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l'étranger. Une connexité étroite existe et a toujours existé en Serbie entre les progrès de l'indépendance à l'extérieur et ceux de la liberté à l'intérieur. L'une et l'autre ont la même origine. Rappelons-nous comment est née la constitution serbe. L'idée d'un statut, venue de Turquie, n'eut pas de plus zélé propagateur que le Sultan, animé du secret espoir de diviser et finalement d'opprimer une population. ignorante, à demi barbare. Ce qui devait faire la faiblesse de la Serbie fit sa force. La constitution, au lieu de servir d'instrument de discorde, devint un moyen d'affranchissement. En négligeant, en 1869, de notifier à la Porte les modifications qu'il apportait au statut, le peuple serbe affirma son indépendance. De même, vingt ans plus tard, lorsque, par son opposition, la skoupchtina réduisait Milan à abdiquer, elle triomphait autant de l'Autriche, dont le roi de Serbie était l'allié, que du roi de Serbie, ennemi déclaré de la constitution qu'on lui avait imposée. La cause du libéralisme s'identifie, on le voit, avec celle de l'indépendance nationale.

Quoi d'étonnant, dès lors, si la crise intérieure dont souffre actuellement la Serbie, se doublait tout à coup d'une crise extérieure! Certes, il est pénible de redouter des catastrophes pour un peuple ami. Mais il n'y a pas à se dissimuler que, la part des influences étrangères ayant été grande dans le brusque retour offensif de la royauté serbe contre les libertés publiques, la victoire de l'absolutisme est aussi la victoire des diplomates autrichiens. Ceux-ci vont-ils reprendre tous leurs droits dans l'antique pays des kniazes? Il est à craindre qu'au lieu d'être un simple accident temporaire, la crise constitutionnelle se prolonge, qu'Alexandre Ier continue à subir la désastreuse tutelle de son père, qu'enfin, après avoir obéi durant un certain temps aux ordres de la Triple-Alliance, la Serbie, insensiblement absorbée, en arrive à une condition analogue à celle de ses voisines, la Bosnie et l'Herzégovine. L'immixtion autrichienne, voilà le péril qui menace chaque jour de s'ajouter aux dangers intérieurs. Il est assez grave pour forcer l'attention des politiques qui admirent le plus les brusqueries du prince Milan. Que les ministres vraiment trop dociles d'Alexandre I réfléchissent un peu qu'à Vienne, depuis 1878, l'on regarde avec obstination vers le sud comme vers un pays à conquérir, et ils ne tarderont pas à être convaincus que le retour à la constitution de 1888 importe au moins autant au salut de leur souverain, soucieux de conserver sa couronne, qu'au bonheur du peuple de Serbie, jaloux de ses jeunes libertés.

FRANÇOIS MOREL,

Ancien élève de l'École.

Bibliographie. Blanqui, Voyage en Bulgarie.

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Constitution du royaume de Serbie de 1888 (Texte français. Bibliothèque de l'École des Sciences politiques). Cunibert, Essai historique sur les révolutions de Serbie. — Cyprien Robert, Les Slaves de Turquie. Demombynes, Les constitutions européennes. Iankovitch et Grouitch, Slaves du Sud. Lavallée, Histoire de l'empire ottoman. Laveleye (E. de), La Péninsule des Bal

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kans. Patou, The youngest member of the European family.

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Patou, Resear

Ranke, Histoire de Serbie.

Thalac

ches on the Danube and the Adriatic. (Docteur), Droit public de la principauté de Serbie (dans le Nord du 20 janvier 1859). Thiers, La Serbie, son passé et son avenir. Ubicini, Les Serbes de Turquie. Univers pittoresque. Principautés roumaines.

LE

COMBAT RELIGIEUX AU SCHOOL BOARD

DE LONDRES 1.

2

Il y a dans le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande environ 280 religions ou sectes enregistrées, c'est-à-dire dont les adhérents ont fait les déclarations nécessaires pour pouvoir ouvrir une église ou une chapelle; et il est probable qu'il en existe un certain nombre d'autres pour lesquelles il n'a pas été fait de déclarations.

L'importance relative de ces différentes religions est difficile à

1. Nous devons en commençant exprimer nos remerciements à M. Riley, membre du London School Board, pour les documents qu'il nous a fait envoyer, et à MM. Stanley, Macnamara et Gautrey, également M. L. S. B., et Rankin, teacher, pour les renseignements qu'ils nous ont personnellement donnés.

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Les principaux documents dont nous nous sommes servis sont des articles de M. Stanley dans le Nineteenth Century de novembre 1893 et la New Review de novembre 1894; de M. Diggle dans le Nineteenth Century de décembre 1893 et dans la National Review de novembre 1894; de M. Fitch dans le Nineteenth Century de juin et de novembre 1894; du Rév. Guiness Rogers dans le Nineteenth Century de novembre 1894, de M. Riley dans la National Review de juin 1894, du Rev. Clifford dans la Contemporary Review de novembre 1894; un article dans le dernier numéro de la Revue d'Édimbourg intitulé Educational Crisis »; The Case against Diggleism, volume publié par le School Board Election Council; Diggleism and Dogma, brochure du Rév. Copeland Bowie, les discours et les brochures de M. Riley; les comptes rendus des séances du School Board, donnés par le School Board Chronicle et la Church Education and Voluntary Schools Defense Union; les journaux les plus importants, et, d'une façon générale, la litté rature électorale relative aux élections qui ont eu lieu le 22 novembre dernier. 2. 270 suivant Whitaker, 280 suivant le Statesman yearbook. Quelques-unes de ces religions ont des noms extraordinaires. Il y a l'Armée évangélique du ruban bleu, les Eclectiques, les Missionnaires du bateau de sauvetage évangélique, les Juifs qui croient en Jésus-Christ comme étant le Messie et le Sauveur, les « Recreative Religionist », l'Armée du ruban bleu de la tempérance évangélique, la Flotte du Salut, les Unsectarians ».

E. LE CLERC.

COMBAT RELIGIEUX AU SCHOOL BOARD DE LONdres.

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déterminer, car, depuis le milieu du siècle, il n'a pas été fait de recensement religieux pour la Grande-Bretagne proprement dite. Toutefois voici les évaluations données par le Statesman Yearbook pour l'Angleterre et le Pays de Galles: anglicans 13,500,000, autres 12,500,000. Parmi ceux-ci on compte environ 1,500,000 catholiques romains, 800,000 méthodistes de toutes dénominations (Old et New Connexion, Primitive, Free Church Methodists, Bible Christians, etc.), 360,000 indépendants ou congrégationalistes. Les baptistes, les presbytériens anglais et l'armée du Salut comptent aussi un nombre considérable d'adhérents; mais il est trop difficile de les évaluer même approximativement. On estime qu'il y a à Londres 67,000 juifs et 25,000 seulement dans le reste du Royaume-Uni.

Actuellement, par suite de la tolérance accordée à toutes les confessions religieuses, il n'est pas difficile de les faire vivre côte à côte. Chacun pratique ou ne pratique pas sa religion, et laisse son voisin faire de même, quitte à avoir pour lui et ses idées le plus profond dédain et même de la haine. Il y a toutefois une question embarrassante, parcé que, pour elle, la tolérance n'est pas nécessairement une solution, c'est l'instruction religieuse dans les écoles publiques.

C'est la question qui a été résolue en France sous le ministère de M. Jules Ferry par la négative et qui a reçu la même solution en Hollande, aux États-Unis, en Australie et à la Nouvelle-Zélande.

En Angleterre, il n'en a pas été ainsi. Cela tient, suivant nous, à deux causes principales: la persistance de l'esprit religieux et conservateur, et la prédominance numérique d'une religion déterminée dans chacune des trois parties du Royaume-Uni : l'anglicanisme dans l'Angleterre proprement dite, le presbytérianisme en Écosse, le catholicisme en Irlande.

Les anciennes idées relatives au caractère religieux de l'éducation restent encore maîtresses dans les pays d'Outre-Manche; les partisans de l'école laïque sont très peu nombreux et généralement ne font pas montre de leurs opinions. En règle générale tout Anglais désire que ses enfants reçoivent à l'école une éducation religieuse et comme en fait, dans chacune des trois parties du Royaume-Uni, une religion a la majorité absolue, cela n'est pas impossible. Dans la plupart des localités en effet, il y a un nombre suffisant de gens partageant les mêmes idées religieuses et vivant les uns près des autres pour qu'une ou plusieurs écoles confessionnelles, publiques ou privées, puissent être établies et entretenues. De plus, la religion dominante dans un endroit n'est généralement pas assez puissante pour écraser les dissidents. Ceux-ci tiennent aussi à avoir pour leurs enfants une éducation religieuse, et on ne peut la leur refuser, seulement il faut trouver

moyen de respecter les scrupules religieux de chacun dans une école commune à tous, et c'est là le point embarrassant.

Jusqu'en 1870, l'État n'était point intervenu en ces matières d'une façon bien active. Il s'était borné depuis 1833 à accorder des subventions de plus en plus considérables à toutes les écoles existantes sans distinction de religion. Ces écoles comme toutes les écoles de fondation ancienne avaient un caractère nettement confessionnel. Elles étaient presque toutes en la possession ou sous l'influence d'ecclésiastiques ou d'associations religieuses. Plus des quatre cinquièmes de celles qui étaient accessibles aux pauvres étaient entre les mains de l'Eglise anglicane qui les considérait comme un moyen de propagande religieuse et s'en servait ouvertement, mais sans succès, pour étendre son influence et se recruter des fidèles. Bien entendu, ces écoles étaient insuffisantes au double point de vue du nombre et de l'enseignement, car c'est seulement de nos jours et sous la pression de la concurrence laïque que les différentes sections de la religion chrétienne se sont décidées à s'occuper sérieusement de l'instruction populaire 1. De nombreuses réclamations se faisaient entendre mais le « clerical party », soutenu par le parti conservateur, faisait la sourde oreille. Tous deux craignaient que l'intervention de l'État n'amenât la création d'écoles laïques, ce qui, pour eux, était un mal sans pareil. Toutefois, depuis 1867, la situation était devenue intolérable. A cette date en effet, la franchise électorale avait été accordée à tous les locataires payant les taxes. Beaucoup d'entre eux ne savaient pas lire et M. Lowe prononçait ces mots passés en proverbe : « Nous devons. instruire nos maîtres ».

Le 8 août 1870, sous le gouvernement libéral de M. Gladstone, fut promulguée la loi qui est généralement regardée comme instituant l'enseignement primaire public dans l'Angleterre proprement dite 2. Cette loi a un caractère bien anglais. Au contraire des lois françaises, concises dans leur rédaction et généralement basées sur des idées théoriques, elle est longue, diffuse et a un caractère en quelque sorte transactionnel entre le passé et le présent. Elle conserve l'an

1. V. à ce sujet Dr Fitch, op. cit., et J. H. Smith, Religious instruction in Schools, Modern Review, janvier 1882. Tous deux sont des churchmen, et le premier a été jusqu'à une époque toute récente senior inspector du School Board de Londres. Si quelqu'un de nos lecteurs se trouvait choqué par la sévérité de nos appréciations à l'égard de l'Eglise anglicane et d'autres confessions religieuses, nous le renvoyons une fois pour toutes aux écrits de ces deux auteurs et particulièrement à ceux du D' Fitch. Nous lui conseillons aussi de parcourir les rapports de la Childrens' Employement Commission. Karl Marx en a donné quelques extraits caractéristiques dans son livre Le Capital, trad. Roy. Paris, Lachâtre, 1867, p. 111. 2. La loi ne s'applique qu'à l'Angleterre et au pays de Galles.

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