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dans ce grand royaume, et n'a pas cessé de l'être, quoique la France soit rentrée dans ses anciennes limites..

La sagesse du Roi, en laissant quelques places vacantes, se réserve d'éprouver si la réduction du territoire ne peut pas en permettre dans le nombre des magistrats qui la composent. Il importera toujours à la dignité d'une Cour unique, qu'elle soit assez nombreuse pour inspirer un grand respect par une grande réunion de lumières, de talens Let de vertu.

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Le retour du souverain légitime ouvre un champ plus vaste à l'action des lois, qui se taisent souvent au bruit des armes, et qu'on songeoit moins à réclamer quand la France, levée presqu'e 'entière, s'occupoit que de combats. Sous un Roi qui ne veut régner que par l'amour, tout se fait par justice; et les tribunaux ne sont jamais plus occupés que sous un gouvernement qui s'interdit toutes les mesures arbitraires.

De là, Messieurs, le maintien provisoire de la Cour de Cassation à un nombre supérieur à celui qui avoit été jugé suffisant lors de sa première formation; de là aussi cette prévoyance royale qui veut assurer à tous ses membres une indépendance d'état qui leur garantît une indépendance absolue d'opinion.

Toute justice émane du Roi; c'est ainsi que s'exprime la Charte constitutionnelle. C'est le Roi qui nomme tous les juges. Il n'y a de juges inamovibles que ceux nommés par le Roi. Peu importe, par con séquent, que les juges existans aient été créés à vie par le dernier gou

vernement. Toutes les inductions tirées de leur titre de création viennent échouer contre les dispositions précises de la Charte. Il n'y a que Ja nomination et l'institution du Roi qui puissent imprimer aux juges le scean de l'inamovibilité. sig.

Il tardoit donc à S. M. d'instituer les juges pour fixer toutes les incertitudes qu'ils pouvoient conserver sur leur sort.

Depuis plusieurs mois, l'intrigue et la malveillance s'agitent en mille manières pour leur inspirer des alarmes; recherches sur leurs opinions, sur celles mêmes de leurs corps; analyse de leurs principes; inquisition jusque sur leurs pensées; tous ces moyens ont été mis en avant pour affoiblir leur confiance, et pour ébranler leur fidélité.

Il n'appartient qu'au Roi de tranquilliser ces magistrats sur leur avenir. Sa volonté est beaucoup moins de réformer que d'affermir et de consolider les tribunaux. S'il nous est prescrit d'être sévères sur les torts de conduite, il nous est commandé d'être indulgens sur les torts d'opinions. Le zèle même avec lequel on a pu servir le gouvernement renversé, ne doit nous inspicer aucune prévention d'infidélité contre le gouvernement paternel que la Providence nous a rendu. La France entière s'est ralliée à son Roi; nous ne voyons plus autour du trône que des sujets fidèles, nous n'avons plus à craindre de partis contre un gouvernement légitime.

Tel est l'esprit qui a présidé au très-petit nombre de changemens que votre composition a reçus. La Cour de Cassation a rendu d'importans services. Considérée en masse, elle étoit composée de manière à méri Ler la confiance et l'estime publiques; mais quand il s'agissoit d'accorder des institutions individuelles, on ne peut se dissimuler qu'il s'y

trouvoit quelques individus auxquels le Roi ne pouvoit, sans blesser les convenances, accorder une institution qui devenoit une vraie nomina

tion.

Ils étoient, au surplus, en très-petit nombre; et plusieurs s'étoient jugés en quelque sorte eux-mêmes, par une retraite volontaire, trouvant sans doute qu'il y avoit des occasions où c'étoit réellement servir l'Etat que de s'abstenir de le servir.

D'autres magistrats estimables se sont trouvés, par l'âge ou les infirmités, hors d'état de continuer leurs fonctions.

Si vous perdez un chef recommandable par ses connoissances et ses longs travaux, par son courage dans des circonstances difficiles, et par les persécutions dont il a partagé l'honneur, la sagesse du Roi, ne craignons pas de le dire, sa reconnoissance appelle à votre tête un des hommes son royaume auxquels il a voué le plus d'estime; celui qui, liant à jamais son nom à l'époque la plus douloureuse de notre histoire, honora du moins sa patrie par un grand acte de dévouement, comme il avoit honoré le barreau par des talens supérieurs; et brava courageusement tous les dangers pour défendre, sans espoir de succès, la cause de tous les peuples, encore plus que celle de tous les rois.....

Le meilleur et le plus indulgent des Rois a pu renoncer au droit de punir, mais il s'est réservé celui de récompenser. Lcs haines s'éteignent; les crimes s'effacent; la vertu reste, et tôt ou tard elle reçoit sa récom

pense.

C'est aussi, Messieurs, le mérite et les talens comme la fidélité, qui motivent et justifient le choix des nouveaux magistrats qué la sagesse du Roi vous associc.....

Dispensateurs d'une partie bien importante de l'autorité royale, vous ne l'exercerez que dans les termes de la loi et dans les formes qu'elle ash si sagement établies. Dépositaires de l'autorité de la justice, vous l'ape‹ i pliquerez sans acception de personnes. Pendant que le Roi maintiendra de tout son pouvoir la Charte constitutionnelle qu'il a donnée à son peuple, vous vous conformerez soigneusement à son esprit, en ramenant tous les tribunaux à l'exécution stricte et littérale des lois dont vous devenez les premiers gardiens et les plus sûrs conservateurs.

Tel.est, Messieurs, l'objet du serment que je suis chargé de recevoir, et qui va vous lier plus étroitement que jamais au service du Roi et de la patrie ».

La majesté du lieu, la solennité de la cérémonie et la haute dignité de l'illustre orateur, n'ont pu retenir les mêmes applaudissemens dont sa voix avoit coutume de faire retentir les voûtes de ce sanctuaire, où il n'a voulu rentrer qu'avec les fleurs de lis, à une époque où déjà les suffrages, les vœux, l'enthousiasme, les pressentimens du barreau annonçoient aux prodiges de sa jeunesse ce comble des honneurs de la magistrature où il est parvenu.

On a donné lecture de l'ordonnance du Roi portant institution de la Cour de Cassation. MM. les présidens, conseillers et avocats-généraux, ont individuellement prêté le serment de fidélité au Roi et d'exactitude dans leurs fonctions. M. le premier président et M. le procureur-général n'ont point réitéré cette formalité, ayant déjà été admis à prêter le même serment entre les mains du Monarque.

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M. de Sèze, premier président, dont l'âge n'a point affoibli le bel organe, a prononcé un discours qui n'a pas été écouté avec moins d'intérêt. Il a parlé modestement de lui-même, et a payé, tour à tour, un tribut d'éloges à saint Louis, au Roi, à la mémoire de Malesherbes, à l'ordre des avocats, etc.

M. Mourre, procureur-général, a pris à son tour la parole; nous ne citerons que l'exorde de son éloquent discours :

<< La séance doit se terminer par mon réquisitoire; elle va se terminer aussi par une expression de nos sentimens. Amour inviolable pour notre Rot, respect pour cette Charte qui est le palladium de toutes les autorités, zèle infatigable dans nos fonctions, justice égale pour tous les citoyens, sollicitude pour la veuve et l'orphelin; voilà quelles sont nos fonctions; voilà quels seront les principes de notre conduite ». M. le procureur-général a requis Mgr. le chancelier, président, de› prononcer le dépôt au greffe, et l'enregistrement de l'ordonnnance du Roi.

Mgr. le chancelier a été reconduit jusque sur les degrés du grand escalier du Palais par la cour entière, en passant au milieu des troupes de ligne rangées sous les armes. Le tambour battoit au champ.

ORDONNANCES DU ROI.

Lours, par la grâce de Dieu, etc.

A tous ceux qui ces présentes verront, salut.

Nous étant fait rendre compte de l'état de l'instruction publique dans Notre royaume, nous avons reconnu qu'elle reposoit sur des institutions destinées à servir les vues politiques du gouvernement dont elles furent l'ouvrage plutôt qu'à répandre sur nos sujets les bienfaits d'une éducation morale et conforme aux besoins du siècle; nous avons rendu jus- › tice à la sagesse et au zèle des hommes qui ont été chargés de surveiller et de diriger l'enseignement; nous avons vu avec satisfaction qu'ils n'avoient cessé de lutter contre les obstacles que les temps leur oppo soient, et contre le but même des institutions qu'ils étoient appelés à mettre en œuvre; mais nous avons senti la nécessité de corriger ces institutions, et de rappeler l'éducation nationale à son véritable objet, qui est de propager les bonnes doctrines, de maintenir les bonnes mœurs, et de former des hommes qui, par leurs lumières et leurs vertus, puissent rendre à la société les utiles leçons et les sages exemples qu'ils ont reçus de leurs maîtres.

Nous avons mûrement examiné ces institutions, que nous nous proposons de réformer, et il nous a paru que le régime d'une autorité uni que et absolue étoit incompatible avec nos intentions paternelles et avec l'esprit libéral de notre gouvernement;

Que cette autorité, essentiellement occupée de la direction de l'en semble, étoit en quelque sorte condamnée à ignorer ou à négliger ces détails et cette surveillance journalière qui ne peuvent être confiés qu'à des autorités locales mieux informées des besoins, et plus directement intéressées à la prospérité des établissemens plaçes sous leurs yeux;

Que le droit de nommer à toutes les places, concentré dans les mains

.

d'un seul homme, en laissant trop de chances à l'erreur et trop d'influence à la faveur, affoiblissoit le ressort de l'émulation, et réduisoit aussi les maîtres à une dependance mal assortie à l'honneur de leur état et à l'importance de leurs fonctions;

Que cette dépendance et les déplacemens trop fréquens qui en sont la suite inévitable, rendoient l'état des maîtres incertain et précaire, nuisoient à la considération dont ils ont besoin de jouir pour se livrer avec zèle à leurs pénibles travaux, ne permettoient pas qu'il s'établit entr'eux et les parens de leurs élèves cette confiance qui est le fruit des longs services et des anciennes habitudes, et les privoient ainsi de la plus douce récompense qu'ils puissent obtenir, le respect et l'affection des contrées auxquelles ils ont consacré leurs talens et leur vie;

Enfin, que la taxe du vingtième des frais d'études levée sur tous les élèves des lycées, colleges et pensions, et appliquée à des dépenses dont ceux qui la paient ne retirent pas un avantage immédiat, et qui peuvent être considerablement réduites, contrarioit notre désir de favoriser les bonnes études, et de répandre le bienfait de l'instruction dans toutes les classes de nos sujets;

Voulant nous mettre en état de proposer le plutôt possible aux deux chambres les lois qui doivent fonder le systeme de l'instruction publique en France, et pourvoir aux dépenses qu'il exigera, nous avons résolu d'ordonner provisoirement les réformes les plus propres à nous faire acquérir l'expérience et les lumières dont nous avons encore besoin pour atteindre ce but, et, en remplacement de la taxe du vingtième des frais d'études, dont nous ne voulons pas différer plus long-temps l'abolition, il nous a plu d'affecter, sur notre liste civile, la somme d'un million, qui sera employée, pendant la présente année 1815, au service de l'instruction publique dans notre royaume;

A ces causes, et sur le rapport de notre ministre secretaire d'Etat au département de l'intérieur;

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Notre conseil d'Etat entendu,

Nous avons ordonné et ordonnons ce qui suit:

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Art. Ier. Les arrondissemens formés sous le nom d'Académies, par le décret du 17 mars 1808, sont réduits à dix-sept, conformément au tableau annexé à la présente ordonnance. Ils prendront le titre d'Universités. Les universités porteront le nom du chef-lieu assigné à chacune d'elles. Les lycées actuellement établis seront appelés Colleges royaux. 2. Chaque université sera composée, 10. d'un conseil présidé par un recteur; 2°. de facultés; 3°. de colléges royaux; 40. de colléges

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Communaux..

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3. L'enseignement et la discipline dans toutes les universités seront réglés et surveillés par un conseil royal de l'instruction publique.

4. Lcole normale de Paris sera commune à toutes les universités; elle formega, aux frais de l'Etat, le nombre de professeurs et de maîtres don les autont besoin pour l'enseignement des sciences et des lettres.

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5. Le conseil de chaque université est composé d'un recteur président, des doyens des facultés, du proviseur du college royal du chef-lieu, ou du plus ancien des proviseurs, s'il y a plusieurs colléges royaux, et de trois notables au moins, choisis par notre conseil royal de l'instruction publique.

6. L'évêque et le préfet sont membres de ce conseil; ils y ont voix délibérative et séance au-dessus du recteur.

7. Le conseil de l'Université fait visiter, quand il le juge à propos, les colléges royaux et communaux, les institutions, pensionaals et autres établissemens d'instruction, par deux inspecteurs, qui lui rendent compte de l'état de l'enseignement et de la discipline, dans le ressort de l'Université, conformément aux instructions qu'ils ont reçues de lui. Le nombre des inspecteurs de l'Université de Paris peut être porté à six.

8. Le conseil nomme ces inspecteurs entre deux candidats qui lui sont présentés par le recteur.

9. Il nomme aussi, entre deux candidats présentés par le recteur, les proviseurs, les censeurs ou préfets des études, les professeurs de philosophie, de rhétorique et de mathématiques supérieures, les aumôniers et les économes des colleges royaux.

10. Les inspecteurs des universités sont choisis entre les proviscurs, les préfets des études, les professeurs de philosophie, de rhétorique et de mathématiques des colleges royaux, et les principaux des colJéges communaux, les proviseurs entre les inspecteurs, les principaux des colleges communaux et les préfets des études des colleges royaux; ceux-ci entre les professeurs de philosophie, de rhétorique et de mathé matiques supérieures des mêmes colleges.

11. Le conseil de l'Université peut révoquer, s'il y a licu, les nominations qu'il a faites; en ce cas, ses délibérations sont motivées, et elles n'ont leur effet qu'après avoir reçu l'approbation de notre conseil royal de l'instruction publique.

12. Nul ne peut établir une institution ou un pensionnat, ou devenir chef d'une institution ou d'un pensionnat déjà établis, s'il n'a été examiné et duement autorisé par le conseil de l'Université, et si cette autorisation n'a été approuvée par le conseil royal de l'instruction publique.

13. Le conseil de l'Université entend et juge définitivement les comptes des facultés et des colléges royaux; il entend le compte des dépenses de l'administration générale rendu par le recteur, et il le transmet, après l'avoir arrêté, à notre conseil royal de l'instruction publique.

14. Il tient registre de ses délibérations, et en envoie copie tous les mois à notre conseil royal.

15. Il a rang après le conseil de préfecture dans les cérémonies publiques.

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