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venir l'arbitraire des subalternes et d'éviter qu'ils consultent trop fréquemment les chefs. Simples instructions elles n'ont de validité que pour la vie d'un même pape; mais ordinairement son successeur les renouvelle à son avénement avec de légères modifications, et le cardinal vice-chancelier les publie. Les publications et enregistrements à la chancellerie d'affaires de la compétence de la cour de Rome remontent à une époque ancienne. Ainsi Jean XXII fit enregistrer à la chancellerie les réservations par lui faites d'offices ecclésiastiques. Ses successeurs suivirent cet usage et l'étendirent à d'autres objets qui touchaient à la sphère de la chancellerie. Les plus anciennes règles de chancellerie que l'on connaisse sont de Jean XXIII (1410) (o) et Martin V (1418). Les dernières ont été publiées au concile même de Constance (p). Là aussi les concordats passés avec les nations ont été transmis immédiatement à la chancellerie et conformément à l'usage couchés sur ses registres (q). Nicolas V (1455) réunit alors en un recueil les règles de ses prédécesseurs; et sauf quelques additions et modifications on s'en sert encore maintenant : le nombre des règles s'y élève à soixante-onze ou soixante-douze (r). Dans leur application la cour de Rome a maintenant égard aux changements survenus dans les divers pays. En France quatre de ces règles, en Allemagne deux étaient reçues même dans la pratique des tribunaux (s).

(0) Herm. von der Hardt Conc. Constant. T. I. p. 954.

(p) Mansi Conc. T. XXVIII. col. 499-516.

(q) Mansi Conc. T. XXVII. col. 1184. 1189. 1193.

(r) C'est dans Gærtner Corpus juris eccles. Cathol. T. II. p. 457. qu'ont été imprimées en dernier lieu les soixante-douze Règles de Chancellerie, publiées par Clément XII (1730).

(s) Il existe des commentaires sur les règles de Chancellerie par Gomez, Rebuffe, Dumoulin, Chokier. Le plus récent sur les Règles de Chancellerie de Clément XII est : J. B. Rigantii Commentarii in regulas constitutiones et ordinationes Cancellaria apostolicæ. Romæ 1751. IV. vol. fol.

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Quant à son origine, la suprématie est née avec l'unité de l'Église; l'histoire ne l'a donc pas créée, mais a seulement exprimé ce qui déjà résidait dans l'idée de l'Eglise comme élément nécessaire et essentiel. C'est une institution divine, parceque l'Eglise même en est une, et parceque l'Eglise ne peut exister que par l'unité, l'unité à son tour que par la suprématie. Elle est donc un des premiers principes vitaux de l'Eglise; bien mieux elle porte abstractivement l'Eglise en elle-même, parceque l'Eglise n'est que là où est l'unité (t). Elle n'a pas pour cela été complétement formulée dans la constitution de l'Eglise, mais y est renfermée comme un germe fécondé (u) dont la vie extérieure se développe et se modifie selon que les attaques contre l'unité exigent une cohésion plus étroite ou appe lent au dehors l'activité du principe de vie déposé en lui (v). De là vient aussi, comme l'histoire en déroule le tableau, que lors des hérésies et des schismes le besoin de cohésion, en commençant par les évêques, a fait progressivement chercher dans des cercles toujours plus vastes des points de réunion et d'unité, et ne s'est trouvé pleinement satisfait que par l'union avec le

(t) C'est l'idée qu'ont développée S. Cyprien dans son traité de unitate Ecclesiæ et Bossuet dans son discours sur l'unité.

(u) Jos. de Maistre du Pape Liv. I. ch. 6: « La suprématie du souverain Pontife n'a << point été sans doute dans son origine ce qu'elle fut quelques siècles après; mais c'est << en cela précisément qu'elle se montre divine; car tout ce qui existe légitimement et « pour les siècles existe d'abord en germe, et se développe successivement. » C'est ainsi que dans les éléments de la formation des états et les rapports de la vie patriarcale se trouve déjà renfermé en son entier le principe monarchique, sans être pourtant encore ce que nous nommons royauté.

(v) On ne doit donc pas se représenter le siége de Rome embrassant à l'avance d'un coup d'œil tout ce qui était réservé à son action et n'épiant que l'occasion de l'accom⚫ plir. Sa tâche lui fut plutôt tracée par les circonstances et le vœu de l'Eglise. Aussi dans le principe ne le voit-on jamais travailler seul à l'unité, mais toujours en réunion d'autres évêques et Eglises.

siége de Rome. L'histoire de la suprématie est donc l'histoire des moyens à l'aide desquels l'Eglise dans les différentes phases de son développement a de son centre efficacement travaillé au maintien de l'unité (w).

$121.B) Caractère de la suprématie.

En maintes occasions l'Eglise a témoigné par la bouche des SS. Pères (x) et les conciles (y) sa vénération pour le successeur du premier des apôtres, et, principalement dans les actes de réunion avec l'Eglise grecque, reconnu la primauté et la principauté du siége de Rome dans toute sa plénitude, sa grandeur et son universalité (z). Toutefois en ce qui touche le détail des droits que

(w) En se développant, la suprématie a certainement introduit beaucoup de changements dans la discipline ecclésiastique; il est impossible de le méconnaître. Beaucoup de défenseurs de la papauté se donnent donc une peine stérile et se placent même en partie sous le faux point de vue de leurs adversaires lorsqu'ils cherchent si scrupuleusement à démontrer la haute antiquité de quelques droits contestés de la papauté. Ils feraient mieux de dire: Si l'ancienne discipline a d'elle-même et sans efforts fait place à une autre, c'est qu'elle ne répondait plus au besoin de l'Eglise. Une chose n'est pas bonne parcequ'elle est antique, ou mauvaise parcequ'elle est nouvelle; autrement il faudrait dire que les productions de notre temps sont les plus mauvaises. () Les textes sont indiqués sous le §. 10.

(y) Conc. Constant. I. a. 381. c. 3. Constantinopolitanæ civitatis episcopus habeat oportet primatus honorem post Romanum episcopum. — Cone. Chalced. a. 451. ad S. Leon. Rogamus igitur, et tuis decretis nostrum honora judicium. - Conc. Basil. in respons. synod. a. 1432. (Harduin. T. VIII. p. 1323). Summus pontifex, quod caput sit et primas ecclesiæ-et solus in plenitudinem potestatis vocatus sit, alii in partem sollicitudinis, et multa hujusmodi : — ista plane fatemur et credimus, operamque in hoc sacro concilio dare intendimus, ut omnes eamdem sententiam credant.

(z) Conc. Lugdun. II. a. 1271. S. Romana Ecclesia summum et plenum primatum et principatum super universam Ecclesiam catholicam obtinet, quem se ab ipso Domino in B. Petro Apostolorum principe sive vertice, cujus Romanus Pontifex est successor, cum potestatis plenitudine recepisse veraciter et humiliter recognoscit. Et sicut præ ceteris tenetur fidei veritatem defendere, sic et si quæ de fide subortæ fuerint quæstiones, suo debent judicio definiri. Ad quam potest gravatus quilibet super negotiis ad ecclesiasticum forum pertinentibus appellare, et in omnibus causis ad examen ecclesiasticum spectantibus ad ipsius potest judicium recurri, et eidem omnes Ecclesiæ sunt subjectæ, et ipsarum prælati obedientiam et reverentiam sibi dant. Ad hanc antem sic potestatis plenitudo consistit, quod ecclesias ceteras ad sollicitudinis partem admittit, quarum multas et patriarchales præcipue diversis privilegiis eadem Romana ecclesia honoravit, sua tamen observata prærogativa tum in generalibus conciliis, tum in aliquibus aliis semper salva.-Defin. S. oecum. Synod. Florent. a. 1439. Diffinimus sanctam apostolicam sedem et romanum pontificem in universum orbem tenere primatum, et ipsum pontificem romanum successorem esse B. Petri principis Apostolorum, et verum Christi vicarium, totiusque Ecclesiæ caput et omnium christianorum

cette primauté comporte, elle n'a montré que de l'éloignement à s'en occuper dans des discussions générales, et a peu défini, mais s'en est reposée sur la yie et la doctrine. Le pape est donc la première autorité dans l'Eglise, et comme tel ne relève ici-bas d'aucun juge (a), mais, comme les rois de la terre, ne doit compte de son administration qu'à Dieu et sa conscience (b). Néanmoins l'esprit de sa dignité lui prescrit dans l'exercice de son pouvoir la loi de n'en user comme un tendre père que pour le bien de la chrétienté (c). Par suite sont permises d'humbles remontrances contre son administration (d), et même en cas d'injustice manifeste une résistance extérieure (e). Donc la suprématie papale, quelque nom qu'on se plaise à lui donner, n'est pour cela nullement arbitraire et absolue dans son exercice, mais de toutes parts liée et tempérée par l'esprit et la pratique de l'Eglise, par la conscience des devoirs attachés à ses droits, par le respect pour les conciles œcuméniques (f), par le ménagement d'anciennes observances et coutumes (g), par les formes douces et affables du gouvernement (h), par les droits reconnus de l'épiscopat, par la répartition des attributions sur cette base, par les rapports avec les puissances temporelles, enfin par l'esprit des nations (i).

patrem ac doctorem existere, et ipsi in B. Petro pascendi, regendi ac gub rnandi universalem Ecclesiam a Domino nos ro Jesu Christo plenam potestatem traditam esse. (a) Les anciennes autorités à l'appui de ce principe ont déjà été citées dans une autre occasion (Note i sous le N° XI du s. 92 ).

(b) En d'autres termes, la personne du pape comme celle des rois est inviolable et sacrée. Sans cette vérité il ne peut exister de monarchie.

(c) Conc. Basil. Sess. XXIII. c. 4. Ipse autem summus Pontifex, tanquam communis omnium pater et pastor, non solum rogatus ac sollicitatus, sed proprio motu ubique investiget, investigarique faciat, et quam potest omnibus filiorum morbis conferat medicinam.

(d) Dans tous les temps les papes ont prêté l'oreille aux exhortations les plus libres d'hommes pieux et bien intentionnés. Témoin le pape Victor et S. Irénée, Grégoire VII et Pierre Damiani, Eugène III et S. Bernard, Clément VIII et le cardinal Bellarmin. Le remarquable mémorial du dernier et la réponse du pape se trouvent dans Hoffmann Nova scriptorum ac monumentorum collectio. T. I. p. 633.

(e) Bellarmin. de Roman pontif. L. II. cap. 29. Licet resistere pontifici-invadenti animas vel turbanti rempublicam, et multo magis si Ecclesiam destruere videretur, licet, inquam, ei resistere, non faciendo quod jubet, et impediendo ne exequatur voluntatem suam. Non tamen licet eum judicare, vel punire, vel deponere, quod non est nisi superioris.

(f) C. 7. c. XXV. q. 1. (Zosim. c. a. 418), c. 14. eod. (Conc. Chalc. a. 451), c. 1. eod. (Gelas. a. 495), c. 17. c. XXV. q. 2. (Leo I. a. 452).

(g) C. 6. c. XXV. q. I. ( Urban inc. a.), c. 7, eod. ( Zosim. a. 418 ), c. 19. c. XXV. q. 2, (Gelas. a. 494), c. 21. eod. (cap. inc.).

(h) Gregor. I. († 604) epist. VIII. 30. Verbum jussionis peto a meo auditu removete, quia scio, quis sum, qui estis. Loco enim mihi fratres estis, moribus patres.

(i) Bellarmin, de Roman. pontif. L. I. cap. 3. Probandum erit esse (in Ecclesia) summi

$ 122.-C) Droits de la suprématie (k).

Les droits de souveraineté qui compètent au siége de Rome d'après la discipline actuelle se ramènent aux points de vue suivants: I. Droits dérivant immédiatement de l'objet de la suprématie, qui est de maintenir l'unité de dogme et de morale. Tels sont la surveillance sur le corps entier de l'Eglise dans toutes les formes nécessaires à ce but et admissibles, la cognition des discussions sur le dogme, et le droit d'émettre à ce sujet, s'il en est besoin, des circulaires pour l'Eglise entière et des décrets de doctrine. II. Droit de législation sur des objets de discipline générale. Le pape étant, à défaut de concile général, la seule autorité universelle pour l'Eglise, a seul conséquemment le pouvoir de modifier ou abroger les points de discipline établis par la loi ou la coutume comme règle obligatoire pour toute l'Eglise. III. Sur le même principe reposent les droits d'administration et de coopération dans toutes les affaires concernant l'Eglise entière. Dans cette classe rentrent la convocation des conciles œcuméniques, l'institution ou la suppression des fêtes générales, la direction suprême des missions, les béatifications et canonisations, l'autorisation des ordres religieux et des établissements de hautes études ecclésiastiques aspirant à une autorité universelle dans l'Eglise. IV. Droits attachés à l'idée même de suprême autorité. Ce sont : le droit de surveillance sur les autres supérieurs ecclésiastiques et la faculté de les ramener au devoir par des exhortations et des peines; le droit de procéder extraordinairement lorsque les supérieurs immédiats sont inactifs ou empêchés; le droit de prononcer en dernière instance sur les griefs et appellations qu'on lui défère. V. Enfin au pape appartient le soin des affaires qui, bien que locales dans leur objet, réclament pourtant à raison de leur importance une uniformité d'action ou l'appréciation la plus exacte des intérêts qu'elles soulèvent, et conséquemment cet esprit supérieur d'administration qui ne s'obtient qu'en planant sur l'ensemble des choses. Telles sont la confirma➡ tion, translation et déposition des évêques, l'érection, translation, union et division des évêchés, les absolutions et dispenses de nature supérieure, la vérification des reliques, et ainsi de suite. Beaucoup de ces droits étaient, il est vrai, antérieurement attribués à des dignités intermédiaires, aux métropolitains, aux conciles provinciaux et aux patriarches; mais successivement et à mesure que la

pontificis monarchiam, atque episcoporum (qui veri principes et pastores, non vicarii pontificis maximi sunt) aristocratiam ; ac demum suum quemdam in ea locum habere democratiam, cum nemo sit ex omni christiana multitudine, qui ad episcopatum vocari non possit, si tamen dignus eo munere judicetur.

(*) Le traité le plus récent sur cette matière est : A. de Roskovany de primatu romani pontificis ejusque juribus. Aug. Vindel. 1831. 8.

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