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primogéniture, et à l'exclusion perpétuelle des femmes et de leur descendance.

En conséquence, S. A. R. Louis-Philippe d'Orléans, DUC d'Orléans, lieutenant général du royaume, sera invité à accepter et à jurer les clauses et engagements ci-dessus énoncés, l'observation de la Charte constitutionelle et des modifications indiquées, et, après l'avoir fait devant les Chambres assemblées, à prendre le titre de Roi des Français.

Cette déclaration est aussitôt portée au duc d'Orléans par les députés, précédés des gardes nationaux. Le prince, entouré de toute sa famille, fait la réponse suivante:

Je reçois avec une profonde émotion la déclaration que vous me présentez; je la regarde comme l'expression de la volonté nationale, et elle me parait conforme aux principes politiques que j'ai professés toute ma vie...

Puis il embrasse M. Laffitte avec effusion aux applaudissements de toute l'Assemblée. Des milliers de voix du dehors sollicitent la présence du prince. Il paraît sur son balcon accompagné du général de Lafayette. Tous deux sont salués par des acclamations qui redoublent lorsque la duchesse d'Orléans présente ses enfants au peuple. Le général de Lafayette, prenant la main du duc d'Orléans, s'écrie: «Nous avons fait de bonnes choses; vous êtes le prince qu'il nous faut; c'est la meilleure des Républiques'. »

La déclaration de la Chambre des députés est portée le même jour à la Chambre des pairs; M. le duc de Choiseul en propose l'adoption pure et simple. M. le vicomte de Chateaubriand, partisan de la proclamation du duc de Bordeaux comme roi sous le nom de Henri V, avec le duc d'Orléans pour régent, proteste, dans un magnifique discours dont la Chambre des pairs ordonne l'impression:

Charles X et son fils sont déchus ou ont abdiqué, comme il vous plaira de l'entendre, dit-il, mais le trône n'est pas vacant; après

1. Il n'est pas inutile de rappeler que tous les récits ou textes qui ne sont pas annotés par un renvoi spécial sont la reproduction exacte de l'ancien Moniteur universel.

eux venait un enfant; devait-on condamner son innocence? Quel sang crie aujourd'hui contre lui? Oseriez-vous dire que c'est celui de son père? Cet orphelin, élevé aux écoles de la patrie dans l'amour du gouvernement constitutionnel et dans les idées de son siècle, aurait pu devenir un roi en rapport avec les besoins de l'avenir. C'est au gardien de sa tutelle que l'on aurait fait jurer la déclaration sur laquelle vous allez voter; arrivé à sa majorité, le jeune monarque aurait renouvelé le serment. Le roi présent, le roi actuel aurait été M. le duc d'Orléans, régent du royaume, prince qui a vécu près du peuple, et qui sait que la monarchie ne peut être aujourd'hui qu'une monarchie de consentement et de raison. Cette combinaison naturelle m'eût semblé un grand moyen de conciliation, et aurait peutêtre sauvé à la France ces agitations qui sont la conséquence des. violents changements d'un État...

Inutile Cassandre, j'ai assez fatigué le trône et la pairie de mes avertissements dédaignés ; il ne me reste qu'à m'asseoir sur les débris d'un naufrage que j'ai tant de fois prédit. Je reconnais au malheur toutes les sortes de puissance excepté celle de me délier de mes serments de fidélité. Je dois aussi rendre ma vie uniforme : après tout ce que j'ai fait, dit et écrit pour les Bourbons, je serais le dernier des misérables si je les reniais au moment où, pour la troisième et dernière fois, ils s'acheminent vers l'exil...

Après ce discours, la Chambre des pairs, par 89 voix contre 10 sur 114 votants, et sauf une légère modification, donne son adhésion à la Déclaration de la Chambre des députés qu'elle porte aussitôt au duc d'Orléans.

Louis-Philippe I", roi des Français

(9 AOUT 1830 24 FÉVRIER 1848)

Acceptation par le duc d'Orléans de la Déclaration de la Chambre des députés. Prestation du serment royal (9 août 1830).

Le 9 août, en présence des pairs et des députés réunis au palais de la Chambre des députés, debout et découverts, S. A. R.

1. Louis-Philippe d'Orléans, né à Paris le 6 octobre 1773, fils de Louis-Philippe-Joseph, duc d'Orléans, connu pendant la Révolution sous le nom d'Égalité, arrière petit-fils de Monsieur, frère cadet de Louis XIV; cousin de Charles X, le duc d'Orléans représentait à ce titre la branche cadette qui remplace sur le trône de France la branche aînée des Bourbons, renversée par la Révolution de juillet 1830. Louis-Philippe a épousé le 25 novembre 1809, à Palerme, Marie-Amélie de Bourbon, née à Caserte (Italie) le 26 avril 1782; il en a eu cinq fils et trois filles; les fils sont le duc d'Orléans, le duc de Nemours, le prince de Joinville, le duc d'Aumale et le duc de Montpensier. L'aîné, le duc d'Orléans, né à Palerme le 3 septembre 1810, est mort le 13 juillet 1842; il s'est tué en sautant hors de sa voiture dont les chevaux s'étaient emportés aux environs du parc de Neuilly; marié le 30 mai 1837 à la princesse Hélène de Mecklembourg-Schwerin, protestante, il en a eu deux fils: LouisPhilippe-Albert, comte de Paris et Robert-Philippe-Louis-Eugène-Ferdinand, duc de Chartres, né à Paris le 9 novembre 1840. La princesse Hélène, duchesse d'Orléans, est morte au château de Richmond (Angleterre) le 18 mai 1858. Le comte de Paris, fils aîné du duc d'Orléans, né à Paris le 24 août 1838, a épousé en 1864, sa cousine, la princesse MarieIsabelle, fille du duc de Montpensier; de ce mariage est né le 6 février 1869 à Twickenham (Angleterre) Louis-Philippe Robert, duc d'Orléans, arrêté à Paris le 7 février 1890 et condamné le 12 du même mois à deux ans de prison pour infraction à la loi du 22 juin 1886. Ce prince, exilé en vertu de la loi précitée, était venu de Lausanne (Suisse) à Paris pour réclamer son inscription sur les registres du recrutement, afin de prendre part au tirage au sort de la classe de 1889. Il a été transféré à la prison de Clairvaux dans la nuit du 24 au 25 février 1890, pour y subir sa détention, puis gracié et reconduit à la fronière suisse le 3 juin suivant.

le duc d'Orléans, accompagné de LL. AA. RR. les ducs. de Chartres et de Nemours et des officiers de sa maison, a lu son acceptation ainsi conçue :

Messieurs les pairs et messieurs les députés,

J'ai lu avec une grande attention la déclaration de la Chambre des députés et l'acte d'adhésion de la Chambre des pairs. J'en ai pesé et médité toutes les expressions. J'accepte, sans restriction ni réserve, les clauses et engagements que renferme cette déclaration et le titre de ROI DES FRANÇAIS qu'elle me confère, et je suis prêt à en jurer l'observation.

Son Altesse Royale s'est ensuite levée, et, la tête découverte, a prêté le serment dont la teneur suit :

En présence de Dieu, je jure d'observer fidèlement la Charte constitutionnelle, avec les modifications exprimées dans la déclaration; de ne gouverner que par les lois et selon les lois; de faire rendre bonne et exacte justice à chacun selon son droit, et d'agir en toutes choses dans la seule vue de l'intérêt, du bonheur et de la gloire du peuple français.

M. le commissaire provisoire au département de la justice a ensuite présenté la plume à Son Altesse Royale, qui a signé le présent en trois originaux, pour rester déposés aux archives royales et dans celles de la Chambre des pairs et de la Chambre des députés.

SA MAJESTÉ LOUIS-PHILIPPE I, ROI DES FRANÇAIS, s'est alors placée sur le trône, où elle a été saluée par les cris mille fois répétés de Vive le Roi! Sa Majesté a prononcé le discours suivant :

Messieurs les pairs et messieurs les députés,

Je viens de consommer un grand acte. Je sens profondément toute l'étendue des devoirs qu'il m'impose. J'ai la conscience que je les remplirai. C'est avec pleine conviction que j'ai accepté le pacte d'alliance qui m'était proposé.

J'aurais vivement désiré ne jamais occuper le trône auquel le vœu national vient de m'appeler: mais la France, attaquée dans ses libertés, voyait l'ordre public en péril; la violation de la Charte avait tout ébranlé; il fallait rétablir l'action des lois, et c'était aux Chambres qu'il appartenait d'y pourvoir. Vous l'avez fait, mes

sieurs; les sages modifications que nous venons de faire à la Charte, garantissent la sécurité de l'avenir; et la France, je l'espère, sera heureuse au dedans, respectée au dehors, et la paix de l'Europe de plus en plus affermie.

Ministère du 11 août 1830.

Pendant toute la durée du règne de Louis-Philippe, quatorze ministères se sont succédé. Le roi, monté sur le trône le 9 août 1830, constitue son premier ministère par ordonnances du 11 août, sans désigner de président du conseil. C'est M. Dupont (de l'Eure), garde des sceaux, ministre de la justice, qui a contresigné les ordonnances de nomination de ses collègues :

Justice. Dupont (de l'Eure).

Instruct. publ. et cultes, et présid.
du Cons. d'État. Duc de Broglie
(Achille).

Affaires étrangères. Comte Molé.
Intérieur. Guizot.

Finances. Baron Louis.

Marine et colonies. Lieut. général
comte Sébastiani.

Guerre. Lieutenant général comte
Gérard.

Charte constitutionnelle du 14 août 1830.

Une ordonnance du roi Louis-Philippe en date du 14 août 1830 porte que « la Charte constitutionnelle de 1814, telle qu'elle a été amendée par les deux Chambres le 7 août et acceptée par nous le 9, sera de nouveau publiée dans les termes suivants : >>

Viennent les 70 articles de la Charte dont voici quelques

uns :

ART. 12. La personne du roi est inviolable et sacrée. Ses ministres sont responsables. Au roi seul appartient la puissance exécutive.

ART. 13 (ancien article 14 de la Charte de 1814). Le roi est le chef suprême de l'État; il commande les forces de terre et de mer, etc..., et fait les règlements et ordonnances nécessaires pour l'exécution des lois, sans pouvoir jamais ni suspendre les lois ellesmêmes ni dispenser de leur exécution...

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