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troupes, à la chapelle qui avoit été construite dans la grande salle du Palais. M. de Clermont-Tonnerre, ancien évêque de Châlons-surMarne, et pair de France, a dit la messe, pendant laquelle les élèves du Conservatoire ont exécuté de la musique. On voyoit avec plaisir la magistrature reprendre ses formes antiques, et consacrer, par un acte religieux, l'ouverture de ses séances.

A midi et demi, la messe du Saint-Esprit étant terminée, la Cour, ayant à sa tête Mgr. le chancelier, a défilé au son d'une musique militaire, entre deux haies de troupes. Mgr. le chancelier, en simarre violette, a pris place sur un fauteuil élevé à la droite du trône. M. le premier président de Sèze s'est assis à la gauche du trône. MM. s présiden Barris, Henrion de Pensey et Brisson, les conseillers et les membres du parquet de la Cour ont pris leurs places accoutumées. Tous les membres étoient en grand costume, et les présidens revêtus de leurs épitoges.

Mgr. le chancelier a rappelé dans l'exorde de son discours les temps anciens où les rois de France rendoient eux-mêmes la justice à leurs sujets.

Ces jours d'innocence, a-t-il dit, sont loin de nous. Les connoissances des juges ont dû s'accroître dans la même proportion que les affaires qui leur étoient soumises. Il étoit indispensable que la science du bien fît les mêmes progrès que la malice de l'homme; et, dans un combat presque continuel de l'homme contre les lois et des lois contre l'homme, les règles, si souvent éludées par la chicane et l'intrigue, ont dû se multiplier dans une proportion étrange. La multiplicité des procés devoit amener la multiplicité des juges; et pour établir une harmonic parfaite, une jurisprudence exacte entre ces tribunaux de tous les ordres, un tribunal régulateur, et nécessairement unique, devoit maintenir dans tous les mêmes formes de procédure, annuller tous les jugemens contraires, rappeler au besoin tous les juges à l'observation rigoureuse des formes et des lois tutelaires de l'honneur, de la fortune et des propriétés des citoyens.

Ces hautes fonctions furent long-temps réservées au conseil du Roi, et le Roi, quelquefois présent, et toujours représenté, examinoit, en quelque sorte, par lui-même, si les juges qui avoient rendu la justice en son nom avoient suivi fidèlement les règles. qui leur étoient prescrites. Jamais la question de fait, et presque jamais la question de droit, n'étoit remise en jugement au conseil du Roi. Le conseil n'examinoit que la forme, ne recherchoit que les contraventions à la loi, C'est ainsi qu'il remplit pendant plusieurs siècles les fonctions qui lui étoient attribuées; fonctions tellement royales, que l'avis du conseil ne recevoit le caractère d'arrêt que d'une approbation formelle du Roi.

La Cour de Cassation, qui reprend aujourd'hui une nouvelle existence, a succédé sans réserve à ces attributions, auxquelles même elle en a joint plusieurs : telles que la police et la discipline des tribunaux, les jugemens de compétence et de prise à partie.

Nos formes de procédures en matière criminelle devant multiplier les recours en cassation, l'activité d'un tribunal divisé en plusieurs sections pouvoit seule suffire à ces immenses travaux. C'est ainsi qu'une Cour spéciale est devenue nécessaire pour le complément de la justice

dans ce grand royaume, et n'a pas cessé de l'être, quoique la France soit rentrée dans ses anciennes limites.

La sagesse du Roi, en laissant quelques places vacantes, se réserve d'éprouver si la réduction du territoire ne peut pas en permettre dans le nombre des magistrats qui la composent. Il importera toujours à la dignité d'une Cour unique, qu'elle soit assez nombreuse pour inspirer un grand respect par une grande réunion de lumières, de talens et de vertu.

Le retour du souverain légitime ouvre un champ plus vaste à l'action des lois, qui se taisent souvent au bruit des armes, et qu'on songeoit moins a réclamer quand la France, levée presqu'entière', ne s'occupoit que de combats. Sous un Roi qui ne veut régner que par l'amour, tout se fait par justice; et les tribunaux ne sont jamais plus occupés que sous un gouvernement qui s'interdit toutes les mesures arbitraires.

De là, Messieurs, le maintien provisoire de la Cour de Cassation à un nombre supérieur à celui qui avoit été jugé suffisant lors de sa première formation; de là aussi cette prévoyance royale qui veut assurer à tous ses membres une indépendance d'état qui leur garantît une indépendance absolue d'opinion.

Toute justice émane du Roi; c'est ainsi que s'exprime la Charte constitutionnelle. C'est le Roi qui nomme tous les juges. Il n'y a de juges inamovibles que ceux nommés par le Roi. Peu importe, par con séquent, que les juges existans aient été créés à vie par le dernier gouvernement. Toutes les inductions tirées de leur titre de création viennent échouer contre les dispositions précises de la Charte. Il n'y a que Ja nomination et l'institution du Roi qui puissent imprimer aux juges le sceau de l'inamovibilité.

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Il tardoit donc à S. M. d'instituer les juges pour fixer toutes les incertitudes qu'ils pouvoient conserver sur leur sort.

Depuis plusieurs mois, l'intrigue et la malveillance s'agitent en mille manières pour leur inspirer des alarmes; recherches sur leurs opinions, sur celles mêmes de leurs corps; analyse de leurs principes; inquisition jusque sur leurs pensées; tous ces moyens ont été mis en avant pour affoiblir leur confiance, et pour ébranler leur fidélité.

Il n'appartient qu'au Roi de tranquilliser ces magistrats sur leur avenir. Sa volonté est beaucoup moins de réformer que d'affermir et de consolider les tribunaux. S'il nous est prescrit d'être sévères sur les torts de conduite, il nous est commandé d'être indulgens sur les torts d'opinions. Le zèle même avec lequel on a pu servir le gouvernement renversé, ne doit nous inspicer aucune prévention d'infidélité contre le gouvernement paternel que la Providence nous a rendu. La France entière s'est ralliée à son Roi; nous ne voyons plus autour du trône que des sujets fidèles, nous n'avons plus à craindre de partis contre un gouvernement légitime.

Tel est l'esprit qui a présidé au très-petit nombre de changemens que votre composition a reçus. La Cour de Cassation a rendu d'importans services. Considérée en masse, elle étoit composée de manière à méri ter la confiance et l'estime publiques; mais quand il s'agissoit d'accorder des institutions individuelles, on ne peut se dissimuler qu'il s'y

trouvoit quelques individus auxquels le Roi ne pouvoit, sans blesser les convenances, accorder une institution qui devenoit une vraie nomina

tion.

Ils étoient, au surplus, en très-petit nombre; et plusieurs s'étoient jugés en quelque sorte eux-mêmes, par une retraite volontaire, trouvant sans doute qu'il y avoit des occasions où c'étoit réellement servir l'Etat que de s'abstenir de le servir.

D'autres magistrats estimables se sont trouvés, par l'âge ou les infirmités, hors d'état de continuer leurs fonctions.

par

Si vous perdez un chef recommandable par ses connoissances et ses longs travaux, par son courage dans des circonstances difficiles, et les persécutions dont il a partagé l'honneur, la sagesse du Roi, ne craignons pas de le dire, sa reconnoissance appelle à votre tête un des hommes son royaume auxquels il a voué le plus d'estime; celui qui, liant à jamais son nom à l'époque la plus douloureuse de notre histoire, honora du moins sa patrie par un grand acte de dévouement, comme il avoit honoré le barreau par des talens supérieurs; et brava courageusement tous les dangers pour défendre, sans espoir de succès, la cause de tous les peuples, encore plus que celle de tous les rois.....

Le meilleur et le plus indulgent des Rois a pu renoncer au droit de punir, mais il s'est réservé celui de récompenser. Les haines s'éteignent; les crimes s'effacent; la vertu reste, et tôt ou tard elle reçoit sa récom

pense.

C'est aussi, Messieurs, le mérite et les talens comme la fidélité, qui motivent et justifient le choix des nouveaux magistrats que la sagesse du Roi vous associe.....

Dispensateurs d'une partie bien importante de l'autorité royale, vous ne l'exercerez que dans les termes de la Joi et dans les formes qu'elle ash si sagement établies. Dépositaires de l'autorité de la justice, vous l'apes i pliquerez sans acception de personnes. Pendant que le Roi maintien dra de tout son pouvoir la Charte constitutionnelle qu'il a donnée à son peuple, vous vous conformerez soigneusement à son esprit, en_ramenant tous les tribunaux à l'exécution stricte et littérale des lois dont vous devenez les premiers gardiens et les plus sûrs conservateurs.

Tel.est, Messieurs, l'objet du serment que je suis chargé de recevoir, et qui va vous lier plus étroitement que jamais au service du Roi et de la patrie ».

La majesté du lieu, la solennité de la cérémonie et la haute dignité de l'illustre orateur, n'ont pu retenir les mêmes applaudissemens dont sa voix avoit coutume de faire retentir les voûtes de ce sanctuaire, où il n'a voulu rentrer qu'avec les fleurs de lis, à une époque où déjà les suffrages, les vœux, l'enthousiasme, les pressentimens du barreau annonçoient aux prodiges de sa jeunesse ce comble des honneurs de la magistrature où il est parvenu.

On a donné lecture de l'ordonnance du Roi portant institution de la Cour de Cassation. MM. les présidens, conseillers et avocats-généraux, ont individuellement prêté le serment de fidélité au Roi et d'exactitude dans leurs fonctions. M. le premier président et M. le procureur général n'ont point réitéré cette formalité, ayant déjà été admis à prêter le même serment entre les mains du Monarque.

A

M. de Sèze, premier président, dont l'âge n'a point affoibli le bel organe, a prononcé un discours qui n'a pas été écouté avec moins d'intérêt. Il a parlé modestement de lui-même, et a payé, tour à tour, un tribut d'éloges à saint Louis, au Roi, à la mémoire de Malesherbes, à l'ordre des avocats, etc.

M. Mourre, procureur-général, a pris à son tour la parole; nous ne citerons que l'exorde de son éloquent discours :

<< La séance doit se terminer par mon réquisitoire; elle va se terminer aussi par une expression de nos sentimens. Amour inviolable pour notre Rot, respect pour cette Charte qui est le palladium de toutes les autorités, zèle infatigable dans nos fonctions, justice égale pour tous les citoyens, sollicitude pour la veuve et l'orphelin ; voilà quelles sont nos fonctions; voilà quels seront les principes de notre conduite ». M. le procureur-général a requis Mgr. le chancelier, président, de prononcer le dépôt au greffe, et l'enregistrement de l'ordonnnance du Roi.

Mgr. le chancelier a été recondait jusque sur les degrés du grand escalier du Palais par la cour entière, en passant au milieu des troupes de ligne rangées sous les armes. Le tambour battoit au champ.

ORDONNANCES DU ROI.

Louis, par la grâce de Dieu, etc.

A tous ceux qui ces présentes verront, salut.

Nous étant fait rendre compte de l'état de l'instruction publique dans notre royaume, nous avons reconnu qu'elle reposoit sur des institutions destinées à servir les vues politiques du gouvernement dont elles furent l'ouvrage plutôt qu'à répandre sur nos sujets les bienfaits d'une éducation morale et conforme aux besoins du siècle; nous avons rendu justice à la sagesse et au zèle des hommes qui ont été chargés de surveiller et de diriger l'enseignement; nous avons vu avec satisfaction qu'ils n'avoient cessé de lutter contre les obstacles que les temps leur oppo soient, et contre le but même des institutions qu'ils étoient appelés à mettre en œuvre; mais nous avons senti la nécessité de corriger ces institutions, et de rappeler l'éducation nationale à son véritable objet, qui est de propager les bonnes doctrines, de maintenir les bonnes mœurs, et de former des hommes qui, par leurs lumières et leurs vertus, puissent rendre à la société les utiles leçons et les sages exemples qu'ils ont reçus de leurs maîtres.

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Nous avons mûrement examiné ces institutions, que nous nous proposons de réformer, et il nous a paru que le régime d'une autorité uni que et absolue étoit incompatible avec nos intentions paternelles et avec l'esprit libéral de notre gouvernement;

Que cette autorité, essentiellement occupée de la direction de l'en semble, étoit en quelque sorte condamnée à ignorer ou à négliger ces détails et cette surveillance journalière qui ne peuvent être confiés qu'à des autorités locales mieux informées des besoins, et plus directement intéressées à la prospérité des établissemens placés sous leurs yeux;

Que le droit de nommer à toutes les places, concentré dans les mains

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d'un seul homme, en laissant trop de chances à l'erreur et trop d'influence à la faveur, affoiblissoit le ressort de l'émulation, et réduisoit aussi les maîtres à une dependance mal assortie à l'honneur de leur état et à l'importance de leurs fonctions;

Que cette dépendance et les déplacemens trop fréquens qui en sont la suite inévitable, rendoient l'état des maîtres incertain et précaire, nuisoient à la considération dont ils ont besoin de jouir pour se livrer avec zèle à leurs pénibles travaux, ne permettoient pas qu'il s'établit entr'eux et les parens de leurs élèves cette confiance qui est le fruit des longs services et des anciennes habitudes, et les privoient ainsi de la plus douce récompense qu'ils puissent obtenir, le respect et l'affection des contrées auxquelles ils ont consacré leurs talens et leur vie;

Enfin, que la taxe du vingtième des frais d'études levée sur tous les élèves des lycées, colléges et pensions, et appliquée à des dépenses dont ceux qui la paient ne retirent pas un avantage immédiat, et qui peuvent être considerablement réduites, contrarioit notre désir de favoriser les bonnes études, et de répandre le bienfait de l'instruction dans toutes les classes de nos sujets;

Voulant nous mettre en état de proposer le plutôt possible aux deux chambres les lois qui doivent fonder le systême de l'instruction publique en France, et pourvoir aux dépenses qu'il exigera, nous avons résolu d'ordonner provisoirement les réformes les plus propres à nous faire acquérir l'expérience et les lumières dont nous avons encore besoin pour atteindre ce but, et, en remplacement de la taxe du vingtième des frais d'études, dont nous ne voulons pas différer plus Jong-temps l'abolition, il nous a plu d'affecter, sur notre liste civile, la somme d'un million, qui sera employée, pendant la présente année 1815, au service de l'instruction publique dans notre

royaume; A ces causes, et sur le rapport de notre ministre secretaire d'Etat au département de l'intérieur;

Notre conseil d'Etat entendu,

› Nous avons ordonné et ordonnons ce qui suit :

Titre I. Dispositions générales.

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Art. Ier. Les arrondissemens formés sous le nom d'Académies, par le décret du 17 mars 1808, sont réduits à dix-sept, conformément au tableau annexé à la présente ordonnance. Ils prendront le titre d'Universités. Les universités porteront le nom du chef-lieu assigné à chacune d'elles. Les lycées actuellement établis seront appelés Colléges royaux.

2. Chaque université sera composée, 10. d'un conseil présidé par un recteur; 2o. de facultés; 3°. de colléges royaux; 40. de colleges

communaux..

3. L'enseignement et la discipline dans toutes les universités seront réglés et surveillés par un conseil royal de l'instruction publique.

4. L'icole hem de Paris sera commune à toutes les universités; elle formegaux frais de l'Etat, le nombre de professeurs et de maîtres don les anton besopour l'enseignement des sciences et des lettres.

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