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Une agitation prolongée succède à la lecture de ce rapport. L'urgence et la discussion immédiate demandées par M. de Baudry d'Asson sont rejetées et la discussion fixée au jeudi 13 mars. MM. Léon Renault, Henri Brisson, rapporteur, Waddington, président du conseil, ministre des affaires étrangères, Charles Floquet, Lepère, ministre de l'intérieur, et Madier de Montjau prennent part à la discussion. Les conclusions de la commission tendant à la mise en accusation des ministres du 17 mai et du 23 novembre 1877 sont repoussées par 317 voix contre 159. M. Rameau propose alors l'ordre du jour motivé suivant dont M. Gambetta, président, donne lec

ture:

La Chambre des députés, avant de reprendre son ordre du jour, constate une fois de plus que les ministres du 17 mai et du 23 novembre ont, par leur coupable entreprise contre la République, trahi le gouvernement qu'ils servaient, foulé aux pieds les lois et les libertés publiques, et n'ont reculé, après avoir conduit la France à la veille de la guerre civile, que devant l'indignation et les viriles résolutions du pays. Mais convaincue que l'état de discrédit dans lequel ils sont aujourd'hui tombés permet à la République victorieuse de ne point s'attarder à la poursuite d'ennemis désormais frappés d'impuissance,

Considérant que pour réparer le mal qu'ils lui ont fait, la France a besoin de calme et d'apaisement, et que l'heure est venue pour le Parlement républicain de se consacrer exclusivement à l'élaboration des grandes lois économiques, industrielles et financières que le pays réclame et dont il attend le développement de sa richesse et de sa prospérité ;

Livre au jugement de la conscience nationale qui les a déjà solennellement réprouvés, les desseins et les actes criminels des ministres du 17 mai et du 23 novembre et invite le ministre de l'intérieur à faire afficher la présente résolution dans toutes les communes de France.

Cette lecture est accueillie par de bruyantes réclamations à droite et par des marques d'approbation à gauche.

M. Clémenceau propose l'ordre du jour pur et simple qui est rejeté par 200 voix contre 162. L'ordre du jour motivé de M. Rameau est ensuite adopté par 217 voix contre 135.

Démission du maréchal de Mac-Mahon, Président de la République. - Élection de M. Jules Grévy en remplacement du maréchal de Mac-Mahon. - Démission du troisième ministère Dufaure (30 janvier 1879).

Dans le conseil des ministres du mardi 28 janvier 1879, un conflit est survenu entre les membres du cabinet et le maréchal président. Le général Gresley, ministre de la guerre, avait présenté à la signature du maréchal un rapport suivi de décrets relatifs aux grands commandements militaires. Voici en quoi consistaient ces décrets: Les commandants de corps d'armée sont nommés pour trois ans. D'après l'esprit de la loi, ils ne peuvent être maintenus à leur poste, après l'expiration de ces trois ans, que si leur maintien est justifié et nécessité par les besoins du service. Dix commandants de corps d'armée avaient été maintenus dans ces conditions à titre provisoire par le général Gresley. Par un premier décret, il proposait donc le remplacement de ces dix commandants de corps d'armée ; par un second décret,il proposait de rappeler en fonctions cinq autres commandants de corps d'armée dont les services lui paraissaient le plus utiles.

Le maréchal président a déclaré qu'il ne se prêterait à aucun prix aux changements projetés, et a refusé de sanctionner les décrets, comme étant contraires aux intérêts de l'armée. En présence de ce refus, le ministère menace de se retirer. M. le maréchal de Mac-Mahon, entrevoyant l'impossibilité de trouver un ministère pour remplacer le ministère Dufaure, et, d'un autre côté, maintenant sa décision au sujet des commandements militaires, donne sa démission de président de la République le 30 janvier suivant1.

1. Journal des Débats des 30 et 31 janvier 1879. « Les élections du 5 janvier 1879 pour le renouvellement triennal du Sénat, ayant amené une majorité républicaine au Sénat, trois semaines plus tard, le maréchal de Mac-Mahon saisit le prétexte d'un dissentiment avec ses ministres sur le projet de loi concernant les grands commandements militaires, pour donner sa démission, sans récriminations politiques. » (Vapereau. Dictionnaire des contemporains.)

Sa lettre de démission, qu'il a adressée aux présidents des deux Chambres et qui leur a été lue le jour même, était ainsi

conçue:

Monsieur le président, dès l'ouverture de cette session, le ministère vous a présenté un programme des lois qui lui paraissaient, tout en donnant satisfaction à l'opinion publique, pouvoir être votées sans danger pour la sécurité et la bonne administration du pays. Faisant abstraction de toute idée personnelle, j'y avais donné mon approbation, car je ne sacrifiais aucun des principes auxquels ma conscience me prescrivait de rester fidèle. Aujourd'hui le ministère, croyant répondre à l'opinion de la majorité dans les deux Chambres, me propose, en ce qui concerne les grands commandements militaires, des mesures générales que je considère comme contraires aux intérêts de l'armée, et par suite, à ceux du pays. — Je ne puis y souscrire en présence de ce refus, le ministère se retire. Tout autre ministère pris dans la majorité des assemblées m'imposerait les mêmes conditions. Je crois, dès lors, devoir abréger la durée du mandat qui m'avait été confié par l'Assemblée nationale. Je donne ma démission de président de la République.

En quittant le pouvoir, j'ai la consolation de penser que durant les cinquante-trois années que j'ai consacrées au service de mon pays comme soldat et comme citoyen, je n'ai jamais été guidé par d'autres sentiments que ceux de l'honneur et du devoir, et par un dévouement absolu à la patrie.

Je vous invite, monsieur le Président, à communiquer au Sénat ma décision, etc.

MARECHAL DE MAC-MAHON, DUC DE MAGENTA.

Versailles, le 30 janvier 1879.

A la même séance, les Chambres ont donné acte de la démission du maréchal de Mac-Mahon et se sont réunies le même jour à quatre heures et demie dans la salle des séances de la Chambre des députés, en Assemblée nationale, à l'effet de nommer un nouveau président de la République. Dans cet intervalle, conformément à l'article 7 de la loi constitutionnelle du 23 février 1875, le conseil des ministres est investi du pouvoir exécutif.

Sur 743 votants, M. Jules Grévy a obtenu 563 suffrages; M. le général Chanzy 99.

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M. Jules Grévy ayant obtenu la majorité absolue des suffrages exprimés, dit M. le président Martel, je le proclame président de la République française pour sept années.

Ce résultat est accueilli par des applaudissements prolongés à gauche et au centre et aux cris de Vive la République !

Le Journal officiel du 31 janvier publiait la note suivante :

Après la proclamation du vote, le conseil des ministres a porté à M. Grévy le procès-verbal de la séance constatant sa nomination. Les ministres ont remis entre les mains du nouveau président leur démission et celle des sous-secrétaires d'État. Il les a priés de garder leurs fonctions pour l'expédition des affaires 1.

Le même jour, à la reprise de la séance de la Chambre des députés, M. le vice-président Bethmont donne lecture de la lettre suivante de M. le président Grévy:

Monsieur le vice-président, c'est avec un profond regret que je vous adresse ma démission de la présidence de la Chambre des députés. Je remercie encore une fois mes collègues de la sympathie dont ils n'ont cessé de m'honorer et qui me suivra, je l'espère, dans mes nouvelles fonctions.

Je vous prie d'agréer, etc.

JULES GRÉVY.

Cette lecture est accueillie par une double salve d'applaudissements 2.

1. A l'issue de l'Assemblée nationale, M. Dufaure et tous les ministres se sont rendus chez M. Grévy pour lui porter le résultat du vote. M. Dufaure a exprimé la satisfaction que lui causait ce résultat qui est la récompense de toute une vie de droiture. Il a exprimé la confiance que M. Grévy emploierait, dans la charge suprême, au service de la France et de la République, les mêmes qualités qui l'ont distingué dans les Assemblées et dans le parti républicain. M. Grévy, très ému, a remercié les ministres en quelques mots. (Agence Havas du 30 janvier 1879.)

2. Le lendemain, 31 janvier, M. Gambetta a été élu président de la Chambre des députés par 314 voix sur 403 votants.

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M. Jules Grévy1

Président de la République Française
(30 JANVIER 1879 2 DÉCEMBRE 1887)

Ministère Waddington (4 février-28 déc. 1879).

Pendant la durée de la présidence de M. Jules Grévy, douze cabinets se sont succédé. Le premier a été constitué comme suit par décrets du 4 février 1879, sous la présidence de M. Waddington:

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4 mars.

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Modifications au ministère du 4 février 1879.

1879

1879

Lepère, intérieur et cultes. 5 mars. Tirard, agricult. et com-
Martin-Feuillée,

merce.

1. Né à Mont-sous-Vaudrey (Jura) le 15 août 1807 d'une famille de cultivateurs. Président de l'Assemblée nationale du 16 février 1871 au 2 avril 1873, et de la Chambre des députés du 8 mars 1876 au 30 janvier 1879.

2. Ministre dans le cabinet précédent.

3. Nommé seulement le lendemain 5 février.

4. Nommé le 13 février suivant.

5. Ce ministère par intérim n'a duré que jusqu'au 4 mars suivant; les cultes ont ensuite été rattachés au ministère de l'intérieur.

6. Création nouvelle.

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