Page images
PDF
EPUB

nal (dont la doctrine appuyée par une consultation de M. Dal

mêmes que nécessiterait l'administration de leur personne (c. civ., art. 450), à tous les actes, en un mot, que la mère, tutrice de ses enfants du premier mariage, peut être appelée à faire, en vertu de l'autorité à laquelle il doit être mis fin par l'émancipation;

Considérant qu'en dehors même des considérations qui précèdent, et desquelles on est tout d'abord induit à penser que le législateur n'a pu vouloir laisser à la femme mariée toute facilité pour se dépouiller seule. et sans le concours ou l'assentiment de son mari, d'un droit qu'elle ne pouvait produire extérieurement par des actes sans qu'elle fût assistée ou autorisée par lui, le principe fait décider que la femme mariée ne pourra jamais procéder à l'acte important de l'émancipation sans l'autorisation de son mari, ou, à défaut, sans l'autorisation de la justice; Considérant, en effet, que l'incapacité relative dont la femme se trouve immédiatement frappée par le seul fait du mariage, et dont les conséquences se trouvent déduites successivement dans les art. 214 et suiv. c. civ., n'a pour but que d'assurer au mari cette obéissance qui lui est due en vertu du principe général établi dans l'art. 213, cette obéissance, base de la société conjugale et de la famille elle-même, sur laquelle repose la société civile tout entière; Considérant que l'énumération faite par le législateur, dans les art. 214 et suiv. e. civ., des conséquences qu'entraine pour la femme, quant à la capacité d'agir et de contracter, la dépendance à laquelle l'a soumise le mariage, n'a pu être absolument complète; qu'il suffisait d'avoir posé dans l'art. 215 le principe à l'aide duquel il pourrait toujours être reconnu si tel acte non compris en termes exprès dans cette énumération est resté lors du mariage à la disposition absolue de sa femme, ou si elle n'a pu y procéder qu'avec l'assistance ou l'autorisation de son mari; Considérant que, par sa généralité, le principe posé dans l'art. 213 étend l'incapacité relative de la femme mariée à tous les actes de la vie civile, et que lorsque d'importants intérêts, soit de la société tout entière, soit de la femme ellemême, soit de tiers étrangers à la société conjugale, ont paru exiger que cette incapacité disparût momentanément, et pour certains actes, et parce que l'autorité maritale n'en pouvait éprouver de réduction ni d'entraves, le législateur a cru devoir indiquer expressément ce cas particulier d'exception, confirmant ainsi le principe général;

Considérant qu'au nombre de ces cas d'exception indiqués notamment dans les art. 216, 228, 905, 940, 1990, 2194 c. eiv., ne se trouve pas l'émancipation par la femme mariée des enfants qu'elle aurait eus d'un premier mariage; Considérant que l'art. 477 e. civ., dont argumen

tent les défendeurs, ne peut servir à résoudre la question du procès, et qu'il ne la prévoit pas même; que cet article n'avait, en effet, d'autre objet que celui d'indiquer, par application des principes établis dans les art. 371, 372, 573 c. civ., à qui appartiendrait le droit d'émancipation, partie intégrante de la puissance paternelle; que si l'art. 477 reconnait et proclame expressement que ce droit appartient à la mère quand il ne peut être exercé par le père, ila'indique point de quelle manière la mère pourra l'exercer alors; mais qu'il la laisse, pour l'acte d'émancipation, sous l'empire des principes généraux applicables à la position particulière dans laquelle elle pourra se trouver placée; que le mot seule, dans le § 2 de l'art. 477, ne modifie que le mot déclaration, près duquel il est placé, et que ces mots : la seule déclaration de la mère, ne peuvent équivaloir ni grammaticalement ni logiquement à ces mots: la déclaration de la mère seule; que ce mot seule n'a été évidemment joint au mot déclaration, dans le § 2 de l'art. 477, que par opposition à la rédaction du § 2 de l'art. 478, l'émancipation, dans le cas que prévoit ce dernier article, ne s'opérant plus par une seule déclaration, mais encore par une délibération du conseil de famille qui l'autorise, puis par la déclaration que proclame le juge de paix, en sa qualité de président du conseil, dans lequel réside en partie la puissance paternelle, après le décès du père et de la mère du mineur; Considérant que l'on est ainsi ramené, malgré le texte de l'art. 477, au principe général qui régit l'exercice des droits de la femme pendant le mariage, pour déterminer comment et sous quelles restrictions elle peut exercer le droit d'émancipation qui lui est attribué par cet article; Considérant que la puissance du mari sur la personne de sa femme ne peut dépendre de la circonstance que celle-ci aurait été antérieurement mariée et aurait encore des enfants de son premier mariage; qu'à défaut de toute distinction à cet égard dans la loi qui régit l'association conjugale, on doit reconnaître que l'incapacité relative, l'état d'indépendance de la femme remariée est le même que celui de la femme mariée en premières noces ;-Considérant que la loi n'a nulle part établi, quant aux droits de la femme dans les liens du mariage, ni quant à la nécessité de l'autorisation de son mari pour l'exercice de ses droits, en tant du moins qu'ils ne constituent pas seulement des droits naturels, et qu'ils devront aboutir à des actes de la vie civile, une distinction et une exception pour les droits inhérents à la personne; que si quelques-uns de ces droits ne sont susceptibles ni d'aliénation, ni de délégation, l'exercice en peut cependant être soumis, aussi bien que lorsqu'il s'agit de droits relatifs aux biens seulement, à certaines conditions, à certaines restrictions résultant de l'état de dépendance dans le quel la femme s'est spontanément placée;

loz aîné a été combattue par une consultation de M. de Vati

Considérant que ces considérations, que ces restrictions, telles que les limite et les règle la loi civile, n'entravent jamais l'exercice des droits de la femme de manière à compromettre réellement ses intérêts; que si le mari n'accorde point en effet à la femme l'autorisation dont elle a besoin pour exercer ses droits, la femme peut, dans ce cas, recourir à l'intervention de la justice, qui, sans s'arrêter à un refus tyrannique ou mal entendu, la pourvoirait en connaissance de cause de l'autorisation de son mari; Considérant que si, dans les dispositions du code civil, relatives à la nécessité de l'autorisation de justice, à défaut de l'autorisation maritale, le législateur a parlé non d'un droit à exercer, mais d'un acte à passer, d'une instance judiciaire à intenter ou à combattre, il a lui-même expliqué dans l'art. 861 c. pr., qu'il n'entendait restreindre ni aux seuls contrats, ni aux seules comparutions devant la juridiction contentieuse, la nécessité de l'autorisation pour la femme mariée, mais qu'il a, au contraire, résumé tous les cas d'autorisation dans cet article par ces expressions générales : « La femme qui voudra se faire autoriser à la poursuite de ses droits; » Considérant qu'on peut, il est vrai, concevoir certains actes de la femme mariée, tels que le consentement au mariage d'un enfant majeur, issu d'une première union, la reconnaissance d'un enfant naturel, pour lesquels actes, et pour le dernier desquels surtout, il semblerait assez difficile d'admettre que la femme dans les liens du mariage dût se pourvoir, soit de l'autorisation de son mari, soit de l'autorisation de la justice, sous peine d'en voir ensuite prononcer la nullité, parce qu'elle y aurait procédé sans autorisation; mais en supposant que, dans ces cas, la femme mariée puisse agir sans autorisation, l'exception serait alors motivée sur des considérations qui ne peuvent être invoquées dans la question que présente le procès actuel tels seraient, par exemple, pour la reconnaissance de l'enfant naturel, l'intérêt incontestable de ces enfants, l'intérêt de l'ordre social lui-même, auquel il importe qu'un état, qu'un nom soient assurés à chacun de ses membres, ou bien encore, cette puissante considération, qu'en reconnaissant un enfant naturel, la mère exerce moins un droit qu'elle n'accomplit un devoir, et que la recherche de la maternité étant admise dans notre droit, son aveu sur ce point est bien moins une reconnaissance qu'une preuve qui pourrait être acquise autrement que contre elle et qu'il ne dépendrait plus d'elle de retirer, l'aurait-elle même irrégulièrement fournie; Considérant qu'en limitant la nécessité de l'autorisation maritale aux actes de la femme qui, l'engageant elle-même ou compromettant l'association conjugale, rédéchissent directement ou indirectement sur le mari, on serait encore conduit dans l'espèce du procès actuel à décider que la dame Dubois de Pacé n'a pu, sans l'autorisation de son mari, ou, à défaut, sans l'autorisation de justice, conférer l'émancipation à sa fille issue d'un premier mariage; Considerant, en effet, que la dame Dubois de Pacé ayant été maintenue dans la tutello des enfants de son premier lit, lors du deuxième mariage, le sieur Dubois de Pacé, son deuxième mari, lui a été nécessairement adjoint comme coluteur; Considérant que l'émancipation conférée à la mineure Boissonnet rendrait le compte de tutelle exigible; que si elle ne créait pas l'obligation de ce compte, elle hâterait le terme du payement du reliquat; qu'elle pourrait ainsi créer des embarras à la communauté, lesquels tomberaient directement sur le mari, qui en a l'administration; qu'elle pourrait exposer la femme et le mari lui-même à être poursuivis sur leurs biens dans un moment inopportun que le mari ne pouvait pas prévoir, et lorsque les capitaux du mineur, dont la loi ne détermine pas le mode de collocation, peuvent ne pas être à sa disposition immédiate; Considérant que l'émancipation conférée par la mère seule pourrait même être préjudiciable à l'en'ant qui en est l'objet, et que le deuxièmo mari, cotuteur de la mère, quoique la puissance paternelle ne réside point en lui, en vertu de cette qualité, à cependant été préposé par la loi pour veiller aux in érêts de mineur;

Considérant que dans l'espèce de la cause et dans les circonstances qui ont précédé l'émancipation, il est évident qu'elle n'a été conférée par la mère que dans le but de se procurer, sur les revenus de la pupille émancipée, un moyen de perpétuer sa résistance à l'autorité maritale, de se soustraire aux obligations que lui imposent les art. 213 et 214 c. civ., et d'échapper à l'exécution du jugement et de l'arrêt qui rejettent sa demande en séparation de corps; que l'émancipation ne serait ainsi qu'un abus de la puissance paternelle, une scandaleuse violation des devoirs résultant de l'association conjugale, un fait d'insurrection contre l'autorité de la loi et des actes de la justice, et que dans le doute sur lo sens de la loi, ou dans l'absence de dispositions légales pour la solution de la question de droit qui s'élève à l'occasion de la validité de cette émancipation, les tribunaux chargés de veiller aux intérêts des mineurs, et d'assurer le maintien de l'ordre social, devraient encore en prononcer la nullité;

Considérant qu'il importe peu qu'à l'époque où a été conférée l'émancipation dont il s'agit dans la cause, la mineure Valentine Boissonnet ne fût éloignée que de buit ou dix mois de l'âge fixé pour la majorité; qu'il est évident que l'émancipation dont elle a été l'objet n'était qu'un essai, et qu'il est à craindre que, par les mêmes motifs et

mesnil) (1), a acquis l'autorité de la chose jugée par suite du dé

dans le même but, deux autres enfants mineurs, issus du premier mariage de la dame Dubois de Pacé, ne reçussent successivement l'émancipation, s'il était une fois reconnu par un jugement contradictoire avec le demandeur, que la dame Dubois de Pacé peut la conférer seule, Considérant que la solution que croit donner le tribunal de la question relative à la validité de l'émancipation, le dispense d'examiner ce qui concerne la validité de la delibération du conseil de famille, par lequel a été nommé le curateur; · Considérant qu'il en est ainsi de la demande de provisions formée par la mineure Boissonnet; Considérant que Pemancipation conférée à cette mineure étant déclarée nulle, elle doit être rétablie dans la position dont une émancipation régulière ou la majorité pouvait seule la faire sortir, et qu'il doit être ordonné qu'elle reprendra, dans le pensionnat dit l'Adoration, la situation réglée par un jugement contradictoire entre le sieur et la dame Dubois de Pacé, puisque le sieur Dubois de Pacé, son cotuteur, le demande ainsi, et qu'il n'est pas maintenu qu'il ait cessé de pourvoir à l'entretien et à l'éducation de la mineure, dans les limites qu'établissait ce jugement;- Considérant que l'art. 135 c. pr. civ. autorise le tribunal à ordonner l'exécution provisoire de cette partie de son jugement; Par ces motifs, etc.

Du 21 déc. 1840.-Trib. de Rennes.-M. Jouaust, pr.

(1) Voici le résumé de la première de ces consultations et le texte de la seconde. M. Dalloz, adoptant la doctrine du jugement, a résumé ainsi son opinion: « On a jugé que l'émancipation était tellement attachée à la puissance paternelle, qu'elle pouvait être prononcée même par la femme engagée dans les liens d'une seconde union; c'est ce qu'ont décidé les cours de Colmar, 17 juin 1807, et de Liege, 6 mai 1808 (V. n. 775)- Tel est done le principe reconnu par la jurisprudence; mais faut-il en conclure que, maîtresse absolue du droit d'émanciper ses enfants, la femme remariée puisse se passer pour cet acte du concours et de l'assistance de son mari, ou à son délaut, d'une autorisation de justice? Les arrêts qui précédent n'ont pas résolu la difficulté. Cette question a été examinée par M. Relland de Villargues; cet auteur dispense la femme qui veut émanciper ses enfants mineurs de toute autorisation (vo Emancipation, no 9). Frappe de cette pensée, que le droit d'émancipation est intimement lié à la puissance raternelle, le soussigné avait d'abord partage dans sa jurisprudence générale (vo Tutelle, ibid.) le sentiment de M. de Villargues; mais l'examen des raisons qui ont determine le tribunal de Rennes à adopter une solution opposée lui a offert l'occasion de soumettre cette doctrine à des investigations nouvelles, et il reconnaît que la thèse développée dans le jugement du tribunal de Rennes, avec une grande puissance de raisonnement, est seule conforme aux véritables principes. En résumé, le droit d'émancipation ne peut être exercé dans toute sa plenitude, que par le père de famille; pour la mère, il se modifie suivant les diverses situations où elle est placee. Dans le cas du convol, elle joint à sa qualité de mère celle de femme mariée; l'autorisation maritale lui devient nécessaire; son nouveau mari lui est adjoint comme cotuteur, et il acquiert, sur la personne des enfants, des droits que la femme ne peut lui enlever; son concours à l'acte, ou tout au moins l'autorisation de justice, doivent donc êre rigoureusement exigès.

M. de Vatismenil a combattu cette doctrine en es termes: Le convol de la mère survivante ne porte aucune atteinte au droit qu'elle a d'emanciper les enfants de son premier mariage; et pour exercer ce droit, elle n'a pas besoin d'être autorisée par son second mari. Cette proposition repose également sur le texte et sur esprit de la loi. Texte de la loi. L'art. 477 qui dit que la seule declaration de La mère suffit, ne peut s'entendre que de la déclaration de la mère seule... Ou bien ne se prononce pas sur la question et la laisse sous l'empire des dispositions gees de la loi en matière d'autorisation maritale : quelles sont ces dispositions? - L'art. 217? — Mais il ne s'applique qu'aux affaires propres à la femme, et non à celles qui concernent les intérêts de ses enfants du premier lit. Les art. 776, 905, 934, 1449?- Mais il n'y est question que de la personne ou des biens de la femme et nullement des actes qu'elle peut comme mère et protectrice naturelle et legale des enfants issus de son premier mariage. Donc nul texte de loi.

• Esprit de la loi. — Nous venons de voir que, selon le texte du code civil, la nécessité de l'autorisation maritale ne s'applique qu'aux actes qui concernent les affaires personnelles de la femme. Quel est le motif de cete règle? Les dispositions législatives qui exigent l'autorisation maritale ne sont pas fondées sur la faiblesse de l'intelligence de la femme, car la femme mariée a autant de discernement que celle qui n'est pas engagée dans les liens du mariage. Ces dispositions dérivent donc uniquement, comme le remarque Pothier, de la puissance du mari sur la femme. Or cette puissance ne s'étend que sur la personne et les biens de la femme (Traité de la puissance du mari, article préliminaire, et no 3). Ainsi la femme y est soumise relativement à tout acte qui peut engager sa personne ou ses biens, mais elle n'y est pas soumise relativement aux actes par lesquels elle ne s'oblige pas et qui ne concernent que ses devoirs maternels. Aussi notre ancien droit coutumier, d'où sont extraits les articles du code civil sur l'autorisation maritale, ne parte-t-il jamais que des contrats ou actes de libéralités par lesquels la femme peut se lier elle-même. Femme mariée (porte l'art. 174 de la coutume d'Orleans) ne peut donner, aliéner, disposer, ni aucunement contracter, si elle n'a été habilitée par lui à le faire. La femme mariée (est-il dit dans l'art. 223 de la coutume de Paris) ne peut vendre, aliener, ni bypothequer sans l'autorité et consentement exprès de son mari. Et si elle fait aucun contrat sans l'autorité et consentement de sondit mari, tel contrat est nul, tant pour le regard d'elle que de sondit mari, et n'en peut être poursuivie, ni ses héritiers après le décès de sondit mari. - On le voit, il n'est question là, comme dans le code civil, que des affaires que la femme fait pour elle-même. Si elle pouvait agir, dans les affaires de cette nature, sans l'autorisation de son mari, elle parviendrait à soustraire au pouvoir de son mari sa personne ou ses biens, ce qui serait contraire tant au bien-être du ménage qu'aux bonnes maurs et à l'ordre public. Mais lorsque la femme n'agit pas pour dle-n.ème, lorsqu'elle remplit un devoir envers ses enfants du premier lit, l'autorisation de son mari ne lui est pas nécessaire, car, en se remariant, elle s'est bien soumise personnellement à la puissance de son second mari, mais elle n'a pas pu

)1

[blocks in formation]

soumettre à l'autorité de cet étranger les enfants nés de son premier mariage. Elle ne lui a donc ni transféré ni communiqué les droits dont elle était investie par la nature et par la loi, comme protectrice de ses enfants. Elle est restée en possession de ces droits, qui tiennent à sa qualité de mère; et, par conséquent, elle peut les exercer sans autorisation La puissance paternelle appartient au père durant le mariage (art. 375); elle passe à la mère après le décès du père; au beau-père, jamais.- Cette proposition, qui tient à l'essence même des choses, ne peut recevoir d'exception que dans le cas où le législateur en a disposé autrement par un texte formel. Ainsi le code civil a voulu que toutes les fois que la mère remariée serait maintenue dans la tutelle, le second mari fût cotuteur (art. 396 c. civ.). Le beau-père participe donc à la tutelle des enfants de sa femme; mais là se borne son droit; ne tenant rien de la nature, il ne peut avoir que ce qui lui est expressément accordé par la loi. — Ainsi, encore une fois, l'autorisation maritale n'est pas né cessaire à la femme remariée qui agit non pour elle-même, mais en qualité de mère de ses enfants du premier lit.-Nous tirons aussi un argument des art. 225 et 1319 c. civ.

[ocr errors]

--

De la doctrine que nous venons d'établir dérivent plusieurs corollafres. -10 La femme remarice a-t-elle capacité pour consentir au mariage de ses enfants du premier lit? Oui, répondent les jurisconsultes les plus accrédités (Favard, Rep.,' t. 5, p. 461; Duranton, t. 2, p. 70 et suiv.; Dalloz, Jur. gen., t. 10, p. 25 et 28), et la raison qu'ils en donnent, c'est que le pouvoir maternel subsiste encore nonobstant le convol de la mère; - Lorsqu'il y a des ascendants, c'est le conseil de famille qui l'exerce (c. civ., art. 148, 149, 150 et 160).- Ainsi la mère remariée et non maintenue dans la tutelle, le grand-père ou la grand-mère qui n'a pas la tutelle, n'en sont pas moins aptes à consentir au mariage; la loi est formelle à ce sujet. Le tuteur ne peut, en pareil cas, se plaindre qu'on empiète sur ses droits, car la loi ne lui en a donne aucuns relativement au consentement dont il s'agit; -2° Le père, la mère et les autres ascendants, même du vivant des père et mère, peuvent accepter les donations faites à leurs enfants ou petits-enfants mineurs; ils le peuvent, quoiqu'ils ne soient ni tuteurs ni curateurs (c. civ., art. 935); Et, pour proceder à cette acceptation, la mère ou l'aïeule n'a pas besoin d'être autorisée par son mari. Car elle n'agit pas pour elle-même, mais comme protectrice de ses enfants el petits-enfants. C'est une véritable fonction qu'elle exerce, et, relativement à cette fonction, elle n'est pas subordonnée à son mari (Toullier, t. 2, no 650, et t. 5, n298; Delvincourt, t. 2, p. 262; Duranton, t. 8, no 458; Balloz, Jur. gen., t. 5, p. 515 n° 43).. -L'ordonnance de 1731 (art. 7) contenait une disposition analogue à celle de l'art. 955 c. civ.; et, sous l'empire de cette ordonnance, on décidait que la mère ou l'aïeule qui acceptait une donation pour le compte de son fils ou petit-fils, n'avait pas besoin d'ètre autorisée de son mari (Furgole, sur les art. 7 et 9 de l'ordonnance de 1751), La cour de cassation a résolu la question dans ce sens par l'arrêt du 12 avr. 1832, dans lequel on remarque ces mots : La femme pouvait accepter sans autorisation, dès qu'elle agissait dans l'intérêt de sa fille. L'ou suit, à contrario, que la femme n'a besoin d'autorisation que lorsqu'elle agit pour son propre compte.

Mais bien plus, l'autorisation n'est jamais exigée quand la femme agit pour le compte et dans l'intérêt d'autrui (V. l'art. 1990 c. civ., et Pothier, Tr. de la puissance du mari, no 49). — Ainsi, notre distinction est justifiée. S'agit-il, pour la femme, de s'obliger personnellement ou d'engager ses biens, elle ne peut se passer de l'autorisation de son mari.-S'agit-il, au contraire, pour elle, d'agir dans l'intérêt d'un tiers, elle n'a pas besoin de cette autorisation.-Appliquons cette doctrine à l'émancipation.

Qu'est-ce que l'émancipation? C'est un acte qui dégage le mineur des liens de la tutelle, qui le rend capable de faire certains actes civils, soit seuls, soit avec un curateur. Les personnes investics du droit d'émanciper le mineur sont donc chargées par la loi d'apprécier son intelligence et sa moralite, et de juger en conséquence s'il est digne de recevoir le bienfait de l'emancipation. Ce soin a été confié en première ligne au père, et, après le décès du père, à la mère. Ce n'est qu'à défaut du père et de la mère que le conseil de famille est appelé à délibérer sur l'émancipation; et il y a cette difference entre l'emancipation paternelle ou maternelle et celle qui est prononcée par la famille, que la premiere peut être accordée aux enfants des qu'ils ont atteint quinze ans, tandis que la seconde ne peut l'être qu'à ceux qui ont dix-huit ans accomplis (art. 477 et 478), en sorte qu'on voit que la tendresse éclairée du père ou de la mère a été considérée par le législateur comme une garantie supérieure à toute autre. La mère survivante qui émancipe son enfant exerce donc l'une des fonctions qui dépendent de la puissance paternelle. Co n'est pas dans son intérêt qu'elle agit, mais uniquement dans celui du mineur : elle prononce, comme protectrice naturelle et legale, une sorte de jugement sur son compte. Cet acte n'est donc pas du nombre de ceux pour lesquels l'autorisation maritale est nécessaire. Les raisons sont exactement les mêmes qu'à l'égard du consen-f tement au mariage et de l'acceptation de la donation; et elles sont analogues à celles qui concernent le mandat.

La jurisprudence a déterminé quelle était la nature de l'autorité en vertu de laquelle la mère accordait l'émancipation; les tribunaux ont eu occasion d'examiner ce point de droit pour résoudre la question de savoir si la mère remariée et non maintenue dans la tutelle pouvait émanciper ses enfants. La raison de douter était qu'il paraissait contradictoire d'oter à la mère la tutelle et de lui laisser cepet dant la faculté de dépouiller de ses fonctions, par l'effet de l'émancipation, le tuteur qui l'avait remplacée. Mais la raison de décider était qu'il ne faut pas confondre la tutelle avec la puissance paternelle; que la mère peut perdre la tutelle et neanmoins conserver ceux des attributs de la puissance paternelle que la loi ne lui enleve pas d'une manière formelle; que le droit d'emanciper l'enfant est de ce nombre; et que, par conséquent, ce droit continue d'appartenir à la mère remariec et non maintenue dans la tutelle.-Aussi la question a-t-elle été constamment résolue dans cə dernier sens (V. entre autres un arrêt de la cour de Liège du 6 mai 1808 [Dalloz, Jur. gen, t. 1, p. 777 et supra, no 775], et un arrêt de la cour de Bordeaux du 14 juill. 1858 [P.P.30. 2. 76, et supra, eod. ]).-Les commentateurs sont, sur ce point, d'acco:d avec la jurisprudence (V. entre autres Favard, au mot Emancip., § 1; Delvincourt, t. 1, p. 130, note 1; Iuranton, t. 2, p. 560; Jur. gen, tre ed., t. 1, p. 777). Au surplus, le jugement du tribunal de Rennes ne conteste pas cette verile (V. le quatrième considerant). Lès qu'il est établi que la mère, en emancipant ses enfants, exerca la puissance paternelle, la conséquence irresistible de cette proposition est que i'autorisation du second mari n'est pas nécessaire pour la validité de cet acte. C'est ce

du second mari est une garantie de plus, et qu'en cas de dissidence entre sa femme et lui, nulle autorité ne nous semble pouvoir intervenir plus efficacement que celle des tribunaux.

775. L'enfant naturel peut-il, comme l'enfant légitime, être émancipé par son père ou par sa mère (V. suprà, no 699), et en

que M. Rolland de Villargues établit très-judicieusement dans son Répert. du notariat, au mot Emancipation, no 9.- Nous ne connaissons aucun auteur qui ait seulement l'opinion contraire; en effet, elle ne peut su porter la discussion.

Serait-ce

A quel titre le second mari interviendrait-il dans l'émancipation? comme participant à la puissance paternelle? Nous venons de voir que cette puissance ne lui appartient sous aucun rapport; il est cotuteur et rien de plus le jugement attaqué reconnaît, dans son quatrième considérant, que le second mari n'est pas investi de la puissance paternelle. Ce n'est donc pas à ce titre que sa participation à l'émancipation pourrait être nécessaire. Exigerait-on cette participation sous prétexte que la femme remariée ne peut exercer la puissance paternelle sans l'autorisation de son mari? Ce serait la plus grave de toutes les erreurs de droit; nous l'avons démontré ci-dessus. L'autorisation maritale n'a été instituée que pour les actes qui concernent l'intérêt personnel de la femme, et non pour ceux dans lesquels elle figure comme mère, comme protectrice de ses enfants, et en général comme agissant pour le compte d'un tiers. Le texte et l'esprit du code sont d'accord sur ce point. Cependant les premiers juges ont arbitrairement généralisé la nécessité de l'autorisation, et c'est là que se trouve la principale source de la mauvaise décision qu'ils ont rendue (V. les seizième et dix-septième considerants). L'art. 213 ne ait que poser un principe de droit naturel et de morale, savoir que la femme doit obéissance à son mari. Ce principe a existé dans tous les siècles et chez tous les peuples. Cependant les règles législatives concernant les cas dans lesquels la femme a besoin d'être autorisée par son mari ont beaucoup varié. Ce n'est donc pas dans l'art. 213 qu'on peut chercher la solution de la question qui nous occupe, mais dans l'art. 217, qui est la disposition spéciale et relative aux actes pour la validité desquels l'autorisation maritale est nécessaire. Il résulte du texte de l'art. 217, de son rapprochement avec les autres dispositions du code civil et de l'esprit de la loi, que cet article n'embrasse que les actes relatifs aux intérêts personnels de la femme, et non ceux qu'elle fait pour le compte d'autrui. — Les premiers juges se sont donc complètement trompés lorsqu ils ont supposé que l'art. 213 pouvait communiquer à l'art. 217 une telle élasticité, que celui-ci s'étendît à des actes qui ne concernaient que des tiers étrangers à la société conjugale.

[ocr errors][merged small]

indépendant de celui de l'autre. De même la femme, quoique soumise à l'autorité de son mari, peut exercer, d'une manière indépendante de lui, les actes qui se rattachent à la puissance paternelle dont elle est investie.

Le code civil a été bien plus loin; il suppose évidemment que la femme mariée peut, sans l'autorisation de son mari, reconnaître un enfant naturel qu'elle a eu, avant le mariage, d'un autre que celui-ci. Seulement il déclare que cette reconnaissance ne pourra nuire ni au mari ni aux enfants nés du mariage. Mais il ajoute qu'elle produira son effet après la dissolution de ce mariage s'il n'en reste pas d'enfants (art. 37). Les premiers juges avouent que c'est ainsi que la loi doit être entendue (24 consid). Pourquoi done l'autorisation, qui n'est pas nécessaire en matière de reconnaissance d'enfant naturel, le serait-elle en matière d'émancipation d'enfant légitime? La femme qui reconnaît un enfant naturel remplit un devoir de mère, soit; et c'est par cette raison que l'autorisation maritale n'est pas nécessaire; mais la femme qui émancipe un enfant légitime remplit aussi un devoir de mère. Pourquoi donc serait-elle moins libre que l'autre? S'il y avait une différence, ello devrait être tout entière en faveur de la mère qui émancipe son enfant, car elle ne compromet pas sa réputation, tandis que l'autre y porte atteinte en avouant sa faute. La tache qui résulte de cet aveu ne reste pas étrangère à son mari et à ses enfants légitimes. Le legislateur aurait donc pu exiger l'autorisation du mari dans ce cas, et pourtant il ne l'a pas fait; par quelle inconséquence l'aurait-il donc exigée dans l'autre ?. L'émancipation pourrait compromettre les intérêts de la communauté, en rendant le reliquat du compte de tutelle exigible dans un moment qui no serait peut-être pas opportun. La femme est donc inhabile à faire un pareil acto sans autorisation (25 et 26e consid.) -Réponse - D'abord il n'est pas vrai que l'émancipation compromette les intérêts de la communauté; elle ne crée pas d'obligation à la charge du tuteur; seulement elle l'astreint à rendre le compte de tutelle et à en solder le reliquat, s'il y en a un. Mais le tuteur doit toujours se tenir prêt à payer ce reliquat, puisqu'à chaque instant la tutelle peut cesser, soit par la mort du mineur, soit par son mariage; il faut même dire que régulièrement le tuteur ne doit

Objection.

Selon le tribunal de Rennes, il faut une exception formelle pour dispenser la pas garder de deniers pupillaires entre ses mains; il est tenu de les employer (art.

[ocr errors]

femme de la nécessité de l'autorisation. Cette proposition est vraie lorsqu'il s'agit d'un acte que la femme fait pour son propre compte. Mais elle est fausse lorsqu'il est question d'un acte que la femme fait dans l'intérêt d'autrui, par exemple, d'un acte qui se rattache à l'exercice de la puissance paternelle. - Loin qu'il faille alors une disposition spéciale pour affranchir la femme de la nécessité de l'autorisation, il faudrait au contraire un texte précis pour l'y soumettre, parce que de tels actes sont naturellement hors des limites de la puissance maritale. - Parmi les six articles que le tribunal de Rennes cite comme ayant un caractère exceptionnel, i y en a cinq qui sont relatifs aux intérêts personnels de la femme, et dont, par conséquent, il est inutile de s'occuper. L'art. 1990 est le seul qui s'applique à un cas ou la femme agisse pour le compte et dans l'intérêt d'un tiers. Mais il n'est qu'une application du principe général rappelé par Pothier: La femme n'a besoin d'autorisation que pour les actes qu'elle fait en son nom » (Ubi suprà, n° 49). Ajoutons que l'argumentation du tribunal est complétement en defaut, lorsqu'il s'agit: 1o du consentement de la mère au mariage de ses enfants dun premier lit; 20 de l'acceptation des donations qui peuvent leur être faites. Ni l'art. 149 ni l'art. 935 c civ. ne s'expliquent sur l'autorisation; et cependant nous avons prouvé, en nous fondant sur les principes généraux, que, dans ces deux cas, l'autorisation n'etait pas nécessaire; et nous avons en notre faveur l'autorité des jurisconsultes les plus renommés et celle de la cour de cassation.

[ocr errors]

Pourquoi donc n'appliquerait-on pas la même décision à l'émancipation par la femme des enfants qu'elle a eus d'un précédent mariage? La loi, disent les premiers juges, n'a pas fait d'exception dans ce dernier cas. Sans doute; mais c'est parce qu'il n'y en avait pas à faire. Il n'y avait pas plus besoin d'exception relativement à l'émancipation que relativement au mariage de l'enfant du premier lit et l'acceptation de la donation faite à l'enfant. Ces trois sortes d'actes sont dans le même cas la mère les fait non pour elle-même, mais comme protectrice naturelle et légale de ses enfants. Les termes de l'art. 213 ne pouvant pas s'appliquer à des actes de cette nature, une exception à cet article était superflue; elle aurait même formé un contre-sens. Le jugement reconnaît que la femme n'a pas besoin d'autorisation lorsqu'il s'agit d'actes par lesquels la puissance maritale ne peut éprouver de réduction ni d'entraves. Or, il est clair que l'émancipation des enfants du premier lit est précisément dans ce cas. Est-ce que madame Dubois de Pacé, en agissant comme mere et en mettant par l'émancipation sa fille du premier lit en état de faire certains actes civils, peut contrevenir en quoi que ce soit à son obéissance legale comme femme? Elle a deux sortes de devoirs à remplir ses devoirs d'épouse envers son mari, et ses devoirs de mère envers ses enfants. Ce qu'elle fait pour s'acquitter de ceux-ci ne saurait être contraire à l'accomplissement de ceux-là. C'est ainsi qu'à Rome le fils de famille, quoique soumis d'une manière absolue à la volonté de son père, pouvait cependant être tuteur et gérer la tutelle d'une manière indépendante de celui-ci (Institutes, liv. 1, tit. 14). Les jurisconsultes romains en donnaient pour motif que... in publicis causis filius familias non sequitur jus patris, seu pro patre familias habetur (L. 9, S. F., De his qui sui vel alieni juris sunt...; L. 14, ad. S.-C. Trebellianum). De même la femme marice n'a de conseil à prendre que de sa tendresse et de sa conscience lorsqu'il s'agit de l'accomplissement de son devoir légal comme mère. Elle remplit, dans l'intérêt de la famille, une charge que la société lui a confiée; elle s'acquitte d'un mandat public que le législateur lui a conféré : elle n a pas besoin de l'autorisation maritale.-Les docteurs qui critiquaient la décision du droit romain relativement au fils de famille, se fondaient sur la maxime Qui est in aliend potestate, alium in potestate habere non potest. Mais Vinnius répond très-judicieusement que cette maxime n'est vraie que lorsqu'il s'agit de la mème espece de cette puissance (V. son commentaire sur le tit. 14 du liv. I des Institutes). Ainsi, le tuteur pouvait avoir le pupille sous sa puissance, quoique lui-même fût soumis à la puissance paternelle, parce que le caractère de ces deux puissances était different, et l'exercice de l'un restait tout à fait

455 et 456 c. civ.), et c'est à titre fie peine que la loi le rend passible des intérêts des sommes non employées; ainsi l'émancipation ne rentre ni directement ni indirectement dans les termes de l'art. 217 c. civ. Mais lors même qu'il résulte rait de l'émancipation un inconvenient quelconque pour la communauté, la décision devrait rester la même. En effet, dans les actes, il faut toujours distinguer leur caractère principal de leur caractère secondaire ou accidentel. Le caractère principal de l'émancipation consiste en ce qu'elle a lieu en vertu de la puissance paternelle et dans l'intérêt de l'enfant. De là il suit que la mère peut émanciper sans autorisation, et cette règle, une fois posée, ne saurait subir d'exception, parce que, dans telle espèce particulière, l'emancipation aurait pour conséquence indirecte de causer au second mari une sorte de gène ou d'embarras, en lui imposant la nécessité de se libérer plus tôt qu'il ne l'aurait pensé; c'est là un effet accidentel de l'émancipation, et cet effet ne peut influer sur la capacité de la mère. Le mariage de mademoiselle Valentine Boissonnet aurait entraîné son émancipation (c. civ., art. 476), et par conséquent aurait placé M. et Mme Dubois de Pacé dans la nécessité de lui rendre son compte de tutelle et de lui en payer le reliquat. Faut-il en conclure que madame Dubois de Pacé n'aurait pas pu, sans l'autorisation de son mari, donner son consentement au mariage de sa fille? Nous avons démontré la négative. Si la mère, seule et sans autorisation, peut procurer à sa fille le bienfait de l'émancipation qui s'opère par le mariage, quoique le résultat de cette émancipation soit de rendre exigible le reliquat du compte de tutelle, pourquoi en serait-il autrement à l'égard de l'emancipation conférée par déclaration devant le juge de paix? L'analogic entre l'émancipation par mariage et l'emancipation conférée selon le mode determiné par l'art. 477, nous paraît l'un des moyens de décision les plus puissants dans cette cause. -- La mere remariée et non maintenue dans la tutelle peut, comme nous l'avons vu ci-dessus, émanciper ses enfants, et, par conséquent, constituer le tuteur dans l'obligation de rendre son compte et d'en payer le reliquat. Pourquoi la mere maintenue dans la tutelle n'aurait-elle pas la mème faculte? Est-ce qu'il ne serait pas absurde de décider que les droits de la mère maintenue dans la tutelle sont moins étendus que ceux de la mère qui n'y a pas été maintenue?

Enfin, est-il possible d'imaginer un motif plus défavorable et même plus digne de blâme que celui-ci : L'enfant de ma femme est en état de gérer son patrimoine, l'émancipation lui serait utile, mais elle me serait à moi nuisible ou incommode, parce qu'elle me forcerait à payer ce que je dois à cet enfant; je dois donc refuser mon autorisation! Non, rien ne serait plus révoltant que co calcul égoïste et cupide. Sans doute on peut l'attendre d'un beau-père; et voilà précisément pourquoi, selon nous, la loi a voulu que le beau-pere restat étranger à l'émancipation. Placez un père ou une mère entre son cœur et son intérêt, il n'y aura nul danger, le cœur triomphera; mais placez un beau-père entre son intérêt et celui des enfants de sa femme, son choix sera promptement fait, et il ne sera pas favorable aux enfants.

Mais, dit le tribunal, si le mari refuse mal à propos l'autorisation, la femme s'adressera à la justice (22e consid.). Et que dira-t-elle à la justice? Toute la difficulté résidera dans le degré d'intelligence et de raison de l'enfant qu'il s'agira d'émanciper. Est-ce que le tribunal pourra en juger? Sans doute, orsqu'il est question d'aliener des immeubles, d'intenter un procès, de souscrire une transaction, le tribunal peut parfaitement discerner si la mesure projetée est utile ou nuisible à la femme et au ménage; mais lorsqu'il faut apprécier la capacité d'un enfant de quinze ans, est-ce que le tribunal peut le faire avec connaissance de cause? C'est donc avec raison que le code civil a constitué le père ou la mère juge souverain de cette question, qui ne saurait s'agiter ni se résoudre ailleurs que dans le sanctuaire de la famille (V. l'arrêt de Bordeaux cité ci-dessus, D. P. 39. 2. 76). — Le tribunal a cru pouvoir seruter et blåmer les intentions qui avaient porté madame Dubois de Pace à émanciper sa fille. I n'en avait pas le droit; il ne lui appartenait pas do contrôler ni de reviser un acte émané du pouvoir discrétionnaire que la loi confis à la sollicitude maternelle.

[ocr errors]

accomplis, être émancipé, si le conseil de famille l'en juge capa-porter obstacle à la légitimité de sa demande (Denisart, vo Émanble. En ce cas l'émancipation résultera de la délibération qui cip., § 5. no 4). l'aura autorisée et de la déclaration que le juge de paix, comme président du conseil de famille, aura faite dans le même acte que le mineur est émancipé. » On comprend la différence d'âge établie parla loi entre l'émancipation des père ou mère, et l'émancipation du conseil de famille. Le mineur émancipé par son père, ou à défaut du père par sa mère, trouve en lui, ou en elle, un conseil dévoué; mais le mineur devenu orphelin est entièrement livré à lui-même.

778. C'est au conseil de famille, et non aux tribunaux, qu'il appartient d'apprécier si le mineur est capable (art. 478) d'être émancipé, c'est-à-dire s'il réunit l'intelligence à la prudence dans la conduite (Paris, 26 therm. an 9, aff. Bousquet, V. no 365). Sa délibération est souveraine, comme celle des père et mère (V. no 770), et n'est dès lors susceptible d'aucun recours devant les tribunaux (MM. Taulier, t. 1, p. 89; Demolombe, t. 7, nos 355 et 336, t. 8, no 215; et art. 86, projet c. nap.).

779. Le conseil de famille pourrait-il, tout en accordant l'émancipation, apporter quelques restrictions aux prérogatives que le code attache à cette faveur ? Pourrait-il, par exemple, interdire au mineur certains actes qu'il aurait pu faire sans une semblable restriction? Les termes du second alinéa de l'arl. 478, la rédaction de la formule sacramentelle qui constitue la déclaration d'émancipation, l'intérêt des tiers, qui ne doivent pas avoir à s'enquérir des modifications qu'il plairait au conseil de famille de faire subir à l'état de l'émancipé, et qui ne doivent, quant à la capacité de ce dernier, avoir à consulter que le code, ces raisons doivent porter à penser que l'émancipation ne doit pas être conditionnelle.-Néanmoins, M. Toullier, t. 2, n° 1300, est d'un avis contraire.-Mais nous ne croyons pas qu'on doive s'arrêter à son opinion. Il y aurait bientôt autant d'espèces d'émancipations que d'individus émancipés, si on autorisait des modifications dans les droits conférés par cet acte. Les père ou mère, comme les conseils de famille, ne doivent délibérer que sur ce point: « le mineur est-il, ou non, capable,» le surplus est du domaine de la loi. 780. L'art. 479 dispose que, « lorsque le tuteur n'aura fait aucune diligence pour l'émancipation du mineur dont il est parlé dans l'article précédent (c'est-à-dire du mineur de dix-huit ans) et qu'un ou plusieurs parents ou alliés de ce mineur au degré de cousin germain ou à des degrés plus proches, le jugeront capable d'être émancipé, ils pourront requérir le juge de paix de convoquer le conseil de famille pour délibérer à ce sujet. Le juge de paix devra déférer à cette réquisition. >> Ainsi c'est au tuteur, ou aux parents et alliés du mineur, qu'il appartient de faire des diligences pour faire prononcer l'émancipation par le conseil de famille (art. 479). On s'est demandé si, dans le cas où ni les uns ni les autres ne feraient de démarche à cet effet, le mineur lui-même pourrait s'adresser au juge de paix et provoquer la réunion du conseil de famille pour délibérer sur sa demande. Quelques anciens usages qui permettaient, à ce qu'il paraît, au mineur d'obtenir par lui-même des lettres d'émancipation, ont induit M. Toullier à professer qu'il en serait de même aujourd'hui (Conf. MM. Proudhon, t. 2, p. 428; Zachariæ, éd. Massé et Vergé, t. 1, p. 453).-D'autres auteurs, au contraire, ont vu, dans le silence que garde le code sur ce point, une raison suffisante de refuser ce droit au mineur. On a pensé que l'émancipation était une faveur qui ne pouvait être accordée qu'autant que l'un des parents du mineur l'en jugerait assez digne pour prendre sur lui de la réclamer (MM. Duranton, t. 5, p. 652; Delvincourt, t. 1, p. 469, note 8; de Freminville, t. 2, no 1026; Massé et Vergé sur Zachariæ, eod. note 21).-Cette raison est plausible sans doute, mais y en a une qui nous paraît concluante, c'est que le mineur n'a aucune capacité pour agir sans l'assistance de son tuteur; c'est que, si on lui accordait le droit de faire convoquer à son gré le conseil, il n'v aurait pas de raison pour qu'après avoir échoué dans plusieurs tentatives et s'être vu refuser l'émancipation, objet de tous ses désirs, il ne revint à la charge et, tout en fatiguant le conseil par des demandes intempestives, n'occasionnât des frais assez considérables, qui en définitive retomberaient sur lui. En le forçant au contraire à recourir à l'entremise d'une personne que l'on doit supposer capable d'avoir pu apprécier les développements de son intelligence, on évite cet inconvénient sans ap

TOME XXXII.

781. Le juge de paix ne pourrait pas non plus provoquer d'office l'émancipation, quoique, dans divers cas, il agisse d'otfice pour le mineur : il n'est pas expédient qu'il sorte de son rôle de juge dans un cas grave comme celui-ci, où il ne s'agit pa3 de prendre des mesures conservatoires ou de protection (Conf. MM. Taulier, t. 2, p. 88; Duranton, t. 3, no 661; Massé et Vergo sur Zachariæ, eod.;—V. cependant, en sens contraire, MM. Demolombe, t. 7, no 280, et t. 8, no 219; Marcadé, t. 2, art. 479, no 2; Favart, vo Emancipation). « Le conseil de famille, dit-il notamment, peut être convoqué d'office par le juge de paix dans tous les cas où ce magistrat juge la convocation nécessaire. Cette initiative doit appartenir à celui que la loi nomme présldent de ce conseil, et qu'elle charge spécialement de veiller aux intérêts du mineur (arg. des art. 414, 415). » Dans ce système, le mineur, ou tout autre, pourrait inviter le juge de paix à faire la convocation. Le juge de paix aurait le droit d'adhérer à la demande ou de la repousser » (arg. art. 479).

782. Al'égard du subrogé tuteur, M. Demolombe, t. 8, p. 183, pense que s'il n'a pas le droit de convocation, il est convenable à sa mission qu'il puisse avertir le juge de paix et le prier de faire cette convocation.

783. Le droit de provoquer l'émancipation doit être refusé au ministère public, qui, dans la cause du mineur, n'agit que comme partie jointe (Conf. MM. Taulier, Duranton, Massé el Vergé, eod.;. Demolombe, t. 8, p. 183. · Contrà, Favard, vo Émancipation); mais cette opinion de M. Favard ne nous paralt pas pouvoir être adoptée.

784. Lorsque le tuteur ou les parents ou alliés, dit l'art. 479, jugent le mineur capable d'être émancipé, ils peuvent requérir le juge de paix de convoquer le conseil.-Mais est-ce seulement quand les père et mère sont tous deux morts (comme paraît le dire l'art. 478), que le droit d'émanciper passe au conseil de famille? C'est aussi, disent MM. Marcadé sur l'art. 479, et Demolombe, t. 8, p. 183, 2o quand tous deux sont déclarés absents, 5o ou que l'un est déclaré absent et l'autre mort, 4o quand l'un étant mort ou déclaré absent, l'autre est déchu de la puissance paternelle ou présumé absent ou interdit. « Nous reconnaissons, ajoute M. Marcadé, au conseil de famille absolument le droit d'émanciper, dès que l'un des auteurs étant mort ou déclaré absent, l'autre est seulement absent présumé ou interdit. Mais si aucun des deux auteurs n'est mort ni déclaré absent, et quand même tous deux seraient en présomption d'absence, ou interdits, ou privés de la puissance paternelle, il n'y aurait pas lieu à émancipation de la part du conseil de famille, attendu qu'il n'y a pas encore ouverture de la tutelle, et que dès lors il n'existe pas de conseil de famille. - El ce qui prouve que la loi entend que le conseil de famille n'émancipera que quand il y aura tutelle, c'est que notre art. 479 suppose que c'est le tuteur qui devra, avant tous autres, s'occuper de faire assembler le conseil pour cet objet » (M. Marcadé, art. 479). Mais M. Demolombe, t. 8, p. 184, s'élève avec force contre cette partie de l'opinion de M. Marcadé sur les droits du conseil de famille. - « En vérité, dit-il, quel résultat!!! Voilà donc l'émancipation impossible pendant toute la durée de la minorité peut-être! Est-ce logique? » Nous trouvons, quant à nous, que c'est très-logique. ment et à quel titre réunir un conseil de famille qui ne peut pas se constituer et agir, puisqu'il n'y a pas de tutelle? Et d'ailleurs le conseil de famille ne pouvant prononcer l'émancipation qu'à dix-huit ans, il n'y a donc que trois ans à attendre pour que le mineur arrive à la majorité. On ne peut donc pas dire, comme M. Demolombe: Voilà l'émancipation impossible pendant toute la durée de la minorité!

Com

785. L'émancipation se ferait valablement par mandataire, pourvu que la procuration fût spéciale et authentique. Il serait mème douteux qu'on annulât celle qui aurait eu lieu en vertu d'un mandat sous seing privé ayant date certaiue.

786. Emancipation tacite. —Nous avons dit qu'aux termes de l'art. 476 l'émancipation s'acquiert de plein droit par le mariage. -Le code Napoléon a consacré, avec raison, par une dis position formelle, le principe de l'émancipation par le mariage Nos mœurs n'admettent pas un homme marié en tutelle. E' 34

rendre compte dans sa qualité de curateur pendant l'émancipation.

quant à la femme, son époux doit être son protecteur, ce qui s'accorderait fort mal avec un époux mineur qui serait soumis l'autorité d'un tiers. Dès que la loi (art. 476) porte que l'émancipation a lieu de plein droit par le mariage, il est évident qu'aucune clause du contrat de mariage, aucune convention par du mariage (out, at. Demolombe,ti. 6, p. 102), que droit roa du mariage (Conf. M. Demolombe, t. 3, p. 162). — Le droit romain n'admettait pas l'émancipation par le mariage. Mais en France les pays de coutume et même les pays de droit écrit, qui ressortissaient du parlement de Paris, l'admettaient (Nouveau Denisart, vo Emancipation, § 5, no 1; M. Demolombe, t. 8, p. 161).

Cependant, en pays de droit écrit, le fils de famille, à quelque âge qu'il fût parvenu, n'était pas de droit émancipé par le mariage, et pouvait toujours opposer son état de fils de famille (Agen, 10 mars 1815, M. Lacuée, pr., aff. Mandegous C. Dufour).

787. Dans l'émancipation par le mariage l'âge du mineur n'est point à considérer; ce n'est pas toujours une condition essentielle à la validité de l'émancipation. Ainsi, il arrive quelquefois que l'on obtient du chef de l'Etat des dispenses d'âge. Le mineur de treize ans, de quatorze ans, n'en est pas moins émancipé par le fait seul de la célébration du mariage. L'art. 476 dit que le mineur est émancipé par le mariage, il ne dit pas pendant le mariage. C'est ainsi qu'il a été jugé que l'émancipation est absolue et irrévocable, quel que soit l'âge de la mineure quand elle se marie, et quoiqu'elle soit devenue veuve avant l'âge de quinze ans (Cass. 21 fév. 1821, aff. Duserré, V. no 847. - Conf. MM. Duranton, t. 3, no 655; Taulier, t. 2, p. 85; Grenier, des Hypoth., t. 11, no 278; Zachariæ, t. 1, p. 241, 1re édit.; Demolombe, t. 8, p. 162).

[ocr errors]

788. Mais que devrait-on décider si le mariage au lieu d'être dissous se trouvait annulé?-En admettant que l'annulation du mariage ait pour effet d'enlever au mineur le bénéfice de l'émancipation, cet effet ne pourrait se produire pendant l'instance à fin de nullité du mariage. L'époux mineur pendant le procès agirait comme mineur émancipé (Turin, 14 juill. 1807, aff. Impérial, V. Mariage, no 457. Conf. Merlin, Rép., t. 16, vo Mariage, sect. 6, § 1, quest. 3; Zachariæ, t. 1, p. 241, 1re édit.; Vazeille, du Mariage, t. 1, no 257; Demolombe, t. 8, p. 165).

789. Avant la révolution de 1789, et dans une certaine partie de la France, le mineur était émancipé de plein droit lorsqu'il avait atteint un certain âge, ce qui était une sorte d'émancipation tacite (Nouv. Denis., vo Emancip., § 5, no 1). Dans les pays de droit écrit l'âge était fixé à douze ou à quatorze ans ; dans les autres, à dix-huit ou à vingt ans. Le projet du code avait consacré ce système emprunté du droit romain, mais seulement à partir de dix-huit ans. Ainsi, le conseil de famille n'était pas appelé à se prononcer sur l'émancipation (Fenet, t. 10, p. 564, 565, 594). Ce système a été rejeté dans la discussion; de sorte qu'on ne reconnait plus d'émancipation par le seul bénéfice d'âge.

SECT. 2. Du curateur à l'émancipation.

790. La curatelle est, en thèse générale, une charge publique, et cela est vrai surtout en matière d'émancipation; par conséquent, elle а un rapport essentiel avec la tutelle (Conf. Zachariæ, t. 1, p. 474; Demolombe, t. 8, p. 200); mais quelle est la portée légale de ce mot curateur à l'émancipation?-Ce curateur est-il (comme le tuteur) légitime, testamentaire ou datif? Par qui, en quelle forme et pour quels actes doit-il être nommé? Quels sont ses pouvoirs? Les père et mère peuvent-ils être curateurs de leurs enfants émancipés? Y a-t-il pour cette curatelle, comme pour la tutelle, des causes d'excuse, d'exclusion et de destitution? Voilà des questions graves, nombreuses, et sur lesquelles le législateur, chose extraordinaire! a gardé le plus profond silence. Toutefois, il résulte de l'ensemble des dispositions du code que le curateur à l'émancipation n'est qu'un conseil, dont on n'est pas nécessairement obligé de suivre les avis. Il assiste le mineur émancipé, il n'a pas le droit de lui imposer sa volonté. N'oublions pas que le tuteur est donné à la personne, et l'administration des biens n'est pour lui que la conséquence de son action journalière et paternelle sur la personne. Le curateur est donné aux biens surtout. Tutor personæ datur, curator rei (L. 20, D., Deritunupt., L. 8, C., De nupt.). Le curateur conseille et n'administre pas. Cependant, s'il s'immisce dans l'administration, ne doit-il pas

Il a été décidé qu'un jugement qui constate en fait qu'un individu a géré des affaires comme curateur pendant l'émancipation d'un mineur, et comme mandataire à sa majorité, peut, comme conséquence de ce fait, condamner le mandataire à rendre compte et comme curateur et comme mandataire, bien qu'en la première de ces qualités il n'eût, à proprement parler, aucune gestion à conduire (Req. 6 fév. 1843, aff. Jouffrault, V. Compte, no 35).— Le curateur peut-il se rendre adjudicataire des biens de l'émancipé? Non (Magnin, t. 2, no 1185, qui se prononce contre tout curateur).-V. Vente, Ventes publiques.

791. Les auteurs ont longuement discuté pour savoir s'il y a des curateurs légitimes. M. Delvincourt a même soutenu que toutes les règles établies, en ce qui concerne les nominations du tuteur, sont applicables au curateur, ce qui laisserait supposer qu'il pourrait y avoir des curateurs testamentaires; dans le silence absolu de la loi à cet égard, ce système n'a pas eu d'écho. Tous les jurisconsultes sont d'accord pour repousser la curatelle testamentaire, mais il n'en est pas de même du système qui admet une curatelle légitime.-Suivant plusieurs auteurs, le père (ou la mère) est de plein droit curateur légitime de l'enfant qu'il a émancipé, mais, à la différence de ce qui a lieu en matière de tutelle, les autres ascendants ne seraient pas curateurs légitimes (M. Taulier, t. 2, p. 92, 95), ni même la mère (M. Zachariæ, t. 1, p. 568).—Suivant d'autres, la curatelle appartiendrait de droit aux ascendants, comme au père ou à la mère (Delvincourt, t. 1, p. 126, note 3).-Suivant d'autres encore, ou l'émancipation a été conférée au mineur pendant le mariage, par le père, ou, à défaut du père, par là mère, et alors la curatelle légitime appartient à celui de ses auteurs qui l'aura émancipé; ou l'émancipation a été conférée après la dissolution du mariage, fût-ce même par le survivant des père et mère, et alors le curateur est nécessairement datif, parce qu'alors, et à la différence du cas qui précède, il y a un compte de tutelle à rendre, et nécessité d'un curateur datif, aux termes de l'art. 480 (M. Marcadé, t. 2, art. 480, p. 196).Mais M. Demolombe, S, p. 196, suivant lequel il n'y a pas de curatelle légitime, pendant comme après le mariage, répond trèsbien à M. Marcadé qu'il est difficile d'être satisfait de son système; qu'en effet, si le père ou la mère qui émancipe l'enfant pendant le mariage est curateur légal, il semblerait peu rationnel que le père ou la mère qui l'émancipe après la dissolution du mariage, surtout lorsqu'il était déjà tuteur légal, ne fût pas également alors curateur légal; car, dans l'un et dans l'autre cas, l'émancipation procède du droit de la puissance paternelle. Ce serait réellement très-peu logique.-M. Marcadé objecte que lorsque les père et mère existent et qu'ils émancipent leur enfant, il n'y a pas de compte de tutelle à rendre. Cela est vrai, mais les père et mère ont à rendre le compte de l'administration légale qu'ils ont eue en vertu des art. 384 et 589 c. nap., et pour la reddition de ce compte à l'émancipé, il faut bien que le conseil de famille nomme un curateur, car le père ne peut pas alors être tout à la fois comptable et curateur relativement au compte à rendre (M. Demolombe, t. 8, p. 196).

Quant à nous, nous n'hésitons pas à penser que chez nous comme chez les Romains (Inst. de Just., liv. 1, tit. 25, §1), le curateur est toujours datif. Nulle part, en effet, la loi ne parle de curatelle légitime, et elle ne renferme à cet égard, si ce n'est pour le mari (V. le numéro suivant), aucune disposition d'où l'on puisse conclure, même par voie d'induction, l'existence de cette curatelle. L'art. 480 suppose, au contraire, bien nettement, que le curateur est toujours nommé par le conseil de famille. On objecte, à la vérité, que, dans l'art. 480, le législateur ne s'est occupé que du curateur appelé à assister le mineur émancipé, lors de la réception de son compte de tutelle, et qu'il ne s'agit là, dès lors, que d'un curateur ad hoc, dont la mission, purement momentanée, cesserait immédiatement, en cas de curatelle légitime. Mais rien ne justifie une telle interprétation; et sauf l'hypothèse particulière où le conseil de famille entendrait confier la curatelle soit au père administrateur légal ou tuteur, soit à tout autre tuteur, en exercice à l'époque de l'émancipation, nous ne croyons pas que l'intervention d'un curateur ad hoc pour assister l'émancipé recevant son compte de tutelle, soit entrée dans les prévisions de la loi. L'historique de la rédaction de l'article dé

« PreviousContinue »