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la publication? M. Foulon critique, il est vrai, la mesure d'exception contre la liberté individuelle; mais remarquez que le droit de critiquer les lois et les institutions qui nous régissent, est inséparable du gouvernement représentatif. Sous ce gouvernement, les lois appartiennent à tous les citoyens, chacun en peut faire la censure afin de prévenir les abus des mauvaises lois : car il peut y avoir de mauvaises lois.

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Eh bien, si M. Foulon a dit que « l'arbitraire, revêtu de la forme de la loi, ne prescrivait point contre les lois éternelles que Dieu a gravées dans tous les cœurs, » le despotisme seul pourrait lui faire un crime d'avoir annoncé que son triomphe ne serait pas éternel; et le gouvernement, après avoir, par l'organe des ministres, avoué l'arbitraire des lois qu'il a demandées, le gouvernement ne veut pas, sans doute, que l'on croie à l'éternelle durée des lois arbitraires.

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L'humanité et la justice, dit M. Foulon, sont évidemment meconnues dans les dispositions d'une mesure qui livre la liberté, la fortune, l'honneur, la réputation, la santé, la raison et même la vie des citoyens, à la merci de la politique, de la haine, de la vengeance, de la corruption, de la bassesse, de l'intérêt, de la peur, de tous les caprices, de toutes les passions de quelques individus principaux, et 'd'une foule d'agens et de fauteurs de l'arbitraire. » Mais M. Foulon a cru que cette critiqué de la loi était justifiée par les refus des garanties que semblait peut-être exiger l'humanité, pour l'application d'une loi si terrible.

La justice, a-t-il pu se dire, est méconnue par la loi nouvelle, puisque, par une exception aux règles ordinaires, les lettres ministérielles, en vertu desquelles on arrête un suspect, ne font pas mention du délit dont on le soupçonne; puisqu'on ne lui fait point connaître à lui-même les causes de son arrestation.

L'humanité est méconnue par la loi nouvelle, puisqu'on

ne s'est pas engagé à procurer à des citoyens détenus au secret, une nourriture supportable; puisqu'on ne permet à aucun ami ou parent du suspect de s'enfermer avec lui; puisqu'on ne prévient point sa famille de son arrestation, ou de sa mort, s'il décède en prison.

-Trouve-t-on, dans cette critique que M. Foulon a faite de la loi, une provocation à lui désobéir? L'humanité et la justice sont méconnues par elle, voilà ce qu'a dit M. Foulon, en usant du droit que l'orateur du gouvernement a reconnu aux écrivains. « On peut, disait-il, contester la justice et la » convenance d'une loi pénale comme de toute autre loi; on » peut en demander le changement. » M. Foulon n'a pas fait autre chose : il a contesté la justice et l'humanité de la loi nouvelle.

Après avoir signalé les vices de la loi, les prévenus ajoutent: Lorsque le pouvoir institué pour protéger, abjure malheureusement cette noble fonction, l'humanité ordonne à tous les membres d'un État libre de se réunir: pourquoi? pour résister à l'exécution de la loi? non; pour porter appui et consolation à l'opprimé. Voilà, ainsi que vous l'a dit un des orateurs qui m'ont précédé, une étrange provocation à la désobéissance aux lois!

Mais, dira-t-on, et c'est ici l'argument favori du ministère public, les lois n'oppriment jamais, et M. Foulon a eu tort d'annoncer que les secours de la commission seraient accordés aux victimes de la loi suspensive de la liberté individuelle. Je réponds en niant le principe. Si une loi rétablissait demain la torture, diriez-vous que la loi n'opprime jamais? N'était-ce pas aussi des lois qui, en 93, envoyaient à l'échafaud des milliers de victimes? Direz-vous qu'alors les lois n'étaient pas oppressives?

Le ministère public vous a dit, il vous a souvent répété que les journalistes avaient confondu, sous le nom de victimes, les innocens et les coupables; qu'ils avaient offert une prime

d'encouragement à tous les scélérats qui pouvaient méditer contre la personne de nos princes le crime affreux dont Louvel leur a donné l'exemple. Messieurs, vos consciences vous ont signalé l'erreur involontaire, sans doute, mais pourtant évidente, du ministère public. Promettre des secours aux victimes, est-ce promettre des secours aux coupables? A-t-on jamais dit que les coupables fussent les victimes des lois?

A quoi se réduit l'accusation? On reproche à M. Foulon d'avoir, attaqué l'autorité constitutionnelle du Roi et des Chambres: il a au contraire défendu cette autorité contre les envahissemens du pouvoir ministériel; -D'avoir provoqué à la désobéissance aux lois : il a, au contraire, encouragé au respect des lois, en ne promettant des secours qu'à ceux qui auraient été injustement frappés par les mesures d'exception, qu'à ceux qui en auraient été victimes.

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Quel est donc le secret motif des accusations multipliées dont les écrivains sont depuis quelque temps devenus l'objet? Voudrait-on frapper d'une terreur muette tous les amis d'une sage liberté? Jusqu'ici, des accusations partielles avaient poursuivi les défenseurs des institutions écrites dans la Charte, les adversaires des lois d'exception. Ils signalaient. des abus on les accusait d'attaquer la personne du monarque ou l'autorité des Chambres. Ils critiquaient des lois qui leur paraissaient contraires à la loi fondamentale: on trouvait dans leurs critiques des provocations à la désobéissance aux lois. Le jury partageait rarement l'opinion du pouvoir accusateur, et le pouvoir accusait le jury lui-même, déplorait le scandale de l'impunité, proclamait le jury peu capable de connaître des délits politiques, et se montrait disposé à calculer, sur le nombre des condamnations, le degré de son estime pour les juges.

Aujourd'hui des prévenus ne sont pas isolément traduits devant vous. Qui a pu déterminer l'éclat de ces accusations

áccumulées? Pourquoi, d'un autre côté, les premiers coupables, les vrais auteurs de la souscription, les députés, n'ont

ils

pas été poursuivis? S'est-on flatté d'obtenir des condamnations plus faciles contre des bommes privés, et de faire rejaillir sur une partie de la Chambre la défaveur d'un jugement prononcé contre de simples particuliers? Veut-on frapper les complices, pour flétrir les auteurs, en paraissant respecter leur inviolabilité ? Ces calculs, s'ils ont pu exister, seront déçus; vainement le pouvoir aurait-il essayé d'altérer votre noble institution, d'opposer les opinions politiques des juges aux opinions des prévenus. Ministres des lois, vous avez sacrifié à la justice toutes les passions humaines. L'arbitraire pourra se débattre au pied de ce tribunal auguste : vous imposerez silence à ses conseils ; vous vous souviendrez que les jugemens ne doivent effrayer que le crime, et jamais l'innocence.

Ainsi, Messieurs les jurés, an milieu des malheurs de la patrie, si toutes les libertés des citoyens devenaient un instant la conquête du pouvoir, si la presse était enchaînée, si toutes les garanties sociales étaient brisées, du moins, en portant leurs regards sur vous, les Français pourraient se dires Nous n'avons pas tout perdu; le jury nous reste

encore. »

M. Mocquard, avocat de M. Gossuin, éditeur de la Bibliothèque historique.« Messieurs, une double accusation pèse sur l'éditeur responsable de la Bibliothèque historique: celle du délit commun, l'annonce de la souscription; celle du délit particulier, qui consiste à avoir publié, dans le même numéro de l'ouvrage, un article intitulé du Despotisme ministériel.

Je vais, autant qu'il est en moi, les repousser plutôt par la réunion des circonstances qui excusent, que par la discussion du droit qui absout: il a été traité avec profondeur.

Parmi les faits qu'a recueillis la Bibliothèque historique, il s'en trouve un assez grand nombre qu'aurait d'abord supprimés la fausse prudence de ces dépositaires timides de la vérité, qui, avant de la répandre, songent plus aux individus qu'elle choque, qu'à la foule qu'elle éclaire. Affermis et persévérans dans leurs recherches, les auteurs de ce recueil les ont publiés tous, sans acception de choses et de personnes, sans accommodement avec tant de susceptibilités de tout genre. Eh bien, si l'ordre administratif n'a pas eu une prévarication, l'ordre judiciaire une injustice, le pouvoir le plus élevé une oppression, le plus subalterne une tracasserie, qui, consignée là, gardée comme preuve à l'avenir, y vivra long-temps peut-être, et pour la honte des uns, et pour l'exemple des autres; doit-on s'étonner qu'un projet géné reux s'y rencontre ?

On va plus loin, on s'en indigne. Pourquoi? n'était-il pas naturel de l'accueillir quand il n'aurait eu d'autre effet que de rompre la triste uniformité de plusieurs volumes d'abus, et, par un exemple d'humanité, reposer l'esprit de tant d'actes qui la déshonorent.

Comme fait remarquable, il avait sa place naturelle dans un registre qui les rassemble tous. Comme fait utile aux malheureux, il méritait la plus honorable. Le but de l'entreprise, la destination du livre concouraient également à l'insertion et la justifiaient.

Qu'il s'évanouisse donc ce reproche, d'avoir saisi avec avidité ces nouveaux élémens d'une sédition habilement combinée. C'est une méprise. La matière des abus sera long-temps riche encore, et grossira chaque jour de pareils ouvrages, sans qu'il soit besoin de recourir à des supplémens mensongers et à de grossiers déguisemens.

Ah! s'il existe quelque transformation, qu'on nous dise franchement lesquels l'ont opérée, de ceux qui publient l'avis d'un soulagement à l'infortune, ou de ceux qui pré

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