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Quiconque ose retrancher quelque chose de cette vérité, fondée sur la pierre de la sainte Écriture, tombe «< dans une hérésie déjà condamnée, et qui n'a jamais été « soutenue par aucun théologien, surtout de la Faculté de Paris, ni par aucun saint '.» Bossuet montre, par plusieurs exemples, qu'il ne suffit point, pour être exempt d'hérésie, en niant la supériorité du concile sur le pape, que le concile de Constance se soit borné à la proclamer, sans déclarer hérétiques ceux qui la contrediraient. S'il se décide à les excuser, c'est qu'il les suppose incapables de saisir l'importance d'une telle vérité, et qu'ils agissent de bonne foi.

Cependant, qu'avec la même simplicité ils rejetassent ou le baptême ou la présence réelle, se garderait-il de les anathématiser? Assurément non. Pourquoi cette différence? Le voici, je crois niez la vérité du baptême, on cesse de baptiser; niez la vérité de la présence réelle de Jésus-Christ dans l'eucharistie, on cesse d'offrir le sacrifice. Mais soutenez que le pape est supérieur au concile; le concile, pour représenter l'Église, doit être accepté par tous les évêques, tous les prêtres et tous les laïques. Or, il n'arrivera jamais qu'ils renoncent tous à l'usage de la raison, parce que, l'Église ayant pour membres des êtres intelligents et libres, si elle n'en renfermait plus, elle perdrait l'existence. On examinera avec le pape, on jugera avec lui, et la pratique ne subira point l'erreur spéculative.

Frayssinous 2 s'élève contre les gens qui voient dans les quatre articles de 1662 des dogmes aussi sacrés que ceux qui servent de fondement au christianisme. Il admet, je pense, que le sacerdoce ou le pouvoir surnaturel du pape et des évêques est un des fondements sur lesquels le christianisme repose. Or, qu'établissent les trois derniers arti

1. Déf. de la Décl., liv. V, ch. 6; et liv. VI, ch. 19; Gerson, Op., t. II, p. 355.

2. Les vrais princ. de l'Égl. gallic., 3o édit. p. 55.

cles? Que le pape n'est point seul juge dans l'Église, et qu'il y a d'autres pouvoirs que le sien? Quand ces autres pouvoirs furent-ils communiqués à l'Église, sinon lorsque Jésus-Christ dit aux apôtres : Comme mon Père m'a envoyé, je vous envoie. Mais n'est-ce pas alors également qu'elle reçut le pouvoir du pape ? Vous ne sauriez prétendre que celui-ci soit un dogme, si le pouvoir des évêques ne l'est point. Lors même que le pouvoir des évêques ne serait pas ainsi lié inséparablement au pouvoir du pape, pourriezvous dire que le don de leur pouvoir, fait par les paroles divines que je viens de citer, n'est pas un dogme? Vous objecterez peut-être que, les opposants aux quatre articles n'ayant pas été jusqu'ici excommuniés, on ne saurait y voir des dogmes proprement dits. Pourquoi ils ne l'ont pas été, Bossuet en a donné une raison, et nous une autre. Au reste, cela seul est-il de foi qui se trouve couvert par l'anathème? Supposons que jamais on n'eût contredit aucun point de la doctrine catholique, l'anathème serait inconnu. Penseriezvous néanmoins qu'il fût possible de nier toutes les vérités jusqu'à l'existence de Dieu, sans cesser d'être orthodoxe?

Tant qu'il ne s'agit que du principe, la Luzerne, je le répète, y demeure attaché; faut-il l'appliquer, il l'abandonne. Il dit qu'en Allemagne Eybel, en Italie le synode de Pistoie, en France les auteurs de la Constitution civile du clergé, ont osé s'autoriser des quatre articles pour attaquer l'autorité du pape, parce qu'ils les isolent du préambule où est établie l'obéissance que tout le monde doit aux pontifes romains, successeurs de saint Pierre. Comme cette déclaration constitue elle-même une immense désobéissance, puisqu'elle ruine le fondement de leur domination, il ne peut être question dans le préambule d'une obéissance absolue, mais telle qu'ils avaient le droit de la réclamer avant le concile de Sardique.

Je prends l'écrit d'Eybel, le synode de Pistoie, la Constitution civile du clergé, et je trouve dans le premier que la prééminence du pape s'étend au droit de suppléer à la né

gligence des autres, d'avoir soin particulièrement d'entretenir l'union dans l'Église, de tenir la main aux règlements ecclésiastiques, et de servir de modèle aux autres pasteurs. Il me semble que telle est effectivement son étendue véritable. Je trouve dans le synode de Pistoie que le pape est le centre commun et le chef ministériel de l'Église; dans la Constitution civile, qu'il est le chef de l'Église universelle, et qu'avec lui on doit entretenir l'unité de foi et la communion deux manières de caractériser son pouvoir, qui reviennent à celle d'Eybel, et chacune équivaut à la définition ordinaire, qu'il est le centre de l'unité catholique et qu'il a une juridiction dans l'Église entière, ou encore qu'il en forme la puissance exécutive.

D'après le synode de Pistoie, l'évêque est le pasteur immédiat du diocèse qui lui est confié; il a reçu de Jésus-Christ tous les pouvoirs nécessaires pour le bien gouverner; si l'exercice a pu en être interrompu par quelques circonstances, comme par cession, ou par abus, ou par quelque autre cause que ce soit, il peut toujours et doit même rentrer dans ces droits primitifs toutes les fois que l'exige le plus grand bien de son Église; procurer le plus parfait rétablissement de la discipline ecclésiastique, nonobstant tous usages contraires, et toutes exemptions ou réserves qui s'opposeraient à la plus grande gloire de Dieu et à la plus grande édification des fidèles. Voilà ce que le synode fait autant qu'il peut; voilà ce qu'Eybel dit en d'autres termes, et ce que fait, autant qu'il le peut, Joseph II, en faveur de qui parle Eybel. Enfin voilà ce que la constitution civile du clergé exécute complétement. Ce langage est-il autre chose que la vraie doctrine, professée par l'antiquité et pervertie par le moyen âge? Cette rénovation n'est-elle pas le retour à la bonne discipline, que l'antiquité observait et que le moyen âge détruisit? Attaque-t-on le pape, en frappant le despotisme qui l'a envahi et dégradé? Manque-t-on à l'obéissance qui lui est due, lorsqu'on s'élève contre l'usurpation du droit des autres, droit qu'il a pour principal objet de leur conserver,

et qu'on l'oblige à remplir son devoir principal? Est-on son ennemi, lorsqu'on écarte de lui ce qui le rend l'effroi des générations, excite leur défiance, attire leur mépris, dissout leur foi, et les décatholise? Est-on son ennemi, lorsqu'on s'efforce de le reproduire tel qu'il brillait dans les premiers siècles, où il inspirait la confiance, l'attachement et la vénération?

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Prétendue infaillibilité du Pape. — Le surnaturel confondu avec le naturel.

Je viens d'expliquer la papauté. Je vais examiner comment Maistre l'entend dans ses ouvrages du Pape et de l'Église gallicane. Cet examen amènera l'éclaircissement de ce qui serait resté obscur. A cause des développements particuliers qu'elle exige, la réfutation de l'erreur est quelquefois plus propre à faire comprendre la vérité que l'exposition directe de la vérité même.

Maistre regorge d'erreurs, et d'erreurs tant de fois victorieusement combattues, qu'il ne mériterait pas l'attention s'il existait encore quelque science canonique, si l'ignorance qui déborde et l'esprit de parti, qui est l'esprit de mensonge, ne le préconisaient comme donnant la vraie théorie du gouvernement de l'Église, et ne le répandaient avec un funeste succès. J'ai sous les yeux la huitième édition du Pape, faite en 1849. Ce qui distingue Maistre des autres ultramontains, c'est de ramener, sans qu'il s'en doute, leurs faussetés, leurs extravagances à un écart général, qui est le déisme. Par là, contre son attente, il tire au grand jour le vice des prétentions ultramontaines, et il les sape, en travaillant à les consolider sur un fondement commun.

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