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R. C'est la première réunion de souscripteurs à laquelle j'aie assisté.

D. Quel jour l'écrit a-t-il été signé?

R. Je crois que c'est le 31 mars, puisqu'il porte cette date.

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D. Je vais vous faire connaître le but de ma question. L'écrit est daté du 31 mars; mais plusieurs personnes ont prétendu qu'elles ne l'avaient signé que parce leurs intentions avaient été dénaturées dans la Gazette de France. Or, la Gazette n'a parlé de la souscription que le 1 avril; comment aurait-on pu, le 31 mars, faire un écrit pour répondre à la Gazette du 1er avril ?

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R. Je n'ai pas dit que je fusse sûr que l'écrit avait été fait le 31 mars.

D. M. Odillon-Barrot, n'avez-vous pas dit que l'écrit daté du 31 mars n'avait été publié que pour répondre aux imputations de quelques journaux ?

R. Voici les faits. J'ai appris, le 30 mars, par le Constitutionnel, que je faisais partie du comité de la souscription. Le surlendemain, parurent dans les journaux d'une certaine couleur, et même dans le Moniteur, divers articles qui dénaturaient le but de cette souscription. Je sentis, et les autres membres du comité sentirent avec moi la nécessité de déposer, dans un écrit, l'expression publique de nos véritables intentions, et de maintenir à la souscription son caractère de pur acte de bienfaisance. Il est dès-lors impossible que cet écrit ait été fait avant le 2 ou le 3 avril.

D. Vous aviez vu votre nom figurer au bas de l'article du Constitutionnel; vous auriez pu désavouer cet article.

R. Je n'étais pas présenté comme signataire de l'article; j'étais seulement désigné comme faisant partie du comité. Jé ne pouvais désavouer officieusement un article qui ne m'était point attribué, sans le condamner; et comme je ne le condamnerais même pas aujourd'hui, j'étais bien éloigné alors de vouloir le faire.

D. M. Mérilhou, avez-vous quelques explications à ajouter?

R. Je puis en donner sur la véritable date de l'écrit. Il est certain qu'il n'a été rédigé et signé que le 3 avril. S'il a été daté du 31 mars, c'est parce que nous espérions qu'en lui donnant une date antérieure à l'installation de la censure, nous obtiendrions plus facilement son insertion dans les journaux. »

M. Pajol déclare qu'il n'a pas d'autres explications à donner.

On passe à l'audition des témoins.

M. Alexandre Baudouin, unique témoin à charge, dépose qu'il a imprimé l'écrit daté du 31 mars; que cet écrit lui avait été envoyé par plusieurs députés, et que M. Kératry en avait corrigé l'épreuve.

Le témoin ajoute qu'il a fait, le 5 avril, à la police, la déclaration de vouloir imprimer cet écrit; et que, le lendemain, il y a déposé les cinq exemplaires; qu'il aurait cependant pu se dispenser de remplir ces formalités, attendu qu'on s'en affranchit lorsqu'il s'agit d'écrits publiés par des députés, pour conserver leur dignité. M. Noël, premier témoin à décharge, est introduit. M. le président. « Quels sont vos nom, état et profession?

Le témoin. Je me nomme Noël; je vis de mon bien;

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je fais profession d'être honnête homme mes occupations sont celles d'un ami des arts et des lettres.

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D. Dites à MM. les jurés ce que vous savez par rapport à l'affaire.

R. La loi relative à la liberté individuelle, adoptée par la Chambre des pairs le 25 mars dernier, fut publiée dès le lendemain, avec la sanction royale. Ce même jour 26, un journal (le Courrier français) annonça le premier qu'il s'était formé à Nantes, entre les jeunes

gens
de cette ville, une sorte d'assurance mutuelle pour ga-
rantir des secours et des indemnités aux citoyens qui pour
raient être atteints par cette loi. Le Constitutionnel ré-
péta le 27 cette nouvelle, et parla d'une souscription
volontaire qui allait également s'ouvrir à Paris, à la tête
de laquelle devaient figurer plusieurs honorables mem-
bres de la Chambre des députés. Chargé de vérifier le
fait pour le Constitutionnel, auquel je suis attaché, je me
rendis le 28 à la Chambre, où j'appris qu'en effet un
grand nombre de députés s'étaient réunis pour participer
à cet acte de bienfaisance. Il me fut remis, de leur part, un
paquet cacheté, pour le Constitutionnel, que je portai de
suite au bureau du journal. Je sus alors que ce paquet
contenait un écrit relatif à la souscription ; il était revêtų
de la signature de plus de cinquante députés, dont j'ai
vu les noms. Dans la journée du 29,,un article en forme
de prospectus fut envoyé au même journal, j'ignore par
qui; mais je suis convaincu qu'il avait l'attache et l'assen-
timent des députés signataires de l'écrit de la veille. C'est '
celui qui a paru dans le Constitutionnel du 30 mars. Peu
de jours après, un nouveau prospectus de souscription,
mieux réfléchi et plus régulier, selon moi, que le pre-

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mier, fut publié sous la date du 31 mars. Ce sont là les deux pièces sur lesquelles repose l'accusation. Je ne sais rien de plus.

:

M. Mérilhou L'écrit que le témoin a porté au Constitutionnel, contenait-il des signatures autres que celles des députés ?

Le témoin: Aucune autre.

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M. Hippolyte Baudouin: Le 29 mars au soir, je suis allé chez M. Lafitte pour savoir si l'article qui avait été apporté au Constitutionnel était réellement agréé par MM, les députés. On me fit attendre quelques momens. Plusieurs députés étaient dans un salon. On fit un changement de rédaction à l'article. M. Kératry le signa, et on me le rendit pour qu'il fût publié, en me recom→ mandant d'en envoyer une épreuve aux autres journaux,

M. Bogne de Faye, député: Je répondrai aux ques tions qui me seront faites.

M. Mérilhou : L'honorable témoin s'est-il trouvé chez M. Lafitte, lorsqu'il y a été question de la souscription, a-t-il vu l'un des prévenus ici présens ?

et

y

Le témoin: Je n'y ai vu que des députés.

M. Comte: Sait-il que l'on ne fut pas d'accord sup la rédaction de l'article à publier dans les journaux, et que T'on donna des signatures en blane à un tiers, en le chargeant de cette rédaction ?

Le témoin: La question n'est pas sérieuse; des députés n'agissent pas si légèrement.

M. Comte: La question est très-sérieuse. Je tiens de l'un de MM. les députés que les choses se sont passées comme ma question le suppose.

Le témoin: Je l'ignore.

M. Étienne : Le témoin, comme député, n'a-t-il pas adhéré à l'écrit du 31 mars, lorsqu'il a su que cet écrit était l'objet des poursuites du ministère public?

M. le président : Je ne crois pas qu'il soit convenable qu'une pareille question soit faite au témoin. Je ne m'oppose cependant pas à ce qu'il y réponde de lui-même, s'il le juge à propos.

M. Tripier: Le témoin n'a-t-il pas connaissancé que, le 29 mars, dans une réunion chez M. Lafitte, on désigna des commissaires pour la souscription ?

R. J'en ai parfaitement connaissance.

M. Jobez, député: Lorsque la loi contre la liberté individuelle fut adoptée, il fut question, entre un assez grand nombre de députés, d'ouvrir une souscription pour en adoucir les effets. Nous nous rendîmes chez M. Lafitte, où nous avions l'habitude de nous réunir. Nous nommâmes des commissaires que nous prîmes parmi nous, et qui devaient s'adjoindre d'autres personnes.

M. Laisné de Villevéque, député: Nous étions réunis chez M. Lafitte; nous apprêmes qu'il était question, à Nantes, d'ouvrir une souscription. Il s'agissait d'un acte de bienfaisance: nous ne devions pas rester en arrière. Nous nommâmes, par acclamation, des commissaires.

"

M. Kératry, député: Plein de confiance dans la sagesse de la Cour et dans celle de MM. les jurés, je déclare que je suis prêt à donner toutes les explications qui pourront m'être demandées. Mais, dans la position où je ́me trouve, mon nom, qui figure dans un des écrits inculpés, ayant été prononcé plusieurs fois dans cette enceinte; me voyant, en quelque sorte, mis en jugement, sans que la Chambre des députés, à laquelle j'appartiens,

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