Page images
PDF
EPUB

tumes une espèce de garde appelée garde bourgeoise qui n'était autre chose qu'une tutelle légitime qui ne donnait au gardien aucun droit dans les biens des mineurs, puisque le tuteur était obligé de rendre compte des revenus, Telle était la coutume d'Orléans; mais dans la coutume de Paris, le survivant des père et mère vait sur les biens des enfants le même droit que dans la garde aoble; toutefois, le baillistre était obligé de donner caution. Cette garde était un privilége accordé par les rois aux bourgeois de Paris (Duplessis, cité par M. Bugnet sur Pothier, 1. 6, p. 501).

12. Quant à l'émancipation, elle ne pouvait pas, chez nous, revêtir les formes étranges de l'ancienne législation romaine, car en France, le père a toujours été père; aussi, dans les pays de droit écrit, avait-on, dès l'origine, admis des formes analogues à celles d'crites par Justinien; le père faisait, devant le juge de son domieile, la déclaration qu'il mettait son enfant hors de sa puissance, et le juge lui donnait acte de sa déclaration inscrite sur un registre à ce destiné. C'était là ce qu'on appelait l'émancipation expresse. Mais on admettait aussi une émancipation facile qui résullait de l'habitation du fils, séparée de celle du père pendant un temps prolongé, temps fixé par la glose à dix ans (Note du commentateur de Henrys, t. 2, liv. 4, quest. 13). Les partements décidaient qu'une longue séparation denotait le consentement du père à l'émancipation; ils avaient puise ce principe, assez bizarre, si l'on ne consulte que le bon sens, dans la loi 1, C., De patria potestate, lib. 8, tit. 47.

(1) 22 prair. an 5 (10 juin 1797). Arrêté du directoire exécutif, concernant les avis à donner de la mort des personnes qui laissent pour béritiers des pupilles, des mineurs ou des absents.

Le directoire exécutif, considérant que, par la loi du mois de décembre 1790, institutive des municipalités, les officiers municipaux sont, entre autres objets, chargés de la police administrative; - Qu'aux termes de l'art. 19 du code des délits et des peines, la police administrative a pour objet le maintien habituel de l'ordre public dans chaque lieu et dans chaque partie de l'administration générale, et qu'eile tend principalement à prévenir les délits; - Qu'il est, par conséquent, du devoir des agents municipaux, dans les communes où ne résident pas les juges de paix, de prévenir le vol et la dilapidation des effets laisses à des pupilles, à des mineurs ou à des absents, par leurs parents décédés: vol et dilapidation qui se commettent journellement dans ces communes, par le défaut d'apposition de scellés sur les effets des défunts; Après avoir entendu le ministre de la justice, Arrête ce qui suit:

Art. 1. Dans chaque commune ou ne réside pas un juge de paix, l'agent municipal, et, à son défaut, son adjoint, sont tenus de donner avis, sans aucun délai, au juge de paix résidant dans le canton, ou, à son défaut, à son assesseur le plus voisin, de la mort de toute personne de son arrondissement, qui laisse pour béritiers des pupilles, des mineurs ou des absents.

2. Les agents et adjoints municipaux qui négligeront cette partie importante de leurs devoirs, seront dénoncés à l'administration centrale de leur département, pour être procede à leur égard conformément à l'art. 193 de l'acte constitutionnel.

(2) Exposé des motifs de la loi relative à la minorité, la tutelle et l'émancipation, par le conseiller d'Etat Berlier (séance du 28 vent. an 11). 1. Législateurs, déjà plusieurs projets de lois destinées à faire partie du code civil vous ont été présentés, et déjà quelques-uns ont obtenu votre sanction. Nous vous apportons aujourd'hui la suite, mais non la fin de ce grand travail. Le titre qui va vous être soumis est celui qui traite de la minoriti, de la tutelle et de l'émancipation. Sa division en trois chapitres répond à chacune des matières indiquées dans son titre. Nous allons en motiver les principales dispositions.

2. De la minorité.-Le premier chapitre, relatif à la minorité, se compose d'un seul article.-Cet article, en réglant que le « mineur est l'individu de l'un ou de l'autre sexe qui n'a point encore l'âge de vingt et un ans accomplis, » statue par là même qu'on est majeur à cet åge.Cette disposition a été maintenue, quoiqu'elle se trouvât en opposition avec des souvenirs récents; car, avant la loi du 20 sept. 1792, la minorité durait jusqu'à l'âge de vingt-cinq ans, sur presque tous les points du territoire français. L'exemple de plusieurs Etats voisins, dont les 'ois faisaient cesser la minorité à un âge moins avancé; celui plus frappant encore de quelques-unes de nos anciennes provinces, comme P'Anjou et le Maine, où la minorité cessait à vingt, sans que l'ordre pulic ni les intérêts privés en souffrissent; les développements surtout de notre organisation morale qui se trouvaient avancés en raison des progrès que les lumières avaient faits depuis plusieurs siècles; toutes ces circonstances sollicitaient depuis longtemps une réforme, et peut-être elles n'eussent point prévalu contre d'anciennes habitudes sans la révolution, qui, en ébranlant tout, dut froisser beaucoup d'intérêts, mais détruisit aussi beaucoup de préjugés. - Alors on osa examiner la question,

13. Il faut que nous arrivions à la révolution française de 1789, et même au règne de Napoléon qui, sous plusieurs rapports en a été le complément, pour qu'une loi générale et uniforme vienne fixer définitivement l'état des mineurs et couvrir de sa protection leur personne et leurs biens.—Les gouvernements issus de la révolution apportèrent fort peu de modifications aux anciennes règles. L'assemblée constituante avait créé les tribu. naux de famille, appelés notamment à juger les contestations entre les pupilles et leurs tuteurs (déc. 16-24 août 1790, tit. 10, art. 12 et suiv., V. Organ. jud.), un décret du 7 mess. an 2 détermina les formalités à remplir devant ces tribunaux, lorsqu'il y avait lieu à la vente de biens indivis avec des mineurs (V. Vente de biens de mineurs). — Enfin, un arrêté du directoire exécutif, du 22 prair. an 5, exigea que l'agent municipal ou son adjoint donnât avis au juge de paix de la mort de toute personne de son canton qui laissait pour héritiers des mineurs ou des absents (1). Ce sont là les seuls actes législatifs concernant la minorité ou la tutelle qui précédèrent le code Napoléon. Le projet du titre de la minorité, de la tutelle et de l'émancipation, présenté au conseil d'Etat dans la séance du 20 frim. an 10, a donné lieu à une discussion qui dura plusieurs séances (V. Locré, t. 7, p. 127 et s.). La section de législation du tribunat fit plusieurs observations, et après diverses conférences, exprima un vœu d'adoption dans la séance du 18 frim, an 11.-L'exposé des motifs fut présenté par M. Berlier dans la séance du 25 vent. an 11 (2), et l'on désirerait peut-être d'y rencontrer des développements plus

et l'on reconnut que l'incapacité civile résultant de la minorité, portée au delà du vrai, mettait la société en perte réelle de toute la somme de travaux et de transactions qu'y eût versée l'individu paralysé par la loi. On reconnut aussi que la capacité naturelle était la vraie mesure de la capacite légale; et, comme on ne pouvait méconnaitre que cette capacité existait, sinon chez tous les individus, du moins chez le plus grand nombre, à vingt et un ans, le terme de la minorite fut fixé à cet âge. Il ne peut être aujourd'hui question de changer cette importante disposition; car la legislation des onze années qui viennent de s'écouler, indépendamment des motifs qui la fonderent, est ici fortifiée, par la constitution, qui, en fixant la majorite politique à vingt et un ans, a adopté elle-même la mesure indiquée pour la majorité civile, et a voulu les mettre en harmonie.

3. De la tutelle Tout mineur n'est pas nécessairement en tutelle; celui dont les père et mère sont vivants trouve en eux des protecteurs naturels, et s'il a quelques biens personnels, l'administration en appartient à son père, La tutelle commence au décès du père ou de la mère, car alors, en perdant un de ses protecteurs naturels, le mineur réclame déjà une protection plus spéciale de la loi.—Mais quel sera dans ce cas le caractère de la tutelle? Quel sera-t-il dans le cas où le mineur aura perdu non-seulement son père ou sa mère, mais tous les deux?-Ici, comme sur beaucaup d'autres points, il y avait à se décider entre des usages fort opposés. Dans une grande partie de la France, toute tutelle était dative, c'est-à-dire donnée par le juge d'après le choix fait par la famille assemblée.-Dans d'autres parties da territoire français, et plus spécialement dans les pays de droit écrit, & aumettait la tutelle légitime et la tutelle testamentaire: ainsi le père avait de droit a tutelle de son fils, et l'ascendant celle du petit-fils, si le père n'avait par son testament, désigné un autre tuteur. Le projet a adopté ce dernier système comme plus conforme au vu de la nature, et comme honorant davantage ce qu'il y a de plus sacré parmi les bonimes, le caractère de père de famille. Mais en même temps il a paru juste de faire participer les mères aux bonneurs de la tutelle légitime.

[ocr errors]

Autrefois elles pouvaient être tutrices de leurs enfants, mais ce n'était que par une espèce de dérogation au droit commun, nisi à principe filiorum tutellam specialiter postulent, disait la loi romaine. Cependant avaient-elles pour leurs enfants moins de tendresse et d'affection que leurs pères? et, en leur accordant comme un droit ce qu'elles n'oblenaient que comme une grâce, ne sera-ce pas leur rendre justice, et relever leur caractère trop longtemps méconnu?-Cette proposition a d'ail leurs une connexion intime avec celle qui vous a été faite, dans le projet relatif à la puissance paternelle d'accorder à la mère survivante les fruits provenant des biens de son enfant, jusqu'à ce que celui-ci ait atteint l'âge de dix-huit ans ; car, en jouissant pour elle, elle administrera pour son enfant, et l'ancienne objection tirée du peu de capacité qu'on lui supposait pour administrer des biens, se réduira à bien peu de chose, quand on réfléchira que la mère doit avoir l'usufruit légal de ces mêmes biens dont on avait craint jusqu'à ce jour de lui confier l'administration. Si toutefois le père de famille, vrai juge de la capacité de sa femme, a lui-même conçu cette inquiétude, il pourra, sans lui ôter la tutelle, lui désigner un conseil, et cette exception satisfera sans doute à l'intérêt du mineur.

étendus et plus approfondis soit sur l'état du droit français au

-

4. Ce même intérêt appelait une autre exception, dans le cas où la tutrice se remarierait. Sans vouloir frapper de défaveur ces secondes unions qui, dans les campagnes et chez les artisans, ont souvent pour objet de rendre un nouveau protecteur à des orphelins, il en résuite toujours que la femme passe dans une nouvelle société dont le chef est étranger à ses enfants, et si ce fait ne saurait sans injustice lui faire perdre la tutelle de plein droit, du moins suffit-il pour appeler la famille à délibérer si elle doit lui être conservée. Dans ce cas encore, si la mère maintenue dans la tutelle choisit un tuteur par son testament, ce choix devra être confirmé par la famille. Aux exceptions près que nous venons de tracer, il a paru juste de traiter les mères comme les pères eux-mêmes, et, en effaçant de trop fortes inégalités entre les deux sexes, de resserrer par les droits civils les liens de la nature. Ainsi les pères et mères auront de plein droit la tutelle de leurs enfants : ainsi le dernier mourant pourra par son testament leur choisir un tuteur; et ce dernier acte de sa volonté a paru le titre le plus respectable après celui qui l'avait appelé lui-même à la tutelle.—Au delà vient la tutelle des ascendants, qui fait partie encore de la tutelle légitime.

5. Mais la tutelle, que nous venons d'envisager comme un droit, est aussi une charge. Une mère (ce cas sera rare) pourrait trouver le fardeau trop pesant; un ascendant très-âgé pourra craindre d'y succomber. L'excuse déduite du sexe ou celle offerte par l'âge viendront à leur secours; mais leur volonté seule réglera l'exercice ou l'abandon de leurs droits, car il a paru dangereux de les subordonner à la confirmation d'un conseil de famille qui pourrait capricieusement refuser sa sanction à l'ordre tracé par la nature. Il eût, dans cette hypothèse, été plus simple et moins injurieux de rendre la tutelle purement dative. Si cependant le tuteur, soit légitime, soit testamentaire, était sans conduite ou atteint de quelques-unes des autres causes qui excluent de la tutelle, le conseil de famille pourra et devra en poursuivre l'application. C'est ainsi que les intérêts civils du mineur seront garantis sans altérer la dévolution légitime, et sans que l'exception se mette à la place du principe.

6. Mais un enfant peut rester sans père, mère ni ascendants, et sans que le dernier mourant de ses père et mère lui ait désigné de tuteur, et c'est ici qu'en l'absence des personnes présumées iui porter une affection supérieure à toutes les autres affections, le concours des collatéraux deviendra nécessaire et la tutelle essentieliement dative. Pour parvenir à une bonne organisation des conseils de familie, il a paru nécessaire de les rendre peu nombreux, de n'y admettre que les plus proches parents de chaque ligne, et d'obvier à l'influence d'une ligne sur l'autre, par l'appel d'un nombre égal de parents pris dans chacune. On appellera donc les trois plus proches parents de chaque ligne. Voilà (sauf le cas des frères germains et majeurs, s'ils excèdent ce nombre) la limite qu'on a cru devoir adopter; elle portera le conseil de famille au nombre de sept, en y comprenant le juge de paix, qui en ser membre et président, et dont le caractère impartial dirigera les résultats vers le bien et l'utilité du mineur. Ainsi disparaîtront beaucoup d'intrigues, et principalement celles à la faveur desquelles on portait souvent sur un parent éloigné et peu affectionné la charge que devait naturellement_supporter le parent le plus proche, abus qui existait déjà du temps de Domat, et dont il se plaint en son discours préliminaire sur le titre des Tutelles.On n'a pourtant pas dû ériger en principe que le plus proche parent serait toujours et nécessairement tuteur: c'eût été étendre la tutelle légitime au delà de ses justes limites, et il est possible que quelquefois un cousin convienne mieux qu'un oncle, ou que l'emploi soit plus facile ou moins onéreux pour lui. On aura toutes les garanties convenables quand, par son organisation, le conseil de famille offrira intérêt d'affection et esprit de justice.

--

[ocr errors]

7. Nous venons, citoyens législateurs, d'examiner les diverses espèces de tutelles détaillées dans les quatre premières sections du chapitre en discussion. Le surplus de ce chapitre, contenant les règles relatives à toutes les tutelles, n'offre que peu de difficultés et d'observations. En toute tutelle il doit y avoir un subrogé tuteur dont les fonctions, assez analogues à celles des curateurs des pays coutumiers, sont expliquées en la sect. 5. La sect. 6 exprime les causes qui dispensent de la tutelle, et la septième celles qui en excluent. La plupart des dispositions rédigées sur ces divers points s'écartent peu de l'ancien état de la législation, et leurs différences n'ont pas même besoin d'être analysées. Nous en dirons à peu près autant des sect. 8 et 9, relatives à l'administration du tuteur et à la reddition des comptes de tutelles. 8. Cependant il est quelques objets d'un ordre supérieur, et sur lesquels il nous a semblé que nous devions plus particulièrement fixer votre attention. · Ainsi, par exemple, le projet contient des vues nouvelles au sujet des transactions qui pourront avoir lieu durant la tutelle. --Les principes admis jusqu'a ce jour, sans repousser ces transactions, en rendaient l'usage impraticable; car elles ne pouvaient valoir qu'autant qu'elles profitaient au pupille et que celui-ci s'en contentait, si hoc pupillo expediat, et ce point de fait, toujours subordonné à la volonté future du mineur, écartait nécessairement un contrat aussi peu solide.

moment où le titre de la minorité et de la tutelle a été publié, soit

[ocr errors]

De cette manière, toutes les difficultés dans lesquelles un mineur était engagé devenaient un dédale d'où l'on ne pouvait sortir qu'à grands frais, parce que les issues conciliatoires étaient fermées, et que si le tuteur n'osait rien faire qui eût l'air d'altérer un droit équivoque, de son côté l'adversaire du pupille ne voulait point traiter avec un homme dont le caractère ne lui offrait aucune garantie. De là la ruine de plus d'un mineur; de là aussi de nombreuses entraves pour beaucoup de majeurs. Il convenait de mettre un terme à de si grands inconvénients, et le projet y a pourvu en imprimant un caractère durable aux transactions pour lesquelles le tuteur aura été autorisé par le conseil de famille, de l'avis de trois jurisconsultes désignés par le commissaire du gouvernement, et après que le tribunal civil aura homologué la transaction sur les conclusions du même commissaire. Tant de précautions écartent toute espèce de danger; elles subviennent aussi aux besoins de la société, qui, en accordant une juste sollicitude aux mineurs, doit aussi considerer les majeurs; elles donnent enfin à l'administration du tuteur son vrai complément. Que serait-ce, en effet, qu'un administrateur qui ne trouverait pas dans la législation un moyen d'éviter un mauvais procès ni de faire un arrangement utile?

9. Le projet qui vous est soumis contient un autre changement assez grave dans la durée de l'action qui existera contre le tuteur, à raison de son administration. - Jusqu'à ce jour cette action n'a en général reçu pour limites que celles de la plus longue prescription immobilière, prescription dont la mesure était différente selon les pays, mais qui, dans un grand nombre, allait jusqu'à trente ans. Quelle que doive être desormais la plus longue prescription, il a paru, dans le cas particulier, convenable de s'arrêter à celle de dix ans; car si le pupille est tres-favorable, il est impossible de ne pas prendre en considération aussi la situation du tuteur lui-même. La tutelle fut pour lui, tant qu'elle dura, un acte onéreux, une charge de famille dont les embarras ne doivent pas être immodérément prolongés contre lui. En accordant au pupille, dix ans après sa majorité, pour l'exercice de toutes les actions relatives à la tutelle, on fait assez, et tout excès en cette matière serait un mal réel pour la société tout entière.

10. Enfin il existe un point sur lequel nous avons à justifier, non les dispositions écrites, mais le silence du projet : c'est la responsabilité qui était demandée contre les parents nominateurs, en cas d'insolvabilité du tuteur. Cette responsabilité était établie par les lois romaines, et elle était spécialement admise par quelques coutumes, notamment par celle de Bretagne; mais en général elle était étrangère aux pays coutumiers. - A-t-on remarqué dans ces pays, que les intérêts des mineurs y fussent plus compromis qu'ailleurs? Cette réflexion, qui seule eût pu faire écarter la responsabilite dont il s'agit, n'est cependant point la plus forte; car il est reconnu et avoué que, dans les lieux mêmes où la loi avait établi la responsabilité, elle était tombée en désuétude, et n'était appliquée par les tribunaux que dans le cas d'un dol évident tant il est vrai que cette règle était odieuse vis-à-vis de parents qui avaient de bonne foi rempli cette charge de famille! Comment d'ailleurs, pour l'intérêt d'un seul, tenir en suspens la fortune d'une familie entrere, et d'une famille innocente? - N'y aura-t-il pas aussi quelquefois recours contre le subrogé tuteur, s'il a mal rempli sou mandat? Toutes ces considérations ont dû faire rejeter ce vain épouvantail. — La garantie des bons choix, la seule propre à rendre oiseuse et sans application la question qu'on examine, se trouvera dans la bonne composition des conseils de famille, et le projet qui vous est offert aura, par cela seul, résolu beaucoup de difficultés, s'il atteint ce but principal. Après avoir vu

le mineur en tutelle, il reste à le considérer dans un autre état. 11. De l'émancipation. Nous ne nous arrêterons point sur la disposition du projet qui fait résulter l'émancipation du mariage elle n'a pas besoin d'être justifiée. Mais que sera-ce que l'émancipation qui, même hors ce cas, pourra avoir lieu durant la minorité? - Cette institution serait mai comprise si on lui appliquait les idées de l'émancipation romaine, de cet acte par lequel un père mettait hors de sa puissance son fils souvent majeur. Il ne s'agit ici que du mineur, et du mineur qui n'a ni père ni mère, comme de celui qui les a tous deux ou l'un d'eux. Notre projet considère le mineur sous le rapport de la capacité qu'il a pour administrer ses biens et en toucher les revenus. - II règle à quel âge et de quelle manière le mineur deviendra habile à ce sujet, non plus comme autrefois en obtenant des lettres du prince, appelées lettres de bénéfice d'âge, mais en remplissant les conditions qui seront prescrites par la loi. Ces premières notions posées, et bien que l'émancipation embrasse tous les mineurs, on distinguera entre eux ceux qui ont pere et mère ou l'un des deux, et ceux qui n'en ont point. — Le mineur qui a ses père et mère ne pourra recevoir l'émancipation que de son père; si l'un des deux est mort, le droit d'emanciper le mineur appartiendra au survivant. — Si le mineur n'a ni père ni mère, l'emancipation sera accordée par le conseil de famille. Mais l'émancipation accordée par le père ou la mère différera de celle accordée par le conseil de famille dans deux points qu'il convient de fixer.

12. Le père ou la mère pourra émanciper le mineur dès l'âge de quinze

sur l'état des législations étrangères. M. Huguet fit son rapport

ans; les affections de la nature garantissent ici que l'émancipation sera dans l'intérêt de l'enfant ; mais le conseil de famille ne pourra émanciper que le mineur âgé de dix-huit ans, parce qu'il y aurait à craindre qu'un simple tuteur, pour se décharger du poids de la tutelle, ne supposât à son pupille une capacité précoce, qu'il ne le persuadât au conseil de famille, et que l'émancipation ne devint ainsi un funeste abandon. Autre différence: s'il s'agit d'un mineur qui soit sous la tutelle d'un simple parent ou d'un étranger, et que ce tuteur, soit pour se maintenir dans une grande gestion ou pour tout autre motif, laisse passer à son mineur l'âge de dix-huit ans sans solliciter son émancipation, que l'on suppose méritée par une bonne conduite et une capacité suffisante, tout parent du mineur au degré de cousin-germain ou à des degrés plus proches, pourra lui-même provoquer la réunion du conseil de famille pour délibérer sur l'émancipation; mais cette faculté n'aura jamais lieu contre un père administrateur ou tuteur, ni contre une mère tutrice, parce qu'ils sont juges suprêmes en cette partie, et que leur autorité ne doit, jusqu'à la majorité de leurs enfants, recevoir d'autres limites que celle qu'y mettra leur propre volonté. Après avoir posé cette double distinction relative à ces deux espèces de mineurs, si l'attention se porte sur les effets de l'émancipation, on verra qu'ils sont les mêmes pour tous les émancipés. —Administrer ses biens et toucher ses revenus, tel est le droit qu'acquerra l'émancipé; mais il sera loin d'avoir tous les droits du majeur. Ainsi, il ne pourra vendre ni aliéner ses immeubles, que selon les formes prescrites pour les autres mineurs, ni recevoir un capital mobilier sans l'assistance d'un curateur. Il ne pourra même faire d'emprunt; les prêts, fléau de l'inexpérience, ne doivent pas exister pour un mineur même émancipé. Cependant, puisqu'il est appelé à l'administration de ses biens, il doit avoir les moyens d'y pourvoir. Il aura donc la faculté d'acheter les choses utiles à son entretien et à l'exploitation de ses biens; mais, jusque dans l'exercice de cette faculté, il sera placé sous une législation spéciale; car, s'il contractait des obligations immodérées, les tribunaux pourront les réduire, en prenant en considération la fortune de l'émancipé, la nature de ses dépenses, et la bonne ou mauvaise foi des personnes qui auront contracté avec lui. Dans ce cas, il y aura preuve d'inconduite, ou tout au moins de mauvaise administration, et ceci a fait naître l'idée d'une disposition tendante à faire rentrer en tutelle l'émancipé qui se serait rendu indigne ou montré incapable de gérer ses biens. - Dans cette disposition, le gouvernement a aperçu des résultats d'une grande utilité; car l'émancipation deviendra un stage pour la jeunesse. — L'émancipé craindra d'en perdre le bénéfice; et, averti que son sort dépend de sa conduite, il contractera, dès le commencement de sa carrière civile, les bonnes habitudes, qui doivent avoir une si heureuse influence sur le reste de la vie : ce point de législation peut seul produire une révolution utile dans l'ordre moral. - Tel est, citoyens législateurs, le plan général du projet de loi sur la minorité, la tutelle et l'émancipation. Si nous n'avons motivé que ses dispositions principales, et spécialement celles qui s'écartent le plus de l'ancienne législation, nous avons cru devoir nous arrêter là, dans une matière qui n'offre au surplus que des détails nombreux sans doute, mais simples, faciles, et peu susceptibles de commentaires.

(1) Rapport fait au tribunat, par le tribun Huguet, au nom de la session de législation, sur la loi relative à la minorité, la tutelle et l'émancipation (séance du 3 germ. an 11).

13. Tribuns, je viens vous faire connaître l'opinion de votre section de législation sur le projet de loi relatif à la minorité, à la tutelle et à l'émancipation. C'est une des lois du code civil qui doit appeler plus particulièrement et votre intérêt et votre sollicitude. Elle détermine d'une manière positive les règles qui seront à suivre pour l'administration des personnes et des biens des enfants mineurs, de ces êtres faibles qui réclament, par l'intérêt qu'ils inspirent, l'appui et toute la bienveillance de l'autorité publique. Ce n'est point une législation nouvelle qui vous est soumise; ce n'est point un système nouveau qui vous est présenté; c'est un choix de préceptes, de maximes et de règles, déjà éprouvés par l'expérience des siècles, et que la raison a justifiés depuis longtemps; c'est un choix fait, soit dans le droit écrit, soit dans le droit coutumier, des meilleures institutions sur cette matière. C'est dans les lois diverses, qui régissent en cette partie les différentes contrées de la France, qu'on a puisé avec habileté ce qui était le plus conforme à nos mœurs, le plus convenable à nos habitude, et le plus juste, pour n'en faire qu'une seule loi uniforme et générale. — Vous n'aurez point à examiner si les dispositions du projet de loi sont admissibles, ce fait est reconnu; mais seulement votre jugement s'exercera comparativement sur chacune de ces institutions, pour se fixer sur la meilleure. -- Ainsi, par exemple, le droit coutumier en général veut qu'à l'égard du père, la tutelle soit dative, qu'il ne puisse être le tuteur de ses enfants sans avoir l'avis de sa famille, confirmé par le juge; le droit écrit, au contraire, veut que le père en soit l'administrateur né, le tuteur naturel, légitime et de droit. Vous aurez à vous décider entre ces deux règles. C'est ainsi que vous jugerez le projet de loi. Pour vous mettre à même de le faire, je vais

[ocr errors]

[blocks in formation]

vous rendre compte de ses dispositions. - Je me permettrai très-peu de réflexions; il est inutile de tout dire à des hommes éclairés: souvent il me suffira de vous présenter le simple texte de la loi, pour vous mettro à même de l'apprécier; ma tâche sera plus courte, et vos moments, si précieux, d'ailleurs, à la chose publique, seront plus ménagés.-Ce projet de loi est le dixième titre du code civil. - Il est divisé en trois chapitres. Le premier traite de la minorité; - Le second, de la tutelle; Et le troisième, de l'émancipation.

CHAP. 1. De la minorité.

[ocr errors]

14. Il est composé d'un seul article.-Il porte (V. ci-dessous, p. 74).Cet article m'entraîne, malgré moi, dans l'examen d'une question souvent controversée : celle de savoir si la majorité doit continuer à être fixée à vingt et un ans, ou si on doit la rétablir à vingt-cinq ans. Dans l'ancien droit français, la majorité était pour les garçons à quatorze ans, et pour les filles à douze ans ; à cet âge, ils n'avaient plus besoin de tuteurs. Mais, lors de la rédaction des coutumes, dans le quinzième siècle, l'étude du droit romain avait fait tant de progrès, que la disposition relative à la majorité à vingt-cinq ans qu'il contient, fut adoptée dans une très-grande partie de nos coutumes. Il me semble qu'alors on aurait pu prendre un juste milieu, celui que propose le projet de loi. Et en effet, si la majorité à quatorze ans présentait et présenterait encore aujourd'hui beaucoup d'inconvénients; il faut en convenir, la majorité à vingt-cinq ans, qui est un autre extrême, n'en présente pas moins. L'interdiction des personnes jusqu'à vingt-cinq ans, la priva-. tion jusqu'à cet âge de l'exercice de leurs droits civils, est autant préjudiciable à leurs intérêts personnels que nuisible au grand intérêt de la Les laisser privés de toutes actions civiles jusqu'à ce qu'ils aient atteint le tiers présumé de leur vie, vouloir qu'ils soient jusqu'à ce temps sous la dépendance d'autrui, c'est enchaîner des hommes faits, c'est leur ôter tout essor, c'est amortir leurs facultés, ces facultés avec lesquelles ils peuvent entreprendre des améliorations nécessaires et faire des contrats et des transactions utiles. C'est le temps de l'effervescence des passions, nous dit-on : la maturité de l'homme n'est qu'à vingtcinq ans; ce n'est qu'à cet âge qu'il est propre à gérer ses affaires. Vain langage, faux calculs ! - C'est le temps des passions! Mais qui peut précisément en fixer l'époque? Et quand ce serait vrai, est-il dit qu'il faille les encourager, les souffrir, les entretenir ? N'est-il pas possible de leur opposer une digue et de chercher, dans les institutions, des moyens d'en arrêter le cours? Je crois que la fixation de la majorité à vingt et un ans a nécessairement ce but. Et en effet, peut-on espérer que les hommes seront plus sages, plus propres à exercer leurs droits civils lorsque leurs passions se seront enracinées jusqu'à vingt-cinq ans?

société.

[ocr errors]
[ocr errors]

J'aime mieux que de bonne heure on les force à exercer leur raison, dussent-ils même commettre quelques erreurs; j'aime mieux qu'il soit dit à cet adolescent, à ce jeune homme de dix-huit à vingt ans, sensible, encore pur et plus susceptible d'impressions: Les passions vont vous assiéger, mais mettez-vous en garde, défendez-vous, luttez contre; car dans un an ou deux vous serez appelé à la dignité de l'homme en société, vous jouirez de vos droits civils: les actes que vous ferez feront le bonheur ou le malheur de votre vie entière. Et je crains, je l'avoue, qu'un pareil langage soit inutile ou trop tardif à cet homme qui se serait laissé entraîner par ses passions jusqu'à vingt-cinq ans. Ainsi, je soutiens que la fixation de la majorité à vingt et un ans est un des moyens les plus propres pour former les hommes et les rendre capables pour l'exercice de leurs droits civils.-Pour justifier encore mon assertion, je n'ai besoin que de vous conduire un instant par la pensée dans ces départements où la majorité a été de tout temps à vingt ans: là vous y verrez des hommes jeunes encore, bons administrateurs de leurs biens, économes, déjà propres à l'exercice de leurs droits, et déjà même difficultueux sur leurs propres intérêts: ne serait-ce pas parce que de bonne heure ils sont appelés à l'exercice de leurs droits civils? - Lorsque les partisans du droit romain ont introduit parmi nous la majorité à vingt-cinq ans, ils n'ont pas eu un succès complet. Dans les coutumes du Maine, de l'Anjou, de la Normandie, da Hainault, de Valenciennes, de Lille, de Lorraine, et quelques autres, la majorité a été conservée à vingt on vingt et un ans. Dans la coutume de Paris même, le mineur de vingt ans a la faculté de disposer de ses meubles, acquêts, conquêts et immeubles. Pour fait de commerce, c'est-à-dire pour des actes qui souvent ne laissent pas de temps à la réflexion, on est majeur à vingt ans ; ne sont-ce pas là autant d'exceptions à la règle du droit romain? — Il en existait encore d'un autre genre. On exerçait la magistrature avec des lettres de dispense d'âge à dix-huit ans on remplissait des fonctions ou des offices au-dessous de vingt-cinq ans, à la faveur de pareilles lettres. Toutes ces exceptions ne déposaient-elles point contre le système de la majorité à vingt-cinq ans? - Au surplus, ce n'est point aujourd'hui une innovation. Depuis la loi de 1792 la majorité a été fixée à vingt et un ans, il n'en est résul'é aucun inconvénient, et je soutiens même que depuis on en a aperçu les avantages. Les progrès des lumières depuis plus d'un siècle out rendu cette disposition nécessaire ou au moins sans dan

montre les phases de la discussion et qu'on a cru devoir impri

gers. D'ailleurs, elle est déjà consacrée par l'acte constitutionnel qui appelle les citoyens à exercer leurs droits politiques à vingt et un ans. Je crois avoir justifié le premier chapitre.

[ocr errors]

[merged small][ocr errors][merged small]

-

[ocr errors]

15. Il est divisé en neuf sections. La première traite de la tutelle des père et mère; La seconde, de la tutelle déférée par le père et la mère; La troisième, de la tutelle des ascendants; La quatrième, de la tutelle déférée par le conseil de famille; La cinquième, du subrogé tuteur; La sixième, des causes qui dispensent de la tutelle; La septième, de l'incapacité, des exclusion et destitution de la tutelle; - La buitième, de l'administration du tuteur; Et la neuvième, des comptes de la tutelle.

-

[ocr errors]
[blocks in formation]

16. Notre droit coutumier, excessivement prévoyant pour l'intérêt des mineurs, n'admet point en général, la tutelle naturelle, la tutelle légitime, la tutelle de droit ni la tutelle testamentaire; il veut que dans toute espèce de tutelle, sans aucune acception pour personne, l'autorité publique intervienne toujours dans la nomination des tuteurs, que toutes les tutelles soient datives, soient données par le juge après avoir pris l'avis des parents des mineurs; ainsi un père, une mère, des ascendants, ne peuvent être tuteurs que par la nomination du juge. C'est en considération, et pour le plus grand intérêt des mineurs, que ce système s'est établi. Le droit ecrit au contraire, appuyé sur des raisons moins soupçonneuses, plus analogues à la nature, veut que le père, la mère, les ascendants, soient tuteurs nés, tuteurs légitimes et de droit de leurs enfants. I autorise la tutelle testamentaire.

:

Votre section de législation a pensé que le droit écrit devait, à cet égard, l'emporter sur le droit coutumier; que la puissance du père, son autorité, ses sentiments ses affections naturelles, ne pouvaient, sans faire injure à ce qu'il y avait de plus sacré, être soumis à un jugement; que les tutelles, au lieu d'être datives, devaient à l'égard des père, mere et ascendants, être de droit et c'est une des principales bases et le système principal du projet de loi. Ainsi le père, durant le mariage, est l'administrateur des biens personnels de ses enfants; si par des exceptions particulières il n'en a pas Pusufruit, alors il est comptable des biens dont il n'a pas la jouissance. Après la dissolution du mariage, c'est le survivant des père et mère qui est de plein droit tuteur de ses enfants. Le père cependant peut, par son testament ou autrement, nommer à la mère survivante, pour tous ou certains actes relatifs à la tutelle, un conseil spécial.- Si lors du décès du mari la femme est enceinte, il est nommé par un conseil de famille, un curateur à l'enfant conçu. A la naissance de l'enfant, la mère est tutrice de plein droit, et le curateur reste subrogé tuteur. La mère n'est point forcée à accepter la tutelle, mais elle doit en remplir les devoirs jusqu'à ce qu'elle ait fait nommer un tuteur.- Si elle veut se remarier, elle doit, avant, faire décider par un conseil de famille si la tutelle lui sera conservée ; sinon elle perdra la tutelle de plein droit, et son nouveau mari sera solidairement responsable avec elle de toutes les suites de la tutelle. Enfin, si le conseil de famille décide qu'elle doit conserver la tutelle, alors son second mari est curateur avec elle. Telles sont les dispositions de cette première section.

SECT. 2.- De la tutelle déférée par le père ou la mère.

17. Il était tout naturel, en donnant la tutelle de droit aux père et mère, de leur conférer aussi le droit de choisir, d'élire un tuteur à leurs enfants, soit par testament, soit par acte public; c'était une suite de cette première confiance que leur donne la loi. Ainsi, le droit individuel de choisir un tuteur parent ou étranger, n'appartient qu'an dernier mourant des père et mère. Ce sera par testament ou par acte devant un juge de paix ou un notaire que ce droit sera exercé. · La mère rema¬ riée, et non maintenue dans la tutelle, ne pourra faire choix de ce tuteur. Si elle a été maintenue, elle pourra faire ce choix, mais il ne sera valable qu'autant qu'il sera confirmé par un conseil de famille.-Le tuteur élu par le père ou la mère n'est tenu d'accepter cette tutelle, à moins qu'il ne soit dans la classe de ceux que le conseil de famille aurait pu en charger.

[ocr errors]
[merged small][merged small][merged small][ocr errors][merged small]

mer textuellement, quoi qu'il reproduise un assez grand nombre

· Nous avons maintenant à examiner de quelle manière les mineurs seront pourvus de tuteur dans le cas où ils resteraient sans père ni mère, ni ascendants, ni tuteur élu par les premiers. Alors un conseil de famille sera convoqué devant le juge de paix par toutes personnes inté ressées, même d'office par le juge, et encore toute personne pourra lui dénoncer le fait qui donnera lieu à la nomination d'un tuteur. - Ce conseil de famille sera composé, outre le juge de paix, de six parents ou allies pris dans la commune ou dans la distance de deux, myriamètres, moitie du côté paternel, et moitié du côté maternel, Le parent sera préféré à l'allié, le plus âgé au plus jeune. Les frères germains et les maris des sœurs germaines sont seuls exceptés de la limitation du nombre; s'ils sont six ou au delà, ils seront tous membres du conseil de famille; les veuves des ascendants, on a cru leur devoir cette déférence, seront admises aussi dans ce conseil. S'ils ne sont pas en nombre, d'autres parents seront appelés pour composer le conseil. Si, dans la commune ou dans la distance de deux myriamètres, il ne se trouve pas assez de parents pour composer le conseil, le juge de paix alors appellera des citoyens connus pour avoir eu des relations habituelles d'amitié avec le père ou la mère du mineur. Il pourra cependant, à quelque distance que soient les parents ou alliés les plus proches en degré, les faire appeler; et alors les moins proches en degré seront retranchés, de maniere que le conseil de famille ne soit toujours composé que du même nombre de parents.

20. Les délais, pour comparaitre, seront fixés par le juge de paix, de manière qu'il y ait toujours un intervalle de trois jours pour ceux babitant dans la commune, et augmenté d'un jour par trois myriamètres pour ceux plus éloignés.— Les parents ainsi convoqués seront tenus de se rendre en personne, ou de se faire représenter par un mandataire spécial, qui ne pourra dans aucun cas représenter qu'un seul parent.— Tout parent doit au mineur, à ce membre faible et intéressant de sa famille, sa protection, son appui el ses lumières. S il ne comparait point pour composer le conseil de famille, it témoigne alors une insouciance coupable, il doit encourir une amende ; la loi la fixe; elle ne pourra excéder 50 fr., et sera prononcée par le juge de paix, sans appel: s'il y a excuse suffisante, et qu'il convienne d'attendre le membre absent ou de le remplacer, le juge de paix pourra proroger l'assemblée.— Elle se tiendra chez lui, à moins qu'il ne désigne un autre local. La présence des trois quarts des membres convoqués suffira pour que cette assemblée délibère. Ce conseil de famille ainsi formé, sera présidé par le juge de paix, qui y aura voix délibérative et prépondérante en cas de partage.

21. Quand le mineur domicilié en France possédera des biens dans les colonies ou réciproquement, l'administration spéciale de ces biens sera donnée à un protuteur qui sera indépendant du tuteur, et non responsable l'un envers l'autre. Les tuteurs a ministreront du jour de leur nomination, si elle a lieu en leur présence, sinon du jour qu'elle leur sera notifiée. Enfin, la tutelle est une charge personnelle qui ne passe point aux héritiers du tuteur; ils sont responsables de la gestion de leur auteur: s'ils sont majeurs, ils seront tenus de la continuer jusqu'à la nomination d'un nouveau tuteur. Telles sont les dispositions de cette quatrieme section: vous y avez vu l'organisation d'un conseil de famille, d'un tribunal domestique placé entre le tuteur et le mineur, où ses intérêts seront discutés et juges. Toutes ces dispositions sont si claires, si précises, qu'elles n'ont besoin ni de commentaire ni d'explication.

SECT. 5. Du subrogé tuteur.

22. Les dispositions dont je viens de vous rendre compte organisent les diverses tatelles; mais il peut arriver, ou plutôt il arrivera souvent, que les tuteurs auront des interets contraires aux mineurs; d'ailleurs on a pensé que, dans tous les cas possibles, il était utile, pour le plus grand intérêt des mineurs, de placer à côté des tuteurs, mème des père et mère et ascendants auxquels on confère la tutelle de droit, de placer, dis-je, un subrogé tuteur qui, sans s'immiscer dans l'administration confiée au tuteur, serait cependant là pour dans certains cas le surveiller et lui porter secours. C'est une espèce de modification fort ingénieuse et fort utile, soit à la rigueur du droit coutumier, qui veut que toutes les tutelles soient datives, soit à l'extrême facilité du droit écrit, qui admet les tu telles de droit. Or, cette section organise des subrogés tuteurs; elle vent que dans toute tutelle il en soit nommé un par le conseil de famille pour agir pour les intérêts des mineurs lorsqu'ils seront en opposition avec les intérêts du tuteur; et alors elle oblige le tuteur de droit à faire convoquer, avant d'entrer en fonctions, le conseil de famille pour faire ncmmer un subrogé tuteur, à peine de lui retirer la tutelle, sans préjudice des indemnités dues au mineur en cas de dol de la part de ce tuteur. →→ Dans le cas des autres tutelles qui ne sont pas de droit, la nomination du subrogé tuteur se fera immédiatement après celle du tuteur. — Le tuteur ne votera pas pour la nomination du subrogé tuteur; celui-ci sera pris, hors le cas des frères germains, dans la ligne à laquelle le tuteur n'appartiendra pas.-Le subrogé tuteur, lorsque la tutelle deviendra va

[ocr errors]

de dispositions que l'Exposé des motifs a déjà signalées. Ajou- | tons qu'il complète, au point de vue historique, quelques-uns des

cante, ne remplacera pas de plein droit le tuteur; il sera tenu de provoquer la nomination d'un nouveau tuteur. Les fonctions de subrogé tuteur cesseront à la même époque que la tutelle. Ils pourront être dispensés ou révoqués pour les mêmes motifs applicables aux tuteurs, et dont je vais vous entretenir.-Le tuteur ne pourra jamais provoquer la destitution du subrogé tuteur, pi voter dans les conseils de famille qui seront convoqués pour cet objet.

SECT. 6.-Des causes qui dispensent de la tutelle.

23. Il est de principe que la tutelle est une charge publique dont généralement on ne peut se dispenser d'accepter et de remplir les fonctions; cependant il est des cas où l'intérêt général et des circonstances particulières et majeures nécessitent des exceptions: c'est elles dont s'occupe cette partie du projet. Ainsi sont dispensés de la tutelle les membres des autorités établies par les tit. 2, 3 et 4 de l'acte constitutionnel;-Les juges du tribunal de cassation, les commissaires et substituts près de ce même tribunal; - Les commissaires près la comptabilité, les préfets, tout citoyen exerçant une fonction publique ho s du départemen où la tutelle s'établit, les militaires en activité de service, et tous autres citoyens qui remplissent, hors du territoire de la république, une mission du gouvernement. Si cette mission est contestée, on ne prononcera sur les dispenses qu'après que le gouvernement, par la voie du ministre, se sera expliqué.-Si les citoyens dispensés ont accepté la tutelle lorsqu'ils étaient en fonctions, ils ne seront pas recevables à S'en faire décharger. - Si ces fonctions leur sont déférées postérieure ment à l'acceptation, ils feront convoquer, dans le mois de leur nomination, le conseil de famille, pour être procédé à leur remplacement. Si, à l'expiration de leurs fonctions, ils veulent reprendre la tutelle, ils seront les maîtres de la demander au conseil de famille. On ne peut être forcé à accepter une tutelle lorsqu'on n'est ni parent ni allié, à moins qu'il n'existe aucun parent en état de gérer la tutelle dans la distance de quatre myriamètres. Tout individu atteint d'une infirmité grave peut être dispensé de la tutelle, ou s'en faire décharger si cette infirmité est survenue depuis. - Deux tutelles dispensent encore d'une troisième. Ceux qui ont cinq enfants légitimes sont aussi dispensés de toute tutelle, autre que celle desdits enfants. Les enfants morts en activité de service dans les armées de la république seront toujours comptés pour opérer cette dispense. Les autres morts ne le seront qu'autant qu'ils auront laissé des enfants existants.- Cependant la survenance d'enfants pendant la tutelle ne pourra autoriser à l'abdiquer.

[ocr errors]
[ocr errors]

24. Si le tuteur nommé est présent à la délibération qui le nomme, il faudra sur-le-champ qu'il propose ses excuses, à peine d'y être déclaré Bon recevable. S'il n'est pas présent, il fera convoquer le conseil de famille pour délibérer sur ses excuses. - Ses diligences seront faites dans les trois jours de la notification de la nomination, sinon il y sera encore déclaré non recevable.-Si ces excuses sont rejetées, il pourra se pourvoir devant les tribunaux pour les faire admettre; mais pendant ce temps il sera tenu d'administrer provisoirement.-Enfin, s'il parvient à se faire exempter de la tutelle, ceux qui auront rejeté l'excuse pourront être condamnésaux frais de l'instance. S'il succombe, il y sera condamné luimême. Telles sont, citoyens tribuns, les dispositions du projet de loi sur les excuses; elles ont paru justes à votre section de législation, bien motivées et dignes de votre approbation.

[ocr errors]

|

SECT. 7. · De l'incapacité, des exclusions et destitutions de la tutelle. 25. Si on ne peut généralement refuser la tutelle d'enfants mineurs, du moins si on ne peut s'en faire dispenser qu'autant qu'on est dans les cas prévus par la section dont je viens de vous rendre compte, il est cependant des individus qui sont incapables d'être tuteurs; d'autres qui, quoique capables, doivent en être exclus, d'autres enfin qui, déjà nommés, doivent être destitués. C'est ce dont s'occupe cette partie du projet de loi. -Ne peuvent être tuteurs ni membres du conseil de famille :-1° Les mineurs, excepté le père ou la mère, parce que les mineurs étant euxmêmes privés de l'exercice des droits civils, et à cause de la faibl. sse de leur âge sous la puissance d'autrui, sont incapables d'avoir personne dans leur dépendance. Quant à l'exception relative aux père et mère mineurs, elle a éprouvé quelques difficultés dans votre section; mais ayant admis la tutelle de droit à l'égard des père et mère, il a paru injuste de les en priver quoique mineurs. D'abord ces circonstances seront fort rares, le mariage n'étant permis qu'à dix-huit ans; ce serait donc tout au plus à dix-neuf ans qu'ils seraient dans le cas d'être tuteurs: of fera-t-on les frais d'une tutelle extraordinaire qui n'aurait d'exercice que pendant un an ou deux au plus. Le mariage émancipe les père e mère, les met hors de la puissance d'un tuteur, les place chefs d'une famille Certes ils peuvent bien sans inconvénient être tuteurs de droit de leurs enfants pendant le court espace de temps qu'ils ont à parcourir pour atteindre leur majorité, du moins votre section l'a pensé ainsi. Ne peuvent être tuteurs les interdits, parce qu'ils sont aussi prives de leurs droits civils, et aussi sous la puissance d'autrui;

3o Les femmes, autres que la mère et les ascendantes ; 4o Tous

ceux qui ont, ou dont les père et mère ont avec le mineur un procès dans lequel l'état de ce mineur, sa fortune ou une partie notable de ses biens sont compromis.

Toul

26. La condamnation à une peine afflictive ou infamante emporte de plein droit l'exclusion de la tutelle; elle emporte de même la destitution, dans le cas où il s'agirait d'une tutelle déjà déférée. —Sont aussi exclus de la tutelle et même destituables, les gens d'une inconduite notoire, ceux dont la gestion attesterait l'incapacité ou l'infidélité. individu exclu ou destitué ne pourra être membre d'un conseil de famille. -Toutes les fois qu'il y aura lieu à une destitution de tuteur, elle sera prononcée par le conseil de famille, convoqué à la diligence du subrogé tuteur, ou d'office par le juge de paix. Celui-ci ne pourra se dispenser de faire cette convocation quand elle sera formellement requise par un ou plusieurs parents ou alliés du mineur, au degré de cousin-germain ou à des degrés plus proches. Toute délibération du conseil de famille qui prononcera l'exclusion ou la destitution du tuteur sera motivéo et ne pourra être prise qu'après avoir entendu ou appelé le tuteur. - Si le tuteur adhère à la délibération, il en sera fait mention, et le nouveau tuteur entrera aussitôt en fonction. S'il y a réclamation, le subrogé tuteur poursuivra l'homologation de la délibération devant le tribunal de première instance, qui prononcera, sauf l'appel le tuteur lui-même pourra assigner le subrogé tuteur pour se faire maintenir dans la tutelle. Les parents qui auront provoqué cette destitution pourront intervenir dans la cause, qui sera instruite et jugée comme affaire urgente.Telles sont encore, citoyens tribuns, les dispositions de cette partie du projet de loi, qui à paru, à votre section, bien conçue, nettement exprimée, et remplir complétement le but qu'on s'était proposé.

SECT. 8, relative à l'administration du tuteur.

27. Après avoir organisé la nomination des tuteurs, il fallait sans donte leur prescrire les règles qu'ils ont à suivre dans leur administration; il fallait leur prescrire les devoirs qu'ils ont à remplir envers les personnes et les biens des mineurs confiés à leurs soins c'est ce dont s'occupe cette section. Le tuteur prendra soin de la personne du mineur et le représentera dans tous les actes civils. Il administrera ses biens en bon père de famille, et répondra des dommages-intérêts qui pourraient résulter d'une mauvaise gestion. Il ne peut ni acheter les biens du mineur, ni les prendre à ferme, à moins que le conseil de famille n'ait autorisé le subrogé tuteur à lui en passer bail, ni accepter la cession de droits ou créances contre son pupille. Dans les dix jours qui suivront celui de sa nomination, il fera lever les scellés, et fera faire l'inventaire des biens du mineur en présence du subrogé tuteur.

28. S'il lui est dû quelque chose par le mineur, il devra le déclarer dans l'inventaire, à peine de déchéance, et ce, sur la réquisition que l'officier public sera tenu de lui en faire, et dont mention sera faite au procès-verbal. Je m'arrête un instant sur cette dernière disposition. Un tuteur créancier légitime de son mineur pourrait oublier ou négliger de déclarer dans l'inventaire sa créance; il avait paru d'abord injuste da l'en priver; mais au moyen de cette dernière disposition, qui porte qu'il sera interpellé par le notaire de déclarer s'il est créancier de son pupille, alors il ne pourra plus prétexter de son ignorance ou de son oubli; et s'il est dans le cas de perdre une créance légitime, ce sera par son fait; il n'aura rien à reprocher à la rigueur de la loi.

29. Dans le mois qui suivra la clôture de l'inventaire, le tuteur fera vendre, en présence du subrogé tuteur, aux enchères reçues par un officier public, et après les affiches ou publications dont le proces-verbal fera mention, tous les meubles autres que ceux que le conseil de famille l'aurait autorisé à conserver en nature. Les père et mère, tant qu'ils ont la jouissance propre et légale des biens des mineurs, sont dispensés de vendre les meubles, s'ils préfèrent les garder pour les remettre en nature. Dans ce cas, ils en feront faire à leurs frais l'estimation par un expert nommé par le subrogé tuteur: ils rendront la valeur estimative des meubles qu'ils ne pourront représenter en nature.

30. Lors de l'entrée en exercice de toute tutelle autre que celle des père et mère, le conseil de famille réglera par aperçu la somme à laquelle pourra s'élever la dépense annuelle du mineur, ainsi que celle de l'administration de ses biens. Le tuteur pourra aussi étre autorisé à s'aider dans sa gestion d'un ou plusieurs administrateurs particuliers, salariés et garants, sous sa responsabilité. Ce sera le conseil de famille qui déterminera positivement la somme à laquelle commencera pour le lateur l'obligation d'employer l'excédant des revenus sur la dépensé. Cet emploi devra être fait dans le délai de six mois, passé lequel le tuteur devra les intérêts de plein droit. Si le tuteur ne prend pas les précautions ci-dessus indiquées, il sera comptable des intérêts de touto somme, quelque modique qu'elle soit.

31. Le tuteur, mème le père ou la mère, ne peut emprunter pour la mineur, ni aliener ou hypothéquer ses biens immeubles sans y être autorisé par un conseil de famille: cette autorisation ne pourra être accordée que pour cause d'une nécessité absolue ou d'un avantage évident.- Dans le premier cas, le conseil de famille n'accordera son autorisation qu'a

« PreviousContinue »