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8. Lorsque les tribunaux sont appelés à prononcer sur la contestation entre deux individus qui se disputent la même descendance ou les mêmes armes, ils doivent se conformer aux règles ordinaires sur les preuves relatives aux contestations d'état. Le droit de porter tel nom ou telles armes se constate par titres authentiques, ou par une possession constante.-Ainsi,

d'Adbémar. Appelé en cause pour débattre ses droits, d'Adhemar de I antagnac demanda le renvoi de la cause devant le tribunal de la Seine, lieu de son domicile.-Par jugement du 8 juin 1820, le tribunal d'Alais renvoya devant le tribunal de la Seine la question de savoir si le sieur d'Azémar avait le droit de reprendre le nom d'Adhémar comme descendant de l'ancienne famille de ce nom, pour être ensuite statué sur la demande en rectification ainsi qu'il appartiendrait.

26 juill. 1826, jugement du tribunal de la Seine, confirmé sur appel, qui déclare que, si le sieur d'Azémar prouve qu'il descend d'Anglès d'Adhémar, mari d'Isabelle de Roca, frère d'Arnaud et fils de Pierre, il n'établit pas l'identité de ce Pierre, père d'Anglès et d'Arnaud, avec Pierre l'aîné ou le vieux, second fils de Rigal d'Adhémar et de Cibélie de la Barrière, tige du comte d'Adhemar de Lantagnac. En conséquence ce jugement considérant, en outre, que les armoiries ne sont pas semblables, rejette la demande du sieur d'Azémar.

Malgré ce rejet, la famille d'Azémar continuait à se donner le nom d'Adhemar dans les actes de la vie privée et publique. Par exploit des 3 et 6 août 1835, Maurice d'Adhemar de Lantagnac, invoquant l'autorité de la chose jugée, a assigné cette famille pour s'entendre faire défense de prendre à l'avenir les noms, signatures et armoiries de la famille d'Adbémar et voir autoriser le requérant à faire faire mention des décisions ci-dessus en marge des minutes et expéditions de tous actes contenant l'usurpation du nom d'Adhémar, etc.

26 juill. 1836, jugement du tribunal d'Alais qui repousse l'exception de chose jugée, en considérant que, devant le tribunal de la Seine, le sieur d'Adhemar prétendait descendre de Rigal d'Adhémar, tige du demandeur, tandis qu'aujourd'hui il soutient qu'il a droit de porter le nom d'Adhemar comme descendant d'aïeux étrangers à la famille Rigal: d'où il suit qu'il n'y a pas identité de cause, de demande et de qualité.- Au fond, le tribunal reconnaît que des actes et documents produits, il résulte, ainsi que l'ont déclaré le tribunal de la Seine et la cour de Paris, que la famille d'Azémar compte parmi ses aïeux un Anglès d'Adhémar, mari d'Isabelle de Roca, frère d'Arnaud et fils de Pierre d'Adhémar; qu'elle justifie que ce nom a été autrefois celui de ses ancêtres ; que le nom d'Azémar n'est autre chose que le nom primitif modifié dans l'idiome languedocien par la transformation do dh en z, transformation dont beaucoup d'autres mots offrent des exemples, selon le témoignage de plusieurs lexicographes;-Qu'un nom de famille est imprescriptible, et que, si l'on peut le reprendre après l'avoir abandonné, à plus forte raison on peut lui restituer son ancienne orthographe et sa véritable prononciation, lorsqu'il a été simplement modifié dans la langue parlée el écrite ;- Que, quant aux armes de la famille du comte d'Adbémar de Lantagnac, les défendeurs n'ont jamais manifesté l'intention de les prendre. Par suite, le comte d'Adhémar est débouté de sa demande. Appel. 6 juin 1839, arrêt confirmatif de la cour royale de Nîmes, qui adopte les motifs des premiers juges auxquels il ajoute les suivants : Au fond: « Considérant que le nom d'Azémar, longtemps porté par les intimés ou leurs auteurs, n'est autre que celui d'Adhémar, altéré dans son orthographe et dans sa prononciation par l'idiome languedocien; qu'il est en effet prouvé par plusieurs titres authentiques, et notamment par deux contrats de mariage de 1477 et 1520, que les auteurs des intimés ont porté le nom d'Adhémar; que cette vérité a été reconnue par le tribunal de la Seine qui, tout en décidant qu'ils ne justifiaient pas de lour commune origine avec le comte Maurice d'Adhemar de Lantagnac, a néanmoins déclaré qu'ils descendaient en ligne droite d'Anglès d'Adhémar, fils de Pierre d'Adhémar, qu'on ne peut conserver des doutes sur l'idendité des noms d'Adhémar et d'Azémar, en présence de tous les acles, lettres et documents versés au proces, où l'on voit que dans les temps anciens, et même à des époques assez rapprochées, tous les Adhémar ont pris indifféremment ce nom ou celui d'Azémar; · Considérant qu'on ne saurait contester aux intimès le droit de porter le nom de leurs aieux en lui rendant sa véritable orthographe et sa véritable prononciation; qu'en cela ils ne font que ce qui a été fait avant cux et sans autres formalités de la part des appelants et des intervenants; Que les lois qui défendent les changements de noms ou qui prescrivent les formalités à remplir pour arriver à ces changements sont inapplicables à la cause, puisqu'il ne s'agit pas pour les intimés de substituer ou d'ajouter un nom à un autre, mais de conserver dans toute sa pureté le nom de la famille... >>

Pourvoi de Maurice d'Adhémar.-1o Violation de l'art. 1351 c. civ., sur l'autorité de la chose jugée. - 2o Excès de pouvoir et violation de la loi du 6 fruct. an 2, qui ne permet à qui que ce soit de porter d'autres noms que ceux énoncés dans son acte de naissance; de la loi du 11 germ. an 11, qui attribue au roi en conseil d'État le droit exclusif

jugé que nul ne peut porter tel ou tel nom de famille, s'il ne produit des originaux ou des expéditions de titres authentiques à l'appui de sa prétention, ou bien si, à défaut de titres, il n'a, en sa faveur, une possession d'état incontestable; que de simples copies de titres ne sont pas suffisantes (Req. 25 fév. 1823) (1). 19. Les actes de l'état civil ne font foi que des faits qui se

d'autoriser les changements de noms; de l'art. 99 c. civ. et des at. 855 et 856 c. pr., qui règlent la forme spéciale dans laquelle on doit se pourvoir en rectification des actes de l'état civil; de l'art. 171 c. pr., aux termes duquel les défendeurs éventuels ne pouvaient obtenir cette rectification qu'en faisant vider l'instance par eux introduite dans ce but en 1820;- Enfin violation des principes en matière de preuve littérale, en ce que l'arrêt attaqué s'est fondé sur un contrat de mariage de 1477 dont il n'était produit qu'une copie certifiée par deux notaires royaux, mais tirée d'un prétendu original sans signature et sans sceau qui se trouvait dans le livre coté des notes d'un ancien notaire décédé. - Arrêt.

LA COUR; Sur le premier moyen pris de la violation de la chose jugée: Attendu que, pour qu'il y ait chose jugée, il faut, aux termes de l'art. 1351 c. civ., que la chose demandée soit la même, que la demande soit fondée sur la même cause, qu'elle soit formée entre les mêmes parties et formée par elles et contre elles en la même qualité; — Attendu que, devant la cour royale de Paris, il s'agissait de savoir si les défendeurs éventuels en cassation descendaient de Rigal d'Adhémar, tige des demandeurs, par conséquent s'il y avait parenté entre les uns et les autres, et par suite de cette parenté, identité de nom; tandis que, devant la cour royale de Nîmes, il s'agissait de savoir si les mêmes défendeurs éventuels avaient droit au nom d'Adhemar non plus comme descendants de Rigal, mais comme issus de Pierre d'Adhémar, d'une famille différente de celle de Rigal; d'où il suit que, s'il y avait identité relativement au nom que prétendaient ces défendeurs, cependant ils le demandaient à un titre et en une qualité différents de ceux qui avaient été mis en avant par eux devant la cour royale de Paris; que n'y ayant de leur part ni même cause de demande, ni même qualité, il n'y a eu ni pu y avoir violation de l'art. 1351 c. civ.; Sur le deuxième moyen pris de ce que la demande portait sur une rectification des actes de l'état civil ou sur un changement de nom, et qu'en suivant une marche différente de celle qui est prescrite par la loi du 6 fruct. an 2, la loi du 11 germ. an 11, l'art. 99 c. civ., les art. 171, 855, 856 c. pr. civ., ces lois ont été violées et il a été commis un excès de pouvoir; Attendu qu'il ne s'agissait dans la cause ni d'un changement de nom, ni d'une rectification des actes de l'état civil, mais de savoir si les défendeurs éventuels prouvant que les deux premières générations de leur famille avaient porté le nom d'Adhémar, pouvaient être autorisés euxmêmes à le prendre aujourd'hui comme étant leur propriété ; que, par conséquent, les lois susdites étaient inapplicables, et que, d'un autre côté, il n'y a pas eu excès de pouvoir, puisque la cour royale de Nimes n'a fait qu'interpréter les actes qui lui étaient soumis et appliquer les principes généraux du droit; Sur la question de savoir si le contrat de mariage de 1477 produit devant la cour de cassation a dû être con sidéré par la cour de Nimes comme un acte authentique ;-Attendu que cet acte est revêtu des formalités auxquelles étaient assujettis, d'après la législation en vigueur à cette époque, les actes conservés par les notaires dans leurs registres; Rejette.

Du 8 mars 1841.-C. C., ch. req.-MM. Zangiacomi, pr.-De Gaujal, rap. (1) Espèce: - (De Chanel C. de Croy.) - La chambre des comptes de Grenoble, par un premier arrêt du 26 mars 1790, rendu contradictoirement avec le procureur général établi près de cette chambre, avait jugé suffisamment prouvée la descendance du comte de Chanel, en ligne directe, de la maison royale de Hongrie. Un second arrêt du 12 juin suivant avait ordonné l'enregistrement d'autres titres pour justifier de plus en plus cette demande. Le comte de Chanel, se qualifiant de CroyChanel, s'est fondé sur ces deux arrêts pour contester aux ducs et princo de Croy les armes de cette maison; en conséquence, il a formé contre eux une demande tendante à ce que défense leur fût faite de les porter et de se dire descendants de la maison royale de Hongrie. Les ducs et prince de Croy, ne trouvant pas que les pièces produites par le comte de Chanel justifiassent le nom qu'il portait, et sa prétention à son ori gine et aux armes de la maison royale de Hongrie, le soutinrent non re cevable, et conclurent reconventionnellement à ce qu'il lui fût fait défense de porter le nom de Croy et les armes indicatives soit de cette maison, soit de la descendance des rois de Hongrie. Le tribunal civil de la Seine, saisi de la contestation, déclara le comte de Croy-Chanel non recevable. Sur l'appel du comte de Chanel, qui excipait des arrêts de la chambre des comptes, qui le qualifiaient de Croy-Chanel, et reconnaissaient sa descendance de la maison royale de Hongrie, ainsi que son droit à en porter les armes, les ducs et prince de Croy attaquèrent cet arrêt par tierce opposition.

12 mai 1821, arrêt de la cour de Paris, dont voici la substance: «La cour considère d'abord que le comte de Chanel ne peut avoir droit

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aux armoiries de Hongrie, ni en contester la possession aux ducs et prince de Croy, qu'autant qu'il prouverait, par titres originaux et authentiques, sa descendance de cette maison royale; puis, examinant les titres, elle reconnaît que la pièce principale sur laquelle le comte de Chanel pretend s'établir est l'arrêt de la chambre des comptes, du 26 mars 1790, et elle décide que les chambres des comptes, essentiellement établies pour la conservation des droits régaliens, étaient incompétentes sur toute demande principale relative à la propriété des noms et armes dont la connaissance appartenait exclusivement aux parlements; que l'arrêt dont il s'agit, quoique rendu avec le procureur général, stipulant dans l'intérêt du domaine, n'a pu juger la question dont la décision pouvait préjudicier à des tiers, et que l'arrêt du 26 mars 1790 ne saurait être opposé aux ducs et prince de Croy. -L'arrêt du 12 mai 1821 juge ensuite que le répertoire ou registre des actes et titres compris dans l'enregistrement de l'arrêt de la chambre des comptes, à quoi se réduit la production faite par le comte de Chanel, ne supplée pas à la production de titres ou registres, ou expédition de titres; que, dans l'absence de titres, il faut examiner la possession d'état, et qu'il résulte des pièces de la cour, et même du registre produit, que les auteurs désignés du sieur Chanel n'ont jamais porté le nom de Croy, et que, dans cette possession d'état plus que centenaire, on ne voit aucun vestige ou renseignement de la descendance prétendue des rois de Hongrie ; que le demandeur n'apportant pas la preuve complète de sa demande, c'est le cas, sans qu'il soit besoin de statuer sur la tierce opposition, de confirmer le jugement dans sa disposition qui déclare le comte de Chanel non recevable dans son attaque contre les ducs et prince de Croy. En ce qui touche la demande réconventionnelle de ces derniers, la cour royale, statuant sur leur appel incident, considère que les ducs et prince de Croy ont porté, de temps immémorial, le nom de Croy, tandis que les titres produits par le comte de Chanel ne lui donnent que celui de Chanel, et que ce n'est que depuis une époque très-rapprochée qu'il a ajouté à son nom celui de Croy: en conséquence, elle infirme l'interlocutoire, et fait défenses au comte de Chanel d'ajouter à son nom celui de Croy.-Quant aux armoiries de la maison de Hongrie, respectivement revendiquées, la cour royale met les parties hors de cour sur ce point: attendu, 1o que les dues et prince de Croy ne justifient leur prétention à leur origine et descendance de la maison royale de Hongrie que d'après l'opinion de divers auteurs, contredits par d'autres; que les quatre diplômes émanés des empereurs d'Allemagne énoncent bien cette origine, mais sans rappeler ni même indiquer aucun titre à l'appui, énonciations qui ne peuvent avoir la même autorité que des titres authentiques exigés en matière de preuves généalogiques;-Attendu, 2o que les armes paternelles et patrimoniales des ducs et prince de Croy ont toujours été faciées d'argent à trois faces de gueules, tandis que celles de la maison royale de Hongrie sont à quatre faces. Pourvoi par le comte de Chanel: 1° pour violation de la chose jugée par les arrêts de la chambre des comptes, en ce que, nonobstant ces arrêts rendus par une cour investie du droit d'enregistrer les titres de noblesse et les armoiries y attachées, nonobstant les ordonnances de 1555 et du 20 juill. 1760, qui voulaient que les armoiries réglées et enregistrées fussent patrimoniales et héréditaires, la cour royale de Paris avait non-seulement refusé de défendre aux ducs et prince de Croy le droit de porter le nom de Croy, mais était allée jusqu'à faire une pareille défense au comte de Chanel lui-même; -20 Pour violation de l'art. 1555 c. civ., aux termes duquel les grosses font foi comme l'original en ce que l'arrêt dénoncé n'avait point attaché la force probante aux titres déposés au greffe de la chambre des comptes de Grenoble, et dont l'expédition en forme, délivrée par le greffier, et que le comte de Chanel avait fait relier, sous la dénomination de répertoire ou registre de ses titres, était produite devant la cour royale; 3° Pour contravention à des lettres patentes du 9 mars 1810, qui lui conféraient le titre de comte de Croy-Chanel de Hongrie, avec des armoiries et des gueules de huit pièces qu'il soutenait appartenir à sa famille. Le demandeur fait observer que si ces lettres patentes n'avaient pas la force de faire autorité, quant au nom de Croy prétendu, contre les ducs et prince de Croy qui y étaient étrangers, du moins l'arrêt attaqué n'avait pu lui enlever ses anciennes armoiries, confirmées par ces lettres patentes, puisque, d'une part, ces armoiries n'étaient pas celles dont MM. de Croy étaient en possession, et que, d'autre part, l'arrêt dénoncé jugeait lui-même que ces derniers ne justifiaient ni de leur descendance de la maison royale de Hongrie, ni de leur droit aux armoiries de cette maison. - Arrêt.

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exige une communication au ministère public; qu'il y avait bien un procureur général près les chambres des comptes, et que, dans l'espèce, les arrêts des 20 mars et 12 juin 1790 ont été rendus avec celui de la chambre des comptes de Grenoble, mais que ses fonctions étaient limitées par les attributions spéciales confiées à ces juridictions; que, sur les questions d'état, il n'y avait que les procureurs généraux près les parlements avec lesquels ces matières pussent être compétemment et irrévocablement jugées ;-Attendu, d'ailleurs, qu'en supposant même que les arrêts opposés de 1790 eussent pu légalement juger la question dont il s'agit, ils ne pouvaient former de titres irrécusables vis-à-vis des tiers; qu'ainsi, sous tous les rapports, la cour royale, en décidant et que les arrêts de la chambre des comptes de Grenoble n'avaient pu juger compétemment la question dont il s'agit, et qu'ils ne pouvaient préjudicier au prince de Croy-Solre, ainsi qu'aux ducs de Croy et de Croy-d'Havré, s'est conformée aux principes et aux lois de la matière; - Sur le deuxième moyen: Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que le demandeur n'a présenté ni originaux ni expédition de titres à l'appui de sa prétention; que sa production s'est réduite à un registre ou répertoire de pièces et actes compris dans l'enregistrement fait en exécution des arrêts de la chambre des comptes; qu'il suit de là qu'il n'était produit devant la cour d'appel que des copies; que de pareilles pièces n'ont point le caractère probant que désire la loi; que, d'aileurs, l'arrêt attaqué constate en fait qu'il résultait des pièces de la cause, et même du registre, que dans la possession d'état plus que centenaire qu'ont eue les auteurs indiqués du demandeur, ils n'ont jamais porté le nom de Croy; -Sur le troisième et dernier moyen, pris des lettres patentes du 9 mars 1810 relativement au droit de porter les armes qui y sont indiquées, et que contestaient les princes de Croy et les ducs de Croy et Croy-d'Havré: - Attendu que le hors de cour, prononcé par l'arrêt attaqué, laisse, à cet égard, le demandeur dans l'état et possession où il était avant ledit arrêt; - Rejette.

Du 25 fév. 1823.-C. C., sect. req,-MM. Henrion, pr.-Rousseau, rap.-Lebau, av. gén., c. conf.-Buchot, av. (1) Espèce: (Constant C. Tartanson.)- Le 30 fruct. an 2, l'officier de l'état civil de la commune de Solidor, près de Saint-Malo, reçut l'acte de célébration du mariage de Charles Constant avec Jeanne-Apollone Munier. Les époux étaient l'un et l'autre natifs de la Martinique, et se trouvaient en France par suite de déportation. L'acte désignait le mari en ces termes :-« Est comparu Charles Constant, fils de Bellevue Tartanson et d'Élisabeth Constance, etc.; » mais il ne fut signé que du nom de Charles Constant. Depuis, Charles Constant a pris le nom de Tartanson, dans divers actes privés et publics; c'est sous ce nom que ses enfants ont été inscrits et baptisés et que lui-même a été désigné dans l'acte de son décès arrivé le 5 nov. 1805. Enfin, sa veuve et ses enfants ont continué de porter le même nom à la Martinique.

Mais, le 23 fév. 1833, la famille Tartanson-Bellevue, composée de Jean-François Tartanson et des dames Langlois et Grubb, ses filles, a assigné la famille de Charles Constant devant le tribunal de Saint-Pierre (Martin que) pour se voir faire défense d'ajouter à son nom celui de Tartanson, et voir dire que cette addition serait rayée de tous les actes publics où elle se trouvait, et qu'on insérerait en marge de ces actes le jugement à intervenir.-Les défendeurs ont prétendu qu'ils avaient prescrit le nom qu'on leur contestait par une possession constante, publique et notoire pendant plus de trente ans. 10 mai 1834, jugement qui accueille la demande, sauf le chef tendant à la rectification de nom sur les actes de l'état civil et des notaires ou autres officiers publics, en considérant qu'en principe la propriété des noms est imprescriptible comme se rattachant à l'ordre public et n'étant pas dans le commerce. Appel de la veuve et des enfants Constant, qui invoquent l'acte de mariage du 30 fruct. an 2 et les divers autres actes publics et privés intervenus depuis sous le nom de Tartanson. Appel incident de la famille Tartanson-Bellevue. Durant l'instance d'appel, Jean-François Tartanson décède, et avec lui s'éteint la descendance masculine de cette famille. Les dames Langlois et Grubb, ses filles, poursuivent l'instance; mais alors on leur oppose qu'elles sont irrecevables pour défaut d'intérêt, parce qu'en se mariant elles ont perdu le droit de porter le nom de leur père.

En cet état, arrêt de la cour royale de la Martinique, en date du 11 fév. 1836, qui confirme la décision des premiers juges, et ordonne de plus la rectification et l'insertion de l'arrêt en marge des actes de l'état civil où les appelants ont pris le nom de Tartanson; quant aux actes des notaires, la cour déclare qu'on ne peut contraindre ces officiers à les rectifier. Voici les motifs essentiels de cet arrêt qu'il importe de recueillir:

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20. A l'égard de possessions de noms nobiliaires on terriens et patronymiques, plus ou moins longues, plus ou moins certaines, antérieures à la révolution de 1789, il a été jugé : 1o qu'un individu dont l'acte de naissance contient un surnom qui n'a pas été pris par ses auteurs, et ne lui a été donné que par suite de la posses

« Sur la fin de non-recevoir résultant du défaut d'intérêt des dames Langlois et Grubb: Attendu que, par le mariage, les femmes ne cessent pas de faire partie de la famille dont elles sont issues; que, si elles se voient substituer le nom de leur mari à celui de leur famille, cela n'a lieu que pour les actes de la vie commune et non pour des actes qui intéressent leur état civil et même leurs propriétés; qu'elles peuvent être considérées en même temps comme la fin et le commencement des familles auxquelles elles appartiennent; ... Au fond: Attendu, en fait, que les appelants puisent leur droit au nom de Tartanson dans l'acte de mariage du 30 fruct. an 2, dans l'acte de naissance du 2 fruct. an 3, dans les actes de baptême des 19, 21, 26 sept. 1805 et dans une possession de plus de trente années; - Attendu, en droit, que l'acte de mariage de l'an 2 ne peut leur venir en aide; qu'en effet, s'il est énoncé dans cet acte que Charles Constant, qui se présente pour contracter mariage, est fils de Bellevue-Tartanson et d'Elisabeth Constance, non-seulement il n'est pas spécifié de quelle nature est la filiation, si elle est légitime, adoptive ou naturelle reconnue, mais l'officier civil ne marie que Charles Constant et Apollone Munier, et ce n'est pas Charles Constant Tartanson qui figure à l'acte, mais seulement Charles Constant; -Attendu que l'absence du nom de Tartanson dans la partie de l'acte qui désigne celui qui se présente pour contracter mariage, dans la formule sacramentelle de l'union et dans la signature de l'époux, ne peut être considérée comme une omission involontaire... >> - - Ici l'arrêt constate qu'en supposant que Charles Constant füt fils naturel de l'aïeul des intimés, ainsi que l'ont prétendu les appelants, il s'ensuivrait qu'il était né sous l'empire des lois coloniales probibant les mariages, adoptions et reconnaissances entre les diverses classes, prohibition qui se serait appliquée à Charles Constant, homme de couleur. L'arrêt repousse aussi l'objection prise de ce que, en France, lors du mariage de l'an 2, la législation aurait autorisé Charles Constant à prendre le nom de Tartanson, car, dit-il, l'acte de mariage prouve qu'il aurait renoncé à son nom patronymique en ne signant que Charles Constant. Puis, relativement à la prétendue possession d'état, l'arrêt continue ainsi : -«Attendu, en ce qui touebe spécialement la dame Apollone Munier, veuve Charles Constant, que la possession d'état, quelque longue qu'elle soit, ne peut la dispenser de produire son acte de mariage; qu'il en résulte nécessairement qu'elle ne peut prescrire par la possession d'ét t ni le titre d'épouse ni rien qui soit en opposition avec l'acte de célébration de son mariage; Attendu, en ce qui touche les enfants issus du mariage, que ce n'est pas par les principes posés en l'art. 322 c. civ. que la question soumise à la décision de la cour peut être résolue; qu'en effet, on n'attaque pas leur filiation légitime pour y en substituer une autre, mais bien le droit de porter un nom que n'aurait pu leur transmettre celui dont ils descendent légitimement, puisqu'il n'aurait pas eu lui-même le droit de le porter;... que l'action des intimés n'a que les mêmes effets qu'aurait eus une demande en rectification d'un acte de l'état civil à laquelle on n'a jamais opposé les dispositions de l'art. 322... » Enfin, la cour examine si les appelants peuvent invoquer la prescription. A cet égard, elle juge inutile de résoudre en principe la question de savoir si les noms patrimoniaux sont prescriptibles, car, en admettant l'affirmative, elle déclare que la possession des appelants n'a pas été publique et non équivoque dans la colonie. D'abord, dit-elle, l'acte de célébration du 2 fruct. in 3 prouve contre cette possession, et, quant aux autres actes de l'état civil recus en France avant le retour de la famille Constant à la Martinique, its ne peuvent être réputés de plein droit avoir été connus dans celte colonie, où les actes de la métropole ont besoin de certaines formalités pour faire foi en justice. En terminant, l'arrêt considère que l'édit d'Amboise, du 26 mai 1535, avait force de loi à la Martinique, nonobstant les lois de la révolution sur la matière, qui n'y ont pas été promulguées, et que cet édit punissant comme un délit un changement de nom non autorisé, il s'ensuit que la possession des appelants exercée sous l'empire de cet édit ne peut par eux être invoquée.

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Pourvoi de la veuve et des enfants Constant. -1° Violation de la règle pas d'intérêt, pas d'action, en ce que l'arrêt attaqué a admis les dames Langlois et Grubb à poursuivre la prétendue usurpation du nom de Tartanson qu'elles ont perdu par l'effet du mariage et qui ne peut, dès lors, être considéré comme leur propriété. -2° Violation de l'art. 45 c. civ. et des art. 194 et 195 du même code, en ce que la cour de la Martinique a refusé à la veuve de Charles Constant le droit de porter le nom de Tartanson, quoique l'acte civil du mariage, faisant foi jusqu'à inscription de faux, qualifiât le mari de fils de Bellevue-Tartanson. 3 Violation des art. 321 et 322 c. civ., fausse application des principes de la prescription et notamment des art. 2228 et 2233 dudit code, en ce que l'arrêt attaqué a refusé aux enfants de Charles Constant le droit de porter le nom de Tartanson que leur attribuait leur acte de naissance, malgré leur possession d'état.-L'art, 322, dit-on, qui porte que nul ne

sion d'une terre appartenant à ses auteurs, est sans droit ni qualité pour faire interdire au possesseur actuel de la terre d'ajouter à son nom celui de cette terre qu'il est en possession de prendre, ainsi que son père, depuis l'acquisition de ce domaine, acquisition antérieure à 1789 (Req. 14 nov. 1852) (1); — 2o Que l'engagiste d'un

peut contester l'état de celui qui a une possession conforme à son titre de naissance, s'applique au nom patronymique, puisque ce nom constitue un des éléments de l'état: nomen, tractatus, fama. En matière d'état, la possession n'a pas besoin d'avoir la durée qu'elle devrait avoir pour prescrire; la loi n'exige aucune condition de temps et de lieu (art. 321). Dire avec l'arrêt attaqué que la possession, publique en France, ne l'a pas été pour cela à la Martinique, c'est faire une distinction arbitraire. Quant à l'édit d'Amboise, il a été abrogé.-Arrêt.

LA COUR ; Attendu que les noms patronymiques des familles sont leur propriété; que, si les femmes, en entrant par le mariage dans une famille etrangère, cessent de porter le nom de leur père, ce nom, les souvenirs d'estimé et d'honneur qui peuvent y être attachés, sont un bien qui fait partie de leur patrimoine et qui ne saurait manquer de leur être toujours précieux;-Attendu qu'à défaut de descendants mâles qui puissent perpétuer le nom de leur père, les femmes n'ont pas moins d'intérêt à le conserver, et conséquemment à s'opposer à ce qu'il soit usurpé par d'autres familles; Attendu que si, aux termes de l'art. 45 c. civ., les extraits des registres de l'état civil font foi jusqu'à inscription de faux, cela ne doit s'entendre que des faits qui se passent devant l'officier de l'état civil, et dont la réalité est constatée par lui; qu'ainsi, dans l'espèce, l'acte de célébration du mariage de Charles Constant, du 50 fruct. an 2, ne doit pas être considéré comme renfermant d'autre preuve que celle de cette célébration; - Attendu que la cour royale de la Martinique a reconnu, d'après les énonciations de cet acte, que, quoiqu'il y fût dit que l'époux était fils de Bellevue-Tartanson, sans exprimer s'il était légitime, ce nom ne lui fut point attribué, et qu'on se borna à lui donner celui de Charles Constant, le seul en effet que l'époux signa au bas de l'acte; - Attendu, dès lors, que les demanderesses et particulièrement la veuve de Charles Constant, ne sauraient puiser dans l'acte de l'état civil du 30 fruct. an 2 des arguments favorables à leurs prétentions; Attendu que les art. 321 et 322 c. civ. se bornent à déterminer comment la possession d'état s'établit; - Attendu qu'il n'est nullement question de fixer l'état civil des demanderesses, lequel n'est pas contesté ; Attendu, enfin, que la cour royale de la Martinique, faisant une appréciation souveraine des actes et des circonstances de la cause, a déclaré que l'acte de célébration du mariage de Charles Constant, du 30 fruct. an 2, prouvait contre la possession du nom de Tartanson par son épouse; que ce nom n'ayant pas été porté par le père, n'avait pu être donné régulièrement aux enfants, et que, d'ailleurs, ceux-ci ne l'avaient pas porté assez longtemps pour établir une possession suffisante; qu'en ce faisant, la cour royale de la Martinique n'a violé aucune loi; Par ces motifs, rejette.

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Du 16 mars 1841.-C. C., ch. civ.-MM. Portalis, 1 er pr.-Bérenger, rap.-Laplagne-Barris, 1er av. gén., c. conf.-Gatine et Reger, av. (1) Espece: (De Cavanac C. Poulhariez-Cavanac.) Le 6 janv. 1775, acte de naissance du fils de M. Gabriel de Siran, marquis de Cavanac. Dès le 23 fév. 1773, Gabriel de Siran avait vendu au sieur d'Agrolles le domaine de Cavanac; en 1788, celui-ci le revendit au sieur Poulhariez, qui le transmit héréditairement à son fils.-Le 9 août 1825, M. de Cavanac fils forme, devant le tribunal de Marseille, une demande tendant à ce qu'il soit déclaré que le titre de marquis de Cavanac n'a jamais cessé de lui appartenir; que le sieur Poulhariez n'a ni droit ni qualité pour le porter; à ce qu'il lui soit fait défense de le porter à l'avenir, et à ce qu'on remette à lui demandeur les titres de la famille de Cavanac, possédés par Poulhariez.

Le 1er avr. 1826, jugement qui rejette la demande : « Attendu que la possession d'une terre noble donne le droit au possesseur d'en prendre le nom; que le sieur Poulhariez n'a pas fait autre chose; qu'il ne se qualifie pas de marquis de Cavanac, mais de marquis de Poulhariez-Cavanac, ce qui est tout different; que d'ailleurs le sieur Poulhariez no tient pas son titre de marquis de la seule possession de la terre de Cavanac, mais du don du prince (Louis XVIII), qui l'avait appelé marquis dans un certificat qu'il lui avait délivré le 8 mai 1794, et qui attestait ses services pour la cause royale; que le marquis de Cavanac est sans qualité ni droit pour contester au sieur Poulhariez, soit le titre de marquis, soit l'adjonction du surnom de Cavanac, parce que, aux termes de la loi du 6 fruct. an 2, le ministère public est seul compétent à cet égard; que, si le marquis de Cavanac a en sa faveur une longue possession, le marquis de Poulhariez en a une aussi, etc. »>

Appel; et, le 31 juill. 1828, arrêt confirmatif de la cour royale d'Aix. Pourvoi pour violation de l'art. 8 de l'ordonn. da 26 mars 1555, de l'art. 211 de l'ordonn. de janv. 1629, de l'art. 4 de l'édit du 8 déc. 1699, des principes du droit public de la Provence, de l'art. 2 de la loi du 25 juin 1790, de l'art. 1er de celle du 6 fruct. an 2, de l'arrêté du 19 niv. an 6, des art. 4 et 6 de la loi du 11 germ. an 11. Il faut, a dit le demandeur, écarter de la discussion ce qui concerne l'usurpation du titre

nef avec droit de haute, moyenne et basse justice, pouvait, sans l'au- | vait, avant 1789, ajouter, sans autorisation du roi, à son nom torisation du roi, ajouter à son nom propre, le nom de ce fief, à titre de surnom ou de qualification nobiliaire, bien qu'il appartint déjà, comme nom patronymique, au précédent propriétaire sur qui le fief avait été confisqué;... Et que ses descendants peuvent conserver ce surnom, nonobstant la dépossession du fief retourné à l'ancien possesseur, alors surtout que leur auteur le portait déjà avant l'engagement, par suite de la possession d'autres biens faisant partie de la même seigneurie (Req. 15 déc. 1845, aff. de Falletaus, D. P. 46. 1. 60); — 3o Que l'on pou

de marquis ce ne peut être l'objet que d'une action dirigée par le ministère public. Il ne s'agit ici que de la propriété du nom de Cavanac. La cour d'Aix pose, en principe, que celui qui réclame la propriété d'un nom, doit d'abord justifier de son droit. Or, comment se fait cette justification?

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Il est évident que ce ne peut être que par l'acte de naissance. La loi du 6 fruct. an 2 dit, art. 1er : « Aucun citoyen ne pourra porter de nom ni de prénoms autres que ceux exprimés dans son acte de naissance. »> Par soo art. 2, elle défend d'ajouter aucun surnom à son nom propre; la loi de l'an 11 a réglé les formes à suivre pour obtenir légalement un changement de nom. Les principes de la législation actuelle sur la propriété des noms, ne sont pas nouveaux : ils ne font que consacrer les règles anciennes. V. Merlin, Rép., vo Nom; Boniface, Rec. des arr. de Provence, t 4, p. 551. C'est ce qu'a jugé plusieurs fois la cour de cassation, notamment le 13 janv. 1813 (no 28), et le 16 nov. 1824 (no 34-1o). —De tout cela, il resulte qu'avant comme depuis la révolution, en Provence comme dans les autres parties de la France, il a été défendu de changer son nom de famille, soit par un véritable changement, soit par une addition, sans une autorisation expresse du prince. Ainsi Poulhariez, qui avoue n'avoir pas eu cette autorisation, n'a pu porter le nom de Cavanac. D'un autre côté, le marquis de Cavanac produisant un acte de naissance qui lui donne le nom de Cavanac, n'a pas d'autre preuve à fournir, et doit être maintenu dans la propriété de ce nom. - La cour d'Aix, pour juger le contraire, s'est appuyée sur ce que le nom de Cavanac n'est qu'un surnom ajouté au nom de Siran. Mais n'est-il pas évident qu'un pareil surnom porté dans un acte de naissance, est un nom susceptible de proprieté comme le nom principal? Falsi nominis, vel cognominis, dit la loi de falsis, qui régissait la Provence. La même cour a décidé que la possession du nom de Cavanac par Poulhariez était légitime, d'abord parce que lui ou ses auteurs ont possédé avant la révolution la terre de Cavanac, ce qui, d'après l'usage de cette époque, dounait le droit d'ajouter ce nom au sien propre. Cet usage a pu exister avant les croisades ; mais depuis longtemps il avait été proscrit comme un abus. Le surnom de Cavanac, en vertu des principes en vigueur lorsqu'il s'est incorporé, par l'acquisition du fief de Cavanac au nom de la famille de Siran en 1421, ne peut être considéré comme un surnom mobile; il est devenu le nom distinctif de la famille de Cavanac: la loi de l'an 2 elle-même a permis de porter ces surnoms devenus noms propres, en les dégageant de tout accessoire féodal. Postérieurement au 15° siècle, il est resté de règle que l'achat des terres ne pouvait donner le nom des seigneuries, surtout quand, ainsi que dans l'espèce, le noble qui vendait tirait son nom de la terre vendue. Laroque, Trait. de la noblesse, p. 10. Ainsi l'acquisition de la terre de Cavanac n'a pas conféré aux acquéreurs le droit d'en porter le nom ; quand même ceux-ci l'auraient dès lors porté, il s'ensuivrait seulement qu'ils auraient usurpé un nom qui ne leur appartenait pas. On objecte que le marquis de Cavanac n'a fait aucune réserve, en vendant sa terre, à l'égard de son nom. Mais quelle réserve avait-il à faire, puisque, de droit, le nom était incessible et inaliénable? Ne voiton pas aujourd'hui des nobles, des pairs de France, tels que les dues de Richelieu et d'Uzès, qui ont retenu leurs titres, bien que depuis longtemps les terres d'où ils provenaient soient sorties de leurs familles? Le prétendu usage sur lequel la cour d'Aix s'est fondée, n'existait plus depuis plus de trois siècles, quand a eu lieu la vente de 1773. Cet usage n'existant plus, le sieur Poulhariez n'a pu prendre un nouveau nom ou en ajouter un au sien sans la permission du prince, permission qu'il n'a pas obtenue.

Enfin, on oppose un certificat de Louis XVIII, dans lequel ce prince donne au sieur de Poulhariez père le titre de marquis de Cavanac; mais un tel acte n'avait point pour but et ne pouvait avoir pour effet de conférer un titre ni de nuire aux droits d'un tiers. Le prince n'a fait autre chose que de nommer le sieur Poulhariez comme il s'était nommé et qualifié lui-même dans la demande qu'il avait adressée pour obtenir le certificat dont il s'agit. - Arrêt.

LA COUR; Attendu qu'il conste, en fait, par l'arrêt attaqué, que le véritable nom du demandeur est celui de Siran; que le surnom de marquis de Cavanac n'était pris par ses auteurs, et ne lui a été donné dans son acte de naissance, qu'à raison de la possession de la terre de Cavanac, alors dans la possession de sa famille, hors de laquelle elle a été mise par la vente qu'en fit, en 1775, le père du demandeur; d'où l'arrêt altaqué conclut qu'il fut sans droit et qualités pour faire interdire au sieur

patronymique, celui du fief que l'on avait acquis; mais sous la condition qu'on ferait précéder le nom nobiliaire du nom de famille; qu'en conséquence, le vendeur, qui était alors et est resté en possession de ce nom, n'est pas fondé à s'opposer à ce que les descendants de l'acquéreur, qui a pris, avant 1789, le nom de la seigneurie achetée et l'a transmis à sa postérité, continuent aujourd'hui à ajouter ce nom à leur nom patronymique (Nimes, 7 juill. 1829 (1).-Conf. M. Miot, dans son rapport, p. 507, 508, nos 2, 6, 7).

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Du 14 nov. 1852.-Ch. req.-MM. Zangiacomi, pr.-Voysin, rap. (1) Espèce:- (Lafare C. Cabot-Lafare.) — Par acte de 1719, les époux Letellier vendent à Jean Cabot leur domaine noble, appelé de Lafare, situé au lieu de la Vaissière, avec toutes les appartenances, privileges, droits seigneuriaux, censives, etc., sans aucune retenue. -Ce domaine, qui avait appartenu à la famille de Lafare, et en portait le nom, était parvenu, par donation ou autrement, à la dame de Sales, épouse du sieur Letellier.

Cabot eut un fils qui fut baptisé sous le nom de Jean-Pierre Cabot de Lafare, et prit lui-même cette dénomination dans l'acte de naissance. -Ce fils entra, sous ce nom, dans les chevau-légers en 1779, le prit dans les actes les plus importants de sa vie, notamment dans son contrat de mariage, ne cessa de le porter dans son émigration, et eut deux fils, actuellement au service, qui furent également inscrits et baptisés sous le nom de Cabot-Lafare.-Ils en jouissaient en 1827, ayant neanmoins pris peu à peu l'usage de signer simplement Lafare, en dissimulant leur nom de famille, ou en faisant précéder l'autre seulement de l'initiale C., lorsque MM. le cardinal et le marquis de Lafare les sommèrent de cesser de prendre ou porter à l'avenir le nom de Lafare.

Les sieurs Cabot frères n'ayant point répondu à cette sommation, la contestation fut portée devant le tribunal de Florac.-Les sieurs Cabot de larèrent qu'ils ne prétendaient nullement appartenir à la famille de Lafare; qu'ils n'avaient jamais entendu substituer le nom de Lafare a celui de Cabot, declarant que leur père n'a jamais pris que le titre de marquis de Cabot de Lafare, n'usant de cette denomination que comme surnom, en vertu de ses titres et d'une longue possession. - MM. do Lafare prétendirent que le fief vendu au sieur Cabot ne pouvait avoir d'autre nom que celui de la Vaissière; que le sieur Cabot père avait pris ce nom dans sa jeunesse, et que son acte de naissance n'en portait pag d'autre; que, néanmoins, il avait depuis, non-seulement ajouté le nom de Lafare au sien, mais qu'il avait pris la qualité de marquis de Lafare simplement.

Jugement du tribunal de Florac, ainsi conçu :« Attendu qu'il n'est pas contesté que la famille des demandeurs et ses différentes branches n'aient la propriété et la possession, depuis un temps immemorial, du nom de Lafare, et des titres et qualifications honorifiques; qu'elle est, par suite, bien fondée à s'opposer à ce que ce nom devienne exclusivement celui d'une autre famille; - Attendu que l'instance a pour objet d'interdire aux défendeurs le nom de Lafare, soit seul, soit précédé du titre de marquis, ou du nom de Cabot; - Attendu, à l'égard du titre, qu'au ministère public seul appartient le droit de poursuivre toute usurpation de titre ou qualification non conférée par l'autorité royale; Attendu, en fait, sans remonter à l'origine du nom de Lafare, qu'il est établi par acte reçu par Me Lhermet, notaire de Mende, le 9 Pai 1719, que Jean Cabot, aïeul et bisaïcul des défendeurs, fit l'acquisition, de Claude Letellier, seigneur du Sagnet, d'un domaine qualifié noble, appelé Lafare, situé au lieu de la Vaissière, paroisse de Boudous, avec toutes ses appartenances, facultés, priviléges, censives et autres droits seigneuriaux-Attendu qu'il n'est pas établi que l'auteur de l'aliénation de ce domaine, que les demandeurs soutiennent avoir fait partie d'un de leurs fiefs, se soit rien réservé, ni qu'il ait imposé à l'acquéreur aucune sorte d'obligation au sujet du nom de Lafare que porte ce domaine; -Attendu que la famille des défendeurs, conformément à l'usage atteste par les auteurs, ajouta ultérieurement à son nom patronymique celui de cette seigneurie, et le donna à ses enfants; que si le sieur Cabot père ne rapporte pas son acte de naissance, du 15 mars 1762, il est constant qu'il a été désigné, dans le brevet de sa pension militaire, sous le nom de Cabot de Lafare, et qu'il a toujours été reconnu tel dans le public; Attendu, en droit, que, malgré la sollicitude de nos rois, pour empêcher les familles de changer leur nom ou leur origine, en prenant arbitrairement des noms nouveaux, ou en ajoutant des noms de seigneurie à leurs noms patronymiques, ou en supprimant ceux-ci, l'usage n'avait pas absolument cesse d'exister; qu'en effet, malgré l'ordonnance d'Amboise, de 1555, qui défend à toutes personnes de changer leur nom et leurs armes sans

Mais, sous la loi nouvelle, la vente d'une terre ne pro- | duirait pas le même effet; l'usage ancien dont nous venons de parler est tombé devant la législation actuelle, qui n'autorise un changement ou une addition de nom, qu'en vertu d'une ordondance, et sauf les droits des tiers.

21. Relativement à la preuve de la possession, il a été jugé : • que la possession ancienne, même centenaire, d'un nom, ne se prouve que par des registres, actes ou monuments publics : les généalogies ou autres pièces rédigées par les familles ellesmêmes ne donnent pas à la possession un caractère suffisant de notoriété et de publicité (Paris, 26 juin 1824, aff. d'Apchier de la Tour-d'Auvergne, rapportée sous l'arrêt du 3 avril 1826,

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lettres de commutation, l'usage prévalut encore; et que Louis XIII,
par son ordonnance de 1629, art. 211, enjoignit de nouveau à tous
gentilshommes de signer du nom de leur famille, et non de celui de leurs
seigneuries, à peine de nullité des actes et contrats; ce qui n'interdisait
pas rigoureusement l'usage des surnoms tires des seigneuries que les
pères des familles nobles donnaient à leurs enfants, pourvu qu'ils les
fissent précéder du nom de famille; qu'ainsi, on ne pourrait, sans
une extension qui n'est pas dans la loi, et contre un usage universel,
faire aujourd'hui des défenses, et interdire ce que le législateur d'alors
ne contrariait pas; qu'il y a donc lieu de maintenir la famille Cabot dans
la possession du surnom de Lafare; - Attendu que la nouvelle législa-
tion et celle intermédiaire n'ont eu pour objet, comme les anciennes or-
donnances tombées en désuétude, que d'empêcher de nouveaux change-
ments ou additions de nom sans l'autorisation du souverain, et qu'on ne
saurait, sans rétroactivité, les appliquer à des droits acquis, maintenus,
d'ailleurs, par la charte constitutionnelle;-Attendu, cependant, que les
défendeurs ont successivement, ainsi qu'il est établi par les pièces ver-
sées au procès, supprimé entièrement leur nom de famille, signé et pris
dans des actes publics le nom de Lafare, seulement précédé de qualifi-
cations honorifiques; que, par ce fait, ils se sont identifiés avec la fa-
mille des demandeurs, à laquelle ils reconnaissent être parfaitement
étrangers, ainsi qu'ils l'ont déclaré, d'ailleurs, en jugement; - Attendu
qu'ils prétendent vainement que leur surnom de Lafare a été précédé de
la lettre C, pour indiquer, par cette lettre initiale, leur nom patronymi-
que, parce qu'il est contraire à nos usages modernes de se signer ainsi, et
que les lettres initiales en tête des noms ou surnoms ne sont considérées
que comme des abrégés du prénom ou du nom de baptême ;-
Par ces
motifs ;-Maintient les défendeurs dans la possession qu'ils ont d'ajouter
à leur nom patronymique le surnom de Lafare, tiré de leur domaine; leur
fait défenses, à l'avenir, de le prendre seul, soit précédé de titres ou
qualifications honorifiques;-Ordonne à tous officiers publics, sur le vu du
présent jugement, de faire sans frais tous émargements ou rectifications
aux fins d'icelui ;-Compense les dépens. »>

no 26);-2o Que la copie d'un acte du quinzième siècle, certifiée par deux notaires royaux comme étant extraite du livre coté des actes d'un ancien notaire se trouvant entre les mains des héritiers, doit faire foi devant les tribunaux, bien que les notaires certificateurs attestent que l'original n'étail revêtu d'aucune signature (Req. 8 mars 1841, aff. d'Adhémar, V. no 17). 22. Au surplus, et en matière de généalogie, il a étéjugé: 1° que la présomption d'identité des personnes, résultant de l'identité des noms et prénoms, cesse en cas de coexistence, au même temps, de plusieurs personnes du même nom et prénom, et que, dans ce cas, c'est à celui qui allègue l'identité à la prouver (Bruxelles, 26 mars 1829) (1);-2o Que la généalogie faite en vertu d'une ordonnance

et

l'enregistrement des deux ordonnances, on n'en sera pas plus avancé : celle de 1555 n'a eu pour but que d'empêcher qu'on ne changeât de nom, et nous ne voulons pas changer notre nom en celui de Lafare; celle de 1629 n'a eu pour objet que d'obliger à signer de son nom, et le jugement dont nous demandons la confirmation nous impose cette obligation. -Les lois postérieures n'ont pu atteindre des droits acquis, car, autrement, il faudrait dire que tous ceux qui ont pris avant la révolution, aux époques les plus reculées, les noms de leurs terres, ou qui en ont pris le surnom, sont obligés de les quitter; et nous ne croyons pas que les sieurs Lafare veuillent donner aux nouvelles lois cette extension, à moins qu'ils ne prouvassent que le nom de Lafare est patronymique, ce qui contrarie leur généalogie: d'ailleurs les lois nouvelles sont plus fa→ vorables que contraires aux sieurs Cabot. La loi du 6 fruct. an 2 défendit de porter d'autres noms que ceux relates dans l'acte de naissance; elle donna donc aux sieurs Cabot, père et fils, le droit de prendre le surnom de Lafare, relaté dans leur acte de naissance; l'art. 2 défend d'ajouter aucun surnom à son nom propre, à moins qu'il n'ait servi jusqu'ici à distinguer les membres d'une même famille; et le surnom de Lafare sert à distinguer la branche qui le porte d'une autre branche de leur famille, appelée Cabot-Dampmartin; il est vrai que la loi ajoute: sans rappeler des qualifications féodales; mais l'article de ne désigne rien de féodal; et s'il est vrai qu'il sert à qualifier les nobles, l'art. 71 de la charte est là pour effacer cette disposition de la loi de l'an 2. La loi de l'an 11ne dispose que pour l'avenir; elle dit expressément à compter de la présente loi; elle n'atteint pas le passé, elle ne parle pas des surnoms; elle est, en tout point, inapplicable. Les arrêts que l'on invoque ne reçoivent pas plus d'application à l'espèce; ils sont rendus dans des cas spéciaux, où il s'agit de changements de noms proprement dits, de préjudice causé à une autre famille dans laquelle on veut entrer, en en prenant le nom et les armes, ou, quelquefois, la raison de commerce; mais jamais ces arrêts n'ont interdit d'ajouter à son nom celui de sa terre, lorsque les noms patronymiques étaient distincts, lorsque les armes l'étaient aussi, et qu'il ne pouvait en naître aucune confusion dans les familles. - Los intimés insistent sur leur longue possession. Ils répondent à cette ob

qui a été vendu, mais une terre, dont l'usage autorisait d'ajouter le nom à son nom patronymique.-Arrét.

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-

Appel de MM. Lafare;-Ils ont soutenu que la dame de Sales n'avait point entendu vendre la terre de Lafare, mais bien celle de la Vaissière.jection que les noms sont incessibles, en disant que ce n'est pas un nom Ils invoquent les ordonnances de 1555 et 1629; les lois du 6 fruct. an 2 et 11 germ. an 11, qui défendent de changer son nom sans autorisation, et d'usurper celui d'une famille existante; ils ajoutent que les sieurs Cabot ne pouvaient arguer de leur possession, parce qu'un nom étant hors du commerce, était une propriété incessible, inaliénable, et par conséquent imprescriptible. Enfin, ils présentent des considérations sur les inconvénients de ces usurpations de noms qui troublent la paix des familles, et tendent à les priver de la gloire, de l'illustration de leur origine. L'intimé répondait : Tout le monde sait, et tous les auteurs enseignent que l'usage des surnoms s'introduisit en France à l'époque où les fiefs devinrent béréditaires. Les seigneurs, dit du Tillet, prirent le surnom de leurs fiefs, les rustiques et les serfs prirent celui des métairies qu'ils habitaient, et des métiers qu'ils exerçaient. Bientôt les seigneurs abandonnèrent leur nom patronymique, et ne portèrent plus que celui de leur seigneurie. La confusion s'établit dans les familles. Ce fut pour remédier à cet abus que fut rendue, par Henri II, l'ordonnance d'Amboise de 1555, qui ne fut ni enregistrée ni exécutée par ceux qu'elle voulait spécialement atteindre. Les seigneurs continuèrent à porter le nom de leurs terres, et même à signer de ce nom; ce qui fut cause qu'il fut rendu par Louis XIII une seconde ordonnance, en 1629, qui enjoignit à tous gentilshommes de signer du nom de leur famille; mais cette ordonnance ne fut pas plus exécutée ni enregistrée que la première, et l'usage de prendre et de signer du nom de sa terre prévalut. Voilà pourtant les deux ordonnances que l'on oppose aux sieurs Cabot, et il est bien surprenant que ce soit les sieurs Lafare qui les leur opposent; car s'ils les eussent exécutés, ils ne s'appelleraient pas du nom de Lafare seul; ils y joindraient encore, comme nom patronymique, celui de Beringuier, qui était celui de leur premier auteur. Les sieurs Cabot sont donc en droit de dire Les ordonnances que l'on invoque contre nous n'ont point reçu d'exécution, l'usage l'a emporté sur la loi, et cet usage, qui a commencé au dixième siècle, s'est perpétué jusqu'à l'époque de la révolution. Tous les auteurs en font,foi: Montaigne a écrit contre cet usage; ce qui prouve qu'il existait. Que si l'on veut supposer, pour un instant, l'exécution et

LA COUR; Adoptant les motifs, etc.; met l'appel au néant. Du7 juill. 1829.-C. Nimes.-MM. Thourel, pr.-Bechard et Crémieux,av. (3) (De Wael C. Vanleemputten.) LA COUR; Attendu, en droit, qu'en matière de généalogie, la présomption d'identité des personnes, par suite de l'identité des noms et prénoms, dans un acte de naissance et celui subséquent de mariage, même dans un temps ni trop voisin, ni trop éloigné de la naissance, ne procède plus lorsque la coexistence, au même temps, de deux ou plusieurs personnes du même nom et prénom, est d'ailleurs alléguée et prouvée, et que, dans ce dernier cas, c'est à celui qui allègue l'identité à en fournir la preuve; - Attendu en fait que, dans l'espèce, l'intimé Gommaire Vanleemputten, pour établir sa parenté avec la défunte de cujus, prétend descendre de Corneille Vandesande et de Marie Caluwart, par Marie Vandesande, leur fille, née à Anvers le 19 janv. 1638, et qui, selon lui, serait la même personne qui a épousé à Lierre, le 30 juin 1652, Jean Vanleemputten, trisaïeul de Îui intimé; Attendu que les appelants, en déniant l'identité de Marie Vandesande, fille des époux Corneille Vandesande et Marie Caluwart, avec la personne de Marie Vandesande, qui a épousé à Lierre, le 30 juin 1652, Jean Vanleemputten, ont établi au procès la preuve de la coexistence, à la même époque, de deux autres Marie Vandesande, toutes deux alors en âge de se marier; - Que, dans cette circonstance, la preuve de l'identité de la Marie Vandesande née à Anvers le 19 janv. 1638, invoquée par l'intimé, avec Marie Vandesande, qui a épousé à Lierre, le 30 juin 1652, Jean Vanleemputten, incombait à lui intimé, qui n'a aucunement administré la preuve de cette identité; qu'il suit de ce qui précède que le jugement dont est appel, en l'admettant à concourir avec les appelants au partage de la succession maternelle de la défunte de cujus, a infligé grief à ces derniers; Par ces motifs, met le jugement dont est appel au néant; - Emendant, déclare l'intimé sans titre, droit, ni action à ladite succession, etc.

Du 26 mars 1829.-C, sup. de Bruxelles.-M. Spruit, av. gén.

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