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eux dans le cloitre. Le prieuré de la Trinité de l'Isle leur était adjugé pour l'entretien de ces jeunes élèves. La maîtrise resta, comme auparavant, composée d'un maître de musique et de quatre enfants de chœur qui étaient logés dans le cloître, ainsi que le sacristain. Il y avait encore un sonneur de cloches payé par le Chapitre.

Cette réforme du Chapitre fut l'acte le plus important de l'épiscopat de Louis Passer. Ce prélat eut pour successeur (1504) Bernardin Gambera qui ne fit que passer sur le siége de Cavaillon. Il n'est connu que par l'union du prieuré de Ste-Anne de Mérindol au Chapitre. Jean-Baptiste Pallavacini lui succéda. (1506) Il était d'une ancienne famille de Gênes et neveu du célèbre cardinal de Ste-Praxède. Il s'appliqua de bonne heure à l'étude et il se distingua par ses talents. Il joignait aux charmes de l'éloquence et à la solidité du jugement, l'aménité des mœurs et toutes les autres vertus sociales. Élève du célèbre Décius, qui enseignait le droit avee tant de réputation à Padoue, il passa par tous les grades du barreau; il fut abbé de St-Michel et de St-Antonin, et enfin évêque de Cavaillon, du vivant de son oncle qui ne mourut qu'un an après. (1507) Il assista au Concile de Latran (1512), et il s'y distingua tellement que cinq ans après. Léon X, sans aucune sollicitation, ni faveur, mais de son propre mouvement, le décora de la pourpre romaine et l'employa dans les affaires les plus importantes. Adrien VI et Clément VII l'honorèrent également de leur confiance. Il se montra si attaché à son église qu'il voulût en porter le nom et être appelé le cardinal de Cavaillon. (1) Il mourut âgé de 44 ans et il fut enseveli à Rome, dans l'église de Ste-Marie-du-Peuple, où se trouve son tombeau.

Cependant l'horizon de l'Église s'assombrissait de plus en plus depuis le commencement du XVIe siècle : le grand schisme d'Occident, les désordres qui en furent la suite, l'ignorance et la corruption du clergé, ses biens considérables, objet de la convoitise des grands, les contestations en matières bénéficiales, les parlements immiscés dans les affaires ecclésiastiques, les ti

(1) C'est ce que nous apprend une longue inscription gravée sur son tombeau. On y lit: Joanni Baptistæ Pallavicini Gennensi S. R. E. ac titulo S. Apollinaris, cardinali Cavallicensi.....

raillements qui en résultaient, toutes ces causes avaient fait perdre au clergé la considération qui lui était due; à l'autorité son prestige; à l'Église le respect pour ses décisions. L'esprit de révolte se glissait parmi les populations, à la faveur des luttes engagées entre le pouvoir civil et le pouvoir ecclésiastique. La France, qui devait à l'Église son agrandissement et cette prépondérance qu'elle prenait sur tous les États formés du démembrement de l'Empire, vit à peine sa puissance s'étendre des Alpes aux Pyrénées et de la Méditerranée à l'Océan, qu'elle suscita aux Souverains Pontifes de nouveaux obstacles. La pragmatique sancLion de Charles VII, si fameuse dans l'histoire, et véritable source de toute notre jurisprudence gallico-canonique, fut la cause de beaucoup de calamités. Sans doute un pareil instrument entre les mains de Saint Louis, qui en est réputé le premier auteur, était un bienfait pour l'Église; mais il n'en fut plus de même lorsqu'il passa dans celles d'un prince qui était loin d'avoir sa piété; à plus forte raison lorsque des légions d'avocats s'en emparèrent. C'est ce qui arriva à l'époque où nous sommes parvenus. De là les résolutions de l'assemblée de Bourges (1438), les réclamations du Concile de Bâle, et plus tard la lutte engagée à l'occasion de l'évêque d'Orange entre Jules II et François I, que Léon X termina par un concordat, qui tout en modifiant la pragmatique en laissa subsister les principaux articles.

Telle était la situation au commencement du XVIe siècle: l'Europe se trouvait sur un volcan; l'explosion était imminente, une étincelle pouvait la faire éclater. Il suffisait d'un homme assez hardi pour s'emparer de toutes les haines fomentées contre l'Église, les systématiser et s'en faire des armes pour l'attaquer, et, s'il était possible, la renverser. Cet homme se rencontra: ce fut Luther, Saxon d'origine, Augustin de religion, prédicateur de profession. Outré de voir Léon X confier à d'autres qu'à ceux de son Ordre le soin de prêcher les indulgences en faveur de la croisade contre les Turcs qui ne cessaient de menacer l'Italie et Rome, il s'éleva d'abord contre l'abus des indulgences et bientôt emporté par son caractère fougueux, il s'éleva contre les indulgences elles-mêmes, leur utilité et le pouvoir de l'Église qui les accorde. Hardi, violent, impétueux, il ne manquait pas d'une certaine érudition, et il était éloquent surtout lorsqu'il décla

mait contre les vices des ccclésiastiques et le luxe des prélats. (1) C'est par là qu'il soulevait les masses peu accessibles aux arguments métaphysiques, mais comprenant fort bien l'orateur, lorsqu'il leur montrait les biens de l'Église comme une proie facile à saisir. Les seigneurs mêmes n'étaient pas insensibles à ces déclamations, eux qui prétendaient leur part au butin. Ils encouragèrent d'abord le hardi novateur, mais ils changèrent bientôt de conduite lorsqu'ils virent les paysans d'Allemagne les confondre avec les ecclésiastiques et les assommer dans leurs châteaux. Ils forçèrent le fougueux Saxon à changer de thèse et à modifier sa doctrine. Il le fit: personne n'est plus docile aux caprices des princes que l'homme rebelle à l'Église. Dès lors la doctrine de Luther fut du goût des peuples et des grands, et se propagea d'une extrémité de l'Europe à l'autre. On se souvint dans nos pays que le fameux hérésiarque les avait visités (2); mais alors, simple moine, il n'avait pas encore levé l'étendard de la révolte. Cependant c'était toujours le même homme, avec son orgueil indomptable, son éloquence échevelée qui s'inspirait du génie du mal, et son entêtement qui avait ses racines dans les profondeurs de l'enfer. Nous allons voir les calamités qu'il causa dans nos pays. Reprenons les choses de plus haut.

La famille de Médicis dominait depuis longtemps à Florence; Cosme et Laurent avaient successivement élevé bien haut sa gloire, Léon X et Clément VII lui donnèrent encore plus de splendeur. Avignon en reçut un éclat tout particulier, car depuis que cette ville était devenue le séjour des Papes et la seconde Rome, il semblait qu'il n'arrivait rien de glorieux à l'ancienne que la nouvelle ne s'en ressentit. Hippolyte de Médicis, si vanté par Sadolet, Paul Jove et Garimbert, fut nommé archevêque d'Avignon (1527) et créé cardinal par son oncle Clément VII (1529), qui voulut bien confirmer à lui et à ses successeurs la juridiction qu'ils avaient sur la ville d'Avignon et sur tout le

(1) Bossuet. Hist. des Variat.

(1) Luther passa à Pernes probablement, en 1510. lorsqu'il fut envoyé de Wittemberg, où il était professeur de l'Université, à Rome. pour les affaires de son Ordre. Il fut logé dans le couvent des Augustins « dont les registres, dit Gilberti, faisaient foi qu'à l'occasion de l'arrivée de ce moine allemand, on avait augmenté l'ordinaire d'une éclanche de mouton. » (Gilbert. Hist. de Pernes, tom. 1. ch. 5. MS. de Carpent.)

Comtat Venaissin, en sorte que personne, pas même le ViceLégat, ne pouvait connaître des affaires de l'archevêché en première instance. (1) Ce prélat tint le siége d'Avignon, environ huit ans, et eut pour successeur Alexandre Farnèse, (1535) fils du duc de Parme, cardinal du titre de St-Laurent et vice-chancelier de l'Église Romaine, qui après avoir passé par tous les degrés de la hiérarchie, parvint au Souverain Pontificat et régna sous le nom d'Innocent IX.

Le siége de Carpentras était alors gouverné par Jacques Sadolet, cardinal, si recommandable par sa probité, si connu dans la république des lettres parmi cette brillante pléiade de beaux esprits de la Renaissance. Assurément si l'étude des anciens avait toujours été dirigée selon les principes qu'il suivit et qu'il donne dans son beau traité de l'éducation (2), on n'aurait pas à déplorer les funestes effets de la Renaissance. Il naquit à Modène de parents honorables: son père, Jean Sadolet, habile jurisconsulte, jouissait d'un grand crédit auprès d'Hercule, duc de Ferrare, où il enseignait le droit avec beaucoup de réputation. Il ne négligea rien pour donner à son fils une éducation brillante et solide. Nicolas Léonicène se distinguait parmi les docteurs de Ferrare: le jeune Sadolet l'entendit expliquer les livres d'Aristote sur les mœurs, et fit des progrès si rapides qu'à l'âge où les autres enfants apprennent encore les langues, il connaissait les préceptes des plus illustres philosophes. Son père aurait désiré lui voir embrasser la carrière du barreau, mais il ne voulut pas le gêner dans ses goûts pour les études littéraires. Cicéron et Aristote étaient ses auteurs favoris; il puisait chez le premier des philosophes la connaissance des choses, et chez le père de l'éloquence latine l'élégance et l'abondance du discours. Il n'eut pas moins de goût pour la poésie: plusieurs poëmes composés dans sa jeunesse montrent combien il aurait pu y exceller. (3)

Rome était alors le centre des beaux-arts: Sadolet, âgé de 22 ans, s'y rendit afin de s'y perfectionner. Il eut ses entrées libres chez le cardinal Olivier Caraffa, qui tenait son palais ou

(1) La Bulle est de l'an 1530. F. Nouguier la rapporte en entier.

(2) Il vient d'être traduit (1855) par M. Charpenne, secrétaire général de la Préfecture de Vaucluse.

(3) Ant. Florebell. Vita Jacob. Sadolet.

vert à tous les savants. Il gagna les bonnes grâces de Frédéric Frégose, plus tard archevêque de Salerne. Il devint même son commensal, après la mort du cardinal Caraffa. C'était sous la protection de ces sages prélats que Sadolet cultivait les sciences. La douceur de son caractère et l'intégrité de ses mœurs le faisaient aimer; ses manières simples et dégagées de toute ambition, ne portaient ombrage à personne; content de mériter la confiance de ces illustres amis, il cédait à d'autres leurs bienfaits. Son collègue de littérature et son ami particulier était Pierre Bembo, noble Vénitien, bel esprit, très-aimable, mais désireux de faire fortune. Ces deux hommes écrivaient et parlaient la langue latine, comme s'ils étaient nés sous le règne d'Auguste. Leurs talents attirèrent l'attention de Léon X qui voulut se les attacher; il les prit pour ses secrétaires, et ils lui firent honneur.

Sadolet passa plusieurs années auprès de ce Pontife, sans demander aucune grâce pour lui-même, mais fort attentif à s'employer en faveur de ceux qui les méritaient. On lui offrit des présents considérables, et il ne les reçut jamais, plus sensible au plaisir d'obliger, sans espoir de récompense, que les autres ne sont flattés du retour qu'on leur témoigne, et des biens qu'on leur rend pour ceux qu'ils ont promis. (1) Léon X lui proposa des bénéfices qu'il refusa constainment; mais, en 1517, durant un voyage qu'il faisait à Notre-Dame-deLorette, pour s'acquitter d'un vœu, l'évêché de Carpentras étant venu à vaquer, le Pape le promut à ce siége et lui donna ordre de l'accepter, sans quitter la charge qui le retenait à Rome. Il obéit, et il se vit obligé de faire gouverner son Église par des grands vicaires, jusqu'à la mort de Léon X. L'élection d'Adrien VI fut l'époque de sa liberté et de sa résidence à Carpentras. Il y parut pour la première fois (1522), et pendant près de vingt-trois ans, il s'en éloigna le moins qu'il put. Étant même cardinal, il terminait promptement les affaires qu'il avait à Rome, et il retournait dans son diocèse, dont il chérissait les peuples comme ses propres enfants. « J'aime, disait-il dans une de ses lettres, cette Eglise et cette ville de Carpentras, que Dieu m'a

(1) Ant. Florebell. in ejus vita.

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