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DE

LA SOUSCRIPTION NATIONALE.

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FAITS ET PROCÉDURE.

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LE 26 mars 1820, la loi suivante, qui avait été adoptée par la Chambre des députés et la Chambre des pairs, a été promulguée :

Art. 1. Tout individu prévenu de complots ou de machinations contre la personne du Roi, la sûreté de l'État et les personnes de la famille royale, pourra, sans qu'il y ait nécessité de le traduire devant les tribunaux, être arrêté et détenu en vertu d'un ordre délibéré dans le conseil des ministres, et signé de trois ministres au moins, et dont il lui sera laissé copie.

2. Tout prévenu, arrêté en exécution du précédent article, sera directement conduit dans la maison d'arrêt du tribunal de l'arrondissement de sa résidence, ou de l'arrondissement dans lequel il aura donné lieu à ladite prévention.

Le geolier ou gardien de la maison d'arrêt remettra, dans les vingt-quatre heures, une copie de l'ordre d'arrestation au procureur du Roi, qui, soit par lui-même, soit par l'un de ses substituts, entendra immédiatement le détenu, l'interrogera, tant sur les faits qui seront à sa connaissance, que sur les documens transmis par le ministère, dressera procèsverbal des dires et des réponses du détenu, recevra de lui tous mémoires, réclamations et autres pièces, et enverra le

tout, sans délai, par l'intermédiaire du procureur-général, au ministre de la justice, pour en être fait rapport au conseil du Roi qui statuera.

3. Ce rapport, la décision du conseil, soit pour le renvoi du prévenu devant les juges compétens, soit pour sa mise en liberté, en lui donnant connaissance par écrit des causes de son arrestation', devront avoir lieu dans les trois mois au plus tard qui suivront l'envoi fait des pièces ci-dessus au ministre de la justice par le procureur-général.

4. Si la présente n'est pas renouvelée dans la prochaine session des Chambres, elle cessera de plein droit d'avoir son effet.

5. La présente loi ne déroge en rien aux dispositions du droit commun, relatives à la forme des arrestations et au temps pendant lequel elles peuvent être faites.

La présente loi, discutée, délibérée et adoptée par la Chambre des pairs et par celle des députés, et sanctionnée par nous cejourd'hui, sera exécutée comme loi de l'État; voulons, en conséquence, qu'elle soit gardée et observée dans tout notre royaume, terres et pays de notre obéissance.

SI DONNONS EN MANDEMENT à nos cours et tribunaux, préfets, corps administratifs, et tous autres, que les présentes ils gardent et maintiennent, fassent garder, observer et maintenir, et, pour les rendre plus notoires à tous nos sujets, ils les fassent publier et enregistrer partout où besoin sera : car tel est notre plaisir; et afin que ce soit chose ferme et stable à toujours, nous y avons fait mettre notre scel.

Donné à Paris, au château des Tuileries, le vingt-sixième jour du mois de mars de l'an de grâce 1820, et de notre règne le vingt-cinquième.

Signé LOUIS.

Par le Roi,

Le ministre secrétaire-d'Etat qu département de

l'intérieur,

Signé SIMEON.

Le même jour, 26 mars, le Courrier français a annoncé qu'il se formait à Nantes une Société d'assurance mutuelle qui garantirait des secours et des indemnités à ceux qui seraient atteints par la loi contre la liberté individuelle.

Le 30, il a été publié par le Constitutionnel, le Censeur européen, l'Indépendant, la Renommée et le Courrier, un article ainsi conçu :

Souscription nationale, en faveur des citoyens qui seront victimes de la mesure d'exception sur la liberté individuelle.

<«<L'arbitraire, revêtu de la forme de loi, ne prescrit point contre les lois éternelles que Dieu à gravées dans tous les cœurs. Les droits les plus légitimes, les plus sacrés, les plus inhérens à la nature; les droits qui ont précédé toutes les sociétés, qui président à leur existence, et qui ne peuvent jamais être ni abolis ni suspendus, sont ceux de la justice et de l'humanité.

L'humanité et la justice sont évidemment méconnues dans les dispositions d'une mesure qui livre la liberté, la fortune, l'honneur, la réputation, la santé, la raison, et même la vie des citoyens à la merci de la politique, de la haine, de la vengeance, de la corruption, de la bassesse, de l'intérêt, de la peur, de tous les caprices, de toutes les passions de quelques individus principaux, et d'une foule d'agens et de fauteurs de l'arbitraire.

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que

» La discussion la plus solennelle a consacré les vérités nous venons d'exposer. Les dépositaires de l'autorité sout venus leur donner une nouvelle force, en refusant,

1°. De faire mention, sur l'ordre en vertu duquel on arrête un suspect, du délit dont on le soupçonne;

» 2°. De lui faire connaître à lui-même les causes de son'

arrestation;

» 3°. De lui donner un conseil pour l'aider dans sa défense, ni personne qui l'assisté, alors même qu'il ne saurait ni lire ni écrire ;

» 4°. Des'engager à lui procurer une nourriture supportable; » 5o. De permettre à aucun parent ou ami du suspect de s'enfermer avec lui pour le préserver du désespoir ou de la démence, suité trop fréquente du secret;

» 6°. De prévenir sa famille de son arrestation, si elle a lieu hors de son domicile; de sa mort, s'il mourait en prison; » 7o. D'encourir aucune responsabilité pour une arrestation dénuée de fondement;

» 8°. De publier aucune liste de suspects arrêtés; de rendre compte aux Chambres des arrestations;

»9°. De s'expliquer sur la faculté qu'aura le ministère d'arrêter de nouveau un suspect deux heures après son élargissement, et de perpétuer ainsi sa détention;

» 10°. De laisser les journaux ouverts aux réclamations, bien que ces journaux le soient aux injures, aux całomnies et aux dénonciations.

» Ce déplorable régime sur la liberté individuelle, combiné avec l'irresponsabilité des ministres et la responsabilité illusoire de leurs agens, avec l'extinction de toute publicité, les restrictions qui menacent le droit de pétition, la censure, qui atteint la tribune nationale elle-même, la ruine imminente du droit d'élection, les violations multipliées de la Charte révèle un système complet d'arbiiraire qui laisse la nation sans aucune garantie, et place chaque individu hors de la protection de la loi fondamentale de l'État..

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› Lorsque le pouvoir, institué pour protéger, abjure malheureusement cette noble fonction, l'humanité ordonne à tous les membres d'un État libre de se réunir pour porter appui et consolation à l'opprimé.

» En conséquence, le projet de la présente souscription a été conçu pour offrir à chaque Français un moyen de venir au secours de ses compatriotes victimes de l'arbitraire, et d'être lui-même secouru par chacun d'eux. Tous sont donc également invités à prendre part à cette sorte d'assurance mutuelle qui est dans le caractère national et dans les vrais principes de la liberté.

» Il y aura à Paris un conseil central d'administration, chargé de suivre auprès du ministère les réclamations des Français frappés par les mesures d'exception.

» Ce comité fera toutes les démarches nécessaires pour adoucir les rigueurs du régime exceptionnel envers les citoyens, et leur procurer, ainsi qu'à leurs familles, les secours de toute nature que leur situation réclamera, et qu'il sera possible de leur donner..

>> Le comité sera composé de MM. Lafitte, Casimir Périer, Lafayette, d'Argenson, Kératry, députés, Joly (de SaintQuentin), manufacturier; Gévaudan, administrateur des. messageries; Odillon-Barrot, avocat à la cour de cassation; Pajol, lieutenant-général; Étienne, homme de lettres; Mérilhou, avocat à la cour royale, etc., etc.

» Il entretiendra une correspondance active et suivie dans tous les départemens de la France, à l'effet d'obtenir tous les renseignemens nécessaires pour atteindre d'une manière prompte et efficace le but que se proposent les souscripteurs. » Le comité recevra le produit des sommes versées à Paris et dans les départemens.

» Il en disposera selon les besoins et d'après l'avis d'un conseil particulier établi à Paris et dans chacun des départemens, et dont les membres seront choisis parmi les souscripteurs.

» Toutes les fois qu'il y aura lieu, le comité publiera un compte rendu de sa gestion, avec indication de l'emploi des fonds.

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