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Les députés qui se réunissent chez M. Lafitte ont nommé aujourd'hui, à l'unanimité, les cinq commissaires qui font partie du conseil. On souscrit au bureau de toutes les feuilles constitutionnelles. Demain on fera connaître les nouveaux bureaux de souscription qui seront ouverts. »

L'Aristarque, qui qui ne paraissait que le soir, a répété cet articlė.

Il a été également répété, par les Lettres normandes et par la Bibliothèque historique. Ce dernier recueil contenait en outre un article ayant pour titre Du Despotisme ministériel, où se trou vait le passage suivant :

:

« Le gouvernement a demandé l'arbitraire, il n'a obtenu que l'absurdé pour le fond et pour la forme, tout est absurdité dans le régime sous lequel nous entrons; c'est ce qui arrive ordinairement, toutes les fois que l'on veut faire violence à la nature des choses. Le gouvernement a demandé l'arbitraire, disons-nous; l'arbitraire lui a été accordé : cependant il n'en jouit pas, car il a perdu en même temps la force indispensable pour l'exercer. Il est dissous, il n'est plus gouvernement que de nom. Les hommes qui le composent sous le titre de ministres ou d'agens du ministère, peuvent faire du mal; mais ils le peuvent à la manière des chefs de bande, sans cesse à la veille de subir, justement et avec ignominie, le sort des victimes innocentes qui tombent sous leurs coups. Leur puissance n'est plus que celle du pistolet dont parlé lé Contrat Social. Quant à leur autorité, elle s'est évanouie avec les institutions sur lesquelles elle reposait, attendu que l'arbitraire, même législativement proclamé, ne saurait être une loi: aucun corps délibérant ou autre n'ayant le pouvoir de concilier ce qui est contradictoire, de rendre identiques deux choses qui s'excluent,

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aucune décision humáiné ne pouvant abroger l'éternelle raison.

» Nous vivons donc sous l'absence des lois, en vertu d'une solennelle déclaration de la majorité de nos législateurs. En d'autres termes, nous vivons sous la tyrannie; et avoir mis publiquement en délibération la tyrannie, est une nouveauté dont il faut se féliciter, car aucun tyran ne se fût avisé d'un tel expédient. »

Un autre écrit à ensuite été publié dans la capitale. Il était conçu en ces termes :

Souscription pour le soulagement des personnes détenues en vertu de la loi du 26 mars 1820. Paris, de l'imprimerie de Baudouin frères, rue de Vaugirard, no 36. (1820.)

« Une loi d'exception à mis la personne de tous les Français à la discrétion de trois ministres. Il est impossible que, pour l'application de cette loi, et surtout dans les départemens, ces ministres ne s'en reposent sur des subalternes. Les citoyens sont donc inévitablement exposés aux effets des haines particulières, du zèle excessif et peu éclairé, et de dénonciations mensongères ou précipitées. Ces inconvéniens sont inséparables de toute législation arbitraire.

» Cette loi, en armant les ministres d'un pouvoir immense et de rigueurs inconnues dans notre droit public, a créé une classé nouvelle d'infortunés, d'autant plus dignes d'intérêt qu'ils peuvent être victimes d'inimitiés puissantes, et qu'aucune ressource légale n'assure pour eux, dans un avenir même éloigné, la manifestation de leur innocence. » Personne, disait Maléshérbes au nom de la cour des aïdes, personne n'est assez grand pour échapper à la vengeance d'un ministre, ou assez petit pour se dérober à l'inimitié d'un commis.

» La discussion de la Chambre des députés a constaté que le système des emprisonnemens, qu'on veut introduire,"

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Par les ordres de M. Portalis, sous-secrétaired'État au ministère de la justice, des poursuites ont été faites, à la requête de M. Jacquinot de Pampelune, procureur du Roi près le tribunal de mière instance du département de la Seine,

pre

1. Contre MM. Bidault, éditeur responsable du Constitutionnel; Comte et Dunoyer, éditeurs responsables du Censeur européen; Gaubert, du Courrier français, Legracieux, de la Renommée; Bert, de l'Indépendant, Voidet, de l'Aristarque français, Foulon, des Lettres normandes; Gossuin, de la Bibliothèque historique;

2o. Contre MM. Gévaudan, Étienne, OdillonBarrot, Mérilhou, le général Pajol et Joly (de' Saint-Quentin);

5. Et contre M. Alexandre Baudouin, impri→

meur.

Des mandats de comparution ont été délivrés contre eux tous, et ils ont été interrogés par M. le juge d'instruction Grandet.

Voici les demandes qui leur ont été adressées et les réponses qu'ils y ont faites.

M. LE LIEUTENANT-GÉNÉRAL COMTE PAJOL.

Demande. Etes-vous l'auteur de l'article inséré dans le Constitutionnel du 30 mars; intitulé: Souscription nationale en faveur des citoyens qui seront victimes de la mesure d'exception sur la liberté individuelle?

Reponse. Je n'ai eu connaissance de cet article que par les journaux. Certains journaux, et notamment la Gazette de France, ayant dénaturé nos intentions, et m'ayant particulièrement nommé, nous avons cru devoir faire connaître quelles étaient nos véritables intentions. Nous avons rédigé, signé et publié l'écrit que vous me présentez, intitulé: Souscription pour le soulagement des personnes détenues en vertu de la loi du 26 mars 1820. Nous n'avons cru en cela que faire un acte de bienfaisance, venir au secours de l'humanité souffrante. Nous n'avons cru ni contrevenir à aucune loi, ni provoquer à désobéir aux volontés du Gouvernement. Lecture faite, a persisté, etc. Signé PAJOL; GRANDET, juge d'instruction; DEROSTE, greffier.

M. ÉTIENNE.

D. Etes-vous l'un des auteurs de l'article inséré dans le Constitutionnel du 30 mars dernier, intitulé: Souscription nationale en faveur des citoyens qui seront victimes de la mesure d'exception sur la liberté individuelle, et de l'écrit intitulé Souscription pour le soulagement des personnes détenues en vertu de la loi du 26 mars 1820?

R. Je ne suis pas l'auteur de l'article inséré dans le Cons titutionnel; mais je reconnais avoir pris part à la brochure intitulée: Souscription pour le soulagement des personnes détenues. Ainsi que tous les autres signataires de cet écrit, j'ai voulu, par un exposé sincère de nos intentions, répondre aux insinuations calomnieuses qui avaient été insérées dans plusieurs journaux, et même dans le Moniteur,sur le but d'une souscription qu'on semblait vouloir faire regarder comme une association inconstitutionnelle et même séditieuse, tandis qu'elle n'était que l'accomplissement d'un acte de bienfaisance. Je ne connais rien dans les lois qui puisse empêcher les citoyens de venir au secours du malheur. Signe ÉTIENNE, etc.

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M. MÉRILHOU.

D. Êtes-vous, Monsieur, l'un des auteurs de l'article inséré dans le Constitutionnel du 30 mars dernier, et intitulé: Souscription nationale en faveur des citoyens qui seront victimes de la mesure d'exception sur la liberté individuelle et commençant par ces mots : L'arbitraire revétu de la forme de la loi ?

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R. Non, Monsieur; je n'en ai eu connaissance que par les journaux, et je l'ai toujours regardé comme un article de journal.

D. Reconnaissez-vous l'écrit que je vous représente, intitulé: Souscription pour le soulagement des personnes dé tenues en vertu de la loi du 26 mars 1820 ?

R. Oui, je le reconnais je n'en suis pas le seul auteur; mais je suis l'un des auteurs.

D. Vous êtes inculpé d'avoir, en publiant cet écrit, attaqué formellement le pouvoir constitutionnel du Roi et des Chambres, et d'avoir provoqué à la désobéissance aux lois.

R. La manière dont vous envisagez l'écrit en question est tout-à-fait contraire à l'intention que je crois qu'on a voulu manifester. Nous n'avons pas voulu nous opposer à l'exécution de la loi, mais soulager les personnes qui souffriraient par suite de cette exécution. Nous avons voulu assurer des secours à leurs familles, et amener la manifestation légale de leur innocence devant les tribunaux. C'est une œuvre de bienfaisance que je n'ai pas crue d'une autre nature que le soulagement qu'on donne à des condamnés, à des accusés, à des incendiés, et à d'autres classes de malheureux. En mon particulier, j'ai cru remplir le devoir commun de l'humanité, qui est de soulager l'infortune, et le devoir spécial de mon ministère, qui m'oblige par serment à soutenir la faiblesse et à éclairer l'ignorance.

J'étais d'autant plus éloigné de supposer de la criminalité

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