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Les cris de vive le roi et le délire de l'allégresse redoublaient à l'approche de Sa Majesté, qui était dans un carosse à huit chevaux blancs, avec ses ministres; le comte d'Artois à cheval à la droite de la voiture et le duc de Berry à la gauche.

C'est ainsi que le roi entra aux Tuileries par la rue de Rivoli, à près de six heures. Le drapeau blanc était déployé sur le château ; à six heures il flottait sur l'Hôtel-de-Ville, ainsi qu'au haut des tours Notre-Dame.

La foule était si considérable dans le jardin des Tuileries qu'à peine pouvait-on s'y remuer. Le Roi cédant aux voeux de cette immensité de spectateurs, sans se donner le temps de se reposer, se montra du haut de son balcon; et pour se faire voir de plus près à la foule avide de le contempler, il descendit dans le jardin, sans escorte, accompagné seulement de trois officiers supérieurs; il avait peine à se faire passage à travers les citoyens qui l'entouraient; plusieurs personnes lui baisèrent les mains, les pans de l'habit, les genoux. Le roi remonta chez lui au milieu des plus vives acclamations. Alors, dans le délire de la joie, hommes et femmes, de tout âge, de tout rang, se prirent par les mains et for

mèrent des rondes, en chantant des airs chers au prince et chers à la nation. Si la joie d'un peuple doit faire celle du monarque, Louis XVIII a dû éprouver de bien douces jouissances. (Journal Général de France.)

A l'entrée de la nuit, une brillante illumination vint remplacer dans tout Paris l'éclat du jour, quoiqu'elle n'eût point été prescrite: il semblait que le soleil voulût encore éclairer cette scène d'allégresse.

A l'instant où le Roi se montra au peuple à l'une des fenêtres du château des Tuileries était salué par les acclamations d'une foule immense, un ouvrier faisant allusion à l'entrée du roi et à la joie publique qui l'avait accompagné, s'écria d'une manière ausi naïve que spirituelle: Du moins celui-là n'a pas fait

une entrée de chauve-souris.

Un habitant de Gand, connu par son attachement pour Buonaparte, entra dans la boutique d'un barbier français établi dans cette ville au moment où l'on venait d'y apprendre les événemens qui rappelaient Louis XVIII au trône. « Monsieur, lui dit le facétieux barbier, vous me paierez aujourd'hui quatre sous au lieu de deux pour votre barbe.-Pourquoi

cela?

C'est que vous avez la figure plus longue de moitié qu'à l'ordinaire. >>

Le Roi et les deux princes, Monsieur, comte d'Artois, et le duc de Berry, allèrent, le matin du 9 juillet, lendemain de son retour à Paris, dans une même voiture, pour rendre à Dieu des actions de grâces. Sa Majesté, qui était partie à midi, accompagnée d'une escorte peu nombreuse, trouva réunies dans la cathédrale un assez grand nombre de personnes de la cour qui l'avaient devancées de quelques instans, et à-peu-près tout le peuple qui s'était rencontré dans les environs, à l'instant où l'on eut connaissance de son arrivée, car personne n'avait été prévenu de cette pieuse démarche du Roi.

Sa Majesté fut reçue par le clergé à la porte de l'église, avec le cérémonial d'usage, et au milieu d'acclamations que la sainteté du licu ne put interdire, et auxquelles les ecclésiastiques du chapitre de Paris ne jugèrent pas qu'il fut contraire à leur ministère de prendre part. S. M. et les princes, après avoir assisté à une messe basse avec la dévotion la plus touchante, retournèrent aux Tuileries, recueillant sur leur passage les voeux et les bénédictions du peuple.

Les souverains alliés et notre monarque se sont fait des visites mutuelles, et on les a vus souvent manger les uns chez les autres, sans l'embarras du cérémonial ni de l'étiquette. Ceci est encore une nouvelle preuve du progrès des lumières. Si le dix-neuvième siècle n'est pas un siècle de philosophie et d'une lit térature sublime, il brillera du moins par la raison et par une politique amie de l'humanité; les rois ne se piqueront que de rendre heureux leurs peuples et de conquérir l'estime universelle. Qu'ils seront grands si on peut les comparer aux augustes monarques que nous avons vus dans Paris!

Les historiens auront un vaste champ pour faire l'éloge de ces princes magnanimes, et s'ils en veulent tracer le portrait, il leur suffira d'en raconter les bienfaits.

M. Alopéus, ministre de l'armée de S. M. l'empereur de toutes les Russics , gouverneurgénéral de plusieurs départemens, publia à Nanci une proclamation, le 15 juillet 1815, dans laquelle on remarqua ce passage touchant: « N'en doutez pas, paisibles habitans, tous les maux de la guerre, qui sont réparables, seront réparés. Déjà l'empereur, mon auguste maître, profondément affligé des dévastations

qu'il a remarquées sur la route qu'il vient de parcourir, m'ordonne d'en vérifier les causes, d'en constater les résultats et d'assurer les moyens, non-seulement de protéger ceux qui en ont été les victimes, mais encore de pour-> voir à leur indemnité. Je ne regretterai pas, dit S.M., le sacrifice qui en résultera pour mon trésor, puisqu'il doit tourner au soulagement des malheureux. »

Est-il étonnant qu'un monarque aussi estimable s'intéresse vivement au bonheur de Louis XVIII? L'amour réciproque des vertus rapproche et réunit ces deux princes. Pour la première fois peut-être la raison d'état n'est point le seul motif qui dirige les rois; ils sont inspirés par une politique plus respectable: la conformité d'un caractère également occupé du bien public et du soin d'adoucir les peines du moindre de leurs sujets.

Par allusion au désir qu'a Louis XVIII de rendre la France heureuse, et à la Providence qui l'envoie à notre secours lorsque tout était désespéré, on a substitué à l'inscription latine qui décorait l'une des faces du piédestal de la statue de Henri IV sur le Pont-Neuf, ce vers de la Henriade:

Tout périssait enfin, lorsque Bourbon parut,

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