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de la conférence, dont l'un s'est attaché au texte voté par le sénat en 1890 et l'autre à la rédaction, beaucoup plus radicale, adoptée par la chambre en 1893; enfin le problème de la législation agraire irlandaise a donné lieu à quatre études portant, l'une sur les bills de 1860 et de 1870, la seconde sur ceux de 1881 et de 1885, la troisième 5 sur ceux de 1887 et de 1891, la quatrième sur le rapport de la commission d'enquête instituée en 1894 et sur le projet soumis par le dernier ministère à la chambre des communes. La conférence a pu ainsi, tantôt envisager sous leurs faces diverses les délicates difficultés de droit international que soulève l'existence de l'État du Congo, tantôt constater les profondes divergences de vues qui existent entre nos deux chambres au sujet de la réglementation des accidents industriels, tantôt suivre, étape par étape, le mouvement qui amène le Parlement de Westminster à constituer en Irlande une propriété mixte d'une nature si originale, si contraire aux notions et aux traditions du droit romain.

A plusieurs reprises, et pour varier le plus possible les exercices. auxquels j'appelais les membres de la conférence, j'ai demandé à quelques-uns d'entre eux une autre sorte de travaux. Je les ai invités à me fournir, sur un sujet de leur choix, un article de journal. On ne peut songer, évidemment, à faire en trois ou quatre mois l'éducation d'un publiciste. Mais il n'est pas mauvais que les jeunes gens s'essayent à exposer leurs idées, à les défendre contre les objections possibles, à discuter une théorie politique ou un projet de loi sous la forme concise, dans le style rapide et vif qu'exigent les polémiques de presse. Les quelques travaux de cette nature qui m'ont été remis ne manquaient pas d'intérêt mais le temps m'a fait défaut pour donner un développement suffisant à ce genre d'exercice, et pour tirer une conclusion des résultats obtenus.

En résumé, je crois que la conférence n'aura pas été sans fruit pour les jeunes gens qui l'ont suivie. Elle a pu leur donner, non pas l'habitude quelques mois n'y eussent pas suffi — mais la notion d'une méthode de travail. Elle a pu leur apprendre à ne point s'engager, soit dans une rédaction écrite, soit dans un exposé verbal, sans un plan arrêté d'avance. Elle a pu les mettre en garde contre l'usage des expressions obscures, impropres ou banales, de ces « à peu près » qui envahissent chaque jour davantage la langue de l'administration

1. M. Viallate.

2. M. Festy.

3. M. Kienlin.
4. M. Grabsky.
5. M. Festy.
6. M. Viallate.

et de la politique. Elle a pu leur donner le goût de l'ordre, de la précision et de la clarté. Ce sont là, si je ne me trompe, les principaux effets que vous vous êtes promis de l'institution des conférences. Je m'estimerai heureux si, pour ma part et dans ma modeste mesure, il m'a été donné de contribuer à réaliser votre attente.

Veuillez agréer, monsieur le Directeur, l'assurance de mes sentiments les plus distingués.

JULES DIETZ.

CONFÉRENCE DE DROIT INTERNATIONAL.

Monsieur le Directeur,

Les conférences d'application instituées à l'École ont pour but de ménager aux jeunes gens qui s'y inscrivent la délicate transition entre. le rôle passif de l'élève et le rôle actif qu'ils doivent aborder dans la carrière à laquelle ils se destinent; elles leur fournissent l'occasion de mettre en œuvre et en quelque sorte en mouvement les connaissances acquises au cours de leurs études; elles les exercent à combiner les principes divers que l'enseignement cathédral leur a successivement révélés, à appliquer à des espèces concrètes et complexes les idées abstraites qu'ils avaient jusqu'alors été accoutumés à considérer isolément; elles visent à leur donner une souplesse d'esprit, une initiative, une méthode d'exposition que l'assiduité au cours ne saurait leur faire acquérir.

Les conférences sur le droit international dont vous m'avez confié la direction ont en outre un objet plus spécial. Elles doivent d'une part compléter la préparation des jeunes gens qui se destinent à la vie publique sans avoir eu le loisir de s'adonner à l'étude approfondie du droit international; elles doivent d'autre part mettre au point, pour ceux d'entre eux qui sont au seuil des carrières diplomatique ou consulaire, les questions qui n'ont pu leur être entièrement exposées dans les cours qu'ils ont suivis, soit que ces questions n'eussent point encore reçu de solution, soit qu'elles fussent trop amples pour recevoir dans des leçons peu nombreuses, consacrées à l'étude des principes essentiels, tous les développements désirables. Chercher à donner le sens du droit international à des esprits pourvus d'une culture historique étendue, mais dépourvus de notions techniques, chercher en même temps à mettre au courant des questions les plus récemment posées ceux à qui les nécessités de leur carrière font un devoir de posséder à fond les connaissances qui manquent aux autres,

tel était le délicat problème que m'obligeaient à résoudre et le but des conférences que vous m'aviez confiées et les préoccupations ainsi que les aptitudes très diverses des jeunes gens inscrits, cette année, à la conférence d'histoire, de politique contemporaine et de législation. Pour concilier ces nécessités de prime abord un peu contradictoires, j'ai cru devoir choisir des sujets qui eussent à la fois un caractère assez général pour intéresser ceux-là mêmes qui ne comptent point s'adonner particulièrement à l'étude du droit international et un caractère assez actuel pour mériter une attention spéciale de ceux qui sont tenus d'approfondir les difficultés que soulèvent les rapports internationaux. Je me suis efforcé de répartir la tâche entre tous en tenant compte des dispositions et des aptitudes de chacun.

Trois des membres de la conférence, MM. Dejean, de Fleuriau et Velten, diplômés de la section diplomatique, appartiennent au ministère des affaires étrangères où ils accomplissent leur stage définitif; deux, MM. Kienlin et Morel, ont obtenu en 1894 le diplôme de la section générale de l'École; M. Viallate a eu la même année le diplôme de la section économique et financière; M. Festy se destine à la carrière de publiciste; M. Ernest Picard est inscrit au barreau; M. René Henry, actuellement élève de l'Ecole, se prépare au concours de l'auditorat au conseil d'État. Avec des éléments aussi variés, j'ai pensé qu'il serait utile, tout en restant dans le domaine propre du droit international, de faire appel à la fois aux connaissances générales des uns et aux notions plus spéciales, soit économiques, soit juridiques, que devaient posséder les autres.

Les questions monétaires présentaient un intérêt d'actualité tout particulier; agitées depuis nombre d'années, elles ont été discutées cette année avec une animation nouvelle. La dépréciation de l'argent et les variations des changes ont singulièrement troublé le commerce international. On a cru trouver le remède à cette perturbation dans la conclusion de grandes unions monétaires, substituant en quelque sorte une monnaie internationale de valeur uniforme en tout pays aux monnaies multiples dont les valeurs très différentes sont sans doute une des causes de la crise que nous venons de signaler. D'autre part, il a existé, il existe encore des unions monétaires; la France fait partie depuis trente ans bientôt de l'Union latine et les critiques n'ont pas été ménagées à cette union: on a pu reprocher, non sans quelques fondements, à plus d'un État qui l'a signée de s'être parfois écarté de sa stricte observation. Il m'a paru intéressant d'examiner si les obligations juridiques qu'entrainent nécessairement pour les États signataires de semblables unions, sont de nature à rendre ces unions désirables ou dangereuses. Le sujet était ample; une séance entière lui a

été consacrée, il a été divisé en trois parties. M. Kienlin a été chargé d'indiquer quelles sont les stipulations indispensables dans toute union monétaire, les diverses formes qu'elles peuvent revêtir, les conséquences qu'elles entraînent, les restrictions inévitables qu'elles apportent à la souveraineté des États contractants. M. Viallate, que ses études financières désignaient pour examiner la partie la plus technique de la question, a exposé les difficultés particulières que présente la liquidation de telles unions, lorsqu'elles prennent fin pour quelque cause que ce soit. Il s'est acquitté de cette tâche délicate avec une netteté et une précision que je prends plaisir à vous signaler. M. Morel a résumé les éléments contenus dans les deux premiers rapports et en a dégagé, en les motivant, les conclusions qui lui ont paru le mieux fondées; il a exprimé l'avis qu'il est sage pour un État libre de tout engagement de s'abstenir de toute union monétaire, afin de ne point assumer des obligations qui peuvent, dans certaines périodes difficiles, être d'une exécution toujours délicate et parfois dangereuse.

Un conflit s'est élevé en 1893 entre la Suisse et l'Italie, sinon à propos d'union, du moins à propos de question monétaire. L'Italie exigeait le payement de ses taxes de douane en espèces métalliques; la Suisse prétendait que le traité de commerce signé par elle avec l'Italie permettait à ses négociants d'acquitter les droits de douane italiens en toutes monnaies, même fiduciaires, ayant cours légal en Italie; ses prétentions n'ayant point été admises à la Consulta, elle demandait tout au moins que la difficulté fût soumise à des arbitres en exécution de la clause compromissoire inscrite dans son traité de commerce; le cabinet italien s'y refusait en alléguant qu'il ne s'agissait point d'une question relative à l'exécution du traité. Les deux points sur lesquels portait le différend ont donné lieu à un échange de dépêches intéressantes entre les deux gouvernements. M. Velten a été chargé d'exposer ce conflit, d'analyser la correspondance diplomatique dont il a été l'occasion et de discuter les raisons invoquées de part et d'autre.

Dans la même séance, M. Festy a retracé la situation faite par les traités actuellement en vigueur aux étrangers résidant au Japon; puis il a indiqué les modifications que le Japon cherche à apporter à cette situation, en examinant le traité conclu par cet État avec l'Angleterre au mois de juillet 1894. Les étrangers jouissent actuellement au Japon de privilèges analogues à ceux qui sont établis à leur profit en pays ottomans et en Chine; par contre, ils ne sont pas admis à s'établir ni même à voyager sur tout le territoire de l'empire japonais. Privilèges et restrictions avaient leur raison d'être dans la profonde différence de civilisation qui distingue cet empire des États européens.

Le Japon prétend avoir suffisamment atténué cette différence pour rendre inutile toute exception au droit commun, et pour abroger ces privilèges qu'il souffre impatiemment, il se montre disposé à renoncer aux restrictions qui, dans une certaine mesure, en peuvent être la contre-partie. M. Festy a justement relevé la clause du traité anglojaponais qui ajourne à cinq ans au moins l'abolition effective des privilèges et des restrictions et laisse au Japon la faculté de prolonger le délai stipulé; on y peut voir l'aveu que pareille réforme serait encore prématurée. Il n'est pas douteux toutefois qu'après ses victoires, le Japon ne cherche à se dégager des liens qui le gênent et ne négocie avec toutes les puissances occidentales de nouveaux traités. La France sera appelée à discuter des clauses analogues à celles du traité anglo-japonais et cette considération donnait un intérêt tout particulier à l'étude du traité de juillet 1894.

Nos deux dernières séances ont été consacrées à l'examen de la situation des personnes morales étrangères en droit français et au point de vue international. C'est un sujet considérable sur lequel certaines affaires retentissantes ont récemment appelé l'attention des jurisconsultes et des hommes d'État. On a discuté sur le point de savoir si un État étranger peut jouir des droits civils sur le territoire d'un autre État : il y a peu de temps qu'un conflit sur cette question a amené une rupture des relations diplomatiques entre la Grèce et la Roumanie; la cour de cassation de France a été récemment saisie d'un pourvoi tendant à faire reconnaitre au Saint-Siège le droit de recueillir un legs universel; elle n'aura pas à statuer, l'affaire ayant été terminée par une transaction. A côté des États et de la papauté, d'autres personnes morales, de caractère divers, provinces, établissement publics, sociétés commerciales, ont grand intérêt à être reconnues et à jouir au moins de certains droits en pays étranger. Le sujet méritait d'être étudié dans son ensemble; son ampleur en rendait la division nécessaire. M. de Fleuriau a traité la question des États étrangers, M. Dejean a traité celle du Saint-Siège; c'étaient les deux parties indiquées pour des aspirants à la carrière diplomatique. M. René Henry a exposé avec beaucoup d'ampleur et d'une manière très étudiée la situation des provinces, communes et établissements publics. M. Picard a été chargé de la question qui se pose le plus souvent en pratique, celle des sociétés commerciales étrangères.

Tous les membres de la conférence ont ainsi pris une part active à ses travaux, non seulement en intervenant, le cas échéant, dans les discussions auxquelles ont donné lieu les rapports successivement présentés, mais aussi en traitant chacun une question déterminée. La forme adoptée pour les divers rapports a été l'exposition verbale ;

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