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bres avaient respectivement prolongé l'ajournement de leurs

séances.

Les arbitres tinrent, du 15 au 19 juin, cinq conférences. La reine consentait à résider hors de l'Angleterre ; mais elle demandait pour qu'on ne pût tirer de cette condescendance aucune induction défavorable à son honneur, que son nom fût replacé dans la liturgie. Cette prétention fut rejetée par les arbitres du roi, 1°. parce qu'il avait été convenu d'abord que le roi ne rétracterait rien; 2°. parce que cette mesuré avait été prise indépendamment de l'enquête instituée devant le parlement, et que le chef de la famille royale avait le droit de l'ordonner dans l'exercice de sa prérogative. Une autre difficulté s'éleva sur le droit réclamé par la reine relativement à sa réception en cette qualité dans les cours étrangères et par les ambassadeurs britanniques près de ces cours.

Les conférences rompues, lord Castlereagh en apporta le procès-verbal à la chambre des communes. Quoique leur issue laissât peu d'espérance d'un accommodement, M. Wilbeforce jaloux d'arêter une procédure regardée généralement comme scandaleuse, inconvenante et nuisible à l'honneur et aux intérêts de la couronne et du royaume, annonça, le 20, qu'il ferait le lendemain une proposition fondée sur les papiers remis à la chambre. Il la présenta le 22'; il demanda que la chambre envoyât à la reine une députation pour lui exprimer ses regrets de ce que les tentatives pour une conciliation à l'amiable avaient échoué, et la supplier de vouloir bien se relâcher sur qulques-uns des points contestés, afin de donner par là une preuve nouvelle de son désir de soumettre ses dispositions à l'autorité du parlement.

La proposition fut combattue dans quelques-unes de ses parties, par M. Brougham, et par sir Francis Burdett qui prononça le discours le plus lumineux et le mieux raisonné que la chambre eût entendu dans cette occasion, et en même tems si modéré et si bien approprié à la conjoncture, qu'il lui valut les applaudissements de toute la chambre. Les ministres appuyèrent la proposition; elle fut adoptée par trois cent quatre-vingt-onze voix contre cent vingt-quatre.

Le 24, l'adresse fut présentée à la reine avec toutes les marques du plus profond respect. La reine répondit qu'elle était vivement touchée du ton affectueux de l'adresse ; qu'une conciliation eût été l'objet de ses vœux les plus chers; qu'elle savait bien qu'elle s'exposait au risque de déplaire à ceux qui

peut-être seraient bientôt juges de sa conduite; mais qu'elle se reposait sur leur intégrité et leur honneur; que comme sujette de l'État, elle se soumettrait avec déférence et même sans murmurer, à tout acte de l'autorité souveraine; mais que comme reine accusée et outragée, elle devait au roi, à elle-même et à tous ses cosujets, de ne consentir au sacrifice d'aucun privilége essentiel.

Depuis l'arrivée de la reine, il se passait tous les soirs à Londres des scènes de désordre. Le 7 et le 8 juin, lorsque la nomination du comité secret et la protestation de la reine eurent été connues, près de dix mille individus se portèrent dans le voisinage de l'Alderman Wood, où elle demeurait; ils forçaient les passants à ôter leurs chapeaux sous ses fenêtres ; ensuite ils parcouraient les rues de Westminster en poussant les acclamations ordinaires de vive la reine, demandant qu'on illuminât et brisant les fenêtres de ceux qui s'y refusaient. Ils allaient même attaquer le palais de Carlton, habité par le roi, lorsque les dispositions prises par les militaires pour les repousser, les continrent. Quelques-uns des plus furieux furent arrêtés. La reine changea de demeure; les attroupements continuèrent. En entrant et en sortant de chez cette princesse, la députation de la chambre des communes fut accueillie par les huées de la foule composée de personnes de tous les rangs.

Le 26 juin, lorsqu'on reprit l'ordre du jour pour la lecture des papiers, ajournée le 7, lord Castlereagh proposa que la chambre des communes ajournât la discussion sur le message du roi, au lendemain du jour où il présenterait une résolution sur la marche à suivre, fondé sur la dernière réponse de la reine. M. Brougham félicita la chambre et le royaume de ce que l'enquête que la reine, bien loin de la redouter, avait ardemment désirée, allait commencer. M. Western protesta contre tout débat ultérieur sur cet objet et demanda que la discussion en fût ajournée à six mois; cette motion fut soutenue par M. Tierney; mais celle de lord Castlereagh fut adoptée par cent quatre-vingt-quinze voix contre

cent.

La reine adressa, le 26, à la chambre des pairs, une protestation contre la manière de procéder que l'on comptait suivre, et demanda que ses conseils fussent entendus à la barre de la chambre ; ils furent introduits et demandèrent qu'on leur fit connaître les accusations intentées contre la reine; lord Liverpool proposa que la réunion du comité se

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cret fut différée jusqu'au 28, afin que l'on pût réfléchir sur la pétition de la reine; cet avis fut adopté.

Le comité secret se réunit le 28; le marquis de Lansdowne et lord Erskine ayant souhaité de n'en plus faire partie, avaient été remplacés par le comte d'Hardwicke et lord Ellenborough; il fit, le 4 juillet, son rapport, dont le résultat était qu'ayant examiné avec toute l'attention requise les pièces qui lui avaient été soumises, le comité pensait que les accusations portées contre la reine, comme coupable d'adultère, reposaient sur tant de témoignages concordants, qu'il était indispensable qu'elles devinssent l'objet d'une enquête solennelle : le comité jugeait que la manière la plus convenable de l'effectuer était par une procédure devant le parlement, procédure dont il déplorait profondément la nécessité.

Le 5, nouvelle pétition de la reine pour que ses conseils fussent entendus contre le rapport du comité. Lord Liverpool observa que cette demande était prématurée : elle fut écartée.

Ensuite lord Liverpool dit qu'après en avoir conféré avec les plus savans jurisconsultes, le ministère s'était convaincu qu'il n'y avait pas lieu de procéder par un acte d'accusation, parce que les lois ne statuaient rien sur le crime d'adultère Commis par une reine avec un étranger: il était donc néssaire de recourir à une mesure législative. Sans doute le bill qui allait être présenté devait faire naître quelque prévention contre la reiue; mais il en était de même de toute forme judiciaire. Le bill était intitulé bill de peines et punitions: son préambule énonçait, avec toute l'exactitude usitée dans une cause criminelle, les offenses dont la reine était accusée, et statuait que par cette conduite scandaleuse et déshonorante, s'étant rendue indigne du titre de reine épouse, il fût ordonné que dès que cet acte aurait passé, elle serait dépouillée de ce titre, et déclarée incapable de jouir de tous les droits, prérogatives, priviléges et immunités qui lui appartiennent, qu'enfin le mariage entre le roi et Caroline-Amélie-Élisabeth serait annulé.

Des pairs demandèrent que la liste des témoins à charge fût communiquée à la reine; lord Liverpool répondit que cela n'avait lieu que dans les procès de haute-trahison : que d'ailleurs on accorderait à la reine le tems nécessaire pour faire venir des témoins à décharge.

Le soir même, l'huissier de la Chambre des pairs remit

officiellement la copie du bill à la reine, qui le reçut d'un air calme, mais avec une profonde émotion, et en appelant à la justice d'un monde meilleur que celui-ci.

Le lendemain, la reine envoya une nouvelle pétition à la chambre des pairs, pour protester contre toute la procédure. M. Brougham et M. Denman, ses Conseils, furent ensuite admis à la barre, et présentèrent diverses observations sur le même objet.

Lord Liverpool proposa que la chambre se réunît, le 10, pour fixer l'époque de la seconde lecture du bill; le 10, on décida que ce serait le 17 août suivant.

Dans diverses séances des deux chambres, les défenseurs et les partisans de la reine parlèrent plusieurs fois contre la forme de la procédure, contre la formation de la commission de Milan, et la bassesse ou la corruption des témoins appelés à déposer contre la reine. Leurs discours étaient quelquefois conçus en termes extrêmement violents contre le ministère, le roi et plusieurs souverains étrangers; on aurait cru qu'ils ne cherchaient qu'à enflammer et à exaspérer l'esprit de la multitude.

Si telles furent leurs vues, ils ne réussirent que trop bien. D'ailleurs ils furent secondés par les efforts constants des écrivains ennemis du gouvernement. Cobbet publia que le retour de la reine était un coup de la providence qui se déclarait en faveur de la cause de la réforme. Tout ce parti s'étudiait à maintenir les fausses idées, que dans le principe, beaucoup de personnes de bonne foi s'étaient faites de cette affaire. Les mots de corruption, parjures, procédure secrète, persécution, conspiration, meurtre juridique, furent tant répétés, qu'une portion considérable du peuple fut persuadée que la reine allait devenir la victime d'une des machinations les plus affreuses qui eussent jamais été ourdies contre une femme dont on avait cherché à empoisonner les actions les plus innocentes.

D'un autre côté, la conduite tenue envers la reine quand elle n'était encore que princesse de Galles, et les efforts inutiles tentés alors pour la faire déclarer coupable, formaient une prévention favorable pour elle. On pensait que le roi se prévalait de ses propres torts, et qu'il cherchait à punir son épouse des écarts dont il avait été la cause première, en la négligeant et la traitant d'une manière peu convenable.

L'irritation du public était telle que plusieurs des témoins italiens en débarquant à Douvres, le 5 juillet, furent hués, insultés et battus par la populace. Il y eut des poursuites criminelles commencées à ce sujet; mais on jugea, avec raison, qu'il était plus prudent de faire débarquer sur d'autres points les témoins à charge. Durant leur séjour à Londres, il fallut tous les soins de la police pour les préserver d'insultes plus dangereuses.

Peu de tems après l'arrivée de la reine, on commença à lui remettre des adresses pour la féliciter sur son heureuse arrivée, et l'assûrer de l'affection et du soutien du peuple : la cité de Londres donna l'exemple, et adressa même aux deux chambres du parlement, contre l'adoption du bill de peines et de punitions, une pétition qui fut rejetée par la chambre des pairs, comme une intervention inexcusable dans sa procédure judiciaire.

Il arriva ensuite à la reine des adresses d'un très-grand nombre de municipalités, de corporations et de divers corps; elles étaient présentées par de nombreuses députations, et revêtues de nombreuses signatures; celle des femmes mariées d'un seul comté, en offrait 15,000; mais presque toutes de la classe inférieure de la société. Les réponses de la reine furent d'abord calmes et modérées, et parfaitement appropriées à sa situation; mais à mesure que sa position devint plus critique, le ton des réponses devint plus violent et plus audacieux : elles étaient en quelque sorte l'écho des invectives virulentes que se permettait une partie des pamphlets publiés pour sa défense. Mais ni la reine ni ses conseillers ostensibles n'avaient naturellement aucune part à ces diatribes; elles furent attribuées à un écrivain politique connu. Plus d'une fois on put y remarquer l'intention de compter sur la force phisique du peuple pour résister à l'oppression dont elle était menacée, et des expressions qui pouvaient être interprétées comme un appel aux soldats pour les inviter à ne pas coopérer à cet œuvre injuste et inconstitutionnel.

Le 7 août, la reine, qui était allée demeurer à Brandenburgh-House, dans le village d'Hammersmith, à l'ouest de Londres, écrivit au roi une lettre dans laquelle, après avoir récapitulé tout ce qui s'était passé jusqu'à ce moment, elle demandait à être jugée selon le droit commun, par une Cour dont les jurés seraient pris au milieu du peuple, protestant contre tout autre mode, et ne cédant qu'à la violence.

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