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du chef de l'État, et revêtue de la sanction du chef de l'État, est un titre attributif des honneurs de la cour, mais non de la propriété du nom qu'elle confère; qu'en conséquence, la famille qui est étrangère à l'acte de généalogie peut défendre à celui qui s'est emparé de son nom le droit de le porter, encore bien qu'elle eût reconnu l'existence de l'acte généalogique (Req. 18 mars 1834) (1). 23. La propriété d'un nom peut-elle résulter de la simple possession et s'acquérir par la prescription? —Denisart, vo Nom, enseigne que le nom, les armes et le rang des familles ne tombent pas dans le commerce et sont inaliénables. «C'est, dit-il, le seul bien indépendant des caprices et des révolutions de la fortune. » La longue possession d'un nom ne saurait être considérée comme une prescription faisant acquérir le nom, mais comme une présomption qu'il a toujours appartenu à celui qui le porte. Les noms de famille sont imprescriptibles : «Le nom des individus, a-t-on dit à l'appui de cette doctrine, dans l'affaire Constant (V. no 19), se rattache à leur état dans la société, non pas que la possession du nom doive s'identifier avec celle de l'état et s'établir de la même manière, quand le père n'avait pas le droit de le porter, mais en ce sens que le nom qui est acquis sert à garantir l'immutabilité des individus. Sous ce rapport, le nom est aussi inaliénable et imprescriptible que l'état ou la filiation. » Dunod s'exprime ainsi dans son Traité des prescriptions: «On ne prescrit pas contre la vérité des faits,ni contre certaines qualités auxquelles le temps, ni aucun autre titre ne peuvent apporter des changements. Telle est, par exemple, l'individualité de la personne : Caïus sera toujours Caïus, quoiqu'il ait passé pendant trente ou quarante ans pour Titius. » — - Danti, de la Preuve par témoins, dit « que l'état ne peut pas se prescrire, qu'il faut toujours en venir à la vérité. » Brillon (vo État, no 2) pose le même principe, et d'Aguesseau le confirme. Si donc l'état ne peut se prescrire, le nom, qui ne se transmet que par la filiation et qui forme conséquemment, sous ce rapport, une partie essentielle de cet état, doit participer de la même nature et jouir du même privilége. » – Jugé en ce sens que, quel- | ques changements d'orthographe et de prononciation que les noms de famille aient subis, et quelque laps de temps qui se soit écoulé depuis ces altérations, les descendants ont toujours (1) Espèce (Châtaigneraie C. la dame de Tourzel.) En 1828, la marquise de Tourzel assigna, devant le tribunal de la Seine, le sieur de la Châtaigneraie, pour s'entendre faire défense d'ajouter à son nom celui de De Pons, lequel était la propriété exclusive de sa famille. M. de la Châtaigneraie répondit que ses ancêtres s'étaient de tout/ mps appelés de Pons, et que la preuve en résultait du travail fait en 178, par le généalogiste Rogat (Chérin), travail approuvé par lettres-patentes du roi en 1787. - Jugement qui accueille la demande de la dame de Tourzel. Appel. 18 fév. 1833, arrêt de la cour de Paris qui confirme. Pourvoi du sieur de la Châtaigneraie. Violation des art. 1350 et 1356 c. civ., sur l'autorité de la chose jugée acquise au travail du généalogiste Chérin, dont la dame de Tourzel avait reconnu la sincérité dans des conclusions par elle signifiées. - Arrêt.

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LA COUR; Attendu qu'il n'a jamais été question, au procès, du prétendu aveu judiciaire de la part de la dame de Tourzel; - Attendu, en outre, que si la dame de Tourzel a reconnu l'existence du travail du généalogiste Chérin de 1780, elle a toujours soutenu et soutenu avec succès que ce même travail n'avait rien préjugé ni pu préjuger en faveur du demandeur en cassation sur sa généalogie, et sur sa descendance des anciens seigneurs de Pons en Saintonge; qu'ainsi le moyen est tout à la fois irrecevable et mal fondé; - Attendu que, lors du travail du généalogiste royal et des actes souverains qui l'ont suivi, il ne s'est agi que des honneurs de cour, honneurs que les sieurs d'Asnières de la Chataigneraie pouvaient réclamer, sans avoir besoin de se rattacher à la famille de Pons, à laquelle ces actes sont toujours demeurés étrangers, tandis qu'il s'agissait au procès de la propriété du nom de Pons, revendiquée par le demandeur en cassation contre la dame de Tourzel; qu'ainsi, ne s'agissant au procès ni de la même demande, ni de la même cause de demande, ni des mêmes personnes, l'arrêt attaqué a pu y statuer, sans porter aucune atteinte aux actes invoqués par le demandeur; - Rejette.

Du 18 mars 1834.-C. C., ch. req.-MM. Zangiacomi, pr.-Lasagni, rap. (2) Espèce: (Canonne C. Canolle.) Les sieurs Canolle de Lescours contestèrent au sieur Jean Canonne, chevalier de Saint-Louis, le droit de porter le nom de Canolle, son acte de naissance nc lui attribuant que le nom de Canonne. Ce dernier opposa la possession qu'il avait eue, depuis sa naissance, du nom de Canolle; il soutint que c'était sous ce nom qu'il avait été décoré de la croix de Saint-Louis et traduit devant les tribunaux révolutionnaires; que son père avait été condamné révo

le droit de reprendre le nom primitif de leurs aïeux (Nimes, 6 juin 1839, aff. d'Adhémar,V. no 17); ce qui doit, à plus forte raison, être admis sous la législation positive qui nous régit.

24. En effet, la possession ne résulte pas du simple fait d'avoir porté un nom. Si ce nom est différent de celui indiqué dans l'acte de naissance, le fait du changement, illégal en luimême, ne peut nullement fonder la possession.-Jugé, en ca sens 1° que des enfants ne peuvent ajouter à leur nom paternei celui de leur mère, bien que, suivant un usage local, leur père eut toujours joint ce nom au sien, que cet usage ne constitue pas une possession suffisante pour établir la propriété (Nîmes, 15 déc. 1810, aff. Capdeville, V. no 46-2°);-2° Que l'individu qui porte un autre nom que celui exprimé dans son acte de naissance, s'il est attaqué à raison de ce fait, ne peut être autorisé à conserver le nom emprunté, par le motif qu'il est en possession de ce nom depuis sa naissance, et qu'on le lui a attribué dans divers actes civils ou judiciaires (Req. 29 juin 1825) (2); 3o Que le droit d'ajouter un nom au sien ne peut, en l'absence d'une autorisation royale, et dans le silence des actes de l'état civil, résulter de ce que l'aïeul de celui qui prend ce nom aurait, en 1740, épousé une femme qui le portait; de ce que son père l'avait pris, en 1772, en entrant au service; de ce qu'en 1787, le ministre lui aurait écrit sous ce nom; de ce qu'en 1793, la Convention lui aurait accordé, sous ce nom, une récompense nationale; de ce qu'enfin celui à qui il est contesté l'aurait constamment ajouté au sien depuis 1819, dans les fonctions militaires et administratives qu'il a remplies: il objecterait en vain qu'ici devrait s'appliquer l'exception faite par la loi de l'an 2, pour le cas où le surnom ajouté aurait servi à distinguer les membres d'une même famille (édit 26 mars 1355; L. 6 fruct. an 2, art. 2; 11 germ. an 11); et, par exemple, que le citoyen qui, dans ces circonstances, signe et prend le nom de Camuzal-de-Mauroy, bien que le mot Camuzat se trouve seul dans les registres de l'état civil, peut être contraint, par un citoyen de la même ville nommé de Mauroy, de cesser de joindre, à l'avenir, ce dernier nom à celui de Camuzat (Paris, 15 avr. 1857) (5).—V. n 72.

25. Quant au caractère de la possession et suivant un arrêt, lutionnairement sous ce nom, et enfin, que toujours ses auteurs l'avaient porté. - 27 déc. 1823, arrêt de la cour de Paris, qui défend au sieur Canonne de porter le nom de Canolle, par le motif que, quels que soient les caractères de la possession, elle ne peut détruire le titre.

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Pourvoi de Canonne; il a soutenu que la règle qu'on ne peut pas prescrire contre son titre, n'était pas applicable à l'espèce, parce que ce n'était pas l'acte de naissance qui lui avait donné son nom; que ce nom, il le tenait de son père qui le portait déjà; qu'il avait donc pu prescri contre son acte de naissance qui était un titre vicieux. - Arrêt. LA COUR; Attendu que les pièces jointes à la dernière requête du demandeur ne paraissent pas avoir été produites devant la cour royale; qu'il en est même qui sont d'une date postérieure à l'arrêt; qu'ainsi la cour ne saurait les prendre en considération; Attendu, d'ailleurs; que les actes de naissance produits en bonne forme par les sieurs Canolle de Lescours, et extraits des registres de l'état civil de la paroisse Sainte-Marie, de la ville de Sarlat, établissent que tant lui que son père y ont été inscrits sous le nom de Canonne, et non de Canolle; Attendu que le demandeur en cassation, qui avait produit, de son côté, des actes de l'état civil de la même ville, lesquels lui donnaient le nom de Canolle, n'a pas répondu aux sommations qui lui ont été faites par ses adversaires qui impugnaient ces actes, et qui manifestaient l'intention de s'inscrire en faux contre les énonciations qu'ils contenaient, s'il persistaît à en faire usage, et que, comme elle l'a fait, la cour royale a été autorisée à induire de son silence que ceux produits par ses adversaires devaient seuls faire foi contre lui; - Que, ces faits établis, il en résulte que l'arrêt attaqué, en faisant défense au demandeur en cassation de prendre à l'avenir le nom de Canolle, et en ordonnant la rectifica tion des différents actes où il était inséré, non-seulement n'a violé au-cune loi, mais s'est au contraire conformé à l'ordonn. de 1555 et à la loi du 6 fruct. an 2, qui défendent de prendre et porter d'autres noms que ceux exprimés dans les actes de naissance; - Rejette. Du 29 juin 1825.-C. C., sect. req.-MM. Botton, pr.-Dunoyer, rap. (3) Espèce: (De Mauroy C. Camusat.) Le sieur Camusat, de Troyes, était dans l'usage d'ajouter à son nom celui de Mauroy. C'est sous le nom de Camusat de Mauroy qu'il avait servi dans les gardes de Monsieur, en 1819, et exercé les fonctions de sous-préfet; c'est sous co nom qu'il venait de se marier.-Cependant il se vit assigné par le sieur Nicolas de Mauroy, propriétaire de la même ville, pour qu'il ait à cesser d'adjoindre à son nom celui de Mauroy, lequel n'appartenait, disait-il,

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appartient aux juges du fond de décider souverainement, | privé.-Et íl a été jugé avec raison qu'aucune loi n'autorisant le Y'après les circonstances, si la possession des enfants a été suf

sante pour leur faire acquérir le droit de conserver le nom surpé que leur confère l'acte de naissance (Rej. 16 mars 1841, . Constant, V. no 19).

26. Du reste, dans les rapports des familles entre elles, la Fossession d'un nom ou d'un prénom, le droit exclusif de le porter ne peuvent jamais donner lieu qu'à des contestations d'intérêt

qu'à lui et à sa famille.-Le tribunal de Troyes rejeta cette prétention. Il posa en principe qu'aux termes de la loi du 6 fruct. an 2, qui interdisait de porter d'autres noms ou prénoms que ceux énoncés dans les actes de la naissance, et d'ajouter aucun surnom à son nom propre, il existait cependant une exception formelle à l'égard du surnom qui aurait servi jusqu'alors à distinguer les membres d'une famille, sans rappeler les qualifications féodales ou nobiliaires. De ces dispositions le tribunal concluait que les surnoms non prohibés étaient confirmés par cette loi même, sans qu'il fût besoin d'autorisation du prince, et abstraction faite des énonciations des actes de naissance. En fait, il établissait qu'en conformité d'un usage constant en Champagne, le surnom de de Mauroy avait été introduit dans la famille de M. Camusat dès 1740, par le mariage de l'aïeule de ce dernier avec une demoiselle de Mauroy. Il retrouvait la possession de ce nom dans le père de M. Camusat, non qu'il fût écrit dans l'acte de naissance, mais parce qu'en 1772 il l'avait pris en entrant au service; - Que le ministre de la guerre lui avait écrit sous ce nom en 1787;- Qu'en 1793 il avait obtenu sous ce nom, à titre de récompense nationale, une pension pour ses bons et loyaux services, et que la convention nationale ne lui aurait point donné, un an avant la promulgation de la loi sur les surnoms (an 11), le surnom de Mauroy, 'il ne l'avait pas toujours pris pour se distinguer des autres membres de la famille. Ces faits de possession, que la loi de l'an 2 semblait avoir légitimés, en constituant un droit acquis et irrévocable, déterminèrent le tribunal à autoriser M. Camusat à ajouter à son nom celui de Mauroy, sans pouvoir toutefois s'en tenir au nom de de Mauroy seul. Appel par M. Nicolas de Mauroy. Il soutint que la défense de changer de nom faite par l'edit de Henri II, de 1555, est encore en vigueur et n'a pas cessé de l'être même sous la loi du 6 fruct. an 2;-Que, quant à l'exception introduite par l'art. 2 de cette derniere loi qui maintient le surnom ajouté lorsqu'il a servi à distinguer les membres d'une même famille, il faut une possession constante, immémoriale, non interrompue, ce qui ne se rencontre pas ici.

L'intime reproduisit le système de M. Merlin, condamné par la jurisprudence, suivant lequel l'édit de 1555 n'aurait jamais eu force de loi à défaut d'enregistrement. Ce qui le prouve, disait-il, c'est que, pour remédier aux abus du changement de nom, on fut obligé de rendre l'ord. de 1629 qui renfermait une disposition speciale contre ceux qui ne signeraient pas de leurs noms patronymiques et y substitueraient des noms de terre. Mais cette ordonnance, appelée le code Michaud, du nom de son auteur, Michel de Marillac, tomba elle-même dans le plus grand discrédit. Arrivant à l'art. 2 de la loi de l'an 2, l'intimé soutint que cet article tranchait toute difficulté, puisqu'ainsi que le jugement le constatait le surnom n'avait été pris que pour distinguer des branches; qu'il était justifié par la possession et par l'alliance de deux familles.-Arrêt. LA COUR;-Considérant que le nom a toujours constitué une propriété dont nul ne peut s'emparer au préjudice de celui ou de ceux à qui il appartient; Considérant que la loi de l'an 2 a exigé l'autorisation du roi par ordonnance, contre laquelle le recours des parties intéressées a été réservé ; Considérant, dans l'espèce, que l'indication du nom de de Mauroy dans quelques lettres et états de service du père ou de l'aïeul de l'intimé ne peut constituer au profit de celui-ci le droit d'ajouter ce nom à celui de Camusat, le seul qu'il soit fondé à porter; Considérant que l'aïeul et le père de l'intimé n'ont jamais pris ou reçu dans les actes de l'état civil que le nom de Camusat, et que, des le moment où l'intimé a pris dans la ville où il habite, ainsi que l'appelant, le nom de de Mauroy, l'appelant a manifesté l'intention, qu'il a réalisée depuis, de réclamer contre cette attribution de nom, qui n'a pas été autorisée, et à laquelle il a intérêt et droit de s'opposer; - Infirme; au principal, fait défense à Camusat de prendre à l'avenir, par adjonction, par surnom ou de toute autre manière, le nom de de Mauroy, etc.

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Du 15 avril 1837.-C. de Paris, 1re ch.-M. Séguier, 1er pr. (1) Espèce:-(D'Apchier de la Tour-d'Auvergne C. la Tour de SaintPaulet.)-Marie-Joseph d'Apchier de la Tour-d'Auvergne, prenant le titre de prince de la Tour-d'Auvergne, duc de Bouillon, appela, devant le tribunal civil de la Seine, les sieurs de la Tour de Saint-Paulet, et conclut ce qu'il leur fût fait défense de prendre, à l'avenir, le nom d'Auvergne, dont ils se qualifiaient. Ceux-ci avaient obtenu du roi Louis XVIII la remise du cœur du grand Turenne, et de celui de la Tour-d'Auvergne, premier grenadier de France, opposèrent une fin de non-recevoir, fondée principalement sur le manque de titre de leur adversaire, puis formèrent une demande reconventionnelle, tendante à ce qu'il leur fût interdit de prendre les titres de duc de Bouillon et de Pierre la Tourd'Auvergne, ces titres étant éteints par le décès du quc de Bouillon.

ministère public à agir par voie principale, en matière de propriété de nom, il s'ensuit que si, dans une contestation où une partie prétendait avoir seule et exclusivement le droit de porter un nom, le ministère public a conclu, de son chef, qu'il fût fait défense à cette partie de porter ce nom, l'arrêt qui intervient dans cet état et qui accueille les conclusions du ministère public doit être cassé (Cass. 3 avr. 1826) (1).

Le sieur d'Apchier chercha à établir sa filiation par la table généalogique de son père, dressée sur l'ordre de Louis XV, par le généalogiste de la couronne. La preuve de cette filiation résultait, disait-il, d'une foule d'actes authentiques, tels que testament, lettres patentes, édits arrêt de parlement, donation, contrat de mariage. Il invoquait, à l'ap pui, une possession plus que séculaire, prouvée tant par lettres de béné fice d'âge du parlement, que par un avis de parents, et par le contrat de mariage de son aïeul paternel, passé en présence de Louis XIV, inscrit, ainsi que l'acte de naissance de son père, sur les registres de l'état civil. Cette possession était, disait-il, confirmée par la notoriété publi→ que et par donations, testaments, institution d'héritier faits dans sa famille; par la signature que fit le roi du mariage de son père, NicolasJulie de la Tour-d'Auvergne; par un brevet d'honneur qu'il reçut luimême, en 1792, en récompense des services que la Tour-d'Auvergne, son père, et les princes de sa maison avaient rendus au roi et à l'Etat, Il avançait encore que le duc de Bouillon l'avait appelé par codicile à l'hérédité du duché de Bouillon, et enfin que les auteurs qui ont traité de la noblesse étaient tous d'accord sur l'origine qu'il s'attribuait.

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2 juill. 1823, jugement du tribunal de la Seine, ainsi conçu : « Attendu que M. la Tour-d'Apchier ne pourrait avoir droit et qualité pour contester à M. de la Tour de Saint-Paulet le nom de la Tour-d'Auvergne qu'autant qu'il prouverait par titres originaires et authentiques, ou par une possession immémoriale que ce nom lui avait transmis par ees ancêtres; Qu'il ne produit qu'un seul acte insignifiant pour justifier sa descendance de la Tour-d'Auvergne, duc de Bouillon; AF tendu, relativement à la possession immémoriale dont il argumente, qu'en matière de nom et d'état, la possession doit être publique et notoire; qu'elle ne peut résulter que d'actes consignés dans des registres publics, tels que les actes de naissance, de mariage et de décès, ou des monuments publics qui, exposés à la vue du public, auraient pu être connus de ceux qui auraient eu intérêt de les contredire; mais que des actes passés dans le sein d'une famille ne sauraient constituer en faveur d'aucun des membres de cette même famille, ni titre, ni possession d'un nom sous lequel elle n'aurait pas été publiquement connue; que, s'il en était autrement, il en résulterait que les familles pourraient se donner à elles-mêmes des noms qui ne leur appartiendraient pas; tendu, en fait, que le sieur de la Tour-d'Apchier n'a produit, à l'appui de la possession immémoriale par lui indiquée, qu'un seul acte extrait des registres publics, son acte de naissance, en date du 3 mars 1785; -Qu'il ne justifie d'aucun acte public constatant la naissance, la célébration du mariage et le décès de son père et de ses aïeux; - Que les autres titres produits par lui sont des titres passés dans l'intérieur de sa famille, et incapables d'établir une possession immémoriale de nom et d'état qui soit notoire et publique; - En ce qui touche les conclusions tendantes à la défense de prendre les titres de duc et prince, attendu que ces titres ont été éteints par le décès du dernier duc de Bouillon, il n'appartient à aucun membre de la famille de les porter sans en avoir obtenu Pautorisation du roi, et que cette autorisation n'ayant pas été obtenue par les sieurs de Saint-Paulet, ils sont non recevables pour les contester; Par tous ces motifs, le tribunal déclare le sieur de la Tourd'Apchier non recevable dans sa demande. »

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Le sieur d'Apchier interjeta seul appel de ce jugement. — Quand toutes les discussions au fond eurent été terminées, et les plaidoiries closes, le ministère public prit des conclusions non signifiées ni produites, tendantes à ce qu'il fût fait défense au sieur d'Apchier de prendre et porter, à l'avenir, le nom d'Auvergne, et à ce que ce nom fût rayé de tous les actes où il aurait été introduit.

Le 26 juin 1824, arrêt de la cour de Paris, qui considère que le titre de comte d'Auvergne et la propriété de ce nom ont été éteints en la personne de Marguerite de Valois; Que le droit de porter le nom d'Auvergne s'est éteint en la personne du dernier duc de Bouillon, - Que les intimės ne rapportent point de titres qui leur donnent le droit de porter le nom d'Auvergne; Que, bien qu'il apparaisse communauté d'origine entre la maison de Bouillon et la Tour-d'Apchier, appelant, la possession du nom d'Auvergne, que celui-ci fait remonter à 1691, et les énonciations insérées en différents actes postérieurs, ne forment pas titres suffisants au droit de porter ledit nom; Que les questions de propriété de nom sont d'ordre public, et qu'en cette matière, les fins de non-recevoir ne sont pas admissibles; la cour a mis et met l'appellation au néant; - Au principal, et statuant par jugement nouveau, faisant droit sur les conclusions du procureur général du roi, fait défense aux parties de prendre et porter le nom d'Auvergne; Ordonne que ce nom

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sera rayé de tous actes où il avait été introduit, à la diligence du pro

* 3. ·Changement ou addition de noms, autorisation, formes. | tion de la loi du 11 germ. an 11, c'était une maxime du droit - Compétence.

27. Depuis l'ord. de 1555, devenue loi de l'État quoiqu'elle n'ait pas été enregistrée (V. no 5), aucun changement de 1.0m ne pouvait avoir lieu sans la permission du gouvernement. Merlin (Rép., vo Promesse de changer de nom) prétend que cette ordonnance n'ayant pas été enregistrée, n'était pas devenue loi du royaume : «A la vérité, ajoute-t-il, ceux qui voulaient changer de nom en obtenaient le plus souvent la permission du prince; mais il n'y avait pas là absolue nécessité; c'était seulement la voie la plus expéditive et la moins sujette à contradiction de la part des tiers. » La jurisprudence est contraire à l'opinion de Merlin. Jugé en ce sens : 1° que même avant la promulga

cureur général, qui transmettra expédition de l'arrêt à l'autorité compétente, afin qu'elle puisse aviser à la destination des cœurs du grand Turenne et du premier grenadier de France.

Pourvoi de la part du sieur d'Apchier. -1° Violation de l'art. 2, tit. 8, de la loi du 24 août 1790; de l'art. 46 de la loi du 20 avril 1810, etc. Le ministère public, en prenant devant la cour des conclusions tendantes à la défense de porter le nom d'Auvergne, et à la radiation de ce nom de tous les actes où il aurait été introduit, a agi par voie d'action; or, aux termes de la loi citée, il ne peut exercer cette voie qu'autant qu'il est autorisé par une loi précise et spéciale; et, dans l'espèce, il n'existe aucune loi qui puisse fonder son action D'ailleurs, ces conclusions prises après plaidoiries closes, enlevaient à l'appelant le droit de la défense; non signifiées à la partie, le premier degré de juridiction n'avait pas été épuisé. Au surplus, devant la cour, le sieur d'Apchier n'était en présence d'aucun contradicteur, puisque le sieurs de Saint-Paulet avaient adhéré au jugement de première instance.

20 Violation des principes en mati re de propriété de nom; de l'art. . 1 de la charte constitutionnelle, de l'arrêt de règlement du 19 mars 1667 et de la déclaration du 16 janv. 1714, de l'art. 14, tit. 20, de l'ord. de 1667. La cour, a-t-on dit pour le sieur d'Apchier, admet l'autorité des titres produits et sa possession plus que centenaire de titre de prince de la Tour-d'Auvergne, mais elle les déclare insuflisants, et en cela elle a méconnu les principes les plus incontestables. Il serait absurde d'exiger, pour établir la propriété du nom, le rapport d'actes de naissance ou de decès inscrits, sans interruption, depuis le premier ascendant sur les registres de l'état civil, puisqu'il n'y a pas un siècle que ces registres sont inventés. Ainsi, non-seulement les actes authentiques consignés dans les registres publics, mais encore ceux passés dans le sein des familles, peuvent fonder la proprieté d'un nom. Ces titres mémes ont toujours été l'origine des recherches, en matière de noblesse. L'arrêt de règlement du conseil d'Etat, du 19 mars 1667, ordonne à ceux qui se prétendent nobles de prouver leur filiation par contrats de mariage, aveux, partages, actes de tutelle et autres actes authentiques. Un autre arrêt de règlement du conseil, du 26 fév. 1697, porte que les titres justificatifs de filiation noble s'établissent par les contrat de mariage, partage, transactions entre personnes de la même famille, et autres titres authentiques. Or, dans l'espèce, les titres rapportés et produits étaient de cette nature.

La cour n'a pas méconnu le caractère de la possession paisible, publique et non interrompue du prince de Latour-d'Auvergne; seulement elle déclare qu'une possession plus que séculaire est insuffisante, et c'est là une erreur, au sentiment de Merlin, Rép., vo Prescription, sect. 3, § 6. La déclaration du roi, du 16 janv. 1714, portait déjà que ceux qui se prétendent nobles ne seront tenus de prouver leur possession de noblesse que pendant cent années complètes.-La possession centenaire supplée donc le titre, et devient elle-même un titre irrefragable.-Arrêt (ap. délib. en ch. du cons.).

LA COUR;- Vu l'art. 2, tit. 8, de la loi du 24 août 1790 et l'art. 46 de la loi du 20 avril 1810;-Considérant que les tribunaux ne peuvent prononcer que sur les demandes régulièrement formées, soit par les parties, soit par le ministère public, dans les cas où ce ministère est autorisé spécialement à former une action; Que la cour royale avait à statuer seulement sur l'appel interjeté par le comte de Latour-d'Apchier du jugement du tribunal de la Seine, qui l'avait déclaré non recevable dans la demande par lui formée contre les parties d'Odilon Barrot, Que celles-ci n'étaient point appelantes de la disposition qui avait mis hors de cause, sur leurs conclusions relatives aux titres de prince et de due qu'avait pris le comte de Latour-d'Apchier; qu'ainsi il n'existait d'autre demande que celle originaire, et qui, comme l'arrêt le reconnait dans la question posée, réduisait à prononcer sur le bien ou le mal jugé du jugement dont était appel ; - Que cette demande originaire, dans laquelle le comte d'Apchier avait été déclaré non recevable en première instance, ne pouvait, en la cour, être admise qu'autant que le demandeur aurait été reconnu avoir justifié de son droit à porter exclusivement le nom de Latour-d'Auvergne;— Que si les premiers juges n'ont

public français qu'au roi seul appartenait d'autoriser les chan gements de noms, et que l'ord. de 1555 était obligatoire (V. Req. 16 nov. 1824, aff. Préaux, no 54-1o);-2° Que cette défense de changer de nom sans autorisation royale était générale, c'està dire applicable à toute personne, soit qu'elle fût noble ou non (même arrêt).-V. cependant, no 20.

28. L'ord. du 26 mars 1555 n'a même pas été abrogée par la loi du 6 fruct. an 2, qui interdit à toutes personnes de changer de nom, sous des peines correctionnelles, et même criminelles en cas de récidive (Rej. 13 janv. 1813) (1).

29. La disposition pénale du décret du 6 fruct. an 2, qui défend de prendre un nom autre que celui porté dans les actes de naissance, est-elle encore en vigueur?-Non (Lyon, 30 août 1827) (2).

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pas trouvé qu'il eût fait cette justification, la cour royale en a jugé de même, puisque cette cour a déclaré que la possession invoquée par lui, et les énonciations insérées dans les différents actes, ne formaient pas titres suffisants au droit de porter ledit nom; - Qu'ainsi la demande. objet unique de la cause, ne pouvait pas plus être accueillie en la cour d'appel qu'en première instance, à cause du défaut de titre, droit et qualité qui devaient lui servir de base, et que la cour royale ne trouvait pas résulter de ces actes. — Qu'il suit de là que, pour défendre à toutes les parties de porter le nom d'Auvergne, la cour royale n'aurait pu être provoquée que par une demande que le ministère public aurait formée de son chef;

Mais considérant qu'il est certain, en droit, que le ministère public n'était autorisé par aucune loi à former une pareille demande; que, par conséquent, elle n'était pas recevable, et qu'en l'adoptant, l'arrêt a violé les lois ci-dessus citées ;- Joignant les deux pourvois, casse.

Du 3 avril 1826.-C. C., ch. civ.-MM. Brisson, pr.-Piet, rap.-Vatimesnil, av. gén., c. conf.-Odilon Barrot et Scribe, av.

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(1) Espèce:-(Musnier C. Folleville.) - Le 5 brum. an 2, le général Musnier, par son contrat de mariage, s'engage, sous le sceau de l'honneur, à prendre, lui et ses enfants dans les actes de l'état civil, le nom de Folleville, son beau-père. 11 germ. an 2, loi qui autorise de nouveau les changements de nom avec l'antorisation du gouvernement. - Après la promulgation de cette loi, le général Musnier ayant fait quelques difficultés sur l'exécution de sa promesse, son beau-père et sa bellemère engagent une instance devant le tribunal civil d'Amiens, sur la question de savoir si la promesse est obligatoire. 16 avr. 1807, jugement qui prononce l'annulation de la promesse, attendu que les contractants n'avaient pu déroger par des conventions aux dispositions prohibitives de la loi du 6 fruct. an 2.-Sur l'appel, la cour d'Amiens rend un arrêt, le 14 août 1807, qui, sans avoir égard à la demande en nullité de la promesse, ordonne que les parties feraient tout ce qui serait en elles pour l'exécution de cette promesse, et qu'à cet effet elles demanderaient l'autorisation nécessaire à une commutation de nom. Pourvoi pour violation de la loi du 6 fruct. an 2. — Arrêt.

LA COUR; Considérant qu'en déclarant la stipulation de changer de nom licite, mais en ayant soin d'en subordonner l'exécution à l'autorisation de la puissance publique, et en renvoyant à cet effet les parties devant elle, l'arrêt de la cour d'Amiens n'a point violé la loi du 6 fruct. an 2; - Qu'en effet cette loi n'eut évidemment pour objet que de sauver le corps social de la confusion et du chaos où les changements de noms arbitraires, autorisés par la loi du 24 brumaire précédent, l'au→ raient replongé si l'on n'eût mis un frein à la manie révolutionnaire de se donner tantôt les noms les plus illustres, tantót les noms les plus absurdes, sans autorisation, sans précaution, sans aucune contestation légale; mais que de la prohibition portée par la loi du 6 fructidor, pour arrêter ce désordre, on ne peut pas induire que le gouvernement ait entendu aliéner l'attribut essentiel de la puissance, d'autoriser les changements de noms dans certains cas, et en connaissance de cause; que ce pouvoir, qui lui appartient et par la nature des choses et par l'ancienne législation consignée dans l'ordon. de 1555, dite l'ord. d'Amboise, renouvelée par la loi du 11 germ. an 11, n'a pas pu être détruit par une loi de circonstance, qui ne contient aucune dérogation à eet egard : d'où il suit que la cour d'appel d'Amiens, en reconnaissant ce pouvoir et en y déférant, s'est fidèlement tenue dans la ligne des véritables principes; -Rejette.

Du 13 janv. 1813.-C. C., sect. civ.-MM. Muraire, pr.-Babille, rap. Merlin, pr gén., c. contr.- Chabroud et Mailhe, av.

(2) (Min. pub. C. Grandis.) - LA COUR ; Considérant qu'il n'est nullement établi que Grandis soit un faux nom; - Cousidérant que la loi du 6 fruct, an 2 est une loi de la révolution, qui avait pour but d'empêcher les émigrés de changer de nom et de se soustraire par ce moyen aux poursuites du gouvernement révolutionnaire, et qui a été abrogée par des lois postérieures; → Que, dans tous les cas, ladite loi ne peut être invoquée contre un étranger;- Met l'appel au néant. Du 30 août 1827.-Q. de Lyon, 4a ch.-M. Reyre, pr.

- Oui (Gand, 12 nov. 1840) (1), ce qui nous paraît plus légal, quoique puis déjà longtemps'il soit assez d'usage de changer one, ou seu ou par addition à celui de la personne queer gro

de nom ou d'ajouter soit un nom à celui qu'on a, soit un prénom, sans que nulle poursuite soit exercée. En tout cas, que la loi du 6 fruct. an 2 soit ou non abrogée par les lois qui l'ont suivie, elle ne peut, suivant un arrêt, être invoquée contre un étranger (Lyon, 30 août 1827, aff. Grandis, précitée; V. no 7), ce qui serait contraire au principe que les lois de police obligent tous les individus sur le territoire français.

30. La nécessité de l'autorisation est de nouveau proclamée et régularisée par la loi du 11 germ. an 11, qui porte : « Toute 1ersonne qui aura quelque raison de changer de nom, en adressera la demande motivée au gouvernement» (art. 4).

31. Il peut y avoir lieu à changement de nom dans diverses circonstances (V. Concession, no 1), quand, par exemple, les convenances de famille l'exigent (V. le disc. du trib. Challan, p. 508, no 19) ou que les noms retracent des images, soit grossières, soit immorales (V. Magnitot et Delamarre, vo Nom), ou qu'un intérêt légitime le demande (V. no 10). - A l'appui de ce qui vient d'être dit, on peut citer diverses ordonnances qui décident, par exemple: 1o que M. Benjamin Nadault est autorisé à ajouter à son nom celui de Buffon, qui est le nom de son grand-oncle maternel (ord. cons. d'Et. 20 janv.-1er fév. 1835); —2o Que M. François Bouzor est autorisé à substituer à son nom celui de Petitjean, qui est ie nom de sa mère (ord. cons. d'Ét. 1er-14 juin 1836) ; — 3° Que M. Cocu est autorisé à substituer à son nom celui de Chambrie (ord. c. d'Et. 3-26 sept. 1836), etc. V. les tables du Bulletin des lois, vo Nom.

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32. Il arrive quelquefois, soit qu'un individu s'engage par contrat de mariage ou autre à prendre le nom de son beau-père ou de toute autre personne, soit qu'un donateur ou testateur im

(1) Espèce :-(Min. pub. C. John Johnston.) - En juillet 1840, le sieur John Johnston est renvoyé devant le tribunal correctionnel sons la prévention d'avoir pris un nom autre que celui mentionné dans son acte de naissance. Il oppose la chose jugée et la non-applicabilité de la loi du 6 fruct. an 2.- Jugement qui déclare que cette loi est encore en vigueur. Appel. -Arrêt.

pose comme condition de sa libéralité l'obligation de porter son tifie. Il a été jugé: 1° que la promesse faite sous l'empire de la loi de l'an 2, par un mari, dans son contrat de mariage, de porter le nom du père de sa femme et de le faire porter à ses enfants, est valable, quoique les parties n'en aient pas expressément subordonné l'exécution à l'autorisation du gouvernement, en ce sens que si le père de ia femme demande l'exécution de la promesse, et que le mari refuse de l'exécuter prétendant que son engagement est nul comme contraire à la loi de l'an 2, les juges peuvent ordonner que les parties seront renvoyées devant le gouvernement, pour obtenir l'autorisation de changer de nom (Req. 13 janv. 1813, aff. Musnier, V. no 28); - 2o Que la condition de changer de nom imposée par don ou legs n'étant ni contraire à la loi ni impossible, est valable (ord. 25 déc. 1815, aff. Bréchard, no 54-1o).

33. Il est bien entendu que de semblables clauses ne peuvent recevoir leur effet qu'avec l'autorisation du chef de l'État, et sauf le droit des tiers (même ord.).

34. Le défaut d'exécution de la condition empêcherait la validité de la donation ou du legs. -Jugé en ce sens : 1° qu'un legs fait sous la condition de prendre les noms et prénoms du défunt peut être déclaré caduc, si le légataire est décédé après avoir fait rendre un jugement de rectification de son acte de naissance, mais sans avoir obtenu une ordonnance royale qui l'y autorisâl..., quoique tout cela se soit passé à la Guadeloupe, à une époque où la loi du 11 germ. an 11 n'y avait pas encore été publiée, et c'est à tort qu'on prétendrait voir là une violation de l'art. 75 de la charte de 1814, relative au caractère obligatoire des lois dans les colonies (Req. 16 nov. 1824) (2); 2° Qu'il en est de même, alors que le légataire n'a pu obtenir

nullité en faveur de la demoiselle Ferrière contre celui qui n'exécuterait
pas la clause.
Décès du sieur Louis Ruillier-Beaufond. 14 janv.
1819, délibération du conseil de famille qui autorise Charles-Guillaume
de Préaux, tuteur de ses enfants, à accepter le legs et à remplir la con-
dition imposée. 22 du même mois, homologation de cette délibération.
16 fév. 1819, jugement qui ordonne que le mineur ajoutera à ses nom
et prénoms ceux de Louis Ruillier-Beaufond, et que mention en sera faite
sur les registres de l'état civil.—24 mars 1819, décès du mineur Charles-
Louis de Préaux.

En cet état, la demoiselle Ferrière, devenue femme Longchamps, qui avait été substituée au légataire qui ne remplirait pas la condition imposée, prétendit que cette condition n'avait point été accomplie; elle soutint que la voie de la rectification des actes de l'état civil était inadmissible pour opérer un changement de nom; qu'une autorisation émanée du roi était nécessaire à cet effet, et que, le mineur de Préaux étant décédé sans avoir obtenu cette autorisation, le legs qui lui avait été fait était devenu caduc.-Cette prétention fut rejetée par jugement du 10 avr. 1820; mais, sur l'appel, il fut infirmé par arrêt de la cour de la Guade

LA COUR; Sur la force d'obligation de la loi du 6 fruct. an 2: Attendu que cette loi ne peut être envisagée comme étant tombée en désuétude; qu'en effet, si l'on examine les dispositions législatives postérieures à son émanation, l'on voit que plusieurs de ces dispositions s'y rattachent, les unes d'une manière expresse, tel que l'arrêté du directoire du 19 niv. an 7 qui en ordonne l'exécution, les autres implicitement, tel que le décret du 1er mars 1808, art. 15, et celui du 18 août 1811, art. 7, qui tous deux s'y réfèrent ;-Que si l'on ajoute à cela les motifs qu'a fait valoir au corps législatif l'orateur du gouvernement chargé de présenter la loi du 11 germ. an 11, l'on ne peut raisonnablement douter que dans la pensée du législateur la loi de fructidor n'ait conservé toute sa force et vigueur; - Attendu que cette loi n'a pas été abrogée non plus par le code pénal; qu'il est bien vrai que les disposi-loupe, du 27 nov. 1822: - Considérant que la loi du 11 germ. an 11 tions de ce code renferment un système complet de législation sur les crimes ou délits qui se commettent à l'aide d'un faux nom, mais que ces dispositions ne statuent rien sur le port ou l'usage en lui-même d'un faux nom, abstraction faite de toute idée de les faire servir comme moyen de perpétrer les crimes de faux ou les délits d'escroquerie ; Attendu, au surplus, que la non-abrogation de la loi de fructidor an 2 résulte encore de ce que le décret du 18 août 1811, postérieur au code pénal, déclare, à l'art. 7, que ceux qui contreviendraient à ses dispositions seront punis conformément aux lois, et que ce décret se trouverait privé de sanction pénale si, dans le silence du code pénal sur les faits qu'il tend à réprimer, ces mots, seront punis conformément aux lois, ne se référaient essentiellement à la loi de fructidor;- Attendu enfin que cette loi a reçu à différentes époques une constante application, tant en France que dans ce pays, comme on peut s'en convaincre notamment par les arrêts des 13 janv. 1813 et 28 juin 1825, rendus par la cour de cassation de France, et ceux des 4 janv. et 29 nov. 1838, rendus par la cour de cassation de Belgique ;-Par ces motifs, et adoptant au surplus ceux du premier juge, met l'appel au néant, etc.

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Du 12 nov. 1840.-C. de Gand, ch. corr.-M. Desouter, av. (2) Espèce: (Hérit. de Préaux C. Longchamps.) 22 mars 1817, testament olographe par lequel Louis Ruillier Beaufond légue et donne au jeune Emma Fennèle son babitation et dépendances, sous la condition qu'il donne son nom à deux de ses enfants mâles. 28 novembre suivant, codicille qui, par suite de la mort d'Emma Fennèle, décédé sans enfants, applique aux sieurs Louis-Luce Papin et Charles-Louis de Préaux, fileuls du sieur Louis Ruillier-Beaufond, le legs fait précédemment, sous la condition de prendre les noms et prénoms du testateur, et à peine de

n'a point été enregistrée dans cette colonie, et que c'est la formalité seule de l'enregistrement qui y rend les lois de là métropole obligatoires; que cette formalité même ne peut être remplie à l'égard desdites lois que sur un ordre exprès de Sa Majesté, adressé à ses représentants par le secrétaire d'État ayant le département de la marine; que ce principe conservateur des colonies a été maintenu lors de la publication du code civil dans cette ile, et déclaré faire exception au § 3 de l'art. 1 c. civ.; Considérant que cette exception s'applique à toutes les lois quelconques, sans distinction de celles qui concernent l'état et la capacité des personnes; Que si ces dernières lois régissent les Français domiciliés sur le territoire européen, c'est parce que le législateur les répute atteints par l'effet de la promulgation faite sur ledit territoire; que ces lois ne peuvent avoir le même résultat pour les habitants des colonies, auxquels la loi n'est connue que par un enregistrement spécialement ordonné par le roi; que c'est dans cet esprit que la charte a déclaré que les colonies sont régies par des lois et règlements particuliers; Considerant que, pour décider la question du procès, il suffit de recourir aux anciennes ordonnances de nos rois, qui ont été octroyées aux colonies par l'art. 34 de l'édit du 28 mai 1664, portant établissement de la compagnie des Indes occidentales, et par les lettres patentes du 1er avr. 1679, portant confirmation du conseil supérieur de la Martinique, et commission, pour le sieur Patoulet, d'intendant de justice de toutes les iles de l'Amérique, avec ordre de juger les affaires civiles et criminelles, suivant la coutume de Paris et les ordonnances du royaume; - Considérant que, parmi ces ordonnances, se trouve celle de Henri II, rendue à Amboise en 1555, sur les changements de nom; qu'il résulte d'un arrêt de la cour de cassation, en date du 13 janv. 1813 (no 28), que cette ordonnance était exécutée

l'ordonnance royale nécessaire pour l'autoriser à porter tous les noms du testateur, et que la condition ne se trouverait pas remplie si l'ordonnance l'autorisait seulement à prendre l'un des comme loi de l'État, puisque cet arrêt dit que le droit d'autoriser le changement de nomest un attribut essentiel de la puissance souveraine; que c'est un pouvoir qui lui appartient, et par la nature des choses, et par l'antienne législation consignée dans l'ord. de 1555, dite d'Amboise; Considérant que l'on a toujours tenu pour principe, depuis ladite ordonnance, que le roi seul pouvait permettre le changement ou l'addition de nom; Que cette ordonnance, quoique paraissant faite seulement pour les familles nobles, s'appliquait néanmoins aux noms de famille des particuliers à cause des mots toutes personnes, qui y sont employés; - Considérant que les mots changement de noms, qui sont insérés dans l'ordonnance, ne sont point limitatifs au changement absolu de noms, mais ont été appliqués aux additions de noms, parce que ces additions modifient le nom primitif en y ajoutant un nom nouveau ; que les deux noms réunis forment nécessairement un changement de nom; Considérant que le sens grammatical du mot rectification devait exclure toute idée de changement ou addition de noms dans les art. 99, 100 et 101 c. civ., et dans l'art. 855 c. pr.; que, par la rectification, les choses sont replacées dans l'ordre où elles devaient être et où elles ont cessé d'être par une erreur ou omission; que, par le changement ou addition de noms, l'ordre primitif est interverti pour faire place à un ordre nouveau, à un ordre qui n'a jamais existé - Considérant que le seul rapprochement des époques où ont été décrétés les articles concernant la rectification des actes de l'état civil, et la loi sur les changements de noms, aurait dû révéler au premier juge la vraie pensée du législateur; que ce rapprochement prouve jusqu'à l'évidence que, le 15 vent. an 11, le législateur n'a pu comprendre, dans le mot rectification, les changements et additions de noms, puisqu'il méditait, dès lors, une loi sur cet objet, et la décrétait le 11 germinal; - Considérant que le droit d'autoriser les changements et additions de noms étant d'ordre public et un attribut essentiel de la souveraineté, l'acte public et civil qu'avait ordonné le testament ne pouvait avoir lieu sans l'autorisation du roi; - Considérant que la rectification ordonnée par le juge, hors des limites de ses attributions, est un acte nul et sans effet; Considérant que le mineur de Préaux est décédé sans avoir exécuté la volonté du testateur, dans les formes voulues par la loi sur la matière, et que ce défaut d'exécution a donné ouverture aux droits de la dame de Longchamps, en vertu du codicille du 28 nov. 1817. »

Pourvoi par les héritiers de Préaux pour excès de pouvoir et violation de l'art. 73 de la charte, aux termes duquel les colonies sont régies par des lois particulières. — Arrêt.

LA COUR; Attendu que c'est une maxime de notre droit public qu'au roi seul il appartient d'autoriser les changements de noms; que cette maxime est fondée sur un usage déjà fort ancien, et que cet usage, prouvé par de nombreux exemples, a d'autant plus d'autorité qu'il a son origine dans l'édit d'Amboise de l'an 1555, édit qui, lors même qu'il ne serait pas, comme on le soutient, revêtu de la formalité de l'enregistrement, n'en serait pas moins la manifestation de la prérogative royale; d'où il suit que la cour royale de la Guadeloupe a dù juger conformément à cet édit; qu'elle en a fait une juste application à l'espèce en déclarant nul un changement de nom qui ne pouvait être valablement opéré par les formes introduites pour la simple rectification des noms sur les registres de l'état civil; - Rejette le pourvoi contre l'arrêt de la Guadeloupe, du

27 nov. 1822.

Du 16 nov. 1824.-C. C., sect. req.-MM. Henrion, pr.-Hua, rap. (1) (Mêmes parties.) Le 8 oct. 1825, une ordonnance royale avait autorise le sieur Luce Papin à ajouter à son nom celui de Ruillier, et à s'appeler Papin Ruillier. La dame Ferrière, femme Longchamps, forma opposition à cette ordonnance, mais sa prétention fut rejetée par une seconde ordonnance du 6 juill. 1825. Les époux Longchamps, se fondant alors sur ce que le sieur Luce Papin n'avait pas obtenu l'autorisation de porter les noms et prénoms de Ruillier-Beaufond, demandèrent qu'il fût déclaré déchu de son legs. 8 avr. 1829, arrêt de la cour de la Guadeloupe, qui autorise le sieur Luce Papin à recueillir le legs. Cet arrêt ayant été cassé pour vice de forme, l'affaire fut renvoyée devant la cour d'Orléans, qui statua ainsi : « Considérant que, par testament du 28 mars 1817, le sieur Ruillier-Beaufond donne et lègue, etc.; - Considérant, en droit, que, lorsqu'il s'agit de dispositions testamentaires, la volonté du testateur devient la loi des parties; Considérant, en fait, que, dans la cause, la volonté du testateur est clairement exprimée dans le testament et le codicille précités, et qu'il résulte évidemment des termes dont il s'est servi que son intention a été de soumettre l'efficacité du legs à une condition de rigueur ;-Considérant que cette condition, qui est mixe, n'est point impossible de sa nature, encore bien que subordonnée, dans son exécution, à l'autorisation du prince qui, aux termes de l'ordonn. de 1555, peut seul permettre les changements ou additions de noms : Considerant qu'il n'est pas prohibé par les lois; Considérant qu'il résulte des expressions des testament et codicille précités que l'intérêt des légataires n'a point été TOMK XXXII.

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noms du testateur (Rej. 4 juill. 1856) (1); -3° Qu'à défaut d'un déiai fixé par le testateur pour l'exécution de la condition imposée à son légataire, de prendre ses noms et prénoms, les tri

le motif déterminant du legs fait en leur faveur, mais seulement que le testateur, dominé par le désir que son nom lui survécût, a voalu mettre en jeu leur intérêt personnel pour assurer l'accomplissement de la plus importante de ses volontés, ainsi qu'il l'a qualifiée lui-méme dans la suscription de son testament ;-Considérant que la disposition faite en faveur de sa nièce Adeline Ferrière, contre celui qui n'exécuterait pas cette clause de rigueur, rend évidente sa volonté que sa nièce profite de sa succession, s'il ne peut avoir, dans le premier légataire, un successeur qui le représente autant que possible, en portant légalement aussi bien que de fait les noms et prénoms sous lesquels il aurait été connu dans la colonie ;-Considérant que Louis Luce Papin n'a obtenu que l'autorisation de prendre le nom de Ruillier, tandis que le testateur s'appelait JeanBaptiste-Louis Ruillier de Beaufond, et qu'ainsi il ne remplit que partiellement la condition qui lui avait été imposée pour le tout; que le but évident que se proposait le testateur n'est point atteint; et que le sieur Louis-Luce Papin ne peut être admis à faire valoir que ce fait est independant de sa volonté, puisque la condition étant mixte de sa nature, rend nécessaire le concours d'un tiers; - En ce qui touche le moyen subsidiaire, tiré de ce que le testateur ne fixe point le délai dans lequel la condition devra être accomplie ;-Considérant que l'intention du testateur était que la condition fût accomplie dans un court délai, puisqu'il charge les parents de Luce Papin, encore mineur, de lui faire prendre ses noms et prénoms; que le testateur est décédé depuis seize ans, et que, d'ailleurs, Luce Papin n'a aucun droit sur le legs, puisque la condition n'est point accomplie....» Il est à remarquer que cet arrêt fut rendu après partage.

Pourvoi en cassation -1°..., 2o Violation des art. 900, 1148, 1170 et 1171 c. civ. En principe, a-t-on dit à l'appui de ce moyen, tout changement de nom est défendu. Si la loi l'autorise quelquefois, c'est parexception et à la charge d'obtenir la permission du gouvernement. La condition de changer de nom est donc subordonnée à une autorisation qui peut être refusée ou accordée, c'est-à-dire qu'elle est suspendue dans sa validité et soumise elle-mème à une condition, si princeps voluerit. Dès lors, si le prince refuse l'autorisation, la condition de changer de nom demeure contraire à la loi, car on rentre alors sous l'empire de l'ord. de 1555, qui prohibe tout changement de nom. La condition doit donc être réputée non écrite, aux termes de l'art. 900 c. civ. Elle ne devient licite qu'autant que le prince a consenti à lever la prohibition. Telle est l'opinion de M. Merlin, Rép., vo Promesse de changer de nom. Or, dans l'espèce, l'ordonnance royale avant seulement autorisé le légataire à prendre le nom de Ruillier, la condition imposée par le testateur n'a dû être exécutée que dans cette disposition; pour le surplus elle a été légalement impossible. Mais, comme la force majeure relève le légataire de l'exécution des obligations qui lui sont imposées par le testateur, ainsi que l'enseignent Ricard, t. 2, p. 205; Furgole, t. 2, p. 285, no 158; Pothier, des Oblig., no 213, il s'ensuit que le legs fait au profit de Luce Papin devait être déclaré valide. 50 Excès de pouvoir et violation des art. 1040 et 1176 c. civ. L'arrêt attaqué ne pouvait prononcer la déchéance du legs, parce qu'il n'y a rien dans le testament d'où l'on peut induire une fixation de délai. D'ailleurs, le sieur Papin, qui était parvenu à remplir une partie de la condition, pouvait, sur une nouvelle demande, obtenir l'autorisation pour l'accomplir entièrement. Il y avait donc lieu de se conformer aux art. 1040 et 1176, qui disposent que, lorsque aucun délai n'a été déterminé pour l'accomplissement d'une condition, elle n'est réputée défaillir qu'autant qu'il est certain qu'elle ne pourra plus être exécutée.

nom.

On répondait, dans l'intérêt des époux Longchamps, que la condition de changer de nom ne pouvant être accomplie qu'avec l'autorisation du prince, devait être considérée comme une condition mixte (c. civ., art. 1171). Mais évidemment cette condition n'a rien de contraire à la loi, puisqu'il dépend du gouvernement de rendre licite le changement de C'est aussi avec juste raison, ajoutait-on, que l'arrêt attaqué a prononcé la déchéance du legs, car il résulte des dispositions du testament, ainsi que le déclare la cour royale, que c'était dans le plus bret délai que la condition devait être exécutée. D'un autre côté, l'art. 1176 déclare la condition défaillie, quand il est certain qu'elle ne sera plus exécutée. Or, dans l'espèce, la certitude du non-accomplissement de la condition n'était-elle pas acquise, du moment que le sieur Papin n'avait pu, malgré toutes ses démarches, obtenir l'autorisation de prendre les noms et prénoms du testateur? - Arrêt (apr. délib. en ch. du cons.). LA COUR; Sur le second moyen, tiré de la violation des art. 900, 1148, 1170 et 1171 c. civ. et d'un prétendu excès de pouvoir : — Attendu, en droit, 1° que l'interprétation de la volonté du testateur rentre dans les attributions exclusives des juges du fait; 2° que la condition, imposée à un légataire de porter les noms et prénoms du testateur n'est pas contraire à la loi, puisque la loi elle-même attribue au gouvernement le pouvoir d'autoriser tout changement ou addition de noms et prénoms qu'il jugera convenable; 3° que cette condition n'est pas non 64

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