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prêté serment ou qui pourraient le prêter, et tient à leur égard la même conduite qu'envers ceux de France où avait pris naissance cette constitution, partie hérétique, partie schismatique, et si opposée aux règles de la discipline ecclésiastique. Il soumet les assermentés aux mêmes peines canoniques contenues dans la bulle du 13 avril 1791 adressée aux cardinaux, aux archevêques et évêques, aux chapitres, au clergé et au peuple de France. Il leur en envoie plusieurs exemplaires afin qu'ils puissent en prendre connaissance et régler là-dessus leur conduite. Il déclare nuls, illégitimes et sacriléges tous les actes, n'importe le titre, faits à Avignon, à Carpentras ou ailleurs, dans le but d'embrasser ou d'exécuter expressément ou tacitement la constitution civile du clergé, en tout ou en partie. (1) Par conséquent, l'arrêté du 8 octobre 1790 par lequel le Conseil municipal d'Avignon avait osé avec non moins de témérité que d'impiété, obliger l'Archevêque de cette ville et tout son clergé à prêter le serment sous peine d'être destitués, est déclaré nul, sacrilége et de sa nature schismatique. (2) Il condamne comme impie et sacrilége l'élection de Malière. En effet, c'était moins un acte ecclésiastique qu'une expédition militaire, et sa prise de possession faite avec l'appui de la force armée rappelait les temps désastreux où Saint Athanase était chassé de son siége par le conciliabule de Tyr, présidé par un comte qui portait la parole au milieu des Pères gardant le silence, ou plutôt se montrant les plats valets du prince séculier, et acceptant servilement ses décisions au licu d'imposer les leurs. Une pareille assemblée mérite plutôt le nom de conseil diplomatique que de synode. (3) La nullité de l'élection entraîne nécessairement celle des actes qui en sont les suites, et les destitutions faites par Malière n'avaient aucun effet. Mais quelque coupable que fût ce prêtre, l'Église est toujours mère et ne frappe que pour corriger. Le Souverain Pontife se contente de le déclarer suspens de toute fonction sacerdotale, lui

(1) Apostolica nostra autoritate declaramus irritos, illegitimos et sacrilegos actus omnes quocumque demum nomine, tum Avenione, tum Carpentoracti, tum alibi facti ad amplectandam exequendamque tam tacite quam expresse civilem cleri constitutionem universam sive ejus tantummodo partem. (Ibid.)

(2) Super omnia rescindimus atque abolemus editum diei 8 oct. 1790... irritum atque sacrilegum suapte natura idoneum schismati invehendo. (Ibid.)

(3) Negotium imperatorium non synodale. (S. Athanas. Apol. pro fuga sua.)

déclarant qu'il tomberait dans l'irrégularité s'il osait en exercer aucune. Le P. Mouvans fut atteint de la même peine. (1) Il ordonne ensuite au clergé et aux fidèles d'Avignon de s'éloigner des intrus, et de se tenir attachés à leurs légitimes pasteurs, quoi qu'il puisse arriver, quand même leur évêque et leurs curés seraient obligés de s'éloigner. Dans ce cas, l'évêque doit veiller du mieux qu'il le peut aux besoins de son troupeau. (2) Il rappelle aux peuples qu'ils ne peuvent point sous prétexte de violence et de nécessité se soustraire à l'obéissance qu'ils doivent à leurs légitiines pasteurs, et il les renvoie à la décision de la Sorbonne du 25 février dernier faisant règle sur ces matières. (1791)

Passant ensuite aux choses civiles, le Souverain Pontife rappelle les négociations ouvertes avec Paris, et, attendant une conclusion quelconque, comme prince séculier en vertu de sa suprême et légitime puissance, il déclare nuls tous les actes faits à Avignon et à Carpentras ou ailleurs contre ses droits souverains, et surtout les délibérations qui tendent à soustraire le pays à la domination du Saint-Siége. « Ces délibérations, poursuit-il, le roi très-chrétien, notre cher fils en Jésus-Christ, et l'illustre peuple français ne peuvent les approuver, pas même les discuter, sans violer les droits les plus sacrés des nations, ainsi que nous l'avons déjà déclaré au roi (3). Il condamne ensuite la prétention des Avignonais de vivre en république, et cette ardeur fébrile que l'on mettait à abandonner les lois antiques pour recevoir les nouveaux décrets. Il condamne les séditions qui ont éclaté et tous les actes de violence dirigés contre le Vice-Légat et le Recteur à la suite desquels ces hauts fonctionnaires avaient été obligés de se retirer. Il rappelle ses réclamations auprès du roi et son manifeste aux cours de l'Europe qui avaient garanti les traités. Enfin, il invite ses sujets restés fidèles, à se séparer des factieux, et ces derniers à rentrer dans le devoir; mais il lui fut impossible d'arrêter le mouvement, et les

(1) Ipsum declaramus ab ordine sacerdotali suspensum. (Ibid.)

(2) Erit itaque onus Archiepiscopi suas oves regere et proborum parochorum subsidio suo populo suppeditare quo meliori poterit modo. (Ibid.)

(3) Deliberationes, inquimus, quos charissimus in Christo filius noster rex christianissimus una cum inclyta natione sua non modo probare nequit, sed in disceptationem quidem vocare, absque eo quod sanctiora gentium jura lædantur. (Ibid.)

choses tant civiles que religieuses continuèrent à être boulever

sées.

Cependant la religion catholique était toujours professée publiquement dans Avignon: la faction dominante voulut en faire un acte solennel, le jour de la Fête-Dieu (23 juin 1791). Monseigneur Giovio était absent et le clergé fidèle persistant à refuser le serment, était réduit à se cacher. L'abbé Malière se concerta avec les hommes du parti, et il fut résolu de donner à cette solennité le plus de pompe possible. La paix était conclue entre Avignon et Carpentras, ou plutôt le pouvoir papal venait d'expirer dans la capitale du Comtat, et les commissaires français en avaient, la veille, constaté la fin. C'était pour célébrer cet heureux événement autant que pour se conformer à l'antique usage que Malière résolut de faire la procession de la Fête-Dieu avec beaucoup de pompe; mais cela n'était pas facile, n'ayant que cinq ou six prêtres assermentés. Tout le clergé fidèle, groupé autour de M. Roux, supérieur du Séminaire, refusait de prendre part à cette cérémonie. Il était sur le point d'y renoncer, lorsqu'une idée lumineuse lui fut suggérée par la municipalité. Parmi les médiateurs venus de Paris (1er juin 1791), se trouvait un prêtre, l'abbé Mulot, docteur en théologie, membre de plusieurs sociétés savantes. On lui offrit de porter le Saint-Sacrement, et it n'eut pas honte d'accepter, lui dont la dépravation notoire excitait l'indignation publique. La même fête fut célébrée dans toutes les principales villes du Comtat, où s'étaient rendus par ordre supérieur divers détachements de l'armée de Monteux. Les soldats dirigés sur Cavaillon arrivèrent tout couverts de poussière, ayant pour havre-sacs des besaces de toile et portant écrit sur leurs chapeaux: Vivent les braves brigands de l'armée de Monteux. Ils assistèrent en cet état à la procession. Les prêtres qu'ils escortaient ressemblaient moins à des lévites remplissant d'augustes fonctions qu'à des victimes conduites au supplice. Cette procession fut la dernière cérémonie religieuse que l'on fit avec quelque pompe dans le Comtat. Les jours devinrent de plus en plus mauvais, et l'anarchie arriva à son comble.

La paix signée entre Avignon et Carpentras venait d'être ratifiée, et l'armée de Monteux rentrée à Avignon fut licenciée. Un décret de l'Assemblée nationale (4 juillet 1791) approuva la

conduite des commissaires et les autorisa à prendre toutes les mesures convenables pour assurer l'exécution des articles préliminaires de la paix. Dès ce moment, les médiateurs n'eurent plus de retenue, et dans toutes les communes du Comtat les honnêtes gens furent désarmés et obligés de se soumettre aux caprices des patriotes exaltés. Le 8 juillet, devait avoir lieu à Avignon, dans l'église des Carmes, une assemblée pour délibérer sur la réunion et pour élire l'état-major de la garde nationale. Les brigands s'y rendirent en armes et menaçèrent de couper la gorge à tous ceux qui voteraient en faveur du pape. Ces violences, et beaucoup d'autres que toléraient les médiateurs, firent remettre l'assemblée au 14 juillet, jour où la fureur ne fut pas moindre. Le 26 juillet, les brigands licenciés montèrent à la commune et demandèrent leur salaire. On le leur refusa; ils pénètrèrent dans la salle, le sabre à la main, et menaçèrent de mettre tout à feu et à sang. Il fallut les satisfaire, car les commissaires se rangèrent de leur côté, et le 29 juillet menacèrent de punir la municipalité de sa résistance. Le 10 août, ils réintégrèrent dans les fonctions de juge national, Raphel cadet, à la place de Costaing, et cet acte de despotisme fut le prélude des événements tragiques qui épouvantèrent la cité. Un emprunt de 60,000 fr. fut contracté par la commune. Le 13 juillet, les brigands se présentèrent de nouveau demandant leur salaire; Lécuyer, à défaut d'argent, leur donna des promesses. Ils revinrent le 15 et le 17 du même mois; Jourdan coupe-tête était avec eux; on les paya (21 août). Bientôt l'émeute éclata, Jourdan envahit le Palais, fit braquer des canons chargés à mitraille à toutes les issues, l'administration de la commune fut renvoyée et les patriotes, maîtres de la ville, se livrèrent à toute sorte de violences. Les officiers municipaux, les magistrats dévoués à la cause publique et dix-huit habitants parmi lesquels se trouvait le fils Niel, imprimeur, se virent arrêter et jeter en prison. Les maisons des émigrés furent livrées au pillage, et les biens du clergé encore une fois menacés. Peu de jours après, un arrêté enjoignit aux communautés religieuses de donner un état fixe de leurs revenus, afin qu'on pût assigner làdessus une pension à chaque fonctionnaire public et autres: celles qui avaient moins de six religieux étaient supprimées; les autres conservaient la gestion de leurs biens moyennant pension; le

surplus devait être versé dans le trésor national de Vaucluse. Des commissaires se transportèrent dans plusieurs couvents, entre autres à la Chartreuse de Bonpas, afin de recevoir les déclarations des religieux qui voulaient sortir. Toutes les personnes soupçonnées d'être favorables à Rome, étaient maltraitées de toutes les manières. Du 20 au 25 août des horreurs eurent lieu à Avignon: les médiateurs français en furent témoins et s'y montrèrent indifférents.

Une commission de cinq membres composée d'un charcutier, d'un boulanger, d'un fabricant de bas, d'un taffetatier et d'un prêtre, fut chargée, sous le nom d'administration provisoire, de remplacer la municipalité d'Avignon. Lécuyer continua à être secrétaire. Une taxe de 300,000 fr. fut imposée à la ville. Le 27 août, douze prisonniers furent élargis. Jourdan, commandant du Palais, s'installa dans l'appartement du Vice-Légat. Les Inédiateurs quittèrent Avignon, qui se trouva entièrement livré à l'anarchie. Il serait difficile de rendre un compte exact des exactions qui furent commises. Les cloches furent vendues à vil prix, et l'emploi des sommes qui en provinrent, détourné au profit de quelques patriotes, ne put être justifié que d'une manière peu satisfaisante. Une malle d'argenterie déposée au Mont-dePiété, venait d'être enlevée. Les membres de la commune soupçonnés mandèrent Lécuyer, sans lequel rien d'important n'était décidé. Il partit de sa maison située à la Carréterie. Mais arrivé près du Portail Matheron, il fut accosté par plusieurs personnes qui le pressèrent d'aller aux Cordeliers. Il voulut s'en défendre, quatre fusiliers l'entourèrent et le forcèrent de marcher. Arrivé dans cette église, il monta dans la chaire pour répondre aux questions qui lui étaient adressées. Il le fit d'abord avec beaucoup de sang-froid et de lucidité. Mais tant d'accusations s'accumulaient à la fois, qu'il s'embrouilla dans sa défense, se troubla, descendit de la chaire et chercha à s'évader. Des cris sinistres se firent entendre. On lui barra le passage, on l'entraîna jusque dans le chœur où, épuisé d'émotions et de fatigue, il fut obligé de s'asseoir dans une stalle. Il se releva toujours poursuivi par la foule; il allait s'échapper par une porte secrète, lorsque passant devant le maître-autel, il fut arrêté par plusieurs individus dont un lui assena un coup de sabre sur la tête. D'autres suivirent

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