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CHAPITRE II.

SAISIE DE LA CORRESPONDANCE SECRÈTE DE CORMATIN ET DES CHEFS DE ·leurs nouveaUX PROJETS D'INSURRECTION.

LA CHOUANNERIE.

POURSUITE ET DÉFAITE DES REBELLES: AFFAIRES DE

GRAND CHAMP, DE SAINT-BILY ET DE CAMORS.
MORT DU COMTE DE SILZ ET DE BOISHARDY.

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Ainsi s'évanouirent, dans le court espace d'un mois, toutes les illusions et les espérances de paix que le traité de la Mabilais avait si péniblement enfantées. - Comment en effet, douter plus long-temps des intentions cachées des hommes qui, après avoir déclaré se soumettre à la République, ont continué à se tenir en armes, à correspondre avec l'Angleterre, à se recruter, à s'organiser, à former des magasins et une cavalerie, à systématiser la résistance et la guerre.

Qu'on en juge, et qu'on ne

nous taxe pas

d'esprit de parti; car, en donnant les pièces inédites du procès, nous avons négligé ou écarté des dossiers entiers à l'aide desquels bien des noms et des serments auraient pu encore être flétris.

Les rapports des chefs d'administration, et de Brue, qui n'a point quitté le Morbihan, sont devenus tout à coup si alarmants, que les deux représentants spécialement chargés de la pacification, Guezno et Guermeur, ont pris le parti de se transporter sans délai à Vannes, pour mieux juger du nouveau péril qui menace la République. Les chefs insurgés continuent à jouer le même rôle ; à se plaindre des excès républicains, à dénoncer les autorités qu'ils prétendent entachées de terrorisme, et à offrir cependant leur intervention pour les approvisionnements de grains.

Mais ces faits, ces protestations sont démentis; et les assassinats qui se commettent, l'interceptation des routes qui se réalise sur tous les points, les enrôlements qui se font à bureau ouvert jusque sous les yeux des représentants et des chefs militaires, le dénuement absolu où sont les troupes et les garnisons, démontrent la perfidie des protestations offertes ou données par les chefs rebelles. Un jour cependant, le 4

à

prairial, Guezno et Guermeur se trouvant à table, à Vannes, avec leur collègue Brue, furent tout coup appelés par un officier-municipal qui, accompagné de deux fusilliers, menait un rebelle arrêté sans passeport. Les représentants passent dans un appartement voisin, et demandent au prévenu ainsi arrêté ce qu'il venait faire à Vannes. Je suis porteur de la présente (montrant une lettre de Cormatin à M. de Silz).... Guezno prend la lettre et l'examine. Elle portait: A Monsieur, Monsieur le comte de Silz, dans le Morbihan. Ces désignations paraissent naturellement suspectes dans un moment où, conformément aux dispositions du traité, toutes les appellations de l'ancien régime avaient été librement abandonnées par ceux qui avaient accepté la pacification..... Mais le messager, interrogé sur le contenu de la lettre, répond ne point le connaître.

· Dans ce cas, dit l'un des représentants, ouvrons-la: s'il ne s'y trouve rien de répréhensible, elle vous sera remise..... Et, l'ayant ouverte, ils lurent ce qui suit :

<< Rennes, 21 mai 1795 (2 prairial an 111).

» J'ai auprès du département des moyens de toucher de l'argent, il faut donc que M. Guillo revienne le plus tôt possible pour que nous puissions vous faire passer 4. 5. VOL.

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des secours. Envoyez-moi votre signature en blanc pour former un emprunt que j'autorise. Il y a quatre signatures; Boishardy, vous, Chantereau et moi; fiez-vous à nous pour votre blanc. L'on m'offre des sommes sur ma signature, mais je ne veux jamais m'isoler pour de telles affaires; cependant, nous avons besoin de fonds.

>> Je vous embrasse mille fois; renvoyez-nous M. Guillo bien vite. >> Le baron de CORMATIN..

La trahison est patente, et rien ne saurait plus être mis en doute. Le messager est provisoirement arrêté; la pièce saisie est adressée par un courrier à Hoche et aux représentants Grénot et Bollet, qui sont à Rennes, avec ordre de faire saisir Cormatin et de s'emparer de ses papiers, s'il est possible.

Deux jours après, le 6 prairial, Cormatin, Solihac, Jarry et quelques autres chefs de chouans étaient saisis à Rennes, et les représentants faisaient placarder sur les murs de la ville la lettre de Cormatin et deux autres pièces, dont une de MM. de la Rosière et de Frotté aux membres du conseil du Morbihan, et l'autre de Cormatin au même conseil, signée et approuvée de MM. de Boishardy, Chantereau et Jarry.

<< Notre intérêt commun, la même façon de penser et d'agir et notre confiance en vous, disait la première, nous engage à vous prier de vouloir bien lier entre nous

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