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quelle autorité interviendrez-vous pour lui limiter son action et lui dire: Tu n'iras pas plus loin? Comment l'empêcherez-vous d'exercer son droit souverain? » Et l'on voit, par la suite de son discours, qu'il n'entend faire aucune distinction, sous le rapport de l'autorité, entre une Assemblée d'élection présidentielle et une Assemblée de révision. L'Assemblée qui est convoquée pour nommer un président de la République s'appelle nationale; il suffit: personne ne peut l'empêcher d'exercer à son gré son droit souverain. Nos démocrates de tradition n'ont pas manqué d'applaudir à ce langage qui était dans la logique de la République unitaire. Il est naturel que cette théorie du bon plaisir des Assemblées nationales soit soutenue par les partisans du régime conventionnel, par les ennemis de la seconde Chambre et de la Présidence. Il est vrai que cette théorie peut éloigner aujourd'hui de toute révision les esprits modérés, en leur faisant craindre que la réforme constitutionnelle ne puisse être « sagement limitée». Mais, qu'importe ? On n'aura reculé que pour mieux sauter; la révision s'imposera bien un jour; et plus on attendra, plus elle s'imposera radicale. Donc, il importe avant tout de maintenir ce principe de la souveraineté des Assemblées nationales, dans lequel le radicalisme a mis ses espérances, qui contient pour lui l'avenir, et qui peut seul permettre à la révision de produire tous les fruits que le peuple en attend. La souveraineté absolue des Assemblées nationales contient en principe l'unité de Chambre et, dans l'application, doit nécessairement y conduire.

Eh bien, la doctrine de M. Clémenceau et de ses amis sur le droit souverain des Assemblées nationales est contraire à la vraie notion de la souveraineté, contraire au principe libéral de la séparation des pouvoirs et de la distinction des fonctions et des mandats, contraire à toutes les traditions des pays libres et à nos propres traditions en matière de révison, contraire à la méthode légaliste de progrès politique et juridique.

La souveraineté réside uniquement dans la nation, qui l'exerce selon les lois constitutionnelles et au moyen des pouvoirs établis. C'est précisément pour marquer qu'en son unité abstraite elle est retenue par la nation et n'appartient qu'à la nation, c'est pour empêcher qu'elle ne soit ou ne paraisse transportée de la nation à une Assemblée, c'est pour éviter le despotisme parlementaire, que les constitutions des pays libres séparent les pouvoirs, les limitent les uns par les autres, les font produire et renouveler par des modes divers de délégation, divisent le pouvoir législatif en deux Chambres, accordent au pouvoir exécutif une certaine indépendance. C'est un beau mot, et prestigieux, que celui d'Assemblée nationale; mais ce n'est qu'un mot. Les mots ne changent rien à la nature des choses. Il ne faut pas qu'un mot nous fasse méconnaître la réalité du droit démocratique et les conditions de la liberté, de l'ordre et du progrès. De ce qu'un Congrès d'élection présidentielle porte le nom d'Assemblée nationale comme un Congrès de révision, il ne suit pas qu'un mandat de révision puisse être confondu avec un mandat d'élection présidentielle. Un

pays où cette confusion ne paraîtrait pas monstrueuse, où sénateurs et députés, convoqués et réunis en vertu d'un certain article constitutionnel, pour nommer un président de la République, n'éprouveraient aucun scrupule à violer l'article suivant, en traitant et en décidant, l'élection faite, telle ou telle question constitutionnelle, sous prétexte que l'Assemblée qu'ils forment s'appelle nationale, et que ce nom ne leur laisse rien voir audessus de cette Assemblée; un tel pays serait hélas ! dans un état bien désespéré : l'esprit révolutionnaire y aurait étouffé la raison politique, la conscience juridique, l'esprit de liberté, le sens moral et le sens commun.

Le Journal des Débats dit que le premier précédent, celui de la réunion du Congrès qui a élu M. Grévy, ne vaut rien et ne prouve rien. Il est certain qu'il ne peut être invoqué pour donner l'interprétation de l'article 8, pour établir le méthode constitutionnelle de révision. M. Gambetta aurait pu le laisser de côté. Il faut lui savoir gré cependant de l'avoir rappelé; car il est propre à rendre très sensible cette vérité qu'un corps représentatif, appelé par la loi à remplir, en un cas donné, une fonction temporaire et spéciale, ne peut alléguer ni son titre, ni sa composition, ni son origine, pour exercer des droits qui ne se rapportent pas à cette fonction, sans se mettre au-dessus de la légalité qui, dans la circonstance, lui refuse ces droits, sans devenir par cela même une réunion révolutionnaire. Remarquons que M. Clémenceau s'est bien gardé d'accorder à son adversaire qu'un Congrès d'élection présidentielle devait se renfermer dans ses attributions électorales et ne pouvait avoir la prétention d'y joindre le pouvoir constituant. Il eût ainsi ruiné lui-même sa thèse du droit absolu et apriorique des Assemblées nationales, comme telles. Il eût reconnu que les pouvoirs de ces Assemblées peuvent varier, qu'ils sont déterminés et limités par les lois constitutionnelles préexistantes, qu'ils dépendent, en chaque cas, des fins pour lesquelles ces lois prévoient, ordonnent et organisent leur réunion.

(A suivre.)

BIBLIOGRAPHIE.

F. PILLON.

LE POSITIVISME DES DERNIERS TEMPS

Discours lus à la rue Jacob par le Dr Audriffrent, l'un des exécuteurs testamentaires

d'Aug. Comte.

Un schisme vient d'éclater au sein du positivisme orthodoxe. Voici qu'un membre autorisé du cénacle, M. le docteur Audiffrent, qui accepte, lui, tout entier l'enseignement du maître, y compris et par dessus tout son dogme final de la Vierge-Mère; voici, disons-nous, que M. Audiffrent accuse le pape actuel de la religion positiviste, M. P. Laffitte, de se montrer infidèle aux prescriptions du fondateur, en hésitant, par respect humain, par crainte du ridicule, à professer la conception suprême d'Aug. Comte, celle de la Vierge-Mère. Pour le docteur Audriffrent, « le résumé du po

sitivisme, c'est précisément l'utopie de la Vierge-Mère, » p. 10. « Les trois parties de la religion, ajoute-t-il, culte, dogme et régime, se trouvent condensées dans l'utopie positiviste, au même titre qu'elles le sont dans le mystère chrétien. » Note des p. 11 et 12.

L'auteur de l'écrit que nous avons sous les yeux ne dissimule pas son intention de provoquer la déchéance du chef actuel du positivisme pour cause d'infidélité et d'insuffisance.

Un des griefs qu'il allègue contre M. Laffitte, c'est d'avoir, contrairement à la recommandation du maître, institué l'enseignement avant qu'il eût été formé un corps de professeurs capables de l'exercer avec fruit.

Sur ce point, le pontife incriminé pourrait répondre par le proverbe : Fit fabricando faber, et soutenir que c'est seulement en professant qu'on devient professeur. Mais il saura bien, s'il le juge à propos, se défendre lui-même, sans que nous prenions ce souci.

Pour revenir au manifeste de protestation, son auteur y reprend toutes les thèses de Comte les plus suspectes, celles-là surtout qui ont été si nettement désavouées par Littré dans la réédition de son volume de 1849: Conservation, Révolution et Positivisme. C'est ainsi, par exemple qu'il fait appel, dans maint passage, à une dictature républicaine, et qu'il sollicite les populations des grandes villes à prendre la tête du mouvement et à imposer d'autorité leurs vues au reste du pays. Le docteur ultra ou hyper-comtiste ne dit pas à la vérité, si comme le voulait Aug. Comte, cette dictature devra être exercée, à l'exclusion de tous autres, par un trio d'éminents prolétaires.

Le disciple rappelle aussi, avec le vif regret qu'elles aient échoué, les négociations entamées autrefois par son maître avec les jésuites, dont il fait le plus grand, le plus complet éloge et qui, à ses yeux, ont eu surtout le mérite de soustraire une partie du monde occidental à l'invasion du protestantisme.

« Nous sommes, dit ailleurs (p. 38) le docteur Audiffrent, les continuateurs des vrais catholiques, puisque nous sommes dans les grandes aspirations du XIe et du XIIIe siècle. »

Et ceci est conforme, en effet, aux enseignements d'Aug. Comte, même dans sa Philosophie, et avant qu'il eût abouti aux aberrations de son mysticisme des dernières années. Pour lui, rien d'admirable et de parfait comme l'institution catholique, telle qu'elle existait au moyen-âge et dont sa religion de l'humanité n'est, à vrai dire, qu'un pastiche! corps informe du catholicisme sans l'âme.

Quand on se reporte à certaines opinions du fondateur du positivisme; quand on se rappelle son hostilité contre la liberté de discussion, contre le système électif, son admiration pour le tzar Nicolas, cette personnification du despotisme et du militarisme, qu'il proclamait le plus grand politique de son époque, on a peine à comprendre comment notre puissant orateur républicain, l'homme éminent qui se trouve aujourd'hui à la tête

du gouvernement de la France, a pu saluer un jour, dans Aug. Comte, «<le plus grand penseur du XIXe siècle. » C'est sur la foi d'autrui sans doute, et sans avoir pris lui-même connaissance de toutes les élucubrations d'Aug. Comte, que M. Gambetta s'est laissé aller à une affirmation si contestable. S'il avait, ce qui n'est guère présumable, le loisir de jeter les yeux sur la brochure archi-orthodoxe du docteur Audiffrent, l'illustre homme d'État regretterait à coup sûr sa compromettante appréciation de l'auteur de la Politique dite positive.

Car ce ne fut pas seulement au lointain despote russe que le pontife de la rue Monsieur-le-Prince envoya son coup d'encensoir. Dans sa Circulaire du 15 Moïse 69 (calendrier positiviste), Auguste Comte écrivait :

... «En ce qui me concerne, je dois ici rendre un hommage spécial à la « Dictature actuelle du peuple central, heureusement qualifiée de Sociaa lisme impérial par un éminent positiviste britannique. Si le socialisme << parlementaire et démagogique avait momentanément prévalu, je n'au<< rais point accompli ma construction religieuse avec la pleine liberté << dont elle fut dignement entourée. »

Que doit penser l'avocat de Baudin d'une telle action de grâces rendue au 2 Décembre et à son résultat? Ainsi bénit, à son début, de la main du pape positiviste, le second Empire a eu d'autres conséquences, hélas ! pour notre malheureuse France que l'éclosion d'un culte mort-né!

CH. PELLARIN.

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LA PHILOSOPHIE POSITIVE.

SOMMAIRE DU NUMÉRO DE SEPTEMBRE-OCTOBRE 1881.

L'ensemble de la science mathématique : résumé des idées d'Auguste Comte, par G. Pinet; Les races d'hommes de la Nouvelle-Guinée, par Maurice Maindron; Essais sociologiques (suite), par Ch. Mismer; — Études sur la marche du progrès dans l'humanité, par Marc Régis; La thèse de la morale posée dans sa rigueur et sa généralité, par E. de Pompery; - Les élections nouvelles et la vieille politique, par G. Wyrouboff; La philosophie positive d'Auguste Comte résumée par Jules Rig, par G. Wyrouboff; Variétés La notion de force en philosophie; erreurs

courantes à ce sujet, par H. Blondel; - Bibliographie.

REVUE DE THÉOLOGIE ET DE PHILOSOPHIE.

SOMMAIRE DU NUMÉRO DE JUILLET 1881.

La

De la théorie du sacrifice lévitique, d'après Baehr et Oehler, par Gretillat; critique biblique moderne appréciée par un pasteur congrégationaliste anglais, traduit par H. Cordey; Réaction du droit sur la théologie; - Variété : La société religieuse des Amis (ou quakers); Bulletin.

SOMMAIRE DU NUMÉRO DE SEPTEMBRE 1881.

La version Osterwald revisée, par H. Vuilleumier; - L'Église et la liberté d'enseignement, d'après le professeur Haupt; Dieu et l'homme. I. Seconde partie : Le corps et l'âme, du Dr H. Ulrici, par J.-F. Astie; Bulletin.

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REVUE CHRÉTIENNE.

SOMMAIRE DU NUMÉRO DE SEPTEMBRE 1881.

Les peines éternelles, par G. Steinheil; H. Mouron; — Chronique anglaise, par E.

sensé.

- De l'éducation des femmes (suite), par W.; - Revue du mois, par E. de Pres

SOMMAIRE DU NUMÉRO D'OCTOBRE 1881.

La notion et le rôle de la Loi dans la théologie de saint Paul, par E. Menegoz; - De l'éducation des femmes (suite et fin), par H. Mouron; - Chronique littéraire, par A. Sabatier ; Le général Garfield, par D. Coussirat; littéraires;

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Revue du mois.

SOMMAIRE DU NUMÉRO DE NOVEMBRE 1881.

Poésie;

Notices

Le positivisme et son fondateur Auguste Comte, par E. Rohrich;

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saint Paul ou l'évangélisation de la France, par Dartigue; - La loi du travail, par E. W.; Chronique allemande, par Lichtenberger; - Notice littéraire, par Alone; - Revue du mois, par E. de Pressensé.

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LA REVUE OCCIDENTALE.

SOMMAIRE DU NUMÉRO DE JUILLET 1881.

Calderon de la Barca, par Jorge Lagarrigue; - De quelques aspects publics du positivisme, par Édouard Spencer Beesly; - Littré et le positivisme, par le Dr Robinet; La République et le prolétariat, par Paul Foucart; - Bulletin; Nouvelles et documents.

SOMMAIRE DU NUMÉRO DE SEPTEMBRE 1881.

Calderon de la Barca, par Jorge Lagarrigue (fin); — De l'union nationale, discours prononcé par Pierre Laffitte; — La diplomatie française, par Pierre Laffitte; Bulletin ; Nouvelles et documents.

SOMMAIRE DU NUMÉRO DE NOVEMBRE 1881.

Essais sur la philosophie des mathématiques, par Auguste Comte (suite et fin); Questions sociales (septième article), par Fabien Magnin; - Variétés : Chronique du progrès; A propos de morale; Une statue à Danton; Bulletin ; Nouvelles et documents.

LA FILOSOFIA DELLE SCUOLA ITALIANE.

SOMMAIRE DU NUMÉRO DE JUIN 1881.

--

Sur la synthèse ultime du savoir et de l'être, seconde lettre au professeur Bertinaria, par Mamiani; - Philosophie de Kant; phénomènes et noumènes, par Felice Tocco; De la méthode de philosopher de Socrate, par G. Zuccante; phie; - Notices.

SOMMAIRE DU NUMÉRO D'AOUT 1881.

La spiritualité de l'âme

--

Bibliogra

humaine, par A. Marconi; - Les sens et l'intelligence par Bain, par G. Fontana; De la méthode de philosopher de Socrate, par G. Zuccante; Bibliographie; Notices.

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De la science économique, par Mamiani; - La spiritualité de l'âme humaine, par A. Marconi; Observations et considérations sur une petite fille, par L. Ferri;

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