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pour rendre des préfectures à quelques misérables éle vés dans la domesticité de la tyrannie, et accoutumés à lui tout sacrifier; c'est pour rendre des dotations lointaines à quelques sbires qui ne peuvent vivre qu'à force d'or, qui ne croient jamais l'or acheté trop cher par la trahison; c'est pour rendre des trônes à une famille d'aventuriers, dont le nom est devenu la plus cruelle des injures pour le crime lui-même, que nous allons prescrire un joug de fer à toute notre malheu. reuse postérité; un joug plus pesant, plus odieux, plus humiliant cent fois que celui de Néron, de Caligula, de Robespierre, un joug dont toutes les hyperboles du langage de l'homme ne pourraient exprimer l'infamie, le joug épouvantable d'un anthropophage dont tous les pas sur la terre ont été marqués par la perfidie, par ic pillage, par l'assassinat, par l'incendie, et qui ne rêve que la détestable joie d'arborer son dernier trophée sur les ruines de Paris. Cet ogre qui fait horreur à ses complices, nous voulons bien que le monde l'apprenne, il est l'homme de la patrie, l'homme du siècle, le roi, l'empereur de notre choix ; et il nous importe que la France périsse enfin, pourvu qu'il hérite de ses cendres et qu'il règne sur ses déserts. Il restera, c'est assez, il survivra un moment à ses victimes, et aura joui de leur agonie; et si la France, effacée du nombre des peuples, ne laisse pas même un souvenir à l'histoire, il lui promet du moins la seule immortalité que mérite un peuple d'esclaves qui s'est livré de son propre mouvement à la plus basse ignominie, il ira le représenter aux enfers.

Il n'en sera pas ainsi. L'Europe sait, comme la France, à quoi s'en tenir sur les impostures qui sont désormais

son unique ressource. L'Europe ne croit point à ces armemens miraculeux, à ces approvisionnemens opérés par féerie, à cette fabrication improvisée d'un matériel immense, dont on n'avait pas, il y a un mois, les premiers élémens: (1) Elle sait que tout cela est impossible, et que si cela était possible, c'est contre l'ennemi de la nation qu'on en tournerait l'usage. Non, ces batteries formidables n'existent point, cet épouvantable appareil de guerre est un fantôme qu'un souffle dissipera; ces levées en masse qui doivent bouleverser le monde ne s'effectueront jamais, si ce n'est au jour de la liberté, au jour de l'affranchissement, et pour unir leurs forces auxiliaires à celles qui vont nous sauver. Non, les villes ne s'armeront pas pour défendre leur enceinte contre une invasion protectrice, garantie par le passé, justifiée par le présent, et la dernière espérance que nous laisse l'avenir. Non, des traîtres qui n'ont plus de sauve-garde que dans leur infamie, et quelques enfans égarés que la bassesse a nourris dans l'amour de l'esclavage, pourront seuls tourner leurs armes contre le Roi pour la cause d'un bandit chargé de la malédiction des peuples et de celle de Dieu. Non, aucune ville, aucun régiment, aucun citoyen ne se croira obligé, au nom de l'honneur national, à opposer l'effet d'un courage mal entendu à la protection armée de nos généreux voisins.

L'étranger, disent-ils! Et quel étranger nous a fait plus de mal que l'étranger Corse? Et quel étranger

(1) Il y a un mois qu'on imputait ce crime aux Bourbons d'avoir détruit le matériel de l'armée, et aujourd'hui le matériel se retrouve tout-à-coup. Alors vous avez calomnié ; vous men tez impudemment aujourd'hui. Ce matériel n'existe pas, et c'est Buonaparte qui l'a perdu. (Note de l'auteur.}

*nous en réservé davantage ? Et quel étranger a épuisé notre or avec plus d'avidité? Et quel étranger a prodigué notre sang avec une libéralité plus cruelle? Et quel étranger a plus effrontément abusé de notre confiance? L'étranger, c'est lui! Les étrangers ce sont les malheureux dont il a acheté l'honneur au prix du repos et du bonheur de la patrie! Les étrangers, ce sont les brigands qui ont trahi leur roi, leurs sermens et leurs frères, et qui ont livré la nation humiliée, garotée, sanglante, accablée d'opprobres et de désespoir, à l'ambition insolente d'un centurion parvenu..........`

Et c'est ainsi que vous êtes Français! et c'est à ce nom que vous espérez vous rallier, hypocrites féro ces et justement honteux de vous-mêmes, que Buonaparte désavouerait s'il lui restait un crime à désavouer! Ah! le Sauvage qui mange son prisonnier tout palpitant dans les forêts du Nouveau-Monde, est plus Français que vous; il ne se joue pas de la confiance des victimes qu'il va égorger.

Le cri de l'honneur, adressé à la Garde impériale par un de ses principaux chefs qui se fera bientôt connaître.

BRAVES CAMARADES,

Il est temps de jeter les yeux sur notre situation. Je vais vous parler en soldat; vous comprendrez ce langage, puisqu'il est celui de l'honneur.

Nous avions, de concert avec la nation, couvert Buonaparte de la pourpre impériale; il reçut nos sermens: il n'ignore pas avec quelle religion nous avons su les res pecter, maintenir et défendre son trône et sa personne. L'histoire ne peut rien no us ravir de notre

gloire; nous avons prouvé partout que nous étions Français; c'est donc comme votre compagnon d'armes, que le cri de l'honneur m'impose l'obligation de vous retracer vos devoirs.

Tant que Buonaparte a régné sous l'égide de notre serment et de celui de la nation, il a toujours trouvé -dans nos rangs honneurs et dévouement. Famille, intérêts, amis, nous avons tout sacrifié pour le maintien de la foi jurée, nous n'avions jamais trop de bras à lui , offrir pour le bonheur de notre patrie; mais nous seuls avions une patrie; il nous a convaincus, par tous ses forfaits, qu'il n'en vit jamais une au milieu de nous.

Je ne vous parlerai point de l'insatiable et coupable ambition de Buonaparte; il en a trop long-temps obtenu les succès dans les flots de notre sang combien de fois n'a-t-il pas pu s'arrêter après nos longs triomphes, qui avaient fait de la France une si grande et si puissante nation! Notre tâché était remplie; nous eussions été fiers de voir la patrie reconnaissante voler au devant de nous, et couvrir nos lauriers de ses bénédictions; mais non, Buonaparte, qui n'était et ne pouvait être que le dépositaire de notre gloire, a voulu s'en faire un patrimoine particulier; il a voulu, sur les cadavres de nos frères d'armes, élever des trônes à sa famille, bouleverser l'Europe entière, et livrer le nom français à l'exécration de la terre.

Aujourd'hui, braves camarades, que Buonaparte n'est plus rien; qu'il nous a volontairement déliés de nos sermens à la face de l'univers, et que le meilleur des Rois a reçu de nous celui de lui être fidèles; aujourd'hui que Buonaparte reparaît en France, en violant des engagemens sacrés (s'il y en avait pour lui), deviendrons-nous donc une bande de brigands, après

avoir été une armée de braves? Non, soldats, jamais nos fronts n'échangeront la gloire contre l'infamie, l'estime de tous les peuples contre le juste mépris des nations. Notre généreux dévouement avait été jusqu'à oublier qu'il nous abandonna lâchement en Egypte, en Espagne, en Russie; qu'il assassina plus làchement encore un Condé et Pichegru. Et moi aussi, braves compagnons d'armes, je pensais que ces crimes seraient les derniers. Vain espoir! d'odieux projets viennent de se découvrir, et attestent qu'il n'a rien oublié de sa férocité, et rien appris pour son honneur.

Un de ses courriers déguisés a été arrêté par ordre du duc de Feltre. Le croiriez-vous, soldats! il était porteur de dépêches destinées à assurer l'égorgement de tous nos princes français, et de la malheureuse fille de Louis XVIII ...

Ce n'est pas tout; ce crime était encore insuffisant.

Un envoyé secret de Buonaparte (et vous frémirez, lorsque dans peu vous le connaîtrez) s'est rendu en Allemagne, a rencontré l'empereur d'Autriche à quelques lieues de Vienne, a obtenu une audience, dans laquelle il a voulu faire valoir le titre d'époux et de père pour que l'archiduchesse Marie-Louise et son fils fussent rendus à Buonaparte. Sur le refus motivé de l'empereur, l'envoyé s'est retiré, et quatre heures après son départ François II a été empoisonné!..... Le contre-poison a été promptement administré, et avec succès, à ce prince malheureux, et c'est alors qu'il a légalement fait dresser l'acte de divorce consenti avec empressement par l'infortunée archiduchesse, et qu'il l'a envoyé au brigand qui vous commande. Il l'a reçu il y a peu de jours.

Ces faits sont exacts et malheureusement certains,

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