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DÉBATS ET PLAIDOIRIES.

AUDIENCE DU 29 JUIN.

A 9 heures, la salle est remplie d'avocats, de députés, d'officiers généraux, d'hommes de lettres et de dames élégamment vêtues.

Les 14 prévenus arrivent successivement. Ils reçoivent les salutations empressées d'un grand nombre de personnes.

A 10 heures et demie, ils ont été appelés dans la Chambre du Conseil, pour être témoins du tirage des jurés au sort, et pour exercer leur droit de récusation. Ils ont épuisé ce droit, en faisant douze récusations. M. l'avocat-général de Broë a également usé du sien dans toute son étendue ; mais il n'a exercé que dix récusations, la Cour ayant désiré que deux jurés supplémentaires assistassent aux débats. Le jury s'est trouvé composé de MM. Constant-Toussaint, Martin, Dussart, Blenne, Duponcel, Boulard père, Lescot, Callagham, Petit de Gatines, Buquet, Puget père, Delafrenay-Trédon; jurés supplémentaires, MM. Langlacé et Lapeyrière.

La Cour, les jurés et les prévenus, étant rentrés dans la salle d'audience, et chacun ayant pris place, M. le président Moreau fait aux prévenus les questions d'usage sur leurs noms, prénoms, etc. Les jurés prêtent serment.

Le greffier donne lecture de l'arrêt de mise en prévention.

M. le président procède ensuite à l'interrogatoire des prévenus.

Demande : « M. Bidault, vous étiez responsable du Constitutionnel?

Réponse: Oui, M. le président.

D. Vous avez fait insérer, dans le numéro du 30 mars de cette feuille, un article ayant pour titre Souscription nationale?

R. Oui, monsieur.

D. Êtes-vous l'auteur de cet article ?

R. Non, monsieur. Il m'a été envoyé par cinquante députés.

D. Était-il signé?

R. Il portait les signatures de MM. Kératry, Manuel, Lafitte et autres.

D. C'est sur la foi de ces signatures que vous avez publié l'article?

R. Oui, monsieur. J'ai pris en outre, la précaution d'envoyer M. Baudouin (Hippolyte) chez M. Lafitte, pour avoir la certitude que l'article était bien de ces messieurs.

D. Vous ne pouviez pas en douter, si, comme vous le dites, il portait leurs signatures?

R. Je voulais savoir si les signatures étaient vraies.

D. Vous avez sans doute gardé le manuscrit qui portait ces signatures.

R. A la fin de chaque mois, on brûle tous les manuscrits qui ont servi à la composition du journal.

D. Ayant été déjà plusieurs fois dans le cas de paraître en justice, comment n'avez-vous pas pris le parti de garder les minutes, au lieu de les brûler?

R. C'est l'usage de les brûler, et je n'ai pas vu la nécessité de les garder.

D. Vous avez envoyé à d'autres journaux une épreuve de l'article?

R. Ce n'est pas moi qui ai envoyé les épreuves; elles ont été envoyées en mon absence.

Un juré: Était-ce à une époque déterminée, que l'on

brûlait les manuscrits?

R. C'était le premier, ou le dernier jour du mois.

M. le président : Ainsi, le premier jour du mois, on brûlait, par exemple, la minute de l'article qui avait été inséré la veille?

R. C'était l'usage.

D. M. Comte, savez-vous qui a rédigé l'article du 30 mars, qui a aussi été inséré dans votre journal, le Censeur européen?

R. Non, M. le président. Je savais que, dans la Chambre des députés, il avait été arrêté entre plusieurs membres, qu'une souscription serait ouverte. N'étant pas au bureau de mon journal, lorsque l'épreuve du Constitutionnel y a été apportée, mais ne doutant pas que l'article ne fût l'ouvrage des députés, je n'ai pas fait dif ficulté, lorsque je suis revenu au bureau, d'insérer l'article dans mon journal.

D. M. Dunoyer, avez-vous quelques observations à faire? R. J'ai à en faire de toutes particulières. Le Censeur avait deux éditeurs responsables, M. Comte et moi; mais nous étions responsables alternativement, et non point simultanément. Tour à tour, chacun de nous signait seul l'exemplaire envoyé à la Préfecture de police. Celui qui signait pouvait seul être responsable, parce que seul il avait composé la feuille. Or, le numéro qui contient l'article sur la Souscription nationale n'a point été signé par moi.

M. le président : Vos explications seront appréciées, j'en suis sûr, par MM. les jurés et par le ministère public. » M. le président continue l'interrogatoire.

D. «M. Bert, quelles précautions avez-vous prises, pour mettre votre responsabilité à couvert, en publiant, dans l'Indépendant, l'article du 30 mars ?

R. Au moment où une épreuve de l'article me fut apportée du bureau du Constitutionnel, j'étais occupé à rédiger la séance de la Chambre des députés. Je voulus d'abord rejeter l'article, ne croyant même pas qu'il resterait dans ma feuille l'espace nécessaire pour le contenir. On insista, en disant que MM. les députés désiraient une prompte publication; je cédai. La lecture de l'article ne m'y avait rien fait apercevoir qui fût repréhensible; et j'étais d'ailleurs persuadé que les rédacteurs du Constitutionnel l'avaient bien examiné. >>

Répondant aux questions de M. le président, M. Legracieux, éditeur de la Renommée, déclare que l'article lui a été envoyé par le Constitutionnel; qu'il n'a vu, pour but de cet article, qu'une œuvre de bienfaisance, et qu'il n'a pas hésité à le publier...

M. Gaubert, éditeur du Courrier français, répond que l'article a été inséré dans sa feuille sans sa participation et par les ordres de M. Kératry, propriétaire du journal.

M. Voidet, éditeur de l'Aristarque français, dit que son journal paraissait le soir, et qu'on y mit tout naturellement l'article qui avait été publié le matin par d'autres journaux ; que d'ailleurs il était malade, et que ce n'est pas lui qui a fait l'insertion.

M. Foulon, éditeur des Lettres normandes, fait remarquer qu'à l'époque où il a répété dans son journal l'article dont il s'agit, cet article était déjà, depuis plusieurs jours, dans d'autres journaux ; qu'il n'avait donné lieu à aucune réclamation; qu'il contenait des noms honorables, et qu'il n'était relatif qu'à un acte de bienfaisance.

M. Gossuin, éditeur de la Bibliothèque historique, donne les mêmes explications. Interrogé sur l'article particulier, ayant pour titre : Du despotisme ministériel, il ne fait pas connaître le nom de l'auteur de cet article; il se borne à dire qu'il est responsable.

M. le président interroge ensuite les signataires de l'écrit daté du 31 mars.

D. « M. Gévaudan, êtes-vous l'auteur de cet écrit ? R. J'y ai coopéré et je l'ai signé.

D. Où a-t-il été rédigé ?

R. Chez un de mes amis.

D. Tous ceux qui ont coopéré à sa rédaction l'ont-ils signé ?

R. Je le pense.

D. M. Étienne, assistiez-vous à la réunion où l'écrit a été rédigé ?

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