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aff. Dépinay);..... ou alors que des conventions particulières, intervenues entre les parties, avaient ajouté à la sanction de la loi

gles, hors le lieu de sa résidence, et sans réquisition, une étude ouverte; qu'il a méconnu la dignité et les convenances qu'un notaire doit se faire un devoir de respecter et de ne jamais perdre de vue dans l'exercice de ses honorables fonctions, et que, dès lors, il a encouru une peine disciplinaire, aux termes des art. 6 et 53 de la loi du 25 vent. an 11; que, cependant, il existe dans la cause quelques circonstances qui militent en sa faveur, et qui doivent porter à modérer la peine à lui infliger; Considérant, d'une autre part, que les divers motifs énoncés ci-dessus justifient l'intervention de Me Toutenel; que, sans qu'il soit nécessaire d'avoir égard à ses conclusions subsidiaires, il est suffisamment constaté que, réellement, il a éprouvé un préjudice quelconque, qui lui a été causé par la conduite très-blamable de Me D... P..., et que, conformé→ ment à la loi, celui-ci est passible de dommages-intérêts; que, toutefois, ceux conclus par Me Toutenel paraissent exagérés;-Déclare l'action du ministère public recevable et bien fondée; en conséquence, condamne D... P... en 500 fr. d'amende, tant pour la violation à la loi, en recevant habituellement, hors du lieu de sa résidence, et sans réquisition, des actes de son ministère, et pour avoir tenu à jour fixe une étude ouverte dans la ville de Rugles, en y attendant sa clientèle, que pour avoir manqué, par divers moyens illicites, à sa dignité et aux convenances du notariat;- Déclare pareillement l'intervention de Toutenel recevable et bien fondée, et condamne D... P... en 1,500 fr. de dommages-intérêts envers ledit Toutenel, notaire à Rugles, pour indemnité du préjudice qu'il lui a causé en instrumentant dans la ville de Rugles, sans réquisition, et en détournant ou essayant de détourner, dans son intérêt privé, la clientèle du sieur Toutenel, etc. »

Pourvoi:-1° Fausse interprétation de l'art. 3 de la loi du 25 vent. an 11 et de l'avis du conseil d'État du 7 fruct. an 12; fausse application de l'art.4 et violation de l'art. 5 de ladite loi de ventôse. La loi organique du notariat, dit-on, n'a pas défendu une concurrence légitime entre les notaires du même ressort; cela résulte de la liberté qu'ont les parties de choisir le notaire à leur convenance. Si les notaires résidant au siége d'une cour royale ont le droit d'instrumenter dans tout le ressort de cette cour et si les notaires établis au siége d'un tribunal peuvent de même recevoir des actes dans tout le ressort de ce tribunal, il était juste que les notaires des communes rurales fussent autorisés à exercer leur ministère dans toute l'étendue du canton. Il y a des notaires de cours royales, des notaires d'arrondissements et des notaires de cantons, mais il n'y a point de notaires de communes; c'est pour cela que, d'après l'art. 5 de la loi du 25 vent. an 11, les notaires résidant dans les communes rurales exercent leurs fonctions dans l'étendue du ressort du tribunal de paix. Dirat-on que pour pouvoir se transporter hors de sa résidence légale, un notaire doit en être formellement requis? Mais la réquisition résulte de la réception même de l'acte. En telle sorte que, dans l'espèce, le demandeur devait être réputé requis de se transporter à Rugles, chaque fois qu'il s'y rendait, par cela seul qu'il y recevait des actes. Dès lors, il ne faisait qu'user de son droit légitime, et il ne pouvait être passible de dommages-intérêts. -2° Excès de pouvoir, fausse application des art. 6 et 53 de la loi du 25 vent. an 11, en ce que l'arrêt attaqué a prononcé par voie disciplinaire une amende de 500 fr. contre le demandeur pour un fait qui n'est déclaré passible d'une telle peine par aucune disposition de loi. Arrêt.

LA COUR;-Sur le premier moyen de cassation relatif à la partie de l'arrêt attaqué qui a condamné le demandeur à des dommages-intérêts envers M⚫ Toutenel:- Attendu que la fixation d'une résidence respective pour les notaires d'un même canton et l'obligation de la respecter, qui leur est imposée par l'art. 4 de la loi du 25 vent. an 11, ont été déterminées, tant dans leur intérêt, pour prévenir les conséquences d'une concurrence sans limites, que dans celui des habitants qui pouvaient avoir besoin de recourir à leur ministère; - Attendu que, si l'art. 5 de la loi précitée leur permet d'exercer leurs fonctions dans toute l'étendue de leur canton, il n'en peut résulter pour eux la faculté d'y établir, à leur gré, une double étude où tout ce qui pourrait être l'équivalent d'une double résidence;-Attendu que cette restriction au droit d'exercice que la loi leur confère, clairement indiquée par la combinaison des art. 4 et 5, a été expressément consacrée par l'avis du conseil d'Etat du7 fruct. an 12, qui déclare que les notaires de canton pourront, lorsqu'ils en seront requis, se transporter dans la partie des villes dépendant de leur justice de paix pour y instrumenter; mais qu'ils ne peuvent ouvrir étude ailleurs que dans le bourg ou village qui leur a été assigné pour lieu de résidence;—Attendu que l'extension du droit d'exercice dont il s'agit, qui aurait pour résultat rétablissement d'une double étude dans le même canton, pourrait, suivant les circonstances, présenter non-seulement une violation de l'obligation de la résidence imposée aux notaires, mais encore une atteinte grave portée à la dignité de leur caractère, un oubli coupable des convenances qu'ils doivent observer et un préjudice causé à la fortune du notaire domicilié dans le lieu où s'ouvrirait cette double étude; -Attendu qu'aux termes des art. 53 de la loi du 25 vent. an 11, et 12 de l'arrêté du gouvernement, du 2 niv. an 12, les tribunaux civils sont com

de la résidence (Lyon, 28 mars 1840) (1); Bordeaux, 21 août 1854, M. de la Seiglière, pr., aff. Eyguière).

pétents pour prononcer sur les demandes en suspensions, destitutions, condamnations d'amende et dommages-intérêts, formées contre les notaires par les parties intéressées ou par le ministère public;

Attendu que l'art. 1382 c. civ. dispose que tout fait quelconque de l'homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute de qui il est arrivé à le réparer ;-Attendu que l'arrêt attaqué a décidé qu'il était constant, en fait, que le demandeur en cassation, au mépris de la loi, a tenu habituellement, à jour fixe, jour de marché, dans la ville de Rugles, hors du lieu de sa résidence et sans réquisition, une étude ouverte, et qu'il a mis en usage divers moyens illicites et détournés pour enlever, dans son intérêt privé, la clientèle de Me Toutenel, à qui par cette conduite il a causé un préjudice réel;— Attendu qu'en tirant de ces faits la conséquence que Me D... P..., déjà censuré deux fois avec réprimande par la chambre de discipline des notaires de son aurondissement pour usurpation ou envahissement de résidence, avait méconnu la dignité et les convenances qu'un notaire ne doit jamais oublier dans l'exercice de ses fonctions, et qu'il était passible tout à la fois d'une peine disciplinaire et de dommages-intérêts envers Me Toutenel, l'arrêt attaqué à fait une exacte appréciation des faits de la cause, et, loin d'avoir faussement appliqué les art. 1382 et 1383 c. civ., et violé les art. 3 et 5 de la loi du 25 vent. an 11, en a fait, au contraire, une juste application, et n'a violé aucune loi;- Rejette, en ce qui concerne la partie de l'arrêt qui condamne le demandeur à payer à Me Toutenel une somme de 1,500 fr. par forme de dommages-intérêts;

Mais sur le deuxième moyen de cassation, portant sur la partie de l'arrêt attaqué qui, faisant droit au réquisitoire du ministère public, contre le demandeur, l'a condamné à une amende de 500 fr. envers l'État:-Vu les art. 6 et 53 de la loi du 25 vent. an 11, et les art. 11 et 12 de l'arrêté du gouvernement, du 2 niv. an 12;-Attendu qu'une amende est une véritable peine qui ne peut être prononcée que pour les causes expressément déterminées par la loi;- Attendu que l'art. 6 de la loi du 25 vent. an, 11 ne statue que pour une hypothèse qui n'est pas celle de la contestation actuelle; qu'il n'est d'ailleurs question, dans ses dispositions, que de suspension, destitution ou dommages-intérêts ; qu'ainsi, il ne pouvait autoriser la cour royale de Rouen à prononcer une amende contre le demandeur; - Attendu que l'art. 53 de ladite loi, en déclarant que toutes condamnations d'amende seront prononcées par les tribunaux civils, sans déterminer dans quelles circonstances et pour quelles causes ces amendes seront encourues, s'est manifestement borné à établir une simple compétence, qui ne peut et ne doit s'exercer que dans les cas particuliers où la loi a attaché la peine dont il s'agit à l'infraction des règles qu'elle prescrit; - Attendu que, dans aucun de ses articles, elle ne prononce d'amende qui soit applicable aux faits déclarés constants contre D.... P....; Attendu que ces faits sont passibles d'une peine disciplinaire, ainsi que cela résulte de la combinaison des art. 53 de la loi du 25 vent. an 11 et des art. 11 et 12 de l'arrêté du gouvernement, du 2 niv. an 12;— Attendu que, tout en reconnaissant que c'était une peine de cette nature qui devait leur être appliquée, l'arrêt attaqué, sous le prétexte qu'il existait dans la cause des circonstances qui militaient en faveur du demandeur en cassation, l'a condamné à une amende de 500 fr.; Attendu qu'en substituant ainsi au mode de répression déterminé par la loi la peine de l'amende qu'elle ne prononce pas, cet arrêt a commis un excès de pouvoir, a faussement appliqué les art. 6 et 53 de la loi du 25 vent. an 11 et, par suite, a violé les dispositions desdits articles, ainsi que celles des art. 11 et 12 de l'arrêté du gouvernement, du 2 niv. an 12;-Casse dans la partie seulement qui a condamné M• Ď... P... à une amende de 500 fr.

Du 11 janv. 1841.-C. C., ch. civ.-MM. Portalis, 1er pr.-Bryon, rap.Laplagne-Barris, 1er av. gén., c. conf.-Carette et Duverne, av.

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(1) Espèce (Me B... C. Me D...)- Me B..., notaire à Lancié, et Me D..., notaire à Saint-Georges de Reneins, étaient convenus de permuter leur résidence, et les conditions de cet échange avaient été arrêtées entre eux. L'autorisation ministérielle ne leur fut pas accordée. Les deux notaires réglèrent alors leurs intérêts par de nouvelles conventions, et une clause spéciale de leur accord imposa à chacun des contractants l'obligation de se conformer à la loi sur la résidence des notaires. Cette clause s'appliquait particulièrement à M B..., qui, après être resté pendant neuf ans clerc à Saint-Georges, où il avait même exercé pendant trois ans les fonctions de notaire, avait conservé dans cette résidence des rapports de clientèle nombreux. - Peu de temps après cet arrangement, Me D... se plaignit de ce que Me B... se transportait fréquemment à Saint-Georges, à jour fixe, et qu'il y tenait étude ouverte. L'intervention de la chambre des notaires ayant été impuissante pour concilier les deux notaires, Me D... se pourvut devant les tribunaux civils à fin d'indemnité et de dommages-intérêts, et offrit la preuve des faits qu'il alléguait.

Le 21 juin 1839, jugement du tribunal de Villefranche qui admi Me D... à la preuve offerte; ce jugement est ainsi motivé: «Attendu que la loi, en obligeant les notaires à résider dans le lien

63. La recevabilité de l'action civile est-elle subordonnée à | nier par voie d'action civile en réparation du préjudice causé, l'action administrative du gouvernement, de manière que la première ne puisse s'exercer si la seconde n'a pas eu lieu déjà ?—Il a été décidé, dans le sens de la négative et avec raison, que le notaire qui enfreint la loi de la résidence et fait ainsi une concurrence illégitime à un de ses confrères, peut être poursuivi par ce der

qui leur est fixé par le gouvernement, a ou en vue tout à la fois l'intérêt des justiciables et celui des notaires eux-mêmes, à qui elle a voulu ainsi ménager, par une judicieuse distribution de leurs résidences, les moyens de remplir avec indépendance les fonctions dont ils sont revêtus; mais que ce double but de la loi, qui ressort littéralement de l'exposé de ses motifs par M. Favard, orateur du tribunat, où l'on voit que la résidence des notaires leur a été imposée tant pour leur avantage particulier que pour celui de la société, serait évidemment manqué si un notaire pouvait avoir la faculté d'abandonner la résidence qui lui a été fixée pour en prendre une autre, suivant qu'il y trouverait ou croirait y trouver plus d'avantages;-Considérant que le droit accordé aux notaires d'un canton d'exercer leurs fonctions dans l'étendue du ressort du tribunal de paix de ce canton, bien qu'il établisse une concurrence entre tous ces notaires, doit néanmoins être renfermé dans les limites posées par l'avis du conseil d'État du 7 fruct. an 12, d'après lequel il n'est permis auxdits notaires de quitter leur résidence légale pour instrumenter hors cette résidence, dans les autres lieux dépendants du canton, que lorsqu'ils auront été expressément requis par les parties, mais sans jamais pouvoir tenir étude ouverte ni conserver leurs minutes ailleurs que dans le lieu qui leur a été assigné pour y résider;— Attendu que si l'infraction à la loi de la résidence constitue une contravention d'ordre et d'intérêt public, qu'il appartient au garde des sceaux de poursuivre contre le notaire contrevenant, il ne suit pas de là que le notaire lésé par suite de la contravention de son confrère ne puisse demander à celui-ci la réparation du tort qu'il lui a occasionné; qu'en effet la répression publique dans l'intérêt de la société, et la répression civile dans l'intérêt privé de la partie aux droits de laquelle l'infraction dont s'agita porté atteinte, peuvent être poursuivies concurremment ou même séparément l'une de l'autre ; que cela résulte des principes du droit commun et des dispositions des art. 1382 et 1383 c. civ., qui, saus aucune distinction de cas ni de personnes, donnent contre quiconque a causé un dommage à autrui par sa faute, sa négligence ou son imprudence, une action en réparation de ce dommage, qui doit être portée devant les tribunaux civils, seuls compétents pour en connaître - Attendu que si le notaire B..., au mépris soit de ses engagements particuliers envers le sieur D..., soit de la loi de résidence qui lui est imposée par son institution même, vient effectivement, comme le dit D..., s'établir dans la commune de Saint-Georges, et y tenir périodiquement étude ouverte à certains jours de la semaine, notamment les jeudis et les dimanches, et si le même B..., en venant s'installer dans la résidence du sieur D..., pour y attendre et solliciter la clientèle de cette résidence, a réellement attiré à lui partie de cette clientèle et préjudicie ainsi aux droits du sieur D..., il est incontestable que ce dernier aurait droit à des dommages-intérêts proportionnés à l'étendue du préjudice par lui souffert; que, dès lors, les faits articulés par le demandeur ne reposant que sur des allégations, c'est le cas de l'admettre à en administrer la preuve par lui offerte. >>

Sur l'appel Me B... soutient que c'est à tort que les premiers juges ont joint l'instance en indemnité introduite par Me D... avec l'action disciplinaire exercée par la partie publique.-Au fond, il soutient que le fait de la plainte de Me D..., fût-il établi et prouvé, ne constituerait pas un abus de la résidence, comme l'a explicitement décidé la cour de cassation, par un arrêt du 22 fév. 1827, qui reconnaît in terminis « qu'un notaire peut se rendre deux jours de la semaine avec son clerc dans une autre commune, pour y entendre ses clients et passer les actes de son ministère, sans qu'il puisse être réputé avoir une double résidence ni une double étude; qu'il ne peut être, pour ce fait, poursuivi par voie de discipline, et que ce serait porter atteinte au droit qu'a le notaire d'acter dans tout son ressort; » — Mais, dit-il, le fait est complétement faux, quant au reproche de se rendre habituellement à Saint-Georges le jeudi; les minutes et les répertoires établissent, mieux que ne le ferait une enquête, la fausseté de cette allégation; il en résulte que les apparitions de Me B... à Saint-Georges, le jeudi, se bornent à dix ou douze par année, ce qui exclut le fait habituel et démontre que ces visites ne sont qu'accidentelles et provoquées par la demande des parties.— Arrêt.

LA COUR ; Attendu que toute infraction à des prescriptions d'ordre public peut ouvrir deux actions, l'une publique ou disciplinaire exercée au nom de la société; l'autre toute civile, exercée au nom des intérêts privés qui ont pu être lésés; - Que c'est là un principe de droit commun; -Attendu que ces deux actions, entièrement distinctes l'une de l'autre, doivent chacune être poursuivies selon les règles qui leur sont propres; -Attendu qu'en admettant que l'art. 4 de la loi du 25 vent. an 11 ait entendu prévoir non-seulement le changement absolu de résidence, mais encore l'établissement simultané de deux résidences, il est visible que les dispositions prescrites par cet article ne s'appliquent qu'à l'action

TOME XXXII.

sans qu'il soit nécessaire que le ministre de la justice ait starać préalablement sur le fait de changement de résidence qui sert de base à l'action, en ce que l'action civile, dans ce cas, est indépendante de l'action administrative de la compétence du ministre de la justice (Cass. 11 janv. 1841) (1).

disciplinaire, et laissent l'action privée en dommages-intérêts sous l'empire des formes et de la juridiction de droit commun;- Attendu, d'ailleurs, que, dans l'espèce, indépendamment de la violation des lois sur la résidence, l'action du notaire D... prend sa source dans les stipulations précises de contraventions verbales et synallagmatiques;- Adoptant, d'ailleurs, les motifs des premiers juges, dit qu'il a été bien jugé. Du 28 mars 1840.-C. de Lyon, 20 ch.-M. Achard-James, pr. (1) Espèce : - (Bertin et Piolle C. Dauphin.)- En 1837, les sieurs Bertin et Piolle, notaires à Salon, chef-lieu de canton, ont formé contre le sieur Dauphin, notaire à Grans, commune rurale, une demande en dommages-intérêts, motivée sur ce que ce dernier notaire aurait, depuis 1820, illégalement résidé à Salon, au lieu de résider à Grans. Sur cette demande, le tribunal d'Aix a rendu un jugement interlocutoire par lequel il a ordonné le transport du président de ce tribunal dans les communes de Salon et de Grans, à l'effet d'y recueillir les preuves offertes par Bertin et Piolle sur le fait de la résidence de Dauphin à Salon et sur le préjudice qui en serait résulté pour eux.

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Appel par Dauphin. 29 juillet 1837, arrêt infirmatif de la cour royale d'Aix, qui renvoie en l'état l'appelant de l'action formée contre lui: -«Attendu que l'art. 4 de la loi du 25 vent. an 11, sur le notariat, détermine que les contraventions à la résidence, de la part des notaires, sont dans les attributions spéciales du ministre de la justice; - Que la cour de cassation l'a ainsi reconnu dans son arrêt du 24 juin 1829 ;Attendu, en effet, que les attributions territoriales attachées à tels ou tels offices sont une émanation directe du gouvernement; Que, dès lors, à lui seul appartient le droit de les fixer, de les modifier et d'en faire strictement observer l'étendue; - Attendu que la loi précitée d'organisation du notariat, ni aucune loi postérieure, n'accorde aux notaires de la résidence sur laquelle aurait empiété un autre notaire, le droit de réclamer de celui-ci des dommages et intérêts, tant que le gouvernement n'a rien statué sur l'infraction à la résidence;-Que des particuliers auraient titre à des dommages-intérêts, par suite de ces infractions, si ces infractions entraînaient des nullités d'actes ou de transactions; mais qu'à ces limites se bornent les droits des particuliers pour porter devant les tribunaux une action relative à l'infraction des règles concernant la résidence des officiers publics; - Qu'il ne résulte d'aucun texte de loi que les notaires aient, par rapport à leurs confrères, de plus grands droits que les simples particuliers; Attendu qu'accorder à des notaires la faculté de traduire devant les tribunaux, pour lesdits empiétements, leurs confrères voisins, et leur demander des dommages et intérêts, lorsque le gouvernement n'a point encore reconnu l'infraction à la résidence, ce serait évidemment porter atteinte aux attributions que lui a conférées la loi, et ce serait d'ailleurs ouvrir la porte à des actions civiles, au moins intempestives, dont l'inévitable effet serait de nuire éminemment à la considération attachée aux fonctions du notariat; - Attendu qu'en acceptant leurs offices, même après avoir acquis à prix d'argent la présentation d'un titulaire, les notaires savent d'avance que l'étendue de leur ressort peut être modifié par le gouvernement; qu'il a le droit d'augmenter, suivant les circonstances, le nombre des notaires de leur résidence, et qu'en un mot ils sont tous sous la volonté et la justice du gouvernement pour ce qui est de leur résidence et du territoire qui devra en dépendre, et, par conséquent, des empiétements de leurs confrères, résultant de l'inobservation de la résidence; - Que, dès lors, ces conditions ainsi acceptées, placent la propriété de l'office de notaire dans une catégorie spéciale et différente des propriétés ordinaires, d'où découlent des formalités particulières; Attendu qu'il y aurait exception à ces divers principes, si l'on arguait, contre un notaire, des faits frauduleux ou des manœuvres coupables qui auraient eu lieu avec l'inobservation de la résidence, laquelle favoriserait ces faits et ces manœuvres, la juridiction des tribunaux serait alors, de premier abord, et exclusivement compétente; mais de telles inculpations ne sont point présentées et ne résultent aucunement de la cause à l'encontre du notaire Dauphin, dont la probité et la droiture des sentiments est même reconnue par ses adver aires. »

Pourvoi pour fausse interprétation de l'art. 4 de la loi du 25 vent.' an 11, contravention aux règles de la juridiction et violation de l'art. 1582 c. civ., en ce que l'arrêt attaqué à décidé que le notaire qui manque à la loi de la résidence ne peut pas être actionné en dommagesintérêts par ses confrères auxquels cette infraction porte préjudice, tant que le ministre de la justice n'a pas statué sur le fait. Arrêt. LA COUR; - Vu l'art. 4 de la loi du 25 vent, an 11 et l'art. 1389 c. civ.; Attendu que, suivant l'art. 4 de la loi du 25 vent. an 11, chaque notaire doit résider dans le lieu qui est fixé par le gouvernement, et qu'en cas de contravention, il est considéré comme démissionnaire et peut être remplacé ;- Attendu que le notaire qui, au mépris de cet ar77

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64. Comme base d'appréciation de ce préjudice, les juges ont d'abord le montant des honoraires des actes indûment passés; As doivent, en outre, prendre en considération la durée du temps pendant lequel l'infraction a eu lieu et le tort éventuel résultant du détournement de la clientèle qui peut affecter non-seulement le revenu de l'étude, mais encore sa valeur en cas de cession.Jugé, en effet, qu'une telle appréciation appartient aux tribunaux (Lyon, 30 août 1858) (1).

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65. Quant à la preuve de l'infraction, il a été jugé : 1o que le notaire lésé ne peut demander, pour établir l'existence des faits qui lui préjudicient, la vérification de la totalité des minutes du notaire infracteur; ce moyen de constatation, tout exceptionnel, ne peut être ordonné que lorsqu'il s'agit d'une action publique, et en dehors de ce cas, les tribunaux civils ne peuvent autoriser, s'il y a lieu, qu'un compulsoire restreint à quelques actes déterminés (Grenoble, 2 mars 1850, aff. Gresse, D. P. 52. 2. 119; 29 Que le notaire qui prétend qu'un confrère d'un ressort Voisin est venu dans sa résidence recevoir des actes doit être admis à faire la preuve de cette infraction, tant par titres que par témoins, nonobstant l'énonciation contraire insérée dans l'acte recu bors du ressort légal, afin d'arriver ainsi à justifier le préjudice qui lui a été causé (trib. de Villefranche, 29 mars 1838) (2).

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ticle, établit sa résidence dans un lieu où il existe un autre notaire, peut, par ce fait et la concurrence qui en résulte, causer à celui-ci un préju dice réel et être tenu envers lui à des dommages intérêts; - Qu'ainsi l'infraction à l'art. 4 précité donne lieu à deux actions, savoir : l'action publique ou administrative, et l'action purement civile en réparation du dommage, et ayant pour base l'art. 1382 c. civ. ;- Attendu que l'action civile est indépendante de l'action publique, et que le notaire qui ne réside pas dans le lieu qui lui a été assigné, peut être poursuivi en réparation du préjudice résultant de son changement de résidence, quoique le ministre de la justice ne lui ait fait aucune injonction et n'ait pas agi pour le faire remplacer ;-Attendu, en fait, que la résidence du notaire Dauphin a été fixée par le gouvernement à Grans ; Que Bertin et Piolle, notaires à Salon, ont prétendu que, depuis 1820, il avait établi sa résidence à Salon, où il leur faisait concurrence et leur causait du dommage; Qu'ils l'ont, en conséquence, traduit en justice pour obfenir contre lui des indemnités; - Que la cour royale d'Aix a rejeté leur action, par l'unique motif qu'elle reposait sur un fait de résidence que le gouvernement seul pouvait apprécier, et sur lequel il n'avait point statue; Qu'en jugeant ainsi, l'arrêt attaqué a faussement interprété et appliqué l'art. 4 de la loi du 25 vent. an 11, a commis up excès de pouvoir en admettant une fin de non-recevoir non établie par la loi et a expressément violé l'art. 1382 c. civ., Par ces motis, casse.

Du 11 janvier 1841.-C C.-ch. civ.-MM. Portalis, 1er pr.-Thil, rap.Laplagne-Barris, 1er av. gen., c. conf.- Mandaroux-Vertamy et Piet, av. (1)(Veyre C. Bourrette.)LA COUR; · Considérant qu'un notaire qui se transporte babituellement hors du lieu de sa résidence pour exercer son ministère et sans y être appele par les parties contractantes, peut, par ce fait, et en contrevenant ainsi à la règle de la résidence, causer aux autres notaires du même canton un préjudice dont l'appréciation appartient aux tribunaux ;-Qu'il résulte de tous les faits de la cause et des pièces mêmes produites par Bourrette, qu'il n'avait à Pelussin, lieu qul lui était assigné pour sa résidence, qu'un pied-à-terre, et non un véritable domicile; Qu'il se transportait à chaque instant, et sans y être appelé par les parties, à Maclas, où demeurait sa mère et où sont situées ses propriétés; qu'il y tenait étude et qu'il y passait des actes comme s'il Y avait eu sa résidence, et comme à Pelussin même; qu'une telle conduite a dû faire éprouver à Veyre, notaire à Maclas, un prėjudice dont Bourrette doit la réparation;-Considérant qu'il existe dans la cause des renseignements suffisants pour apprécier, et sans recourir à d'autres preuves, le préjudice causé;-Par ces motifs, met l'appellation et le jugement dont est appel au néant ;-Émendant, décharge Veyre des condamnations contre lui prononcées; faisant droit au principal, se déclare compétente; et statuant au fond, condamne Bourrette à payer Veyre la somme de 1,200 fr.pour la réparation du préjudice qu'il lui

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camme il suit :—«Art. 5. Les notaires exercent leurs fonctions, savoir-Ceux des villes où est établi le tribunal d'appel, dans l'étendue du ressort de ce tribunal;-Ceux des villes où il n'y a qu'un tribunal de première instance, dans l'étendue du ressort de ce tribunal; -Ceux des autres communes, dans l'étendue du ressort du tribunal de paix. » — « Art. 6. Il est défendu à tout notaire d'instrumenter hors de son ressort, à peine d'être suspendu de ses fonctions pendant trois mois, d'être destitué en cas de récidive, et de tous dommages-intérêts. » Cette dernière disposition est sanctionnée par l'art. 68 de la même lai. Enfin, il importe de remarquer que l'art. 205 c. pr. porte exception à la disposition précitée de la loi de l'an 11, en permettant, lorsqu'il y a lieu à vérification d'écriture, au dépositaire des pièces, quel qu'il soit, d'en délivrer des expéditions valables même hors de son arrondissement.-Y. Vérific. d'écrit.

67. Autrefois, et bien qu'il résultat de l'art. 22 de l'ord. du 15 juill. 1504, que les limites des ressorts ne fussent pas alors parfaitement réglées, on ne lit pas moins dans le rapport du tribun Favard que « de tous temps l'exercice du notariat a été circonscrit également dans les limites territoriales hors desquelles le notaire n'avait plus de caractère. » La même règle était également établie dans l'édit de novembre 1542. Mais ou cherchait à l'éluder et on y arrivait assez facilement, au témoignage des auteurs. V. Ferrières, Parf. not., liv. 1, ch. 8; Blondela, n° 251; Loret sur l'art. 6.

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GS. Et il a été jugé que la défense faite par cet édit n'était pas, autrefois, en raison de l'incertitude des limites territoriales et de la juridiction des seigneurs, exécutée rigoureusement (Req. 5 avril 1836, aff. Grange, V. Disp. test.).

69. On connaissait avant la révolution trois classes de notaires : 1o les notaires de Paris, d'Orléans et de Montpellier, les premiers ayant en tous lieux la prééminence, même sur ceux de ces deux dernières villes; 2° les notaires royaux des provinces;

a causé, le condamne en outre à tous les dépens de première instance et d'appel; ordonne la restitution de l'amende.

Du 30 août 1858.-C. de Lyon.-M. Belbeuf, 1er pr.

(2) (Les notaires du canton de C... C. B...) - LE TRIBUNAL; — Gonsidérant que, quoique revêtus du titre de fonctionnaires, les notaires n'en sont pas moins appelés par la loi à recevoir des émoluments à raison de leurs fonctions; que c'est la un droit qui doit être d'autant mieux res pecté que la loi du 28 avril 1816 a consolidé sur leur tête la propriété de leurs offices; que, dès lors, ils ont le droit de poursuivre la répression de tout ce qui, au mépris des dispositions de la loi sur la résidence ou le ressort, aurait pour objet d'atténuer les avantages pécuniaires que la loi a voulu leur assurer comme un juste dédommagement des risques à l'exercice de leurs fonctions; - Considérant que, lorsque la lo fixé la résidence et le ressort des notaires, elle a eu en vue non-seulement de les répartir convenablement dans l'intérêt des justiciables, mais encore de ménager aux notaires, par une judicieuse distribution de leurs offices, les moyens de remplir avec indépendance leurs fonctions, indé➡ pendance qui est d'ailleurs commandée dans l'intérêt des justiciables;Attendu que ce double but de la loi a été littéralement mis en évidence dans le discours qui lui a servi de motif, puisque M. Favard, orateur du tribunat, y a exprimé que la résidence était imposée tant pour l'avantage de la société que pour celui des notaires en particulier; Considérant que tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer; que, là où commence le préjudice, là commence le droit à poursuivre la reparation;-Considérant que ce principe, posé d'une manière absolue dans l'art. 1382 c. civ., ne saurait être limité par les conséquences plus ou moins graves qui pourraient, même indirectement, résulter de son application; que la foi due en général aux actes des notaires ne saurait non plus restreindre l'exercice du droit à la réparation d'un préjudice causé;-Considérant, dès lors, que, s'il était établi que le notaire cût instrumenté dans le ressort du canton de C..., et qu'il en fût résulté un préjudice pour les demandeurs, il deviendrait incontestable que ceuxci auraient droit à des dommages-intérêts proportionnés à l'étendue du préjudice éprouvé; qu'ainsi, c'est le cas d'admettre la preuve offerte par les demandeurs, du préjudice qu'ils prétendent leur avoir été causé; Dit et prononce, par jugement en premier ressort, qu'avant de faire droit aux parties, les demandeurs sont admis à prouver, tant par titres que par témoins, que le notaire B... envahit habituellement le ressort du canton de C...; qu'il instrumente fréquemment et à des intervalles réguliers dans l'étendue de ce ressort, et qu'en agissant ainsi il leur a causé un véritable préjudice, sauf au sieur B... à faire la prezve contraire.

Du 29 mars 1838.-Trib. de Villefranche (Rhône).

z les notaires seigneuriaux. La loi du 6 oct. 1791, tit. 1, sect. 2, art. 11, supprima ces différences, et n'établit qu'une seule classe de notaires avec pouvoir d'exercer dans toute l'étendue du département de leur résidence (V. p. 571). Mais cette loi, qui exagérait les principes d'égalité et d'uniformité, et qui créait le germe d'une concurrence désastreuse, a fait place à la disposi tion précitée de la loi de l'an 11, qui, donnant aux officiers de la juridiction volontaire la même limite de ressort qu'aux magistrats de la juridiction contentieuse, pose avec netteté la limite hors de laquelle finissent leurs pouvoirs.

70. La loi des 29 sept.-6 oct. 1791 ne prononçait pas la nullité des actes reçus par un notaire hors des limites de son département. Il y a plus : la loi du 18 brum. an 2 (V. p. 574) déclarait expressément, art. 2, que, dans un cas pareil, il n'était pas permis d'en demander l'annulation, du chef de l'incompétence de ces officiers, sauf à punir le notaire contrevenant d'amende, et, en cas de récidive, de destitution (art. 3). Jugé, en conséquence: 1° que, depuis la loi des 29 sept.-6 oct. 1791, les notaires ont valablement continué d'instrumenter, dans leur ancien ressort, jusqu'à la loi du 25 vent. an 11 qui a complété la nouvelle organisation sur le notariat (Bourges, 7 juill. 1814, aff. Lable-Saint-Georges C. Barbançoire); -2° Que sous l'empire des lois des 6 oct. 1791 et 18 brum. an 2, tout notaire était compétent pour instrumenter dans l'entière étendue du département de sa résidence, et délivrer expédition des actes d'un notaire décédé, qui lui étaient momentanément confiés, avant que les héritiers du défunt, ou l'autorité publique, eussent désigné, pour la remise des actes, un notaire de leur choix (Nîmes, 8 juin 1838, aff. Rivière C. Mazon).

71. La loi précitée du 25 vent. an 11 prononce, au contraire, la nullité dans ce cas. Et comme sa disposition est générale, elle a dû s'appliquer sans rétroactivité à tous les notaires. Elle décláre, dans ses art. 62 à 65, qu'elle maintient les notaires en exercice, lors de sa promulgation, en les assujettissant, dans un délai de trois mois, à obtenir une nouvelle commission et à prêter un nouveau serment. De là, question de savoir si, avant cette obtention et la prestation du nouveau serment, les notaires en exercice ont pu instrumenter dans toute l'étendue de leur ancien ressort.-Jugé, dans le sens de la négative: 1° que les notaires, dans l'intervalle de la publication de la loi du 25 vent. an 11, à la prestation de leur nouveau serment, n'ont pu continuer d'instrumenter dans leur ancien ressort; mais, au contraire, qu'ils ont du se conformer à la loi précitée et se circonscrire dans l'étendue des divers ressorts qu'elle a fixés, eu égard aux divers fieux de la résidence de chacun d'eux; et que, par exemple, la donation passée le 16 fruct. an 12 par un ancien notaire hors du ressort fixé par la loi de l'an 11 est nulle, alors surtout que cette loi à été ainsi entendue et généralement observée par les anciens notaires du moment de sa promulgation, et que cet usage est constaté implicitement par l'acte attaqué dans lequel le notaire déclare qu'il a été requis à cause de la suspicion et de l'absence des notaires du canton où l'acte a été passé; et surtout encore à raison de ce que, dans l'espèce, un décret impérial, légalement connu avant la date de la donation et qui avait confirmé nommément dans leurs fonctions les notaires de l'arrondissement, énonçait la résidence de chacun d'eux (Pau, 11 mars 1811, aff. Moudran C. Gapharre);-2° Que le testament passé le 30 juin 1813 par un ancien notaire en exercice avant la loi de ventôse est nul, alors qu'il est passé hors du ressort déterminé par cette loi, bien que ce notaire n'eût pas encore, à cette époque (1815), reçu sa commission confirmative, attendu que le délai dans lequel ils devaient obtenir du gouvernement leur confirmation était expiré depuis longtemps, et qu'à défaut de confirmation, ils ont dû ou cesser toutes fonctions ou se renfermer dans l'arrondissenient déterminé par la règle générale établie en l'art. 5 de la loi de l'an 11 (Req. 10 déc. 1816, MM: Henrion, pr., Borel, rap., aff. Théaller C. Valençon).

72. Toutefois, il a été décidé que les notaires en activité lors de la loi de l'an 11 ont pu, jusqu'à ce qu'ils aient reçu de nouvelles provisions, continuer d'instrumenter dans toute l'étendue du ressort de leur résidence; que spécialement le notaire qui n'à prêté serment que le 17 germ. an 12 a pu valablement, le 22 pluviose précédent, recevoir un acte dans une commune située

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hors du canton où il avait sa résidence (Req. 30 janv. 1807, MM. Henrion, pr., Aumont, rap., aff. Joly C. Boudet), et que les actes par lesquels un débiteur déclare hypothéquer ses biens à la garantie de lettres de change sont valables, alors que ces actes ont été passés les 11, 15 prair., 19 therm. et 12 fruct. an 11 par un ancien notaire hors du ressort déterminé par la loi de ventôse, mais dans le département, avant d'avoir reçu la commission prescrite par cette loi, ni par conséquent l'indication da lieu fixe de sa résidence (Req. 6 avril 1809, MM. Henrion, pr.; Cassaigne, rap., Merlin, pr: gén., c. conf., aff. Housset C. Loisel).

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73. «Distribuer les notaires par ressort, disait le tribun Favard, les circonscrire dans ce même ressort, c'est les attacher à leur place, c'est se préparer le moyen de les réduire au nombre nécessaire, c'est enfin les rendre plus utiles aux citoyens pour lesquels ils sont établis. D'ailleurs, l'étendue des justices de paix qui forment le dernier ressort se trouve plus considérable que ne l'était celle d'une foule de petites juridictions anciennes auxquelles la majeure partie des notaires étaient attachés, et, sous ce rapport, l'institution nouvelle leur est avantageuse. » M. Réal ajoutait «Les affaires plus difficiles exigeant une instruction plus parfaite, la nature des choses condamne la concurrence, et la loi doit, dans la distribution des ressorts qu'elle donne aux notaires, établir une différence proportionnée à la différence qu'elle suppose dans l'instruction. » — Cette classification des notaires, la différence d'instruction, de cautionnements et d'honoraires qui en étaient la suite, ont pu faire croire qu'il existait deux catégories de notaires, ceux des villes et ceux des campagnes. Ce serait, disait le tribun Joubert, aller contre l'ordonnance même du projet que de regarder les notaires comme divisés en notaires de ville et notaires de campagne. Les ressorts sont différents; il y en a de trois espèces : une grande partie des notaires appartiennent à des villes où il n'y a pas de tribunal: ces notaires seront aussi d la troisième classe. La qualité du ressort ne tend donc pas à établir cette distinction qu'on paraissait craindre des notaires de ville et des notaires de campagne. · Le même orateur pense que la faculté d'aller instrumenter dans un ressort inférieur, accordée à certains notaires, ne s'exerce, le plus souvent, que pour aller consommer des affaires qui ont pris naissance dans le ressort.—Favard, Rép., vo Notaire, sect. 1, aurait voulu qu'il n'y eût que deux classes de notaires (sauf l'exception pour Paris), les uns exerçant dans tout le département, et les autres dans tout l'arrondissement : on les aurait répartis par cantons avec obligation de résidence au lieu assigné ; le nombre des notaires eût été diminué, leur état plus lucratif, la surveillance plus sévère: on aurait prévenu les faux qui sont commis parfois pour dissimuler des usurpations de ressort. - D'autres ne voudraient que deux classes adaptées aux deux degrés de juridiction: ils suppriment les notaires de canton. A la chambre des députés, le 19 nov. 1851, à la chambre des pairs, le 29 avril même année, il a été passé à l'ordre du jour sur des pétitions qui demandaient la suppression de la troisième classe. Ces chambres ont vu, et avec raison, dans cette suppression, des inconvénients au moins aussi graves que ceux contre lesquels on réclamait.

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74. La règle du ressort s'applique même aux notaires en second (Conf. Lorét sur l'art. 6) ; de telle sorte qu'un notaire ne peut être commis ou délégué par les juges pour instrumenter hors de son ressort. Elle ne s'appliqué pas, bien entendu, aux parties, lesquelles peuvent être domiciliées dans un autre ressort, sans que le notaire cesse d'avoir juridiction tant qu'il ne sort pas de son territoire (Louet, lett. N, nombre 10, no 1; Ferrière, liv., 1, ch. 8).

75. Des tribunaux de première instance siégent quant à présent dans des villes autres que celles pour lesquelles ils ont été établis. Ainsi le siége du tribunal fixé pour Pontarlier est à Arbois, celui de Mézières est à Charleville, etc. Sont-ce les notaires du tribunal de fait où ceux du tribunal de droit qui doivent être réputés de deuxième classe? Le garde des sceaux a décidé que ce sont les notaires du tribunal de fait; que c'est à eux qu'appartient le droit d'instrumenter dans tout le ressort. Cette décision est fondée sur la lettre de la loi qui place dans la deuxième classe ceux qui ont leur résidence dans une ville où il y a un tribunal de première fnstance.

76. Les notaires de communes rurales dependant d'une ville divisée en plusieurs sections, dont chacune est chef-lieu d'une justice de paix, peuvent-ils instrumenter dans la totalité de la ville; ou bien leur ressort est-il restreint à la seule portion de la ville qui fait partie de l'arrondissement de leur canton? Cette question est complétement résolue par l'avis du conseil d'Etat du 7 fruct. an 12, qui porte que les notaires résidant dans les communes rurales ne peuvent instrumenter que dans la partie de la ville dépendante de leur justice de paix (V. p. 587).

77. Il a été décidé de même que le notaire dont l'office a pour siége une commune rurale dépendant d'un canton dont le cheflieu est dans une ville divisée en plusieurs justices de paix, n'a le droit d'instrumenter que dans l'étendue de la justice de paix à laquelle ressortit la commune de sa résidence (décis. min. just. 7 juin 1837) (1).

78. Mais en serait-il de même à l'égard des notaires à la résidence d'une ville qui, ne contenant ni cour d'appel ni tribunal de première instance, serait néanmoins divisée en deux sections, dont chacune formerait le chef-lieu d'une justice de paix? Les notaires de cette ville ne pourraient-ils instrumenter que dans la partie de la ville qui serait attribuée au canton dans lequel ils résideraient? M. Rolland de Villargues, no 71, ne le pense pas, et son opinion est fondée sur ce que l'art. 34 de la loi du 25 vent. an 11, ayant fixé le tarif du cautionnement des notaires sur la population de la commune de leur résidence, semble décider, | par cela même, que le notaire de cette résidence a droit d'instrumenter dans toute l'étendue de sa commune. Autrement, la population de la commune entière serait une base fausse pour la fixation du cautionnement du notaire, ce qu'on ne peut supposer.

79. Pour savoir s'il y a contravention à la disposition de l'art. 6 de la loi de ventôse, il faut déterminer la signification du mot instrumenter hors du ressort, dans le sens prohibitif de la loi. Ce mot ne comprend-il que la rédaction des actes proprement dits, ou bien embrasse-t-il également les opérations et mesures préliminaires que les actes exigent souvent?

So. D'abord, on demande si des mesures préliminaires, des pourparlers entre les parties, etc., etc., qui ont eu lieu hors du ressort, constituent la contravention, alors que l'acle n'a été rédigé ou n'a été signé que dans l'étude du notaire. Lors de la discussion de la loi du 21 juin 1843, sur les notaires en second, on a élevé la question; et il a été reconnu qu'un notaire n'est pas réputé avoir instrumenté hors de son ressort, par cela qu'il était hors de la limite de ce ressort, lorsqu'il a assisté aux pourparlers des parties, a entendu leurs explications et pris note de leurs conventions. C'est ce qui résulte de ces paroles de M. Philippe Dupin, rapporteur de la loi sur les notaires en second: << La réception des actes, c'est l'instant où le contrat se forme, et où le notaire, donnant lecture de ce contrat aux parties, leur dit: Est-ce là votre volonté? C'est l'instant où les parties signent. » Le rapporteur ajoute « que l'opinion de M. Delangle qui avait dit que la réception d'un acte devait s'entendre aussi des discussions préliminaires, des débats plus ou moins étendus qui ont existé entre les parties, en présence des notaires, a étonné le palais. Ces deux opinions nous paraissent trop exclusives, ou

(1) (Me L..., notaire.) — La ville de N..., chef-lieu de l'un des cantons de l'arrondissement d'Avesnes, est le siége de deux justices de paix désignées par la dénomination de justice de paix Est et Ouest. M L..., notaire à E..., commune du ressort de la justice de paix Est, a demandé s'il pouvait exercer ses fonctions, non-seulement dans le ressort de cette justice de paix, mais dans celui de la justice de paix Ouest, dépendant du même canton; l'usage constamment suivi était le fondement de sa réclamation. Il alléguait, en outre, que les deux justices de paix de... ne forment qu'un seul tribunal de simple police, présidé alternativement par les deux juges de paix et dont le ressort comprend toute l'étendue du canton. Mais sa prétention a été rejetée dans les termes suivants : « Vous voudrez bien faire observer au sieur L..., qu'aux termes des art. 5, 6 et 53 de la loi du 25 vent. an 11, il n'a lé droit d'instrumenter que dans les communes rurales et dans la ville de... dépendant de la justice de paix Est, dans le ressort de laquelle se trouve la commune d'E... pour laquelle il est institué. »

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Du 7 juin 1837.-Décision du garde des sceaux.

(2) Espèce;-(Min. pub. C. Dubois.) Les 20 février et 12 mars 1824, le sieur Dubois, notaire à Richebourg, canton de Cambrin, arrondissement de Bethune, s'était transporté à Neuve-Chapeile, canton de Laventie, y avait fait apposer des affiches aunonçant qu'il procéderait,

plutôt peuvent être fort exactes, suivant l'espèce dans laquelle elles ont été émises. Celle du rapporteur est conforme à l'esprit dans lequel a été entendue la loi du 21 juin 1843, explicative du mot reçu de l'art. 8 de la loi de ventôse; celle de M. Delangle serait irréprochable si elle était exprimée au sujet d'une pour suite disciplinaire dirigée contre un notaire qui serait dans l'hǝbitude d'aller, hors de son ressort, et sans en être requis, provo quer des affaires qu'il terminerait ensuite dans son étude.

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81. Mais si au lieu de se borner à de simples pourparlers, et à prendre quelques notes sur lesquelles l'acte définitif devra être rédigé, le notaire fait cette rédaction hors de son ressort, s'il dresse l'acte de telle sorte que la signature qu'il se réserve d'apposer dans son étude, n'est plus qu'une simple formalité, il y a contravention. C'est en ce sens qu'il a été jugé : 1o qu'un notaire est réputé instrumenter hors de son ressort lorsqu'il entend les parties et reçoit leurs conventions, comme notaire, bors de ce ressort, bien qu'il n'en signe et parachève l'acte qu'à sa résidence (Toulouse, 31 déc. 1844, aff. Tourreil, D. P. 45. 2. 66); 2o Qu'un notaire instrumente hors de son ressort et encourt une peine disciplinaire (la suspension) lorsqu'il reçoit, hors de son ressort, des actes de vente et de quittance rédigés dans la forme d'actes notariés, sur lesquels quelques-unes des parties ont apposé leur signature, bien qu'il les signe dans son cabinet (trib. de Roanne, 5 déc. 1844, aff. M..., D. P. 45. 3. 64). — M. Rolland de Villargues, n° 8, est de ce dernier avis. — Il se fonde sur ce que la loi ne défend pas seulement aux notaires de rédiger les actes, mais, en général, d'instrumenter hors de leur ressort; que le décider autrement, c'est se contenter d'une équivoque et se rendre favorable à la fraude. Néanmoins, il faut ce semble, même dans cette hypothèse, établir une distinction, et ne pas mettre sur la même ligne le notaire qui a l'habitude de passer ainsi des actes et qui fait concurrence aux notaires des autres ressorts, et celui qui n'a fait que céder aux exigences d'une partie. Car c'est surtout contre les habitudes que la sévérité doit être exercée (V. nos 235 et suiv.).

82. En second lieu, on demande s'il y a contravention à l'art. 6 de la part d'un notaire qui procède, hors de son ressort, à une vente publique d'immeubles, mais dont il rédige le procèsverbal dans son étude? - La solution de cette question semble dépendre de celle de savoir si les ventes publiques d'immeubles sont dans les attributions exclusives des notaires ou si les particuliers ont le droit de procéder à de telles ventes, par euxmêmes et sans le concours d'un notaire. Si les particuliers ont ce droit, ainsi que cela a été jugé (V. nos 235 et suiv.), les notaires procédant hors de leur ressort n'agiraient plus que comme simples particuliers et ne commettraient aucune contravention. Il a été jugé en ce sens qu'un notaire n'instrumente pas hors de son ressort, dans le sens de la loi du 25 vent. an 11, lorsqu'il se borne à faire apposer, hors de son ressort, des affiches annonçant qu'il sera procédé, en sa présence, à la vente publique d'immeubles, à recevoir la mise à prix et les enchères, à prononcer l'adjudication, et qu'ensuite il passe l'acte public de la vente dans le lieu de sa résidence (Rej. 3 juill. 1826) (2).

83. Mais ce n'est pas à ce seul point de vue que la question

en qualité de notaire, à la vente de divers immeubles, et y avait procédé, en effet, publiquement, à la mise à prix, aux criées, à la réception des enchères et à l'adjudication. Mais ensuite il déclara aux parties ne pouvoir passer les actes hors de son ressort, et en conséquence ils furent rédigés à Richebourg. Le procureur du roi de Béthune, se fondant sur l'art. 6 de la loi du 25 vent. an 11, a demandé, devant le tribunal civil, la suspension de Me Dubois, et subsidiairement, sa condamnation à une peine de discipline. Jugement par lequel le tribunal, pensant que l'art. 6 invoqué n'est applicable qu'au cas où un notaire à rédigé des actes hors de son ressort, a déclaré la demande du ministère public mal fondée, et quant aux peines de discipline, considérant que c'était à la chambre des notaires qu'il appartenait de statuer à cet égard, renvoya Me Dubois devant cette chambre. Appel par le ministère public; arrêt de la cour de Douai, du 10 août 1824, qui confirme en adoptant les motifs des premiers juges.

Pourvoi du ministère public: Qu'est-ce qu'instrumenter, a-t-il dit, dans le sens de l'art. 6 de la loi du 25 vent. an 2? Suivant le jugement attaqué, c'est nécessairement rédiger des actes, passer des contrats que les parties veulent rendre authentiques; d'où on a conclu que le sieur Dubois n'a pas instrumenté hors de son ressort. Mais il est facile d'établir qu'une telle interpretation de la loi est contraire à son esprit. L'art 5

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