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CHAPITRE III.

Le parti Bonapartiste.

Depuis la mort du duc de Reichstadt, le parti Bonapartiste n'existait plus qu'à l'état de souvenir.

Joué d'abord, en 1830, par Louis-Philippe auquel il servit de Raton, il finit par se fondre dans la phalange des satisfaits, et les Bonapartistes devinrent philippistes jusqu'à l'enthousiasme, comme s'il y eût jamais ombre de rapports entre l'immortel Napoléon et le Napoléon de la paix à tout prix.

Toutefois, ce ne fut pas l'une des roueries les moins habiles du roi des barricades, que d'avoir attelé à son char triomphal les vainqueurs d'Austerlitz, de Wagram et de la Moskowa. Il se donna ainsi un relief que son Jemmapes et son Valmy ne pouvaient présenter au peuple.

En même temps que Louis-Philippe entourait sa personne des amis et même des propres aides de camp de l'Empereur, il affublait la garde municipale dont le noyau fut pris dans les héros de barricades; il l'affublait, dis-je, de l'uniforme, prestigieux alors, de la garde impériale.

Louis-Philippe n'ignorait pas les progrès du mal qui chaque jour minait l'héritier direct du grand Napoléon; il pouvait même déjà calculer le peu de mois, le peu de jours, en quelque sorte, qui restaient encore à ce premier obstacle à ses vues dynastiques; aussi, chercha-t-il à paralyser à l'avance, au moyen de coquetteries et de faveurs sans nombre les éléments Bonapartistes, pour qu'au moment de la mort de leur prince légitime, ils ne songeassent pas à reporter sur un autre membre de la famille impériale leurs sympathies et leur appui.

Ce plan réussit en effet, car déjà l'égoïsme, l'ambition, la cupidité, l'amour du repos et du bien-être avaient commencé leurs ravages. Les appétits matériels étouffaient les affections et les souvenirs...

Quel ne fut donc pas l'étonnement des habitants des Tuileries à la nouvelle de l'audacieuse tentative de Strasbourg, qui révélait un prétendant à l'héritage du martyr de Sainte-Hélène !...

Ce complot, habilement conçu, mais mal exécuté, faillit réussir et nous délivrer douze ans plutôt du règne corrupteur et démoralisateur de la faction Orléaniste.

Dieu voulut nous faire épuiser ce calice amer jusqu'au bout...

Malgré son premier échec, le prince Louis-Napoléon, convaincu de la légitimité de ses droits, et plein de confiance dans le prestige de son nom, ne renonça pas à ses projets, car il n'est pas de ceux qui font fi de la couronne de France, il la trouve au contraire tout aussi digne que la Toison d'or que l'on brave mille dangers pour s'en parer le front!...

Mu par cette noble ambition, le jeune prince ne s'occupa plus que des moyens de se créer un parti en France, et mit tout en œuvre pour y parvenir; mais comment débuter et même se faire connaître, lui dont l'existence n'était à peine connue que d'un petit nombre de Français ?...

Le prince se livra à des études sérieuses, se fit artilleur en prenant pour modèle son oncle dont il aspirait à devenir l'héritier politique. Il chercha à pressentir les pensées, à étudier les besoins de la France en ne perdant jamais de vue l'action des masses sur les destinées de ce pays.

Ses ouvrages furent donc autant de jalons habilement posés pour éclairer sa marche, lente il est vrai, mais que la persévérance dont le prince est doué devait favoriser, tout en le faisant passer par quelques-unes de ces rudes épreuves qui sont à l'homme ce que le creuset est pour l'or.

Le parti Bonapartiste, qui s'était fondu depuis 1830, soit dans l'Orléanisme, soit dans les sociétés secrètes d'où devait surgir plus tard, et tout armée, la milice républicaine; le parti Bonapartiste commença à se re

constituer pendant la captivité du prince Louis à Ham ; car, ce qui semblerait un contre-sens, l'on n'est nulle part mieux qu'en prison pour conspirer. Je le sais par expérience, et lorsque le prince sut tromper la vigilance de ses gardiens et conquérir sa liberté par un trait d'audace et de présence d'esprit, il avait déjà formé un noyau qui, plus tard, en se grossissant par le zèle, l'activité, l'intelligence et le dévoûment de ses principaux partisans, devait l'appeler à la première magistrature de la république.

La tactique fut habilement dirigée, et grande fut la stupéfaction des prétendants à la présidence, quand ils se virent primer par un proscrit auquel ils avaient d'abord refusé asile sur sa terre natale.

La fraction Bonapartiste qui s'était enrôlée sous le labarum républicain, revint se placer sous le drapeau d'Austerlitz, mais décuplée par de nouveaux adeptes enlevés aux différentes sectes qui minent la république, les unes, par leurs absurdes utopies, les autres, par leurs sauvages arrière-pensées.

Toutefois, ce revirement ne s'accomplit qu'au moment des élections, car avant la lutte et même pendant le combat de février, le parti Bonapartiste n'agit pas séparément; chacun s'associa de son mieux au mouvement qui avait pour but commun le renversement d'un pouvoir dont la France était lasse.

CHAPITRE IV.

Le parti Légitimiste.

Sauvageons de l'arbre monarchique, les quelques centaines de talons rouges émérites qui ont la prétention de constituer, SEULS, tout le parti Légitimiste, ne sauraient cependant, comme tous les sauvageons connus, produire que des fruits dégénérés, et s'ils se font gloire de descendre en ligne directe des Croisades, de la Ligue ou de la Fronde, leurs dernières prouesses se sont accomplies sur les bords du Rhin: depuis lors leur écu s'est brisé dans les antichambres, car combien d'entre eux vinrent-ils défendre la cause Royale en Bretagne et dans la Vendée militaire?...

Là, ne se montrèrent en armes que le peuple, que le soldat, et ce modeste chevalier de province, si dédaigneusement appelé hobereau, par ces marquis de l'OEil de Bœuf.

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