrogé la loi du 30 germinal an 5;

» Que la loi du 27 ventôse an 8, a prévu le cas

» Mais voici une autre difficulté. Il ne reste, dans le tribunal d'appel de Liége, que quatre juges non récusés ou non retenus dans les fonctions de présidens des tribunaux criminels. Il faudrait donc, pour pouvoir rendre des jugemens dans l'affaire dont il s'agit, que le tribunal d'appel de Liége s'adjoignit trois hommes de loi. Or, la loi du 30 germinal an '5 n'autorise les tribunaux civils de département à s'adjoindre qu'un ou deux défenseurs officieux. Il n'y a donc ici aucun moyen légal de compléter le tribunal d'appel de Liége; il y a donc nécessité de prononcer le renvoi demandé par la veuve Cottin. » Cette objection est très-spécieuse ; nous ne la croyons pas concluante.

»

mais

Pourquoi la loi du 30 germinal an 5 limite-t-elle à un ou deux le nombre des défenseurs officieux qu'elle permet aux tribunaux civils de département de s'agréger, en remplacement de leurs membres absens ou empêchés? C'est évidemment parceque ces tribunaux étaient, dans chaque section, composés de cinq juges, et qu'il entrait dans les vues du législateur, que les juges fussent en majorité, comparativement aux hommes de loi.

» Mais aujourd'hui l'état des choses est changé les tribunaux d'appel ne peuvent plus prononcer qu'au nombre de sept juges; et comme il y a de trois à sept la même proportion que de deux à cinq, il est évident que trois hommes de loi peuvent aujourd'hui être appelés, par le même motif, que deux pouvaient l'être dans les ci-devant tribunaux civils de département.

>> En se servant de l'expression un ou deux défenseurs officieux, la loi du 30 germinal an 5 n'a voulu désigner qu'un nombre de défenseurs officieux inférieur d'un seule

d'empêchement de quelques juges, et qu'elle y a pourvu en donnant des suppléans élus aux tribunaux de première instance, et en donnant aux tribunaux d'appel un nombre de juges assez considérable pour n'avoir jamais besoin de suppléans ;

>> Qu'à la vérité, le conseil d'état, par sa délibération du 17 germinal an 9, a émis l'opinion, que les tribunaux d'appel pouvaient faire monter sur le siége un homme de loi pour vider les partages; mais qu'il ne faut pas en conclure qu'ils aient la même faculté pour se compléter; que la même délibération a grand soin de montrer comment il leur est toujours facile de se compléter eux-mêmes, tandis que souvent il leur serait impossible de prendre dans leur sein pour vider les partages »>.

Mais par arrêt du 22 thermidor an 9, au rappo;& de M. Boyer, la section des requêtes a rejeté le recours en cassation de la veuve Boulicch et de son fils, attendu que la loi du 30 germinal an 5 n'est point abrogée.

ment à celui des juges, elle n'a voulu que restreindre le droit des juges d'appeler des hommes de loi, au cas où les juges excéderaient au moins d'un le nombre de ceux-ci.

» Les tribunaux d'appel se conforment donc non seulement à l'esprit, mais encore au texte bien entendu de cette loi, lorsqu'ils s'agrégent trois défenseurs officieux ou avoués en remplacement d'un pareil nombre de juges absens ou empêchés.

» Un exemple très-frappant par son analogie avec notre espèce, va mettre cette vérité dans tout son jour.

» Vous savez que la loi du 24 août 1790 n'autorisait les tribunaux de district à juger en dernier ressort, qu'au nombre de quatre juges; mais qu'elle se contentait de trois juges pour les jugemens de première ins

tance.

» Vous savez aussi que, par l'art. 2 de la loi du 7-12 septembre 1790, ces tribunaux ont été chargés de juger à bureau ouvert et en dernier ressort, au nombre de trois juges, toutes les contestations relatives aux impositions indirectes; c'est-à-dire que, relativement à ces contestations, le législateur n'a pas exigé plus de juges pour les jugemens en dernier ressort, qu'il n'en exigeait dans les affaires ordinaires pour les jugemens rendus à la charge de l'appel.

» Les tribunaux de district ayant été supprimés par la constitution de l'an 3, et remplacés par les tribunaux civils de département, il s'est agi de savoir si ceux-ci pouvaient, comme ceux-là, juger en dernier ressort et à bureau ouvert, toutes les causes qui auraient des impôts indirects pour objet; et l'affirmative a réuni sans difficulté toutes les opinions.

» Mais on a prétendu qu'ils pouvaient les juger au nombre de trois juges, parceque telle était, relativement aux tribunaux de district, la disposition littérale de l'art. 2 de la loi du 7-12 septembre 1790; et que cette loi n'ayant été ni rapportée ni modifiée par aucune autre, devait continuer de recevoir sa pleine et stricte exécution.

» Ce système n'était, comme vous le voyez, que le pendant exact et anticipé de celui que l'on élève aujourd'hui à votre audience, sur l'application de l'art. 16 de la loi du 30 germinal an 5.

» Eh bien! Qu'a-t-il été décidé sur ce point? Il a été décidé, par un très-grand nombre de jugemens du tribunal de cassation, que l'art. 2 de la loi du 7-12 septembre 1790 ne pouvait plus être exécuté que comme signifiant que les tribunaux civils de départe

mens pouvaient statuer en dernier ressort sur les impôts indirects, au même nombre de juges qu'ils étaient autorisés à le faire en première instance sur les autres objets; et que, comme, sur les autres objets, ils ne pouvaient prononcer qu'au nombre de cinq juges, il fallait aussi que, même en procédant d'après l'art. 2 de la loi du 7-12 septembre 1790, ils jugeassent, au nombre de cinq juges, toutes les contestations relatives aux impositions indirectes.

» Et c'est d'après ces décisions multipliées du tribunal suprême, que le ministre de la justice d'alors s'est déterminé à proposer.au directoire exécutif le rapport d'un arrêté du 2 frimaire an 4, par lequel les représentans du peuple Pérès et Portier, en leur qualité de commissaires du gouvernement dans la cidevant Belgique, avaient ordonné, conformément au texte littéral de la loi du 7-12 septembre 1790, que les tribunaux civils des départemens réunis statueraient sur ces sortes d'affaires, au nombre de trois juges.

» Cette proposition ne pouvait pas manquer d'être accueillie ; en conséquence, arrêté du 24 thermidor an 4, qui porte :

» Considérant que cet arrêté (celui du 2 frimaire précédent) est, quant à la forme des jugemens à rendre par les tribunaux civils, en opposition avec l'art. 220 de l'acte constitutionnel, d'après lequel ces tribunaux ne peuvent juger, soit en premier, soit en dernier ressort, qu'au nombre de cinq juges.....;

» L'arrêté du 2 frimaire, ci-dessus mentionné, est rapporté, en ce qu'il a ordonné que les tribunaux civils des départemens réunis jugeront, au nombre de trois juges, les actions civiles relatives à la perception des impôts indirects.

Maintenant, quelle différence y a-t-il entre la question décidée par cet arrêté, ou plutôt par les jugemens du tribunal de cassation dont il n'était que l'écho, et la question sur laquelle vous avez aujourd'hui à prononcer? Bien évidemment il n'y en a aucune; et le même motif qui, sous la constitution de l'an 3, a rendu nécessaire le concours de cinq juges dans les affaires où la loi du 7-12 septembre 1790 n'en exigeait que trois, nous force, sous le régime judiciaire de l'an 8, regarder les tribunaux d'appel comme autorisés à s'adjoindre trois hommes de loi ou avoués, par la loi même qui, sous la constitution de l'an 3, ne leur permettait pas d'en appeler plus de deux.

de

» Tout se réunit donc pour écarter le moyen sur lequel la veuve Cottin se fonde, dans sa requête, pour demander son renvoi

à un autre tribunal d'appel que celui de Liége; et nous croyons inutile d'après cela de discuter les réponses subsidiaires que lui a faites le cit. Sélis.

» Mais, à ce moyen écrit, la veuve Cottin en a ajouté de vive-voix, à l'audience, un · autre qui, du premier abord, nous a frappés.

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Quelle confiance (nous a-t-elle dit) puis-je avoir dans les hommes de loi que le tribunal d'appel de Liége pourrait s'adjoindre pour me juger? Il n'en est peut-être pas un seul qui n'ait été consulté par mon adversaire. Je tiens à la main une consultation que lui ont donnée, en 1789, cent trente-cinq avocats, prélocuteurs et procureurs ; et, ce qui prouve bien qu'il n'en reste plus guère d'autres que le tribunal d'appel puisse s'agréger, c'est que, pour se compléter à l'effet de rendre les jugemens préparatoires déjà intervenus sur mon appel, il a été obligé de prendre deux des signataires de cette consultation.

>> Si ce fait était vrai, nous ne balancerions pas à vous proposer le renvoi, en le motivant sur la suspicion légitime,

» Mais la prétendue consultation dont vous a parlé la veuve Cottin, n'est qu'un acte de notoriété sur des points de droit et d'usage, dans lequel il n'est question ni d'elle, ni du cit. Sélis, ni de quelque individu que ce soit; et, certes, il est très-permis, après avoir signé un pareil acte, de connaître, comme juge, d'un procès auquel il peut servir de motif de décision.

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Il y a plus c'est que l'acte de notoriété dont il s'agit, paraît avoir été donné en faveur de la veuve Cottin elle-même; car il tend à établir que les tribunaux du ci-devant pays de Liége regardaient leurs jugemens comme susceptibles d'exécution en France, au moyen de lettres rogatoires; ce qui conduit naturellement à la conséquence que, par réciprocité, ils permettaient aussi d'exécuter dans le ci-devant pays de Liége les jugemens qui étaient rendus par les tribunaux français... (1).

» Il est difficile, d'après cela, de concevoir comment la veuve Cottin a pu se servir de cette prétendue consultation, pour établir son moyen de suspicion contre tous les hom mes de loi exerçant près le tribunal d'appel de Liége.

» Ce n'est pas, au reste, avec plus de raison qu'elle a invoqué, à l'appui de ce moyen,

(1) V. l'article Réunion.

la prétendue injustice du jugement de première instance dont elle est appelante devant le tribunal de Liége.

Il n'entre pas, quant à présent, dans les devoirs de notre ministère de nous expliquer sur ce jugement,

» Mais nous dirons que la question sur laquelle il a prononcé au désavantage de la véuve Cottin, est susceptible d'une discussion très-profonde, et dans laquelle on peut invoquer des autorités très-imposantes en faveur du parti qu'il a adopté,

>> Nous dirons encore, et c'est tout ce qu'il faut pour la cause aujourd'hui soumise à votre examen, que, si ce jugement est injuste, le tribunal d'appel est là pour le réformer; que c'est pour cela même qu'il a été institué par la loi ; et que, si l'injustice réelle ou supposée d'un jugement de première insteuce pouvait servir, non pas de moyen, mais de prétexte, pour décliner la juridiction du tribunal d'appel à qui la connaissance en appartient de droit, il n'y aurait pas un seul appel qui ne donnât lieu à un réglement de juges, ce qui serait, de toutes les absurdités possibles, la plus choquante et la plus mons

trueuse.

» Par ces considérations, nous estimons qu'il y a lieu de rejeter la demande formée par la veuve Cottin en réglement de juges, »

Sur ces conclusions, arrêt du 4 pluviôse an 10, au rapport de M. Delacoste, ainsi conçu :

« Considérant que le renvoi d'une affaire dont un tribunal est régulièrement et légalement saisi, soit en première instance, soit en cause d'appel, à un autre tribunal, ne doit être ordonné que dans les cas prévus par la constitution et par les lois organiques, c'est-à-dire, pour cause de suspicion légitime ou de sûreté publique, que la dernière de ces deux causes n'est pas même alléguée; que la première ne l'est qu'indirectement, et sous le rapport de la réduction du nombre des juges non récusés et non récusables, audessous du nombre de sept, qui est désigné par la loi du 27 ventôse an 8, comme étant celui qui est au moins requis pour que les tribunaux d'appel puissent valablement prononcer; que le motif n'est fondé ni en fait ni en droit;

» En fait, puisqu'il résulte des faits exposés respectivement par les parties, qu'outre les quatre juges non récusés, il reste les trois juges qui remplissent les fonctions de présidens dans les trois tribunaux criminels dans le ressort du tribunal d'appel séant à Liége,

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