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de Benoît (1), ainsi s'appelait le célèbre pénitent, avec la confiance qu'il devait à M. de Varie. M. de Guilhem le tira de ce péril. (2) Nous avons raconté toutes les phases par lesquelles passa Je Séminaire de St-Charles avant de prendre sa forme dernière, mais nous n'avons pas dit toutes les angoisses qu'on y éprouva. M. Bertet, conduit par M. de Varie, se retira avec trois de ses compagnons, dans une maison cédée par M. Aubert, saint prêtre mort plus tard au service des pestiférés. Ses parents le virent avec peine prendre cette détermination, et cherchèrent à l'en détourner. Ne pouvant y réussir par leurs conseils, ils le réduisirent à l'indigence et lui firent une pension si modique qu'un pauvre y aurait à peine pu trouver sa subsistance. Il s'en contenta, heureux de quitter l'aisance de la maison paternelle pour embrasser la pauvreté de Jésus-Christ. Ses compagnons n'étaient pas mieux pourvus que lui; à peine s'ils pouvaient entre tous avoir un domestique. Une pauvre veuve, touchée de leur embarras, leur présenta son fils pour être portier et s'offrit elle-même pour faire à leur égard l'office de Marthe. Ils l'accueillirent avec reconnaissance, mais M. de Varie, conduit par une raison plus haute, s'y opposa. Ce fut alors qu'on prit pour cuisinier l'ouvrier en soie dont nous avons parlé. Celui-ci s'associa pleinement à leur pauvreté, car c'est sur ce fondement que l'œuvre de Dieu croissait

(1) R. D. Spiritus de Benoit Avenionensis, primus ex sociis venerabilibus parentum nostrorum, Alexandrum Martin, pietatis et charitatis officio adiit, et cum uterque pari in Beatam Mariam Virginem filiali amore tenerentur, parique simplicitate et morum candore ambularent, parl simul consilio in instituenda nova solitariorum in ejusdem Virginis honorem familia, animum intenderunt. Laicus licet adhuc, sed vere pius, quos noverat fidissimos Deiparæ servos affectu fraterno prosequebatur, ipsosque futuri eventus felicem exitum nondum prævidens, in novum Nostræ Dominæ a S. Custodia sacellum instinctu divino ducebat, pia in dies meditatus opera quæ ad ejusdem B. M. V. gloriæ propagationem conducerent. (Ex Arch, PP. a S. Custodia.)

(2) R. D. Laurentius Dominus Bertet primus Congregationis nostræ superior perpetuus, Avenione honestis parentibus natus, R. D. de Varie Seminarii a Sancto Carolo Aven. primum socius, totus erat in reformandis et instituendis Clericis, sed a Deo monitus per R. P. Hieronymum d'Etienne ordinis Mininorum, reliquit. Hinc factus ipse signum cui a probis et pils contradiceretur, Divino afflante Spiritu edoctus, signis cælestibus confirmatur, ut ipsemet scripto testatus est, præsentia et colloquio præfati D. Alexandri Marlin spiritaliler recreatus, anno 1698 ab ipso audivit arcana Dei, et se a divina majestale electum ad conversionem et salutem multorum specialiter vocatum, ut novam Domum Nostræ Domina à Sta Custodia regeret opusque Dei consummaret. (Ex Arch. PP. a S. Custodia).

chaque jour, et c'est dans le plus grand dénûment que M. Bertet étudiait ce qui devait contribuer davantage à la perfection des ouvriers évangéliques. « Il était au milieu de ses compagnons, dit son pieux historien, comme un frère qui les aime avec tendresse, comme un père qui les conduit avec bonté, comme un maître qui les instruit avec intelligence. Il leur procurait une honnête récréation, en leur enseignant les principes des mathématiques et les éléments de l'histoire, sans nuire aux études de philosophie et de théologie auxquelles il présidait. Des petits voyages de dévotion servaient, dans le courant de l'année, à ranimer leur ferveur. Les catéchismes qu'ils faisaient dans les paroisses de la ville allumaient leur zèle pour le salut des âmes. M. Bertet avait la confiance de ces jeunes élèves; et l'on peut dire que si M. de Varie était l'âme de cette communauté par l'habile direction qu'il lui donnait, M. Bertet en était comme la main par l'activité de son zèle à exécuter tout ce que M. de Varie avait prescrit.» (1)

M. Bertet fut ordonné prêtre, et après avoir travaillé dix ans sous M. de Varie, se sentit appelé d'une manière tout à fait extraordinaire à fonder une œuvre nouvelle. Un religieux Minime, le P. d'Étienne, le dirigea dans cette voie. La prudence exigeait que M. Bertet le consultât sur un point qui devait se décider hors du Séminaire. Il demanda cinq à six jours pour prier. M. Bertet revint, et en le voyant le P. d'Étienne lui dit : « Dieu demande que vous sortiez de la maison où vous êtes. Plus vous y resterez, plus vous vous opposerez à sa volonté et plus vous aurez de peines. Il vous destine à fonder un établissement qui ne doit pas moins contribuer à sa gloire et au salut des âmes que celui de St-Charles. (2) M. Bertet fut extrêmement surpris de ces paroles; il avait toute autre chose à demander au P. d'Étienne. Dans son embarras, il eut recours à la prière, et il reçut beaucoup de consolation, surtout lorsqu'il tomba sur ces paroles : Celui qui me suit ne marche point dans les ténèbres. Dès lors il s'abandonna entièrement à la Providence, et il s'engagea dans cette voie nouvelle; s'il ne connaissait pas le but, il savait que la main qui le conduisait ne pouvait l'égarer. Cependant il n'était pas sans inquiétudes; mais M. de Benoît les dissipa en lui disant ces paroles

(1) Vle de M. Bertet.

(2) Le R. P. de Rians, Minime. Vie du P. d'Elienne, pag. 106.

de la Sagesse: Mon esprit est plus doux que le miel; elles suffirent pour lui rendre la paix. (1) Ce grand serviteur de la très-Sainte Vierge venait lui proposer un pèlerinage à Notre-Dame de SteGarde. Le pieux curé de St-Didier avait fait bâtir sous ce titre, sur le territoire de sa paroisse, une chapelle qui devenait de jour en jour plus célèbre à cause des prodiges qui s'y opéraient par l'intercession de la Sainte Vierge. Le pèlerinage ne se fit point alors, mais Ste-Garde était le lieu où Dieu voulait M. Bertet. M. de Varie fit de vains efforts pour l'en détourner. Il alla avec M. de Blane trouver le P. d'Étienne qui leur répondit: « Si ce que j'ai dit vient de Dieu, M. Bertet sera ferme; s'il en est autrement, vous êtes trente à quarante personnes, il vous sera facile de renverser ce qu'a dit un pauvre religieux. » Cette réponse fut loin de calmer les esprits. On ne connaissait pas les secrets arrangements de la Providence: les prêtres qui dirigeaient le Séminaire de St-Charles, les personnes respectables en science et en piété dans Avignon n'avaient reçu aucune lumière sur le dessein que Dieu avait formé et dont il préparait l'exécution. Cependant M. Bertet sortit de la maison de St-Charles, persuadé que telle était la volonté de Dieu. Il ne voulut pas retourner dans sa famille, préférant passer un certain temps dans une disette si grande qu'il était réduit à vivre au pain et à l'eau. Ce fut au milieu de ces épreuves qu'il reçut le don des larmes et celui d'oraison si sensibles qu'il s'unissait intimement à Dieu: faveur qui dura dix ans. C'est ainsi qu'il se prépara à l'œuvre pour laquelle Dieu l'avait principalement appelé, et dont nous allons rapporter les premiers commencements.

(4) Patiebatur tunc temporis graves animi anxietates R. P. Laurentius Bertet qui jam a R. P. Hyeronimo d'Etienne audierat debere se a Seminario Aven. S. Caroli recedere. Accedit ad ipsum D. D. Benoit, et illud Sapientiæ dicens: Spiritus meus super mel dulcis, patientis subito pacavit animum, et in eam pacem restituit, quam expertus dudum non fuerat. Agitur statim de fovenda vera in Christo et Maria amicitia, proponitur in ejus honorem pia peregrinatio, ad quam D. Bertet impulsu sane divino fortiter hoc ipso tempore movebatur nesciens quo tenderet. Peregrinationis terminum, juxta divinæ voluntatis propositum demonstrat D. Benoit, et venit tandem hora qua amicum suum jam sacerdotem venerabili servo Mariæ præfato Alexandro Martin præsentavit, anno scilicet 1698 mense septembri. Et R. Patris Sauveur ejusdem ordinis Recollectorum in sanctitatis odore postea defuncti consiliis et piis monitis sæpius instructus, fundatorisque nostri et primi solitarii verbo et exemplo confirmatus, ordinatus est 1701. (Ex Arch. PP. a S. Custodia.)

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Notre-Dame de Ste-Garde. M. Martin Le Père Albert. Le Père

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Apparitions miraculeuses.

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M. Bertet, supérieur des Gar

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minaire de Ste-Garde.

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La peste à Avignon, à Carpentras, à Cavaillon. Précautions prises par le Recteur du Comtat. — Concile d'Avignon.

- Fondation des Augustines à Caromb,

des Sacramentines à Bollène.

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Pendant que M. Bertet se préparait dans la solitude à accomplir les desseins de la Providence, M. Martin érigeait la chapelle de Notre-Dame de Ste-Garde, et faisait bâtir la maison destinée à servir d'asile aux Missionnaires que le ciel lui avait promis. Ce saint prêtre, zélé serviteur de Marie, avait élevé autour du territoire de sa paroisse, quinze oratoires où se trouvaient représentés en bas-reliefs les Mystères du Rosaire. Arrivé à celui de l'Ascension, des faits prodigieux le portèrent, d'après l'avis de personnes pieuses, entre autres de M. d'Andrée chanoine de Carpentras, à faire bâtir, au lieu d'un simple oratoire, une chapelle à la Sainte Vierge invoquée sous le titre de Notre-Dame de Ste-Garde. Rien ne se fit sans l'aveu de l'autorité, et Monseigneur Lascaris qui avait succédé à M. de Fortia sur le siége de Carpentras, envoya son grand vicaire pour bénir cette chapelle en 1666. Les prodiges qui ne cessèrent d'arriver, attirèrent un grand concours de peuple dans le pieux sanctuaire, et rendirent le respectable curé plus attentif que jamais à étudier les desseins de Dieu.

Ce saint prêtre était né à Robions (9 juin 1630) diocèse de Cavaillon, d'une famille de cultivateurs pauvres mais craignant Dieu. (1) La peste qui ravagea la Provence peu de temps après, lui fit perdre son père. Son aïeul le prit au berceau, et l'emporta dans les champs afin de lui sauver la vie. Sa mère s'étant remariée, sa famille le conduisit à Cavaillon et le confia à un proche parent qui lui donna une éducation chrétienne. Il correspondit à ses soins et, dès l'âge de sept ans, on vit en lui une horreur extrême pour tout ce qui pouvait blesser la modestie. Dieu lui fit connaître dès lors le prix de la vertu, et combien il lui importait de profiter des conseils qu'on lui donnait pour le bien de son âme. Une femme véritablement chrétienne l'aperçut un jour, jouant avec sa petite fille; elle lui dit avec beaucoup de gravité qu'elle le trouvait mauvais. Il n'en fallut pas davantage; l'enfant se retira en silence, et cette leçon se grava si bien dans son âme que depuis il garda toujours une réserve extrême. Quelque temps après, sa vertu fut exposée à un plus grand danger: il en triompha par cette horreur secrète que Dieu avait mise en Jui pour tout ce qui peut blesser la modestie. Docile aux inspirations de la grâce, il conçut beaucoup d'attrait pour la mortification et un amour tendre pour Jésus souffrant. A l'âge de neuf ans, il jeûnait plusieurs fois par semaine en carême, et tous les vendredis de l'année. Il se séparait souvent de ses compagnons, et il allait visiter les pieux oratoires que le vénérable César de Bus avait fait ériger sur le chemin qui conduit à l'ermitage de St-Jacques. Il entrait dans la cellule de ce grand serviteur de Dieu, il recueillait les pieux souvenirs qui s'y trouvaient encore empreints, et il s'enivrait de la bonne odeur de ses vertus. Il descendait de la montagne pénétré de ces saintes pensées, et, rentré dans la maison de son père nourricier, il se rangeait sous les lois de l'obéissance dont il ne s'écarta jamais.

Ses parents, témoins de ses heureuses dispositions, et sachant d'ailleurs qu'il pouvait réussir dans les sciences, n'oublièrent rien pour lui faciliter les moyens de s'instruire. Ils obtinrent pour lui de M. de la Bourdezière, évêque de Cavaillon, une place d'enfant de chœur. Dès lors il passa sous la direction du prêtre

(1) Vie de M. Martin, par un P. de Ste-Garde.

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