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rence essentielle (n). Au dessus des évêques l'Eglise grecque élève, dans le but d'une union plus intime entre ses membres, les métropolitains et exarques; au dessus de ceux-ci les patriarches. En ce qui concerne les patriarches, on accorde à l'Eglise de Jérusalem une prééminence historique; à celle de l'ancienne et de la nouvelle Rome une prééminence politique (o). L'état de schisme n'en permettant l'exercice qu'au patriarche de Constantinople, celui-ci forme en quelque sorte le centre visible de l'Eglise grecque. Dans l'Eglise russe il y a au dessus des évêques des archevêques et des métropolitains; mais ce sont de purs titres. Le chef visible des évêques est le saint synode. La distinction de hiérarchie de l'ordre et de juridiction n'est pas expressément formulée dans le droit ecclésiastique grec et russe, parceque ce droit en général est conçu d'une manière moins systématique; mais elle ressort toutefois de ses dispositions.

CHAPITRE III.

BASES DU DROIT CANONIQUE PROTESTANT.

$ 27.

- I. Histoire de la réforme. A) En Allemagne. 1) Établissement de l'Église luthérienne.

Un moine de l'ordre des Augustins, Martin Luther, professeur à Wittenberg, élève publiquement en 1517 une controverse théologique contre certains abus; bientôt il en vient au dogme, puis à l'autorité d'enseignement de l'Eglise en général. Les réfutations écrites, les négociations amiables, les représentations ne peuvent le ramener. Enfin le pape fulmine à la date du 3 janvier 1521 l'excommunication contre Luther et ses adhérents, et peu après, selon le droit alors en vigueur, la diète de Worms par un édit du 8 mai le

(n) Synod. Hierosol. a. 1672. cap. X. (Harduin. T. XI. pag. 243.) Superiorem vero esse simplici sacerdotio pontificiam dignitatem, vel inde liquet, quod sacerdotem consecret episcopus, non vero a sacerdote, sed a duobus tribasve Pontificibus, juxta Apostolorum canones, episcopus consecretur, etc.

(0) Orthod. confess. Part. I. qu. 84. Inter particulares ecclesias illa mater reliquarum dicatur, quee prima omnium præsentia Christi ornata fuit.-Est itaque haud dubie mater et princeps ecclesiarum omnium ecclesia Hierosolymitana, quoniam ex illa in omnes orbi terminos diffundi cœpit Evangelium; quamvis postea imperatores primos dignitatis gradus antiquæ novæque Romæ tribuerint, ob majestatem imperii, quæ iis locis domicilium habebat.

met au ban de l'empire (p); mais les prédications et pamphlets ont sous la protection de l'électeur de Saxe tellement répandu les nouvelles doctrines, la singulière complication des états civil et ecclésiastique à cette époque leur a acquis une telle vogue dans la noblesse, les villes, le clergé et parmi les moines, que bulle et édit sont impuissants; en beaucoup de lieux même l'enthousiasme, au besoin la force, préside aux innovations dans le culte et la doctrine. Enfin l'électeur de Saxe et le landgrave de Hesse se liguent expressément le 4 mai 1526 pour la défense des nouvelles doctrines, et bientôt se joignent à eux d'autres états de l'empire. La diète de cette année s'en remet alors de l'exécution de l'édit de Worms au jugement de chaque état en particulier (q). De là des abus auxquels veut remédier (r) Îa diète de Spire (1529); les états gagnés aux nouvelles doctrines s'y opposent par une protestation. A la diète d'Augsbourg (1530) ils présentent une confession de foi rédigée par leurs théologiens (s), et rejettent la décision de l'assemblée contre les innovations. Ainsi se révélait d'une manière toujours plus menaçante un parti religieux et politique dont le pouvoir grandissant opposait tant d'entraves à l'autorité impériale, que l'empereur crut devoir consentir un traité à Nurnberg (1532). Il fut stipulé qu'aucun état de l'empire ne serait attaqué ni inquiété en matière de foi jusqu'au concile que l'empereur s'engageait à obtenir du pape. Mais les approches du concile ne faisaient qu'attiser la violence du nouveau parti et déterminèrent (1537) à Smalkalde la signature de certains articles que devaient y porter ses envoyés. Néanmoins plusieurs recès de l'empire sanctionnèrent la paix de Nurnberg et la garantirent par des clauses plus explicites (t). Mais lorsque après des peines sans nombre le concile fut réuni (1545), les états dévoués à la confession d'Augsbourg refusèrent de le reconnaître, et se prononcèrent toujours plus ouvertement contre l'empereur. Celui-ci résolut enfin d'en venir à la force, et le 20 juillet 1540 mit au ban les chefs de la ligue de Smalkalde. La fortune des armes le mit en position

(P) Sur ces faits et ceux qui suivent je me réfère à l'excellent ouvrage de K. A. Menzel, Neuere Geschichte der Deutschen von der Reformation bis zur Bundesacte. Breslau 1826. (sept parties ont paru. 8°.)

(9, Recès de Spire 1626. §. 4 : En conséquence nous, les Electeurs, Princes et Etats de l'Empire et leurs Envoyés, sommes à la présente diète tombés d'accord de ce qui suit : Jusqu'au Concile ou à l'assemblée nationale, l'exécution de l'édit rendu par Sa Majesté l'Empereur à la diète de Worms est laissée au soin de chacun, de telle sorte qu'il lui sera loisible d'agir et se comporter en tout ce qui fait la matière dudit édit, comme il croit pouvoir en répondre envers Dieu et Sa Majesté Impériale.

(r) Récès de Spire 1529. §. 3. 4.

(s) Avant la fin de la diète, Mélanchton la fit imprimer en allemand et en latin. Plus tard il fit encore paraître d'autres éditions avec maints changements. On trouve sur ce sujet des renseignements plus détaillés dans C. A. Hase Libri symbolici ecclesiæ evan. gelicæ. T. I. p. III-XIII.

(c) Recès de Ratisbonne 1541. 5. 26., de Spire 1544. 5. 76-95., de Worms 1546. §. II.

d'ouvrir à la diète d'Augsbourg (1547) un avis tendant à interdire aux états gagnés à la réforme toute innovation dans le culte et la doctrine jusqu'à la décision du concile (u). Le décret, rendu dans ce but avait déjà reçu un commencement d'exécution, lorsque tout à coup la ligue reprit les hostilités (1552', et se fit consentir par un traité signé à Passau le 2 août 1552 un complet état de paix pour les états de la confession d'Augsbourg jusqu'à accommodement des dissidences. La diète d'Augsbourg (1555) le garantit, et fixa les bases de la paix (v). Ainsi la nouvelle doctrine avait, du moins dans les états de l'empire qui l'avaient embrassée, acquis une existence réconnue et garantie par l'empire même.

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Cependant la diversité des interprétations au sujet de la Cène avait livré la nouvelle secte en proie à une division toujours croissante; déjà en 1530 quatre villes du haut pays gagnées au parti de Zwingle contre Luther avaient présenté à la diète d'Augsbourg une confession séparée (w). Le différend fut aplani en apparence (1536); mais une partie des théologiens allemands continua d'incliner vers les doctrines des réformateurs suisses, et le catéchisme d'Heidelberg, composé pour le palatinat sur l'ordre de l'électeur Frédéric III (1563) et bientôt introduit dans d'autres pays reproduisit au fond la doctrine de Calvin sur l'Eucharistie. Les princes qui avaient à cœur de maintenir le lutheranisme pur, opposèrent aux divisions (1577) une confession de foi particulière comme formule de conciliation. Dès lors les réformés furent classés par les partisans même de la confession d'Augsbourg comme parti nouveau et distinct. Par suite on se demanda s'ils avaient droit à l'état de paix stipulé dans l'intéret des derniers. Le traité de Westphalie (1648) trancha la question en leur faveur (x), et ainsi leur doctrine, adoptée même dans l'intervalle par plusieurs princes de la confession d'Augsbourg, obtint dans l'empire une existence assurée. Cette parité extérieure des deux sectes n'affaiblit point leurs dissidences, et l'attachement que chacune d'elles conserva pour sa doctrine fit échouer toutes tentatives de réunion. Ce ne fut que dans notre siècle que s'opéra un rapprochement qui, mettant de côté la doctrine, amena une communauté de rite dans la célébration de la Cène (y).

(u) Recès d'Augsbourg 1548. §. 8-10. Cet avis a été ensuite nommé l'Interim d'Augsbourg.

(v) Recès d'Augsbourg 1555. §. 7-30.

(w) C'est celle connue sous le nom de Confessio tetrapolitana.

(x) Inst. Pac. Osn. Act. VII. §. 1.

(y) C'est ce qui a lieu en Prusse, Nassau, dans la Bavière rhénane et les pays de Hanau, Isenbourg, Fould, Waldeck et Pyrmont, Bade.

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Alors que les troubles religieux commençaient en Allemagne, Christiern II régnait en Danemark et Norwége; Gustave Wasa arrachait la Suède aux Danois (1523) et en prenait le sceptre. Ce prince tant par penchant personnel que par intérêt s'empressa d'adopter les nouvelles doctrines que de jeunes théologiens de Wittenberg propageaient avec la plume et la parole. Ses ruses et l'autorité de sa personne lui firent obtenir à la diète de Westeras (1527) un décret qui supprimait la juridiction des églises et cloîtres, livrait au bon plaisir du roi leurs biens et leurs richesses, assurait à la nouvelle doctrine liberté et considération. Un concile même à OErebro (1529) poussa la condescendance jusqu'à accepter, sous réserve des anciens rites, des mesures et interprétations favorables aux novateurs. Enfin sur l'ordre du roi (1531), un des propagateurs du luthéranisme fut élevé au siége archiépiscopal d'Upsal, et par la coopération successive d'un concile à OErebro (1537), d'une assemblée de conseillers d'état et d'évêques (1540) et d'une diète à Westeras (1544), la doctrine et le culte furent modelés sur le nouveau système. En Danemark, où les souverains dans les mêmes vues politiques favorisaient les innovations religieuses, les évêques opposèrent une résistance plus énergique. Frédéric ler n'obtint que difficilement de la diète d'Odense (1527) un édit de tolérance pour la nouvelle doctrine; mais Christiern III dès son entrée à Copenhague (1536) fit par un ordre secret arrêter en un même jour tous les évêques du royaume, confisquer leurs possessions, supprimer la plupart des chapitres et des cloîtres, et déposer les prêtres qui refusaient d'enseigner d'après les nouveaux principes. Bientôt la diète de Copenhague vota, sur l'intimation du roi, l'entière abolition de la constitution ecclésiastique; puis l'Eglise fut établie sur un nouveau plan (1537) qu'approuva la diète d'Odense (1539). Dès 1537 la Norwége fut de la même manière et non sans mainte résistance envahie par la réforme et la constitution de l'Eglise danoise; l'Islande même fut à cette occasion depuis 1540 en proie à de violentes agitations qui ne cédèrent qu'au temps et au glaive.

$30. C) La réforme en Suisse, en France et dans les Pays-Bas.

Comme Luther à Wittenberg, Zwingle, chanoine à Zurich, s'attaque dès 1519 par sermons écrits et controverses publiques aux doctrines et institutions de l'Eglise catholique. En 1525 il était parvenu avec le concours de l'autorité séculière à réaliser ses idées d'innovation. Cet exemple entraîna bientôt d'autres villes de Suisse, et en 1536 une assemblée réunie à Bâle formula une confession commune aux cantons réformés (z). En France l'erreur pénétra d'a

(2) En 1566 on en élabora une autre qui, jouissant d'une plus grande autorité,

bord par l'Allemagne, avec les doctrines et les écrits de Luther; plus tard y prévalut l'influence des réformateurs suisses, surtout de ceux de Genève, où depuis 1536 Calvin exerçait un empire absolu. Ce fut d'après ses principes qu'une assemblée de représentants de toutes les communes réformées de France rédigea à Paris (1559) une confession de foi et une constitution ecclésiastique : une complète liberté religieuse et une tolérance générale ne leur furent toutefois accordées que par l'édit de Nantes sous Henri IV (1598). Dans les Pays-Bas comme en France les sectateurs de Luther ne s'étaient, par suite des mesures sévères du gouvernement, réunis qu'en petites communes qu'assemblaient secrètement leurs prédicateurs; peu à peu la plupart accédèrent aux doctrines de Calvin, et c'est dans ce sens qu'ils ébauchèrent leur première confession de foi (1561). Plus tard ils profitèrent de la révolte contre la domination espagnole pour fixer dans plusieurs assemblées leur constitution religieuse. Depuis, la religion réformée continua de subsister dans les provinces du nord, et même dans la république des Pays-Bas unis, fondée en 1579, elle fut élevée à l'honneur de religion dominante.

§ 31.-D) La réforme en Angleterre, en Ecosse et en Irlande.

En Angleterre, la doctrine de Luther trouva dans Henri VIII même un ardent antagoniste. Plus tard il fallut au roi sensuel un prétexte légal pour colorer son divorce et un nouvel hymen. Irrité contre la barrière que lui opposaient le droit canonique et le SaintSiége, il conçut l'idée de se faire chef de l'Eglise et arbitre des lois dans son royaume. En 1531 il entama l'œuvre par des négociations avec le clergé et le parlement, et déjà à la fin de 1534 le parlement avait reconnu au roi et à ses héritiers la suprématie exclusive sur l'Eglise d'Angleterre avec tous les droits qui en découlent (a). Par suite, suppression des petits (1536) et des grands (1537) cloîtres, publication d'une version anglaise de l'Ecriture, dévastation des reliques (1538). Du reste le roi se tenait avec toute la sévérité d'un chef de religion aux doctrines catholiques; il les appuya (1539) par un statut de six articles, et dans un même jour fit brûler comme hérétiques trois individus accusés d'avoir dévié des dogmes catholiques et pendre comme coupables de haute trahison trois autres restés fidèles au dogme de la suprématie du pape. Mais sous la minorité d'Edouard VI (1547-53) le parti réformateur dans l'esprit de l'école de Genève prit le dessus. Dès les premières années, des bills du parlement et des ordonnances royales révoquèrent les six articles, ins

a été placée en tête comme Confessio Helvetica I dans les recueils des livres symboliques. Celle de 1536, bien que la première en date, se trouva ainsi classée comme Confessio Helvetica II.

(a) Dans l'histoire d'Angleterre de John Lingard ces faits et cenx qui suivent sont 'objet d'un examen approfondi.

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