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betur vera, judex appellationis non debet de principali cognoscere.

Mais notre législation peut-elle s'accorder avec cette doctrine ? Distinguons quatre cas :

10 Celui où le tribunal d'Appel n'est pas le juge supérieur du tribunal devant lequel l'affaire aurait dû être portée en première instance, comme si la cour royale de Paris infirmait, pour cause d'incompétence absolue, un jugement par lequel le tribunal de commerce de la même ville aurait prononcé, en matière non-commerciale, des condamnations contre un défendeur domicilié à Douai;

2o Celui où le tribunal d'Appel se trouve être précisément le tribunal compétent pour connaître en première instance de l'affaire dont il s'agit; ce qui arrive toutes les fois qu'un tribunal d'arrondissement infirme un jugement, par lequel un juge de paix a prononcé sur un différend placé par la loi hors du cercle de ses attributions;

30 Celui où le tribunal d'Appel est à la fois le juge supérieur du tribunal de première instance qui a prononcé incompétemment, et du tribunal de première instance qui était compétent pour connaître de l'affaire : comme si la cour royale de Rouen infirmait un jugement par lequel le tribunal de commerce du Havre aurait jugé une cause dont la connaissance appartenait au tribunal de première instance de la même ville;

4o Celui où la cour d'Appel ayant dans son ressort et le tribunal qui a prononcé incompétemment et le tribunal compétent, il se trouve que l'incompétence du premier ne dérive pas seulement de la nature de la contestation, mais encore de ce que l'affaire se trouve engagée, soit devant le second, soit devant des arbitres volontaires à qui les parties l'ont soumise par un compromis.

Dans le PREMIER CAS, il est clair que l'incompétence du tribunal de première instance entraîne celle du tribunal d'Appel; et que, par conséquent, le tribunal d'Appel doit se borner à infirmer le jugement qui a incompétemment statué sur le fond, et renvoyer les parties devant le tribunal compétent.

Dans le SECOND CAS, il faut distinguer : L'affaire dont le juge de paix s'est incompétemment arrogé la connaissance par le jugement qui est déféré au tribunal d'arrondissement, est-elle de nature à être jugée en dernier ressort par celui-ci? Nul doute que celui-ci ne puisse, si les parties ont plaidé devant lui sur le fond, en même temps que sur la question de compétence, statuer à la fois sur la question de compétence en infir

mant le jugement de la justice de paix, et sur le fond, en accueillant ou rejetant la demande principale.

S'agit-il, au contraire, d'un différend que le tribunal d'arrondissement ne peut juger qu'à la charge de l'Appel? Dans ce cas, le tribunal d'arrondissement peut sans doute, s'il trouve le fond en état de recevoir une décision définitive, le retenir et y statuer; mais il ne peut le faire que comme tribunal de première instance, il ne le peut pas comme tribunal d'Appel; et l'on en sent la raison : c'est que. s'il prononçait sur le fond comme tribunal d'Appel, il se constituerait lui-même juge en dernier ressort d'une affaire qu'il ne lui appartient pas de terminer irrévoca

blement.

C'est ce qu'ont décidé, même avant le Code de procédure civile, trois arrêts de la cour de cassation, dont deux des 22 fructidor an 11 et 7 frimaire an 13, sont rapportés dans le Répertoire de jurisprudence au mot Appel, sect. 1, §. 9, no 6, et dont l'autre, du 12 prairial an 8, a été rendu dans l'espèce sui

vante :

Le sieur Morin était en possession publique d'une pièce de terre nommée la CoutureDenis-Legendre, située à Livet-le-Bauduin, canton de Fervaques, département du Calvados, lorsqu'en brumaire an 5, le sieur Milcent fit abattre des arbres croissans sur ce terrain.

Le sieur Morin le fit citer devant le juge de paix du canton de Fervaques, pour se voir condamner à 300 francs de dommages-intérêts, et à la restitution des arbres abattus ou de la valeur à dire d'experts.

Le sieur Milcent appela en garantie le sieur Aubert, de qui il prétendait avoir acheté ce terrain avec d'autres fonds, par contrat du 10 vendémiaire an 3.

Il soutint ensuite que le juge de paix n'était pas compétent, attendu qu'il s'agissait de la propriété de l'immeuble litigieux.

Le sieur Morin répondit qu'il n'était pas question de la propriété, mais seulement de la possession de cet immeuble ; et que le juge de paix était compétent pour connaître d'une action purement possessoire.

Le 9 ventôse an 5, le juge de paix, se fondant sur la seule possession du sieur Morin, se déclara compétent; prononçant ensuite sur le fond, il maintint ce dernier dans la propriété, possession et jouissance de la CoutureDenis-Legendre, et condamna le sieur Milcent, vu l'enlèvement des arbres, à en payer au sieur Morin la vraie valeur.

Le 18 du même mois, autre jugement qui

condamne le sieur Milcent à payer 33 francs pour la valeur des arbres, et 1,000 francs pour dommages-intérêts.

Le 29 germinal suivant, le sieur Milcent appelle de ces deux jugemens au tribunal civil du département du Calvados.

Le 11 fructidor suivant, il relève son Appel, en citant le sieur Morin devant ce tribunal.

De son côté, le sieur Morin conclud à ce que l'Appel du sieur Milcent soit déclaré désert pour n'avoir pas été relevé dans les trois mois du jour où il a été interjetė.

Le 9 pluviôse an 7, le tribunal civil du département du Calvados, sans s'arrêter à la demande en désertion d'Appel, formée par le sieur Morin, déclare nuls et incompétemment rendus, les deux jugemens du juge de paix, sauf aux parties à se pourvoir par les voies de droit, sur les objets qui les divi

sent.

Le sieur Morin se pourvoit en cassation contre ce jugement. Il soutient que le tribunal civil du département du Calvados devait, en déclarant nuls les deux jugemens de la justice de paix, statuer lui-même au fond; qu'en renvoyant, à cet égard, les parties à se pourvoir, il a violé les lois qui n'établissent que deux degrés de juridiction..

Arrêt contradictoire du 12 prairial an 8, au rapport de M. Doutrepont, et sur les conclusions de M. Bigot- Préameneu, par lequel,

« Considérant que le tribunal civil du département du Calvados s'est conformé aux lois, en déclarant nuls les jugemens du juge de paix de Fervaques, des 9 et 1o ventôse an 5, comme incompétemment rendus, et qu'il ne pouvait prononcer rien de plus dans cette cause, parceque la procédure faite devant le juge de paix de Fervaques étant valable, quoique les jugemens qui en ont été les suites, fussent nuls comme incompétemment rendus, cette circonstance donnait ouverture à un réglement de juges;

» Le tribunal rejette la demande en cassation dudit jugement du 9 pluviôse an 7 ».

Ce que la cour de cassation avait jugé par ces trois arrêts, avant le Code de procédure civile, elle l'a également jugé sous l'empire de ce Code, par un arrêt du 20 novembre 1814, dont le Bulletin civil de cette cour nous retrace ainsi l'espèce et les termes :

« Le maire de la commune de Larreule avait intenté une action en réintégrat contre le sieur Daubas, en réparation du trouble qu'il prétendait avoir été fait à la commune, par la coupe d'arbres-chênes dans la forêt

du Mont, au préjudice du droit exclusif qu'avait la commune, du glandage dans ladite

forêt.

» Le maire avait conclu à quarante-huit francs de dommages-intérêts.

» Par un premier jugement, le juge de paix du canton de Maubourguet, qui avait été saisi, avait ordonné que la commune rapporterait la preuve de sa possession annale et exclusive de son droit prétendu, sauf au sieur Daubas la preuve contraire.

» A la vue des enquêtes respectives, le juge de paix avait maintenu la commune dans son droit exclusif de glander dans la forêt du Mont, avec défense au sieur Daubas de l'y troubler à l'avenir, en coupant des arbres dans ladite forêt, ou autrement.

>> Le sieur Daubas s'était rendu appelant des deux jugemens; et, dans l'instance sur l'Appel, la dame Parabere, en sa qualité de propriétaire de ladite forêt, était inter

venue.

» L'intimé soutint que l'Appel était nonrecevable, attendu que, s'agissant d'une action possessoire, à raison de laquelle il n'avait été demandé que quarante-huit francs de dommages-intérêts, les jugemens qui étaient intervenus, étaient en dernier res→

sort.

» Le tribunal de Tarbes, saisi de l'Appel, en pensa autrement : il décida qu'il s'agissait réellement, dans la cause, d'une action pétitoire, et, par suite, il annula les jugemens dénoncés pour cause d'incompétence : mais, au lieu de s'en tenir là. et de délaisser aux parties à se pourvoir ainsi qu'elles l'aviseraient, le tribunal de Tarbes prononça. par nouveau jugement, sur le fond du droit, c'est-à-dire, sur le pétitoire.

» Le maire de la commune de Larreule s'étant pourvu en cassation contre ce jugement, a proposé deux ouvertures de cassation.

» Il a fait résulter la première de ce que le tribunal de Tarbes avait reçu l'Appel d'un jugement en dernier ressort rendu par un tribunal compétent;

» Et la seconde, de ce qu'en jugeant que le juge de paix était incompétent à raison de la matière, le tribunal de Tarbes avait évoqué et jugé le fond; ce qui avait privé les parties d'un premier degré de juridiction.

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» Le premier moyen était d'une telle évidence, que la cour de cassation n'a pas s'en occuper; d'où il suit que, sur le point de compétence, l'affaire demeure entière, et qu'elle devra être discutée de nouveau, sans aucun préjugé de part ni d'autre, devant le

tribunal auquel la cause et les parties sont renvoyées par l'arrêt dont la teneur suit :

« Oui le rapport de M. le conseiller Carnot, les observations de Mailhe, avocat de la commune de Larreule; celles de Darrieux, avocat des défendeurs, et les conclusions de M. Giraud-Duplessis, avocat-général;

» Vu l'art. 12 du tit. 3 de la loi du 24 août 1790, et l'art. 473 du Code de procédure civile;

» Attendu qu'en jugeant que c'était une action pétitoire qui avait été portée devant le juge de paix du canton de Maubourguet, le tribunal de Tarbes a nécessairement décidé que le juge de paix n'avait pas été compétemment saisi, et par suite, que ce juge n'avait pas rempli le premier degré de juridiction;

» Que, cependant, le tribunal de Tarbes a prononcé, par nouveau jugement, sur le fond du droit;

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Qu'en le jugeant ainsi, le tribunal de Tarbes a privé le demandeur d'un second degré de juridiction;

Que ce n'était pas le cas de faire l'application à l'espèce, des dispositions de l'art. 473 du Code de procédure civile, qui ne dispose que pour celui où le tribunal de première instance aurait été compétemment saisi, et qu'il aurait épuisé le premier dégré de juridiction;

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Que le tribunal de Tarbes a donc fait une fausse application dudit art. 473, et, par suite, a ouvertement violé la loi sur les deux degrés de juridiction;

» Et attendu que l'annullation du jugement se trouve suffisamment déterminée par ce motif; qu'il devient dès-lors inutile de s'occuper de la première ouverture de cassation, tirée de ce que c'était réellement une action possessoire qui avait été portée devant le juge de paix;

» La cour, sans entendre rien préjuger sur cette question, casse et annulle le jugement rendu par le tribunal civil de Tarbes, le 10 mars 1813..... ».

Pour le TROISIÈME CAS, la question s'est d'abord présentée devant la cour de cassation dans l'espèce suivante :

Le 29 juin 1808, jugement du tribunal de commerce d'Issengeaux, qui prononce entre les sieurs Jumet et Baboin, plaidant devant lui de leur consentement mutuel, sur une

contestation non commerciale, et la décide en faveur du premier.

Le sieur Baboin appelle de ce jugement, et l'attaque, non seulement comme injuste au fond, mais encore comme entaché d'un vice d'incompétence qu'il n'a pu couvrir par

son consentement.

Le 5 janvier 1809, arrêt de la cour d'Appel de Riom, qui annulle ce jugement, comme rendu incompétemment à raison de la matière, et usant de la faculté attribuée aux cours et tribunaux d'Appel par l'art. 473 du Code de procédure civile, prononce sur le fond, en faveur de l'appelant.

Le sieur Jumet se pourvoit en cassation, et soutient qu'en jugeant le fond, la cour d'Appel a faussement appliqué l'art. 473 du Code de procédure : Déclarer nul et incompétemment rendu, le jugement du tribunal de première instance ( dit-il ), c'est juger que les parties n'ont pas légalement plaidé devant ce tribunal; c'est par conséquent juger qu'elles n'ont pas encore joui, aux yeux de la loi, d'un premier degré de juri diction. Dès-là, que doit faire le tribunal d'Appel? Il doit nécessairement renvoyer les parties à se pourvoir devant qui de droit; car le juge d'Appel ne peut pas être compétent pour prononcer comme tel, lorsque le tribunal de première instance ne l'est pas pour juger à la charge de l'Appel. C'est le raisonnement de M. Merlin, en ses Questions de Droit, au mot Appel, §. 14, no 4.

Effectivement, j'ai dit cela dans la première édition de ce recueil.

Mais, d'une part, cette édition a paru en 1803, c'est-à-dire, avant le Code de procé dure civile; et ce n'est que faute d'avoir revu ce passage, lors des seconde et troisième éditions, publiées en 1810 et 1819, que je l'y ai laissé subsister.

D'un autre côté, ce qui prouve qu'en m'exprimant ainsi, en 1803, j'avais, sinon uniquement, du moins principalement, en vue le cas sur lequel portent les arrêts de la cour de cassation, des 12 prairial an 8, 27 fructidor an 11, 7 brumaire an 13 et 28 novembre 1814, c'est que je n'ai cité que le premier de ces arrêts à l'appui de ce que j'avançais.

Quoi qu'il en soit, le recours en cassation du sieur Jumet ne pouvait pas se soutenir en présence de l'art. 473 du Code de procédure, et il a été rejeté par arrêt contradictoire du 23 janvier 1811, au rapport de M. Delacoste, après un délibéré en la chambre du conseil, « attendu que la cour d'Appel de Riom a » déclaré qu'elle trouvait l'affaire suffisam>>ment instruite pour recevoir jugement dé

» finitif, et qu'elle était, dès-lors, autorisée 3) à prononcer au fond par l'art. 473 du Code » de procédure civile ».

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Cet arrêt a pourtant trouvé des censeurs. D'une part, M. Berriat de Saint-Prix, dans son Cours de procédure civile, page 385, note 113, après avoir dit que de ces expressions de l'art. 473, ou pour toute autre cause, la cour de cassation a inféré « que le juge d'Appel peut retenir le fond, lors même qu'il annulle pour incompétence», ajoute : « on pourrait répondre 1o que l'art. 473 n'emploie pas le mot annulle, mais le mot » infirme, qui ne s'applique pas à l'anéantissement d'une décision pour cause d'incompétence, ou qui, du moins, autorise à présumer que la rédaction de l'article est vicieuse; 20 il paraît certain que le tri>> bunat qui a proposé cette partie de l'art. 473, la motivait sur des principes opposés » à ceux de l'arrêt du 23 janvier; il observait, >> entr'autres, que, dans le cas où le tribunal inférieur qui DEVAIT juger le fond, ne l'a» vait pas fait, il était injuste de lui ren» voyer les parties........... Mais peut-on dire qu'un premier tribunal, incompétent ra» tione materiæ, ait dû et même pu juger le » fond » ? Et il répète à peu près la même chose dans sa cinquième édition, page 454. D'un autre côté, M. Carré qui, dans son Analyse raisonnée du Code de procédure, no 1550, avait applaudi à l'arrêt cité, se rétracte dans ses Questions sur le même Code, no 2426, et se déclare pour l'opinion de M. Berriat de Saint-Prix : « Nous en puisons (dit-il) les motifs dans un dernier arrêt » du 30 novembre 1814, par lequel la cour suprême déclare que l'art. 473 ne dispose » que pour le cas où le tribunal de première » instance aurait été COMPÉTEMMENT saisi; d'où >> suit que le droit de retenir n'appartient » pas au juge d'Appel, lorsqu'il infirme pour >> incompétence ou excès de pouvoir. On ne >> peut dire, en effet, soit comme le remarque >> M. Berriat, qu'un tribunal incompétent >> autrement sans pouvoir, ait dû et même pu juger le fond; soit que l'affaire soit en état, » puisque le vice d'incompétence entraîne la » nullité de toute la procédure de première

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>> instance ».

Mais qu'est-ce que tout cela prouve contre l'arrêt dont il s'agit?

1o Je conviens, avec M. Berriat de SaintPrix, qu'appliqué à un jugement, et pris dans son acception la plus ordinaire, le mot infirmé présente plutôt l'idée d'un jugement qui, rendu compétemment et régulier dans sa

forme, est déclaré injuste au fond, que celle d'un jugement qui, juste ou injuste au fond, est déclaré, soit irrégulier dans la forme, soit incompétemment rendu. Mais la preuve que l'art. 473 attache l'une et l'autre idée à ce mot, la preuve qu'il l'emploie comme signifiant un jugement annulé, ni plus, ni moins qu'un jugement réformé pour mal jugé au fond, c'est qu'il porte sur le cas où un jugement est infirmé pour vices de forme, comme sur le cas où un jugement est infirmé pour

toute autre cause.

20 M. Berriat de Saint-Prix suppose que les deux dispositions de l'art. 473 ont été motivées par le tribunat, dans la proposition qu'il en a faite, sur la considération que le tribunal de première instance, dont le jugement est infirmé, devait juger le fond.

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La vérité est cependant que le tribunat n'a ainsi motivé que la première disposition de cet article, c'est-à-dire, celle qui est relative au cas où est infirmé un jugement interlocutoire : « Si la justice exige (a-t-il dit) que » le jugement interlocutoire soit infirmé, » pourquoi le tribunal d'Appel ne jugeraitil pas lui-même le fond? L'ordre constitu» tionnel établit deux degrés de juridiction; » mais ne suffit-il pas que les parties les aient » parcourus? Si le tribunal inférieur qui » devait juger le fond, ne l'a pas fait, serait>> il juste que les parties fussent obligées de > retourner devant les juges inférieurs, pour >> parcourir encore une fois le cercle de deux >> juridictions » ?

Quant à la seconde disposition, il ne l'a pas motivée de même : « Ce qu'on a dit (ce sont >> ses termes) du cas où le tribunal d'Appel in» firme un jugement préparatoire ou interlo»cutoire, s'applique, à plus forte raison, au

»

cas où le tribunal d'Appel réforme, pour »vices de forme ou toute autre cause, le juge» ment de première instance. Il serait déri»soire que les tribunaux n'eussent pas alors » la faculté de prononcer sur le fond (1) ».

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résulte nécessairement de la généralité des termes qui y sont employés, soit pour vices de forme, soit pour toute autre cause; et qu'il est d'ailleurs de principe que, lorsqu'une loi va plus loin dans son dispositif que dans son motif, la spécialité de son motif ne doit pas empêcher que son dispositif ne soit entendu dans toute la latitude du sens que présentent par elles-mêmes les expressions dont il est composé (1).

3o Qu'importe, d'après cela, que le vice d'incompétence, comme l'objecte M. Carré, entraîne la nullité de toute la procédure en première instance, et que, par conséquent, le premier degré de juridiction n'ait pas été valablement rempli? Ce qui prouve que le législateur ne s'est pas arrêté à cette considération, c'est qu'il n'a pas excepté de sa disposition générale le cas où un jugement serait infirmé pour cause d'incompétence; c'est que, par la généralité des termes dont il s'est servi, il a manifestement repoussé une pareille exception; c'est, enfin, que, dans l'exposé des motifs du titre de l' Appel, du Code de procédure civile, il est dit, en toutes lettres, au sujet du pouvoir attribué, par l'art. 473, aux tribunaux d'Appel, que, « dans l'organisa» tion judiciaire, on ne regarde plus la juri»diction d'un tribunal comme une sorte de patrimoine, et rien ne s'oppose à ce que » le droit de juger soit attribué ou modifié » suivant l'intérêt des parties ».

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4o Prendre dans un sens absolu cette phrase de l'arrêt de la cour de cassation, du 30 novembre 1814, l'art. 473 ne dispose que pour le cas où le tribunal de première instance aurait été compétemment saisi, c'est oublier la maxime, verba debent intelligi secundùm subjectam materiam. De quoi s'agissait-il, dans l'espèce de cet arrêt? Uniquement de savoir si un tribunal d'arrondissement peut statuer, comme tribunal d'Appel, sur le fond d'une affaire qui a été portée incompétemment dans une justice de paix ; et si, comme on n'en peut douter, c'est uniquement pour résoudre cette question que l'arrêt dont il s'agit, s'est expliqué comme il le fait, il est clair qu'en s'expliquant comme il le fait, il n'entend pas faire l'application de ce qu'il dit au cas qui nous occupe en ce moment.

Ce qui, d'ailleurs, tranche là-dessus toute

(1) V. l'article Restitution, pour délit forestier, et le noi du même article dans le Répertoire de jurisprudence. V. aussi, dans le même recueil, ce que je dis à l'article Divorce, sect. 4, §. 10, sur les motifs de la loi du 26 germinal an II.

TOME II, 4. édit.

difficulté, c'est que ce cas s'étant représenté deux fois à la cour de cassation, postérieurement à son arrêt du 30 novembre 1814, y a été jugé deux fois de la même manière qu'il

l'avait été en 1811.

Le 24 janvier 1818, exploit par lequel le sieur Lefèvre de Villebrune fait commandement au sieur Talon, son fermier, de lui fournir, suivant la convention qu'il prétend en avoir faite avec lui, par le bail à ferme, le fourrage nécessaire à la nourriture d'un cheval pendant un an.

Le 26 du même mois, le sieur Talon forme opposition à ce commandement, et assigne le sieur Lefèvre de Villebrune en référé devant le président du tribunal de première instance de Rouen.

Le 30, le président, après avoir entendu les deux parties, rend une ordonnance par laquelle il reçoit l'opposition, et annulle le

commandement.

Le sieur Lefèvre de Villebrune appelle de cette ordonnance à la cour royale de Rouen, et conclud à ce qu'elle soit infirmée, tant comme rendue incompétemment et par empiétement sur les attributions du tribunal de première instance, que comme injuste au fond.

Le 28 juin de la même année, arrêt qui annulle, en effet, l'ordonnance de référé, pour cause d'incompétence, et, attendu que la matière est disposée à recevoir une décision définitive, évoquant le principal, y statue de la même manière que l'avait fait l'ordonnance annulée.

Cet arrêt est déféré à la cour de de cassation, par le sieur Lefèvre de Villebrune, qui l'attaque comme violant la règle des deux degrés de juridiction, et emploie, pour établir qu'il doit être cassé pour fausse application de l'art. 473 du Code de procédure civile, les argumens ci-dessus rappelés de M. Berriat de Saint-Prix et de M. Carré.

Mais, par arrêt du 24 août 1819, au rapport de M. Borel de Brétizel, et sur les conclusions de M. l'avocat-général Jourde,

« Sur le moyen résultant d'une prétendue fausse application de l'art. 473 du Code de procédure civile et de violation de la loi du 1er mai 1790, et autres relatives à l'observation des deux degrés de juridiction,

» Attendu que, dans tous les cas, lorsque la matière est disposée à recevoir une décision définitive, les juges d'Appel peuvent statuer définitivement;

» Attendu que l'arrêt attaqué constate que le demandeur en cassation a plaidé au principal, et que la cause a reçu de sa part toute l'ins

6.

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