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d'Ornano tendant à fixer au lendemain la nomination de la commission pour l'examen des propositions de revision de la Constitution.

Le Journal officiel du lendemain 31 mars publiait la note suivante datée du 30:

A la suite de la séance de la Chambre des députés du 30 mars, le président du conseil, les ministres et le sous-secrétaire d'Etat des colonies ont remis leur démission entre les mains de M. le Président de la République.

Le premier cabinet présidé par M. Tirard avait vécu un peu moins de quatre mois.

Ministère Floquet (3 avril 1888-22 févr. 1889).

M. Charles Floquet, chargé par M. Carnot du soin de former un ministère, avait terminé sa mission le 3 avril 1888. Par décrets de ce jour, le nouveau Cabinet était constitué comme suit :

Présidence du conseil et intérieur.
Charles Floquet.
Léon Bourgeois".

Justice et cultes. Ferrouillat.
Affaires étrang. René Goblet.
Finances. Peytral.
Guerre. De Freycinet2.

Marine et colon. V.-amir. Krantz1.
De La Porte3.
Instr. publ. et beaux-arts. Édouard
Lockroy.

Travaux publics. Deluns-Montaud.
Com. et industr. Pierre Legrand.
Agriculture. Viettel,

Modification au ministère du 3 avril 1888.

1889. 5 févr. Guyot-Dessaigne, justice et cultes.

1. Ministre dans le précédent cabinet.

2. Le portefeuille de la guerre a été confié cette fois à un ministre civil; ce fait ne s'était pas produit depuis le 5 avril 1848, jour où François Arago a été nommé ministre de la guerre par le Gouvernement provisoire.

3. Nommé le 5 avril suivant. 4. Nommé le 19 mai suivant.

Démission du ministère Floquet (14 févr. 1889).

Le ministère présidé par M. Ch. Floquet est tombé sur la même question que le cabinet précédent, mais par un vote exactement en sens inverse. Le 14 février 1889, l'ordre du jour de la Chambre des députés appelle la discussion du projet et des propositions de résolution tendant à la revision de la Constitution. M. le baron de Mackau demande l'ajournement de cette discussion à huitaine. M. Charles Floquet, président du conseil, demande la discussion immédiate :

Quant au Gouvernement, dit-il, il rappelle une fois de plus qu'il n'a nullement l'intention, ni aujourd'hui, ni plus tard, de proposer au Président de la République la dissolution de la Chambre. En conséquence, je demande à la Chambre de vouloir bien aborder la discussion de la revision.

La proposition d'ajournement de M. le baron de Mackau, mise aux voix, est repoussée par 363 voix contre 175. M. le comte de Douville-Maillefeu propose ensuite l'ajournement indéfini. M. Charles Floquet combat cette proposition:

Le Gouvernement, dit-il, est obligé de rappeler qu'il y a eu une délibération de la Chambre mettant en première ligne la question du scrutin uninominal et en seconde ligne, avec date fixe, la question de la revision. Le Gouvernement s'en tient à la délibération de la Chambre.

La demande d'ajournement indéfini, mise aux voix, est adoptée par 307 voix contre 218. A la suite de ce vote, M. Charles Floquet monte à la tribune et fait la déclaration suivante :

Messieurs, à la séance de samedi dernier, le Gouvernement a demandé et obtenu que la Chambre voulût bien mettre en tête de l'ordre du jour de lundi la discussion sur le scrutin uninominal: il a demandé et obtenu en même temps que la séance d'aujourd'hui fût désignée pour la discussion de la revision. Le Gouverment s'était engagé à discuter la réforme électorale et la revision

constitutionnelle et à poser la question de cabinet à l'occasion de chacune de ces discussions. J'ai l'habitude de tenir mes engagements. (Applaudissements répétés à gauche.)

-

La Chambre m'ayant mis, par le vote qui vient d'être rendu, dans l'impossibilité de remplir le second de mes engagements, j'ai l'honneur de lui annoncer que, dans quelques minutes, je remettrai entre les mains de M. le Président de la République la démission du cabinet. (Acclamations prolongées à gauche. M. le président du conseil, de retour au banc du Gouvernement, reçoit les félicitations de ses collègues - Mouvement prolongé. Les ministres quittent la salle des séances. Les membres de la gauche se lèvent et accompagnent la sortie des ministres d'acclamations et d'applaudissements répétés.)1

Le Journal officiel du lendemain 15 février annonçait qu' «‹ à la suite de la séance de la Chambre des députés du 14 février, le président du conseil, les ministres et le sous-secrétaire d'État au ministère de l'intérieur ont remis leurs démissions à M. le Président de la République

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Second ministère Tirard (22 février 1889-17 mars 1890).

Après huit jours de crise, le nouveau cabinet formé par M. Tirard, appelé pour la seconde fois à la présidence du

1. Le 27 janvier 1889, le général Boulanger, chef du parti revisionniste et anti-parlementaire, avait été élu député du département de la Seine par 245.236 voix contre M. Jacques, président du Conseil généra1 de la Seine, candidat républicain opportuniste, qui n'avait obtenu que 162.875 voix. A la suite de cette élection, le Journal des Débats publiait l'article suivant dans son numéro du 28 janvier :

«Bruits de changement ministériel.

« Des entretiens d'une grande importance ont eu lieu hier soir à la suite de l'élection du général Boulanger dans la Seine. Un certain nombre d'hommes politiques appartenant au parti opportuniste et au parti radical ont paru d'avis, à la suite de ces conférences, que la crise que subit actuellement la République ne saurait se dénouer que par le renversement du cabinet Floquet et un changement de ligne gouvernementale. Ils ont mis en avant l'idée de la formation d'un cabinet mixte, qui exercerait une action énergique contre le boulangisme. Les pourparlers se sont prolongés fort avant dans la nuit et il ne serait pas impossible que la séance d'aujourd'hui à la Chambre vit l'accomplissement des projets que nous venons d'indiquer. »

conseil, était, par décrets du 22 février 1889, constitué de la

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Démission du second ministère Tirard (14 mars 1890).

Le second cabinet, présidé par M. Tirard, a été renversé par un vote hostile du Sénat, fait unique dans les annales sparlementaires. Sa situation était bien un peu chancelante depuis le départ de M. Constans (1er mars 1890). La démission de M. Constans s'est produite à la suite d'un dissentiment et de propos un peu vifs échangés entre lui et M. Tirard dans le conseil du 1 mars, au sujet du choix d'un titulaire pour les fonctions de premier président de la cour de cassation, devenues vacantes vacantes par l'admission à la retraite de M. Barbier. Déjà ce jour-là, M. Tirard voulait remettre sa démission au Président de la République; mais, sur les instances de M. Carnot, il consentit à rester en fonctions, et M. Léon Bourgeois fut nommé en remplacement de M. Constans3.

1. Seul ministre du cabinet précédent.

2. Les colonies ont été rattachées au ministère du commerce et de l'industrie par décret du 14 mars 1889.

3. Ce n'est pas que le ministre sortant fût aisé à remplacer : M. Constans a rendu à son parti, au nôtre, des services qui ne s'oublieront pas; la confiance qu'il avait donnée de sa vigueur et de sa dextérité, et qu'il a d'ailleurs complètement justifiée par sa brillante

A la séance du Sénat du 13 mars 1890, M. Foucher de Careil adresse, au nom du groupe agricole, une question à M. le ministre des affaires étrangères au sujet du traité de commerce franco-turc qui expirait le soir même. L'orateur demande au Gouvernement quel va être le régime entre les deux pays.

On a parlé de faire revivre le traité de 1802, dit-il; ce traité peutil avoir encore quelque valeur ?... Il appartient au ministre de calmer les appréhensions du Sénat et de lui dire sous quel régime économique la France sera demain vis-à-vis de la Turquie.

M. Spuller, ministre des affaires étrangères, répond en ces

termes :

...

Y a-t-il eu un différend sur l'application du traité de 1802? Nous avons posé la question à la Porte. Elle n'a pas hésité. Le traité de 1802 nous reconnaît en toutes matières dans son article 9 le traitement de la nation la plus favorisée. Nous avons demandé à la Porte si telle était son interprétation. Elle a répondu affirmativement... Nous n'avons engagé aucune négociation, et il n'a pas été question de traité... A partir de demain, aux termes de la déclaration de Saïd Pacha, la France jouira en Turquie des bénéfices de la clause de la nation la plus favorisée. Voilà le régime qui sera demain le modus vivendi entre la France et la Turquie; voilà une réponse précise.

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Je pense que nous avons sagement agi dans l'intérêt du pays en provoquant cette réponse de la part de la Porte. Je la soumets au Sénat, en me bornant à lui faire observer que si nous déclarions, comme l'a fait qu'il me permette de le lui dire avec quelque peu d'imprudence (Rumeurs à droite), l'honorable M. Foucher de Careil, que si nous déclarions aboli le traité de 1802, dans sa partie politique et aussi dans sa partie douanière et commerciale, nous nous trouverions en présence de l'inconnu.

Les Chambres françaises resteront toujours en état de dénoncer le traité de 1802, si tel leur apparaît l'intérêt du pays, mais j'ose espérer qu'elles ne verront pas l'intérêt du pays dans l'abandon des capitulations. (Mouvement.) Car renoncer aux capitulations, ce

campagne contre la faction boulangiste, a contribué pour une forte part à nos succès électoraux; aussi est-il assuré d'être suivi dans sa retraite par les sympathies et les regrets de la majorité. (Journal Le Temps du 3 mars 1890.)

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