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son amende serait aussitôt payée. Nous vous le demandons, une semblable publication, à ne la considérer

que dans le fond des choses, dans le fait même annoncé, et quelle que puisse être la modération et l'adresse de la forme, une semblable publication ne serait-elle pas une protestation manifeste contre la loi? Ne serait-elle pas une provocation évidente à faire précisément ce que la loi défend, c'est-à-dire à commettre des délits de la presse? Ne serait-elle pas, en un mot, et une attaque contre l'autorité législative qui viendrait de porter la loi, et une provocation à la désobéissance aux lois?

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Autre exemple. Le jury n'est pas institué ; il s'agit de le créer. Une loi paraît qui l'organise. A l'instant même et le lendemain de la promulgation de cette loi, des hommes qui ont repoussé cette institution avee opiniâtreté, ouvrent et publient uné souscription. Ils rappellent une partie des objections qu'ils ont déjà opposées à l'institution du jury. Ils déclarent que les citoyens ne doivent pas être arrachés malgré eux aux affaires personnelles, souvent très-importantes, qui les occupent. Ils prétendent qu'on ne peut forcer un citoyen qui n'a pas choisi la carrière de l'étude des lois, à condamner son semblable à mort ou à des peines afflictives. Ils an noncent donc que toute personne désignée pour le jury, qui sera condamnée à l'amende pour ne s'être pas présentée, n'aura qu'à s'adresser au comité qu'ils établissent, et que, sur-le-champ, les amendes prononcées seront payées. Nous vous le demandons encore, une semblable souscription, à ne considérer que le fait même indépendamment des expressions plus ou moins modérées dans lesquelles l'annonce sera conçue, une semblable souscrip

tion n'aura-t-elle pas pour effet immédiat et certain de détruire, dès sa naissance, l'institution du jury? Ne serace pas en même temps et un acte de révolte contre le législateur, et une provocation à désobéir à la loi ? Une semblable souscription, en un mot, n'annulera-t-elle pas la loi fondamentale du jury, de même que la souscription dont il s'agit ici annule et paralyse la loi exceptionnelle du 26 mars ?

Reconnaissons donc que le fait même, indépendamment des expressions, peut constituer, et constitue effectivement ici un délit. Reconnaissons que, sous ce rapport, les deux écrits des 30 et 31 mars se réunissent, sans qu'on puisse les séparer. Concluons, enfin, que, sous le même rapport, la culpabilité de l'un et de l'autre est prouvée.

On nous a fait, sur ce point, une dernière objection que nous devons repousser. Lorsqu'il s'agit, nous a-t-on dit, de la proposition d'un fait, chacun est libre d'expliquer les intentions qu'il a eues en faisant cette propoşition. Il les connaît mieux que personne, et l'on doit toujours croire à ces déclarations d'intention.

Si l'on prenait dans sa généralité ce principe, il faut convenir qu'il conduirait loin. Il n'existerait pas un seul délit qui pût être puni, car il n'existe guère d'accusé qui ne s'empresse de dire : « Croyez à la pureté de mes intentions. >>

Oui, Messieurs, l'on doit croire aux déclarations d'intention, lorsqu'elles sont confirmées par les faits, et qu'elles ont pour appui les circonstances de l'affaire ; mais elles doivent être rejetées, quand il en est autrement. Et c'est précisément à ce droit d'examiner l'inten

tion qui a présidé à l'acte incriminé, que se rattache le premier et le plus important des devoirs propres aux augustes fonctions de jaré.

Il ne nous reste plus maintenant, Messieurs, qu'à revenir sur ce qui regarde la souscription considérée quant aux termes des écrits par lesquels elle a été annoncée,

Nous avions commencé nous-mêmes par reconnaître la différence qui existe, sous ce rapport, entre les deux écrits du 30 et du 31 mars. Il n'entre pas dans notre plan de revenir aujourd'hui sur ce que nous avons eu l'honneur de vous dire, dans notre première discussion, sur ce qui tient à l'appréciation de ces écrits. Nous ne pouvons que répéter sans cesse que les meilleures raisons sont toutes dans vos consciences, et que c'est à elles que nous nous en rapportons avec toute confiance. Mais nous devons continuer à rétablir les principes. Pour justifier le préambule qui précède l'annonce de la souscription, dans l'écrit du 30 mars, ce préambule, qué la défense elle-même a qualifié de virulent, on a cherché à vous le faire considérer comme ne présentant qu'une théorie, et l'on a ajouté que les théories ne sont pas punissables.

Sans doute, les théories sont permises, et l'on ne pourrait punir l'homme auquel il plairait d'imaginer et de publier, sur telle ou telle matière, des systèmes nouveaux, lors même qu'ils seraient en opposition avec les bases reconnues par les lois; mais, pour qu'il en soit ainsi, il faut que ces théories ne soient que des théories; il faut que ces systèmes soient sans application à la France; il faut que ces systèmes ne s'appliquent ni

à telle lọi, ni à tel droit ou à tel pouvoir constitutionnel : il faut, en un mot, qu'ils soient étrangers à l'état légal du pays, sans quoi ils rentrent dans l'application des lois protectrices des institutions du pays. Ces principes sont encore ceux qui ont été professés par M. le gardedes-sceaux. Il s'exprimait ainsi : « Une question traitée >> d'une manière absolument générale, et sans qu'on » puisse en faire application à la France, ni à la maison >> régnante, ne peut être incriminée; elle ne l'est, » qu'autant qu'elle peut s'appliquer à l'une et à l'autre ; » alors seulement elle prend le caractère de provocation, » et c'est ce caractère que l'article doit énoncer. »>

Or, peut-on dire ici que le préambule dont nous nous occupons, soit une théorie générale et sans application ? Cette question nous rappelle ce mot dont l'un des défenseurs a tant parlé, et dont il a cru pouvoir tirer un si grand parti. Vous vous en souvenez, Messieurs ; à lui seul, ce mot prouvait tout, et écartait toute culpabilité de l'écrit du 30, de cet écrit dont on était forcé toutefois d'avouer la virulence. Quel est ce mot? Le voici : EN CONSÉQUENCE !... On en conviendra, nous l'espérons, voilà un nouveau prodige de l'art des commentaires. Eh bien! il appartient encore au même défenseur qui ne veut pas de commentaires!

Quoi qu'il en soit, nous nous emparons de son observation, et nous lui répondons par ses propres paroles : Non, il ne s'agit pas d'une simple théorie sans application, dans le préambule de l'écrit du 30 mars; les mots EN CONSÉQUENCE forment la liaison de ce qui précède avec ce qui suit; ils prouvent l'application des principes du préambule à l'annonce de la souscription qui les suit.

L'écrit tout entier est donc dirigé contre la loi du 26 mars. Et vraiment, pourquoi insister sur ce point, puisque l'écrit lui-même parle précisément de la loi qui vient de paraître sur la liberté individuelle ?

Devons-nous répondre plus sérieusement à une autré objection qui a encore été faite, quant aux termes des écrits des 30 et 31 mars, et qui s'applique à tous deux ? On vous a dit que ces deux écrits n'étaient que le résumé de la discussion de l'opposition dans les Chambres.

Qu'importe qu'il en soit ainsi?Le titre de pair de France, ou de député, et la liberté de la tribune, donnent aux membres des deux Chambres des droits qui ne sont pas ceux des simples citoyens. Et, d'ailleurs, les pairs ou les députés qui discutent un projet de loi, ne discutent pas une loi déjà faite. C'est, au contraire, ici, contre une loi déjà promulguée, que sont dirigés les articles inculpés.

Vous concevez facilement, Messieurs, que nous n'avons jamais entendu faire un reproche de l'énumération des amendemens rejetés par la Chambre des députés. Il est bien évident qu'on a eu le droit de les rappeler comme faits historiques; mais le droit qu'on n'a pas eu, c'est celui de dénaturer, d'envenimer les motifs du rejet qui a ; été fait, de ces amendemens à la Chambre des députés, et de présenter, comme on l'a fait, le législateur comme ayant agi dans un but d'oppression et de cruauté, lorsqu'il n'a eu pour but que de ne pas rendre la loi inutile et sans efficacité.

Après avoir ainsi rétabli les principes sur les deux parties de la division qui avait été la base de notre première discussion, il ne nous reste plus, Messieurs, que quelques mots à vous dire en réponse aux objections tirées de

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