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du martyre pouvaient seuls soutenir les prêtres dans ces circonstances où pour dernier trait de ressemblance avec les temps des plus cruelles persécutions, toutes les ressources destinées à l'entretien des ministres des autels, se trouvaient renfermées dans le fond inépuisable de la Providence. Comptons avec une parfaite assurance, dit le Délégué général, sur les soins attentifs qu'elle prend de ceux qui mettent en elle toute leur confiance. Jésus-Christ nous assure qu'en remplissant notre mission, nous ne manquerons jamais du nécessaire. » Après avoir cité les paroles de l'Evangile, il s'adresse aux chefs de paroisse, c'est-à-dire aux pieux laïques qui suppléaient à ce que les prêtres ne pouvaient pas absolument faire. « O vous que nous nous proposons d'associer au mérite de notre ministère, en vous faisant partager notre sollicitude pastorale, chefs des paroisses, quand Vous solliciterez auprès des fidèles des secours temporels en faveur des ministres de l'Eglise, ou que vous voudrez les porter à leur offrir un asile dans leurs maisons, montrez-leur le prix inestimable dont Jésus-Christ a promis de payer leurs bienfaits. Représentez-leur le sort terrible dont il les menace, si une crainte humaine, ou une sordide avarice les empêchait de remplir envers ses Envoyés les devoirs de l'hospitalité. Les paroles de notre divin Maître que vous leur rappellerez, semblables à une semence qui tombe sur une terre féconde, porteront des fruits abondants. » (1)

Un mal plus grand attaquait encore l'Église : l'esprit d'indépendance, de discorde et de schisme, fruit des dernières erreurs, avait envahi certains membres du clergé. C'est par là surtout que la philosophie espérait de renverser la religion. Pour déjouer ses détestables projets, les ministres de l'Évangile devaient se rallier sous l'étendard de l'autorité légitime, et regarder comme un de leurs plus importants devoirs, l'obéissance canonique. Une famille dont chaque membre voudrait gouverner tomberait dans le plus affreux désordre; il en serait de même d'un diocèse où chaque prêtre ne prendrait que sa volonté pour règle de sa conduite. Une juste subordination peut seule y faire régner l'ordre, et l'obéissance raisonnable à un chef est seule capable de réunir les efforts des ouvriers évangéliques, de les diriger vers un but commun,

(1) Règlement pour le diocèse d'Orange, pag. 23.

et de porter des secours spirituels partout où ils sont nécessaires. Le supérieur ecclésiastique a reçu de Jésus-Christ l'autorité nécessaire pour maintenir la religion, faire fleurir la piété, et procurer aux fidèles les moyens de sanctification qui dépendent du ministère sacerdotal. Les prêtres doivent donc lui obéir. Le titre qui attache un prêtre à une paroisse particulière n'est fondé que sur une loi commune, qui cède à la loi impérieuse et irrésistible de la nécessité. Ce prêtre est donc obligé, dans ces temps de calamités, de donner ses soins à d'autres paroisses que la sienne, si l'ordre du supérieur l'appelle, et si le bien de la religion le demande. Ces considérations étaient nécessaires pour faire accepter avec soumission un règlement qui tout en ayant été dressé en vue de la gloire de Dieu, du bien de l'Église et de la sûreté personnelle des prêtres, ne laissait pas que d'avoir des dispositions gênantes et de créer un nouvel ordre de choses.

Ce règlement détermine les pouvoirs et les obligations des prêtres approuvés, et porte : I. Afin qu'aucun prêtre ne s'ingère de lui-même dans les fonctions du saint ministère, et que les fidèles ne soient pas exposés à être trompés dans une matière si importante pour le salut, les approbations seront signées de la main du Délégué général de l'Administrateur apostolique et munies du sceau du diocèse (1). II. Les curés titulaires auront droit d'exercer tous les pouvoirs accordés aux prêtres qui n'ont qu'une juridiction déléguée. III. Tout prêtre approuvé pourra exercer le saint ministère dans toute l'étendue du diocèse sauf le droit des curés, et absoudre de tous les cas sauf l'apostasie, l'intrusion et les irrégularités provenant du mariage des prêtres, cas spécialement réservés au Saint-Siége. IV. Ils pourront accorder l'indulgence plénière à l'article de la mort; V. commuer les vœux simples; VI. bénir les linges et ornements sacrés; VII. dire la messe dans des lieux non bénits, VIII. mais en se conformant aux rubriques pour l'heure, sauf les cas où l'utilité des fidèles ou la sûreté des personnes exigeraient qu'on fit autrement. IX. Le calice, la patène, les ornements et l'autel portatif sont absolument nécessaires pour dire la messe. X. On ne doit jamais le faire sans avoir une soutane d'une couleur décente et modeste. XI. Elle est

(1) Ce sceau portait l'empreinte d'un agneau immolé avec la légende: DIOCESE D'ORANGE.

encore nécessaire pour administrer les sacrements, excepté le cas de nécessité. XII. Tous les prêtres employés dans le ministère étant solidairement chargés de la conduite du troupeau de JésusChrist, les curés ou desservants d'une paroisse regarderont comme un devoir de venir au secours d'une autre, quand on les y appellera, pour remplir des fonctions nécessaires. XIII. Ils pourront même desservir habituellement une autre paroisse, lorsqu'on jugera qu'il y a plus d'utilité pour les fidèles, ou moins de danger pour eux. XIV. On doit ondoyer les enfants lorsqu'on se voit forcé de différer les cérémonies du baptême. XV. Quand un enfant a été baptisé par un prêtre schismatique, ignorant ou impie, on doit s'informer des personnes qui ont assisté au baptême, de quelle manière il a employé la matière et la forme, et dans le doute si le baptême est valide, réitérer le sacrement sous condition. XVI. On doit en faire autant lorsqu'on supplée les cérémonies du baptême, de peur que la précipitation, le trouble ou toute autre cause n'aient porté à omettre quelque chose d'essentiel. XVII. Chaque prêtre aura dans son domicile la Sainte Eucharistic en réserve, pour la communion des malades. S'il n'a pas une custode en argent pour garder les hosties consacrées, il les mettra dans un corporal. La Réserve sera placée en un lieu décent et dans une armoire fermée à clef. Il n'est point nécessaire de tenir devant le Saint-Sacrement une lampe allumée.

Les prêtres qui ont prêté le serment condamné par le Pape et qui ne l'ont pas rétracté dans le temps marqué; les intrus ; ceux qui ont abdiqué leurs fonctions; ceux qui ont publiquement abjuré le christianisme; ceux qui se sont mariés; ceux enfin qui ont été ordonnés par des évêques intrus ne pourront être absous en vertu des pouvoirs accordés aux prêtres approuvés dans les articles précédents; l'absolution de leurs péchés et des censures qui y sont attachées, est spécialement réservée à l'Administrateur du diocèse et à son Délégué. XIX. Les prêtres coupables des délits énoncés dans l'article précédent, qui désireront en être absous, présenteront au Délégué général un tableau fidèle de tout ce que leur conduite à l'égard de la religion et de l'Église offre de répréhensible, afin que celui-ci puisse régler le mode de réparation qu'ils doivent en faire selon les dispositions du droit et les brefs apostoliques. XX. Une réparation

convenable est également exigée, avant de les admettre à la participation des choses saintes, des prêtres, religieux ou religieuses qui avaient prêté le serment Liberté, Égalité: (nous avons vu (1) qu'une controverse s'était élevée à l'occasion de ce serment, que Rome, plus tard, déclara licite.) XXI. Les laïques qui ont publiquement dévasté des églises, renversé des autels ou des croix, abjuré la religion chrétienne dans les clubs ou les temples de la Raison, ne doivent être réconciliés qu'après avoir manifesté leur repentir et réparé suffisamment le scandale.

XXII. Les époux qui ont fait divorce, suivant les nouvelles formes, soient qu'ils l'aient demandé, soient qu'ils aient seulement consenti par un acte positif, ne seront admis à la participation des sacrements, qu'après avoir reconnu devant un nombre suffisant de témoins, que le mariage des chrétiens est indissoluble. XXIII. On dispense de la publication des bans de mariage, et on recommande aux prêtres de prendre des informations exactes sur l'état des futurs époux. XXIV. Tout prêtre approuvé peut dispenser du temps prohibé; XXV. le Délégué général seul dispense des empêchements dirimants; il le fait sur la supplique dressée par un prêtre. XXVI. Tout mariage célébré hors de la présence du propre curé doit être regardé comme invalide, si le recours au curé a été facile et sûr; dans le cas contraire, le mariage est valide; dans le doute, on le réhabilitera. XXVII. Nul prêtre ne peut célébrer le mariage des personnes domiciliées dans une paroisse où il y a un curé à qui l'on peut avoir recours sans inconvénient. Tout prêtre approuvé peut bénir le mariage des personnes que lui adresse le Chef de la paroisse où elles résident. XXVIII. Chaque prêtre tiendra secrètement registre des mariages qu'il bénit. Il n'est pas nécessaire qu'il le fasse signer par les époux ou les témoins; il doit en faire de même pour les baptêmes. XXIX. Le casuel est aboli. Le prêtre ne recevra aucune offrande à l'occasion de l'administration des sacrements. XXX. II peut recevoir des honoraires de messe; le taux est fixé à douze sols. Le diocèse d'Orange fut divisé en trois archiprêtrés, Orange, Piolenc et Camaret. Les archiprêtres formaient le conseil ordinaire de l'Administrateur ou de son Délégué, qui ne devaient rien faire

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d'essentiel dans le gouvernement du diocèse, sans avoir demandé leur avis. Les archiprêtres étaient obligés de veiller sur la conduite des prêtres qui travaillaient dans les archiprêtrés, d'empêcher les prêtres non approuvés d'abuser de la confiance des fidèles, de prendre des informations sur les mœurs et la capacité des prêtres domiciliés dans leurs arrondissements et qui désiraient travailler au bien des âmes, pour en faire leur rapport au Délégué, distribuer les instructions, avis, permissions aux paroisses intéressées, étendre leur sollicitude sur chaque paroisse où il n'y avait ni curé, ni desservant; enfin choisir les Chefs de paroisse. V. Les ordres qu'ils donnaient avaient la même autorité que ceux du Délégué général. VI. Les prêtres d'un archiprêtré ne pouvaient pas, sauf le cas de nécessité, passer dans un autre sans en avoir prévenu l'archiprêtre. VI. Lorsque plusieurs paroisses manquaient de desservants, on plaçait un prêtre dans un point central afin qu'il pût les servir toutes avec moins de fatigue. (1)

L'établissement des Chefs de paroisses est particulier à cette époque désastreuse. La prudence ne permettait pas aux prêtres catholiques de se mettre sans précautions en relation directe avec tous les fidèles qui avaient besoin de leur ministère. Il était donc indispensable qu'il y eût dans chaque localité des laïques vertueux et zélés pour la religion, qui réunissant la confiance du prêtre et des fidèles, pussent entretenir entre eux une correspondance facile et sûre. C'est ce qu'on appela Chef de paroisse. Ils étaient sûrs d'avance qu'en acceptant cet emploi, on ne les chargerait de rien qui pût troubler l'ordre public, puisque l'Église n'oppose à ses persécuteurs d'autres armes que la prière, la patience et les bienfaits. I. Le Chef de paroisse était élu par l'archiprêtre, et il se choisissait lui-même un adjoint chargé de le remplacer. II. II veillait à ce qu'aucun prêtre inconnu ne fit des fonctions ecclésiastiques, et il vérifiait ses lettres. IV. Il chargeait des personnes pieuses de visiter les malades et de les préparer à recevoir les sacrements. Il avertissait les prêtres, et il les faisait accompagner par des guides fidèles, prenant tous les moyens que la prudence pouvait lui suggérer. IV. Le prêtre chargé du soin d'une ou de plusieurs paroisses, demeurait dans une maison bien choisie,

(1) Règlement pour le diocèse d'Orange, pag. 36.

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