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échec pouvait la renverser. Alors, les troupes anglaises se concentrèrent sur Anvers et Malines, et les Prussiens se réunirent en force dans le pays de Luxembourg. Le même jour, le roi vint annoncer à l'assemblée des États-Généraux, à La Haye, son avènement au trône des Pays-Bas.

Les circonstances exigeaient de sévères mesures de police; la patrie était en danger; le 21 mars, l'ordre fut donné au procureur, chargé de la direction suprême de la police, de surveiller toutes les personnes, et surtout les étrangers, qu'on pourrait soupçonner d'être partisans de la France. Cette mesure, toute rigoureuse qu'elle était, n'était cependant pas arbitraire, car un grand nombre de Belges n'avaient pas dissimulé leur satisfaction et leurs espérances à la nouvelle du retour de Bonaparte. Ce retour devait être le signal d'une nouvelle agression contre l'ex-empereur. Le 23 mars, le lieutenant-général prussien, baron de Ziéten, établit son quartier-général à Liége. Les habitants de ce pays étaient particulièrement dévoués au régime français; leur franchise ne leur permettait pas de dissimuler leur inclination. Il n'est donc les soldats prusétonnant que pas siens se soient livrés à quelques avanies à leur égard. Mais bientôt les vexations furent portées à un tel dégré, que les généraux prussiens craignirent une insurrection générale de la part des habitants.

Le 8 avril, le prince héréditaire d'Orange fut nommé commandant en chef des troupes belges; son quartier-général fut

établi à Nivelles.

La crise qui se préparait à l'extérieur exigeait de grandes mesures répressives dans l'intérieur du royaume. Le 10 avril, le roi rendit un arrêté portant que tous ceux qui, par leurs discours ou par leurs écrits, chercheraient à troubler la tranquillité publique, qui, par leurs actions ou par des ouvrages imprimés, se feraient connaître comme instruments d'une domination étrangère, qui chercheraient à diviser les citoyens, seraient, selon les circonstances, condamnés à des peines afflictives et infamantes, et même à la peine de mort, si elles avaient occasioné une révolte. Les arrêts devaient être prononcés par cinq juges au moins, sans recours en cassation, et être exécutés dans les vingt-quatre heures. L'arrêté érigeait à Bruxelles une Cour de justice spéciale extraordinaire qui, par sa composition et ses formes sommaires, rappelait un peu le tribunal révolutionnaire du comité de salut public. Cette institution, qui ne se trouvait

pas en harmonie avec les mœurs du pays, ne tarda point à tomber en désuétude, surtout quand on voulut la maintenir après la cessation des événements qui en avaient nécessité la création. Cette Cour n'a prononcé qu'un petit nombre d'arrêts portant condamnation à des peines purement correctionnelles.

Le 23 avril, le duc de Wellington visite les forteresses des Pays-Bas, inspecte plusieurs régiments anglais. Les forces des troupes alliées qui doivent agir contre la France, depuis le Haut-Rhin jusqu'à la mer du Nord, sont distribuées de la manière suivante: le prince de Schwartzenberg commande dans le pays situé entre Bâle et Manheim; l'archiduc Charles, depuis Manheim jusqu'aux bords de la Moselle; le maréchal Blücher, entre la Moselle et la Meuse ; et le duc de Wellington, depuis la Meuse jusqu'à la mer. Le 25 avril, le roi se rend à Nivelles, où est établi le quartier-général de l'armée belge; le duc de Wellington s'y rend aussi. Le grand quartier-général doit être transféré à Ath; on élève des retranchements devant les villes de Tournai, Mons, Charleroi et Ypres ; on prend toutes les mesures pour se mettre en garde contre l'invasion que fait craindre le retour de Bonaparte. Malgré les dangers qui le menacent à l'extérieur, le roi ne perd pas de vue les intérêts essentiels des États dont la souveraineté lui a été confiée. Le 22 avril, il nomme une commission spéciale chargée de s'occuper sans délai de la révision de la loi fondamentale, pour l'adapter, aux besoins, aux mœurs et aux habitudes des provinces belgiques..

Les événements se pressent, les dangers deviennent imminents, des troupes nombreuses se concentrent dans la Belgique, qui voit bientôt réunie sur son territoire une armée de quatre-vingt mille hommes, sous les ordres du duc de Wellington, composée d'Anglais, d'Hanovriens, Belges, Hollandais, Prussiens.

Le 14 mai, M. Verstolk de Poelen prend, au nom du roi, possession de la ville de Liége, ainsi que des cantons situés sur la rive gauche de la Meuse, qui doivent faire partie du royaume des Pays-Bas.

Le

19 du même mois, les États-Généraux sanctionnent la demande du roi, tendant à ce que la milice nationale puisse être mise en activité de service pendant la guerre ; cette mesure ne pouvait pas être prise sans l'autorisation du pouvoir législatif.

VII.

18

L'acte du congrès de Vienne, du 9 juin, fixe, art. 64 et 65, les limites du royaume des Pays-Bas. L'art. 67 cède au souverain de ce pays le grand duché de Luxembourg, toutefois, sous la condition que la ville de Luxembourg sera considérée, sous le rapport militaire, comme forteresse de la confédération germanique. Par l'art. 69, le roi est investi de la souveraineté de la partie du duché de Bouillon, non cédée à la France, par le traité de Paris, du 30 mai 1814. Par l'art 72, le roi des Pays-Bas entre dans tous les droits et prend sur lui toutes les charges et tous les engagements stipulés par le traité de Paris, relativement aux provinces et districts séparés de la France.

Dans le mois de juin, il se passa des événements d'une haute importance et de nature à remettre en question l'exis tence du nouveau royaume des Pays-Bas. Le 14 de ce mois, Napoléon, à la tête d'une nombreuse armée, avait fait une irruption dans les provinces belgiques; il battit, le jour suivant, les Prussiens dans la plaine de Fleurus; mais enfin, le 18, il succomba dans les champs de Waterloo, et sa puissance colossale y trouva définitivement son tombeau. Nous glisserons légèrement sur ces événements, qui appartiennent à l'histoire chronologique de la France, bien qu'ils se soient passés sur le territoire des Pays-Bas. Nous observerons seule ment que, dans la sanglante et terrible bataille de Waterloo, les troupes belges, sur la défection desquelles Napoléon avait compté, restèrent fidèles à leur souverain et à leur patrie, et firent des prodiges de valeur; elles délivrèrent le prince héréditaire qui les commandait, et que son courage avait enveloppé dans les rangs ennemis, après avoir reçu une blessure grave à l'épaule. Les prisonniers, et surtont les blessés français, furent accueillis dans toutes les villes de la Belgique, avec un intérêt qui tenait de l'enthousiasme; les soins les plus empressés et les plus charitables leur furent prodigués; on vit alors que les Belges n'avaient pas cessé de regarder les Français comme leurs frères, et qu'ils n'en voulaient qu'à l'homme qui, depuis tant d'années, fesait peser son joug de fer sur l'Europe. Cependant, on doit dire que si la bataille de Waterloo eût amené un autre résultat, les provinces belgiques n'auraient pas opposé une forte résistance à leur nouvelle réunion à la France. Leur gouvernement était encore au berceau; on ne connaissait pas bien encore les principes qui devaient diriger sa marche; et les intérêts nés de la révolution étaient assez

considérables pour que leur lésion entraînât plus tard des mécontentements, et peut-être des insurrections; mais le roi ne tarda point à dissiper toutes les craintes, à raffermir toutes les espérances, en annonçant et en prouvant, par ses procédés, qu'il voulait lui-même marcher en avant dans la carrière des libertés publiques.

Le 8 juillet, le roi nomme le duc de Wellington, prince de Waterloo, et le comte de Clancarty, marquis de Heusden.

Le 10, le gouverneinent est informé que le roi de France est rentré dans sa capitale, le 8 du même mois. S. M. avait reçu, ainsi que les princes de sa famille, sa suite et les Français fidèles qui l'avaient accompagné dans sa retraite, la plus honorable hospitalité dans le royaume des Pays-Bas, circonstance qui n'a pu qu'affermir les liens d'affection entre deux États limitrophes.

Le 15 du même mois, le commissaire-général de la justice reçoit une note du prince de Metternich, annonçant que les tribunaux autrichiens ont reçu l'ordre de laisser suivre, aux sujets du roi des Pays-Bas, les successions qui leur sont échues ou qui leur écherront à l'avenir dans les États de l'empereur d'Autriche, à charge de réciprocité; cette disposition. achève de convaincre les Belges que l'empereur a définitivement renoncé à toutes prétentions sur leurs provinces.

Les notables, chargés d'émettre leurs votes sur l'acceptation ou le rejet de la constitution, doivent se réunir dans les arrondissements des provinces méridionales, le 14 août ; et le 18, on doit procéder, à Bruxelles, au dépouillement de

ces votes.

Le 18, convocation des États-Généraux pour le 1er août; la commission, chargée de la révision de la loi fondamentale, présente au roi le résultat de son travail. Le même jour, on publie une proclamation du roi sur la réunion des provinces belgiques, qui ne doivent plus former, avec la Hollande, qu'un seul et même Etat. Tous les cultes sont protégés et jouissent d'une faveur égale; tous les citoyens sont indistinctement admissibles aux emplois publics. Les provinces belgiques doivent être convenablement représentées dans l'assemblée des États-Généraux, dont les réunions ordinaires doivent se tenir alternativement dans une ville de Hollande et de la Belgique ; les diverses provinces jouissent de tous les avantages commerciaux et autres que leur assûre leur posi

tion respective. Après la réunion, les provinces et les villes de la Belgique doivent être admises au commerce et à la navigation dans les colonies, sur le même pied que les provinces et les villes hollandaises; les charges doivent être communes ainsi que les bénéfices; les dettes contractées jusqu'à la réunion sont, ainsi que les dépenses des fortifications, pour le compte du trésor royal; les digues restent à la charge des villes et districts que ces établissements protégent; le pouvoir judiciaire est indépendant; le projet de la loi fondamentale est soumis à l'approbation d'assemblées de notables.

Le 24, une armée de réserve de troupes nationales, composée de vingt bataillons d'infanterie, vingt escadrons de cavalerie et dix batteries d'artillerie, doit se réunir sur l'Escault, sous le commandement du lieutenant - général Bredal.

Deux jours auparavant ( 22 juillet), l'ambassadeur et ministre plénipotentiaire de la Grande-Bretagne, auprès du roi des Pays-Bas, fait la remise des provinces belgiques entre les mains du baron de Nagel, chambellan du roi, et son secrétaire d'État au département des affaires étrangères, qui accepte, au nom du roi, la souveraineté des provinces belgiques aux conditions stipulées dans le protocole d'une conférence tenue, à Vienne, au mois de juin, entre les ministres des hautes puissances alliées, formant appendice à l'art. 8 du traité du 31 mai 1814, conditions dont le baron de Nagel garantit l'exécution au nom de son souverain.

Le 29, le roi visite les champs de Waterloo, scène d'une bataille aussi sanglante pour les Français que glorieuse pour les Belges; sa majesté, en voyant les tristes débris encore épars dans cette vaste plaine, a pu se convaincre des sacrifices que font les peuples pour servir l'ambition d'un monarque, ou pour résister à ses entreprises. L'odeur des cadavres putréfiés et gisants encore sans sépulture, l'aspect des moissons dévastées, des fermes et des maisons écrasées par l'artillerie ou consumées par les flammes, des paysans sans asile et sans ressources, durent faire la plus vive impression sur l'âme sensible du monarque, qui effectivement s'empressa de fournir des secours aux victimes de ces désastres.

Nous avons dit que, le 18 juillet, la commission, chargée de réviser la loi fondamentale, avait présenté au roi le résultat de son travail ; il paraît que ce travail a dû subir quelques

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