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1° Qu'à l'époque où Me Tornezy était en négociation avec M. Gautrait pour l'achat de son office, quatre autres études lui étaient offertes à Bordeaux...;

2o Qu'après la prestation de serment de Me Tornezy, qui a eu lieu le 29 novembre 1841, M. Gautrait a continué à habiter à Bordeaux la maison dans laquelle était l'étude, jusqu'à la fin d'avril 1842, époque de son départ pour Paris, et avait un cabinet séparé dans lequel il recevait les personnes qui avaient à lui parler, et conservait ainsi des rapports directs et suivis avec sa clientèle;

3° Que M. Gautrait, quoique habitant à Paris, conservait avec Bordeaux des rapports suivis qui ne permettaient pas de supposer sa fuite;

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4° Que pendant le temps qui s'est ainsi écoulé, plusieurs des clients de M. Gautrait, qui ont été plus tard compromis dans sa déconfiture, sont entrés en relation avec Me Tornezy, et ont continué avec lui leurs relations d'affaires;

5° Que la condamnation correctionnelle de M. Gautrait, qui a révélé de nombreux abus de confiance, et le scandale qui en est résulté, ont rejailli d'une manière fâcheuse sur Me Tornezy, à ce point que le parquet s'en est ému et que la chambre des notaires a été consultée sur le fait de la complicité de Me Tornezy;

6°. Que l'éclat et les soupçons qui ont pu résulter pour la clientèle, toujours facile à effrayer, ont eu pour effet de faire perdre à Me Tornezy un grand nombre de clients, même parmi ceux qui s'étaient adressés à lui antérieurement à la condamnation de M. Gautrait.

La demoiselle Gautrait oppose à cette demande deux fins de non-recevoir tirées, l'une de la renonciation à l'action actuelle qui résulterait de la déclaration affirmative faite en 1812 par Me Tornezy, l'autre de la tardiveté de cette action. Au fond, elle conclut à ce que Me Tornezy soit déclaré mal fondé.

Dans cette instance, intervient la dame veuve Gautrait, qui prend les mêmes conclusions.

Sur quoi, le 26 mai 1849, jugement ainsi conçu :

LE TRIBUNAL; Sur la première fin de non-recevoir : Attendu que lors de sa déclaration de sommes, Tornezy a eu le soin d indiquer le capital primitivement dû à Gautrait, les à-comptes payés, les délégations faites sur ce capital et le solde qu'il devait encore, déduction faite desdits paiement et délégation; que là se bornaient les obligations qui lui étaient imposées; qu'il n'avait point à faire connaltre les actions qu'il pouvait avoir intérêt à exercer plus tard contre son créancier; qu'alors même qu'à cette époque il eût déjà connu les vices cachés dont il se prévaut aujourd'hui pour demander à faire diminuer le prix de la chose qui lui a été vendue, rien ne l'obligeait à faire connaître l'intention où il était de se pourvoir pour obtenir cette réduction; que son silence ne saurait lui être opposé comme faisant

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obstacle à la demande qu'il a ultérieurement formée; Sur la fin de don-recevoir prise de ce que l'action de Tornezy aurait été tardivement formée: Attendu que les dispositions de l'art. 1641, C.C., sont générales; qu'elles s'appliquent à toutes sortes de ventes d'objets mobiliers et immobiliers; que l'action en diminution de prix, ou en rescision de la vente qui en découle, peut être exercée chaque fois que l'acheteur découvre dans la chose vendue un vice caché qui la détériore et en diminue la valeur, de telle sorte qu'il ne l'eût pas acquise ou en eût donné un moindre prix, si ce vice avait été connu de lui; qu'il a plusieurs fois été jugé, et que d'ailleurs il n'est pas contesté, que les ventes d'offices ministériels sont, comme toutes choses qui sont dans le commerce, soumises à l'action quanti minoris chaque fois que le nouveau titulaire découvre, après la vente, des circonstances qu'il ne pouvait connaître au moment où elle lui a été consentie, et qui ont eu pour résultat de diminuer la valeur de l'office acheté; -Attendu qu'une action de cette nature tombe toutefois sous l'appli cation des dispositions de l'art. 1618, C.C., qui veut qu'elle soit intentée dans un bref délai; qu'à la vérité, le législateur n'en a pas déterminé la durée; mais qu'il ressort évidemment de la nature même de l'action qu'elle doit se rapprocher de l'époque où la vente a été consentie; que s'il en était autrement, il deviendrait impossible de s'assurer si le vice caché dont on excipe existait au moment de la vente et si la dépréciation qu'a pu subir l'office provient du vice siguale ou de toute autre cause; -Attendu que, pour échapper aux con séquences qui découlent de l'application à la cause des dispositions de l'art. 1618, Tornezy prétend que son action a sa racine non-sculement dans l'art. 1641, C.C., mais encore dans les art. 1109 et 1116; qu'aussi elle n'a d'autre limite que celle indiquée dans l'art. 1304 dudit Code, qui fixe à dix ans la durée de l'action en rescision; — Attendu que les dispositions de l'art. 1304, C.C., sont relatives au cas où le consentement des parties a été vicié par la violence, l'erreur ou le dol; qu'aucune violence n'a été exercée contre Tornezy; que l'erreur dont il est question dans cet article doit porter sur la matérialité de la chose vendue, et qu'on ne saurait prétendre que les parties n'aient été parfaitement d'accord sur la chose qui faisait l'objet da Contrat; que pour qu'il y ait dol, il faut, aux termes de l'art. 1116, que le consentement de l'une des parties soit le résultat de mancuvres pratiquées par l'autre, manoeuvres sans lesquelles le consentement au contrat, dont la rescision est demandée, n'eût pas été donné; -Attendu que Tornezy ne prétend point qu'au moment où il a acquis l'étude de Gautrait, la clientèle de cette étude fût moins nombreuse que ce dernier ne le lui avait annoncé; qu'il est démontré que les revenus de l'étude, qui étaient indiqués comme s'élevant à 20,000 francs par an, n'avaient pas été inférieurs au chiffre accusé trait, et que, pendant les dernières années de son exercice, la moitié par des produits s'était au moins élevée à cette somme; que la sincérité des répertoires de l'étude n'a jamais été mise en doute; qu'ainsi on ne saurait prétendre que des manoeuvres aient été pratiquées pour tromper l'acquéreur sur la valeur de l'objet vendu, et que son consentement soit le résultat du dol pratiqué à son préjudice; qu'on ne peut donc exciper des dispositions des art. 1109 et 1116, C.C., pour demander la rescision de la vente consentie par Gautrait à Tornezy, qui ne saurait ainsi s'abriter derrière les dispositions de l'art. 1304 du

Gau

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même Code, pour soutenir que la durée de son action ne peut se prescrire que par dix ans ;-Attendu, en fait, que l'action en garantie, à raison des vices cachés de la chose vendue, n'a été intentée par Tornezy que plusieurs années, non-seulement après la vente qui lui en a été consentie par Gautrait, mais encore longtemps après l'époque où la déconfiture de ce dernier et son inconduite ont été notoirement connues; qu'il serait impossible au tribunal, après un aussi long espace de temps, d'apprécier l'influence qu'ont pu avoir ces deux circonstances sur la diminution des produits de l'étude et la dépréciation qu'elle a dû subir; que Tornezy aurait dû, conformément aux prescriptions de l'art. 1648, C.C., former son action dans un bref délai, c'est-à-dire à une époque voisine de la vente, ou tout au moins de l'événement auquel il attribue la dépréciation dont il excipe; que ne l'ayant pas fait, il ne saurait être recevable à l'intenter aujourd'hui;-Attendu, en ce qui concerne les dépens occasionnés par l'intervention de la dame Gautrait, la succession était valablement représentée par l'heritière bénéficiaire; que si la dame Gautrait est intervenue dans l'instance, c'est dans son intérêt personnel, et qu'elle doit dès lors supporter les frais qu'a nécessités son intervention;-Par ces motifs, reçoit la dame Gautrait intervenante dans l'instance et la condamne néanmoins aux frais qu'a nécessités son intervention; déclare Tornezy non recevable dans l'action en réduction du prix de vente qu'il a intentée contre la succession Gautrait, et le condamne aux dépens.

que

Devant la Cour, on a plaidé que Me Tornezy était fondé à demander une réduction de prix; qu'en effet, la dépréciation qu'avait subie l'étude était certaine; qu'il en résultait pour lui une action basée sur l'art. 1109, dont l'art. 1641 n'est qu'une application spéciale. En effet, a-t-on dit, la dissimulation d'un vice caché est un dol de la part du vendeur et vicie le consentement de l'acheteur, qui n'a été donné que par suite de l'erreur, fruit de ce dol. L'art. 1644 édicte la conséquence de ceci; mais le cessionnaire d'un office n'a pas l'option offerte par cet article; il ne peut que demander la réduction de prix. En fait, la dissimulation de la fâcheuse position du sieur Gautrait à l'égard de sa clientèle, constitue un vice caché suffisant pour autoriser l'action, Voy. Paris, 24 fév. 1845 (J. Av., t. 69, p. 395), 28 janv. 1848 (t. 73, p. 180, art. 395); Cass. 2 août 1847 (t. 73, p. 24, art. 327), etc. On oppose des fins de non-recevoir. 1° On prétend induire une renonciation à l'exercice de l'action actuelle de la déclaration de sommes du 20 décembre 1842. Le tribunal a repoussé avec raison cette fin de non-recevoir. Me Tornezy n'avait pas à s'expliquer sur les actions qu'il pourrait plus tard intenter. Comp. Paris, 28 janvier 1848; Cass. 2 août 1847. 2o L'action est tardive, dit-on, et on invoque l'art. 1648. Mais cet article est inapplicable à cette nature de demande. Les art. 1641 à 1649 ont été édictés en vue de toutes autres choses

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que les offices, qui ne sont entrés dans le commerce que par la loi de 1816. Le contrat de cession d'office est tout spécial. Les dispositions générales du droit lui sont inapplicables. L'art. 1648,,

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par exemple, repose sur des raisons particulières : la prompte découverte des vices cachés; la nécessité de presser l'introduction de l'instance. C'est une loi de nécessité. Rien de pareil dans les cessions d'office. La possession d'une étude n'amène pas dans un délai rapide la découverte des méfaits du vendeur d'un autre côté, aucune incertitude possible sur l'origine de la dépréciation. Donc, pas de nécessité d'agir promptement. L'art. 1648 est donc inapplicable.Qu'on ne dise pas qu'il faut renoncer à l'action ou l'accepter avec toutes ses conditions. La Source du droit n'est pas dans l'art. 1641, mais dans l'art. 1109. V. Bordeaux, 20 mai 1848 (J. Av., t. 73, p. 555, art. 548). La déchéance de l'art. 1648 est toute spéciale et ne peut être opposée à l'action intentée par Me Tornezy. La jurisprudence ne présente aucune décision contraire. V. jugement du tribunal de Joigny, du 14 janvier 1847 (Journal des Notaires, 1848, p. 120). Dans les nombreuses espèces où les arrêts ont admis l'action en réduction, jamais la déchéance dont on excipe maintenant n'a été opposée. Ainsi, dans l'espèce de l'arrêt de Cass. du 2 août 1847, la vente était de 1842 et l'action de 1844; dans celle de l'arrêt de Paris du 24 février 1845, la vente était de 1838, l'action de 1843; dans celle de l'arrêt de Riom, rapp. J. Av., t. 72, p. 635, art. 295, la vente était de 1838, l'action de 1845. Au surplus, le juge est investi en cette matière d'un pouvoir discrétionnaire. Or, dans l'espèce actuelle, il n'y a pas eu de retards exagérés...: donc, pas de déchéance encourue. La seule déchéance applicable serait celle de l'art. 1304, C. C. -Dans tous les cas, a-t-on ajouté, il y a eu de la part du tribunal omission de prononcer sur l'offre de preuve ; cette omission doit être réparée.

Pour les intimées, on a reproduit et développé les raisons qui servent de base au jugement.

ARRÊT.

LA COUR-Attendu que Tornezy avait articulé, devant les premiers juges, six faits dont il demandait à faire la preuve par témoins;-Attendu que les premiers juges n'ont pas statue sur ces six faits, et que Tornezy les a reproduits devant la Cour; Attendu que l'omission de prononcer des premiers juges doit être réparée; Attendu que les mêmes raisons qui ont fait déclarer non recevable l'action en réduction du prix d'un office de notaire, intentée par Tornezy, doivent aussi faire déclarer non recevable la preuve testimoniale par lui offerte; Par ces motifs, et adoptant ceux des premiers juges, sans s'arrêter ni avoir égard à la preuve testimoniale des faits articulés par Tornezy, laquelle preuve est déclarée non recevable, met l'appel au néant...!! Du 19 nov. 1850.1re Ch. 2MM. Prévot-Leygonie, prés. -Lafon, Delprat et Poumereau, av.

ARTICLE 998.

Dissertation.

TAXE.-HUISSIER.-TRANSPort.

Le droit de transport est-il dû à un huissier qui instrumente hors de son canton dans une commune où réside un autre huissier? -En cas d'affirmative, ce droit est-il particulièrement à la charge du requérant (1)?

Le décret impérial du 14 juin 1813, portant règlement sur l'organisation et le service des huissiers, leur confère le droit d'exploiter concurremment dans l'étendue du ressort du tribunal civil d'arrondissement de leur résidence. Il n'y a d'autre exception à cette règle que pour les actes de la juridiction des juges de paix (V. art. 4, 16, 20 et 52 du C. de proc. civ., et 16, loi du 25 mai 1838). Refuser aux huissiers de taxer leur voyage hors du canton de leur résidence, ce serait, en réalité, limiter leurs attributions, car il est évident qu'ils ne voudraient pas se rendre à leurs frais dans le reste de l'arrondissement; ce serait assi miler leurs actes à ceux des huissiers du juge de paix, quand ces actes ont été distingués et tarifés différemment dans deux livres séparés du premier décret du 16 février 1807. La sagesse du législateur a pourvu de deux manières aux abus des déplacements des huissiers et aux moyens de les rendre moins onéreux aux parties. D'abord, l'art. 62, C.P.C., interdit d'accorder plus d'une journée de transport; puis est venu l'art. 35 du décret précité du 14 juin 1813, qui prescrit le partage des frais de voyage entre les différents actes que l'huissier signifie dans une même course.

Tous les textes que l'on consulte sur cette question confirment cette interprétation de la pensée du législateur.

La comparaison des art. 23 et 66 du Tarif fournit un argument à l'appui de notre opinion. L'art. 23, qui fixe les droits de transport pour les exploits de la juridiction des juges de paix signifiés dans le canton, ne suppose pas qu'il puisse être dû plus d'une journée à l'huissier, car il n'y a pas de canton dont le chef-lieu soit distant de ses extrémités de plus d'une journée. Mais l'art. 66, qui règle les frais de voyage des huissiers pour tous les autres actes en matière civile, ne permet pas de passer, conformément à l'art. 62, C.P.C., plus de cinq myriamètres pour une journée. Or, si ces frais n'étaient pas dus hors du canton, il était inutile de dire qu'ils ne pouvaient pas excéder 50 kilo

(1) Mes lecteurs liront, avec beaucoup d'intérêt, l'opinion de l'auteur du savant traité de la Contrainte par corps. Cette collaboration est trop honorable et trop flatteuse pour que je n'exprime pas le désir de recevoir souvent d'aussi utiles communications. Voy. J. Av., t. 74 (3o de la 2a série), p. 887, art. 780 ter.

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