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CHAPITRE II.

Les droits des prêtres fondés sur l'Écriture.

Réfutation de la Luzerne.

Maultrot et les autres qui ont pris en main la cause des opprimés dans l'Église démontrent mieux le pouvoir des prétres que celui des laïques. La Luzerne essaye vainement de les réfuter. Avec Ladvocat, il distingue quatre opinions sur les prêtres dans les conciles relativement à la foi'.

La première les constitue juges de droit divin, et fait les jugements des évêques nuls, s'ils ne sont soutenus par l'assentiment des prêtres.

D'après la deuxième, les prètres, surtout s'ils exercent quelque juridiction, tels que les curés, sont juges, ou de droit divin, comme quelques-uns le pensent, ou par une coutume légitimement prescrite; mais les jugements des évêques ont leur force indépendamment du suffrage des prêtres, que le concile est libre d'admettre ou de ne pas admettre à voter.

Suivant la troisième, les prêtres sont conseillers de droit divin, et le concile peut leur accorder la qualité de juges, en sorte qu'ils ne sont juges que par un droit emprunté.

La quatrième nie la possibilité d'un pareil droit, et leur refuse non-seulement la qualité de juges, mais l'aptitude à l'acquérir; si quelquefois ils ont paru en jouir, c'était un vote d'honneur et de bienséance.

La Luzerne se range au troisième sentiment, nous au premier; mais il faut en expliquer la dernière partie. L'épiscopat, la prêtrise, le laïcisme, jugent chacun avec une entière indépendance, et leurs jugements ont d'eux-mêmes toute la force qui leur est propre. A la vérité, aucun n'est absolument

1. Droits des évêques, p. 482.

obligatoire, pas même celui de l'épiscopat, qui est le plus haut et qui a le plus de poids. Ce qui oblige, c'est leur accord, par lequel tous se résolvent en un jugement unique, qui est le jugement de l'Église.

Si par décision qui n'est pas nulle on entend une décision obligatoire, celle des évêques n'aura point de valeur sans l'approbation des prêtres et des laïques. Mais, à plus forte raison, la décision des prêtres n'aura pas de valeur non plus sans l'approbation des évêques et des laïques. A plus forte raison encore, la décision des laïques n'aura une valeur qu'étant approuvée par les évêques et les prêtres. Or, qu'est-ce à dire, sinon qu'il existe plusieurs pouvoirs dans l'Église, et qu'une sentence des évêques, tout imposante qu'elle puisse être, ne fait point loi toute seule? que, quoique fort au-dessus de rien, elle n'est point tout?

Voilà le sens raisonnable qu'on doit attribuer à la seconde moitié de la première opinion. Bien qu'elle regarde les conciles qui traitent de la foi et de la discipline universelle, on voit qu'elle ne leur est point applicable. A la rigueur, ils pourraient se composer de tous les évêques, mais non de tous les prètres, à cause de leur multitude, encore moins de tous les laïques. C'est pourquoi les jugements qu'ils prononcent n'obligent que lorsque les catholiques absents, pasteurs et simples fidèles, les ont acceptés. La partie de l'opinion que nous éclaircissons conviendrait aux conciles dans lesquels il ne s'agit que d'usages particuliers, d'affaires locales, et qui en sont les arbitres.

Je reprends cette opinion elle-même. Elle déclare les prêtres juges de droit divin. Là-dessus, écoutons l'abbé de la Chambre : « Voici les termes dont le Sauveur du monde s'est servi en donnant la mission à ses apòtres: Toute puissance m'a été accordée dans le ciel et sur la terre. Allez donc, et instruisez tous les peuples, les baptisant au nom du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit... Assurez-vous que je serai avec vous jusqu'à la consommation des siècles. Cette promesse est positive; il faut qu'elle ait son entier accomplissement, parce

qu'elle est absolue, et que rien n'est capable d'empêcher réellement l'exécution d'un arrangement que Dieu n'a fait dépendre d'aucune condition. Or, que nous annonce la promesse solennelle dont il s'agit? Plusieurs vérités qui font clairement entendre que les prêtres sont associés avec les évêques au ministère évangélique, et qu'ils jouissent tous des priviléges qui y sont attachés. Entrons dans le détail.

« 1. La promesse dont il est ici question démontre que l'Église n'est composée que de deux sortes de personnes de celles qui donnent des enseignements, et de celles qui les reçoivent; de celles qui administrent, et de celles qui sont l'objet du ministère; ou, ce qui revient au même, de pasteurs et de fidèles, de chefs et de brebis. Il faut donc nécessairement que les prêtres appartiennent à l'une ou à l'autre de ces deux classes. Les mettre dans la classe des simples fidè les, c'est les confondre avec le peuple; c'est les avilir, et avancer une erreur que l'Église a anathématisée dans tous les siècles. On doit donc les regarder comme de vrais pasteurs.

« 2. Quelles sont les fonctions des ministres de l'Évangile? Elles se réduisent à l'administration des sacrements et à la prédication des vérités catholiques. Les prêtres ont donc l'autorité et d'instruire et d'administrer; il n'y a qu'un seul sacerdoce dans la nouvelle alliance. Tous ceux par conséquent qui en sont revêtus et honorés, participent aux mêmes fonctions. Les évêques, il est vrai, possèdent la plénitude de la puissance spirituelle; mais les prêtres en possèdent une portion, dont on ne peut les dépouiller sans crime. Ils tiennent de Jésus-Christ même, en vertu de leur ordination, le pouvoir d'administrer les sacrements et d'instruire. Voici ce que les évêques leur disent en les élevant au sacerdoce: Il faut que le prêtre offre, bénisse; qu'il préside, qu'il prêche, et qu'il baptise'. Ils sont donc chargés par état de la conservation du sacré dépôt de la foi; et il est absolument

1. Pontif. rom. Admonit. ad ord. presbyteri.

faux que les évêques en soient seuls dépositaires. Vouloir que les prêtres se taisent pour ne laisser parler que les évêques; les réduire à la qualité de simples exécuteurs de leurs règlements; prétendre qu'ils ne sont établis que pour notifier leurs décisions, et soutenir qu'ils sont absolument sans autorité, c'est avancer des maximes diamétralement contraires à l'institution divine du sacerdoce, et qui la combattent dans ce qu'elle a 'de plus sacré. Les soixante-douze disciples, au ministère desquels les prêtres ont succédé, n'étaient point apôtres, et cependant ils avaient droit d'annoncer au peuple les dogmes de l'Évangile, et de se faire obéir, puisque JésusChrist a ordonné qu'on écoutât leurs instructions comme les siennes propres : Celui qui vous écoute, m'écoute; celui qui vous méprise, me méprise; et celui qui me méprise, méprise mon Père qui m'a envoyé 1.

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« 3. Les prêtres sont les dispensateurs des mystères de Dieu et des vérités de l'Évangile. Malheur à eux s'ils donnent les choses saintes aux chiens, et s'ils annoncent aux peuples des doctrines perverses et corrompues! Ils doivent donc, d'un côté, examiner avec soin si ceux qui se présentent à leur tribunal pour obtenir la rémission de leurs péchés sont dignes d'être admis à la participation des sacrements; et, de l'autre, ils sont tenus d'étudier, avec l'attention la plus scrupuleuse, l'Écriture et la tradition, pour y puiser les vérités saintes dont ils doivent instruire le peuple. Dans l'un et l'autre de ces cas, ils ont incontestablement la qualité de juges. Ils en sont revêtus dans le tribunal intérieur de la pénitence, puisque ce sont eux qui décident de l'état des pécheurs, soit par rapport à leur croyance, en jugeant si leurs sentiments sur la foi sont conformes à la révélation, soit par rapport à leur conscience, en jugeant s'ils sont réellement convertis. On ne peut leur disputer le mème caractère lorsqu'ils enseignent. Dans cette circonstance, ils annoncent au peuple avec autorité qu'il doit croire tels et tels dogmes; et ils ne prê

1. Luc., X, 16.

chent avec sagesse et avec prudence tels ou tels points de doctrine, qu'autant qu'ils jugent que ces mêmes points de doctrine font réellement partie du sacré dépôt. L'autorité d'instruction que les prètres possèdent suppose essentiellement en eux deux pouvoirs inséparables, celui d'examiner et celui de décider. Revêtus de l'autorité de l'enseignement, ils doivent, sans contredit, approfondir les vérités de la religion. Sans cela, ils risqueraient de se tromper et de séduire les autres. Dès qu'ils ont examiné si tels et tels dogmes font ou ne font point partie des vérités catholiques, ils sont en droit de juger; et ce n'est qu'en conséquence de leur jugement qu'ils peuvent sagement prendre le parti de les notifier aux fidèles.

« 4. C'est à tous ceux que Jésus-Christ a chargés de l'administration des sacrements et de l'instruction des peuples que Jésus-Christ a adressé ces célèbres paroles : Je suis avec vous tous les jours jusqu'à la consommation des siècles. Or, les évèques ne sont pas les seuls qui soient chargés de l'exercice de ce saint ministère; les prêtres y ont quelque part. Le Sauveur du monde les y a associés sous les yeux des premiers pasteurs; et, par conséquent, la promesse dont il est ici question concerne les prêtres aussi bien que les évêques, quoique ceux-ci tiennent le premier rang dans l'ordre hiérarchique des ministres de l'Évangile.

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On nous objectera sans doute que les apôtres étaient seuls avec le Sauveur du monde, quand il leur dit Je suis avec vous tous les jours; et qu'en conséquence il faut concentrer en eux et dans leurs successeurs l'effet de cette promesse divine. M. Bossuet n'a jamais été frappé de ce raisonnement; il remarque avec raison, comme nous l'avons déjà dit, que c'est à la communion des pasteurs et des troupeaux que Dieu a promis d'être avec elle tous les jours '. Saint Matthieu nous apprend, il est vrai, que les onze apôtres se rendirent en Galilée, et que Jésus-Christ leur fit la

1. IIe instr. sur l'Église.

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