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chine pour veiller à la sûreté des personnes et des propriétés de ceux de nos sujets qui feront le commerce, et étant informé de l'intelligence, probité, zèle et fidélité à notre service du sieur J.-B. Chaigneau, officier de la marine et mandarin cochinchinois, qui, en outre, a une connaissance exacte des mœurs et usages de ces pays par la longue résidence qu'il y a faite, nous avons fait choix de sa personne et l'avons nommé et constitué, et par ces présentes signées de notre main, le nommons et constituons notre consul dans tous les États de la Cochinchine pour, en cette qualité, exercer avec l'autorité nécessaire les fonctions attachées à cet office, conformément aux lois, édits et ordonnances du royaume.

<< Ordonnons à tous navigateurs, commerçants et autres, nos sujets, de le reconnaître et de lui obéir en tout ce qu'il commandera à raison de la dite charge de consul, dont il nous a plu de le revêtir.

«En foi de quoi nous avons fait mettre notre sceau à ces présentes.

« Donné à Paris, le douzième jour du mois d'octobre de l'an de grâce mil huit cent vingt, et de notre règne le vingt-sixième. >>

II. <«<Louis, par la grâce de Dieu, etc., à notre cher et amé le sieur J.-B. Chaigneau, officier de notre marine, etc., etc., salut.

« Désirant sincèrement de voir s'étendre et se consolider le commerce des Français dans la Cochinchine, et étant informé que le souverain de ces États est dans les mêmes dispositions, nous ne doutons pas qu'il n'accueille favorablement la proposition qui lui sera faite, de notre part, de régler de la manière la plus amicale les relations de commerce à établir entre les deux États. A ces causes, nous confiant entièrement dans votre expérience, zèle et fidélité pour notre service, nous vous avons nommé, commis et constitué, et par ces présentes signées de notre main, nous vous nommons, commettons et constituons notre commissaire à l'effet de vous réunir, de la part de la France, avec le commissaire ou les commissaires, ou tels autres agents à ce dûment autorisés de la part de notre très cher et bon ami le roi de Cochinchine. Pour parvenir au but que nous nous proposons, nous vous avons donné et vous donnons pouvoir, commission et mandement spécial de négocier, arrêter et signer tels traités, articles, conventions, capitulations et actes quelconques qui vous paraîtront nécessaires pour régler convenablement le commerce de nos sujets et pour établir la sûreté des personnes et de leurs biens.

« Donné à Paris, le 12 octobre 1820. »

Signé : « LOUIS » 1.

A ces titres étaient jointes les instructions suivantes :

III.

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<< M. Chaigneau est accrédité comme agent de France auprès de l'empereur de Cochinchine, par la lettre du roi à ce prince.

<< Il est investi, en outre, de l'office et de l'autorité de consul à l'égard des

1. Souvenirs de Hué, par Michel Duc Chaigneau.

sujets français qui se rendront en Cochinchine, par une commission également émanée de S. M.

<«< Enfin, par une autre commission, il reçoit le titre et les pouvoirs spéciaux de commissaire du roi pour la conclusion d'un traité de commerce entre la Cochinchine et la France.

Les présentes instructions sont destinées à diriger la conduite de M. Chaigneau sous ces divers rapports :

« 1o Le titre d'agent de France est le seul que M. Chaigneau devra prendre avec le gouvernement cochinchinois.

« C'est en vertu de ce titre qu'il adressera à l'empereur et aux dépositaires de son autorité toutes les demandes et représentations tendant à garantir aux sujets du roi, d'abord la sûreté de leurs personnes et de leurs propriétés, et ensuite le traitement le plus favorable à leurs intérêts, conformément aux stipulations positives du traité projeté ou seulement à l'équité naturelle, ainsi qu'à l'amitié qui unit les deux gouvernements.

« Cet exposé succinct des devoirs qu'impose à M. Chaigneau son titre d'agent peut, d'ailleurs, lui en fournir la définition et l'aider ainsi à le traduire dans l'idiome cochinchinois.

«< 2o Quant au titre de consul, qui d'ordinaire établit, entre ceux qui en sont revêtus et les gouvernements près lesquels ils résident, les mêmes relations à peu près que celles que M. Chaigneau entretiendra comme agent, il n'a été conféré à cet officier que pour déterminer ses relations avec les sujets de S. M. et c'est avec eux seuls qu'il en fera usage.

<< En vertu de ce titre :

«Il aura sur eux le droit de juridiction, en matière civile; si nos lois s'opposent à ce qu'il ait le même droit en matière criminelle, il aura du moins celui de faire arrêter, avec l'assistance des autorités locales, et de renvoyer en France par la même occasion, les sujets de S. M. qui se rendraient coupables d'une action comportant peine afflictive et infamante.

« Il pourra également renvoyer en France ceux qui, méconnaissant son autorité et ses avertissements, risqueraient, par leur mauvaise conduite, de compromettre les intérêts nationaux.

« Il exercera une police et une inspection spéciales sur les gens de mer et sera en droit, toujours en réclamant l'assistance des autorités locales, non seulement de faire arrêter les capitaines et les matelots, mais encore de faire séquestrer les bâtiments et les cargaisons, dans tous les cas prévus par nos lois, à moins toutefois que les gens du pays n'y soient intéressés; il recevra, d'ailleurs, les nolisements des capitaines, leurs déclarations, fera constater et régler les avaries et procédera au sauvetage des bâtiments naufragés.

<< Entin il dressera les actes de l'état civil de tous ses nationaux ainsi que l'inventaire de leurs successions, dont il recueillera le montant pour le remettre à qui de droit; il recevra tous les actes qu'ils demanderont à passer dans sa chancellerie, ainsi que les dépôts qu'ils voudront y laisser; il leur délivrera des certificats de vie, des passeports, etc.

« La marche à suivre pour ces diverses fonctions de l'office consulaire se

trouve indiquée avec les plus grands détails dans l'édit du mois de juin 1778, l'ordonnance du 3 mars 1781, l'instruction du 3 mai de la mème année, les instructions générales et particulières du 8 août 1814, et enfin plusieurs ordonnances et circulaires des années suivantes. Quoique toutes ces pièces, rédigées pour des pays où l'institution consulaire a acquis un développement plus ou moins complet, ne soient, par conséquent, pas applicables à la Cochinchine dans la plupart de leurs détails, elles seront cependant remises à M. Chaigneau. Il y distinguera fort bien ce dont il devra faire usage et il pourra, d'ailleurs, tirer quelques points de comparaisons utiles des détails. mêmes qu'il devra négliger.

« 3o Le traité que M. Chaigneau négociera en sa qualité de commissaire du roi doit avoir pour résultat, d'abord, de procurer aux sujets du roi sûreté pour leurs personnes et leurs propriétés, et liberté pour leur commerce, et ensuite d'assurer à M. Chaigneau le plein exercice de ses fonctions comme agent et comme consul.

<< Les stipulations suivantes paraissent les plus essentielles pour parvenir à ce double but :

<< Toutes les contestations qui s'élèveront entre les sujets de S. M. seront jugées par l'agent de France, conformément à nos lois et sans qu'aucun officier du pays puisse en prendre connaissance;

« Il en sera de même en cas de meurtre et de toute espèce de désordres commis entre Français, soit à terre, soit à bord des bâtiments du roi;

« Toutes les affaires, au contraire, où les sujets de l'empereur se trouveront mêlés avec ceux de S. M., seront jugées par les autorités locales et compétentes, mais dans le délai le plus court possible, conformément aux règles les plus exactes de l'équité, et toujours après que l'agent de France aura été appelé et entendu pour la défense de ses nationaux.

« Si un Français est débiteur de quelques sujets du pays, il pourra sans doute être poursuivi selon les formes légales, mais aucun autre sujet de S. M. ne devra être recherché ni pris à partie en sa place, à moins qu'il ne l'ait cautionné.

« Les sujets de l'empereur pourront faire valoir leurs droits sur les successions des Français morts leurs débiteurs; mais la totalité de cette succession n'en sera pas moins remise préalablement à l'agent de France, qui prendra, pour la conserver, toutes les mesures voulues par nos lois et sans qu'aucune autorité du pays puisse intervenir dans ces mesures.

«En cas de naufrage d'un bâtiment français, les commandants des vaisseaux de l'empereur, aussi bien que les autorités de la côte, lui prêteront toute assistance; ils remettront les effets qu'ils pourront recueillir au chef de ce bâtiment, s'il n'a pas péri dans le naufrage, et, dans le cas contraire, ils les conserveront sous la foi publique et à la disposition, soit de l'agent de France, soit de la personne qu'il commettra pour les reprendre.

«Les sujets de S. M. pourront aller, venir et séjourner dans tous les États de l'empereur de Cochinchine, sans aucun empêchement et sans payer aucun droit pour leurs personnes, au moyen d'un passeport qui leur sera

délivré, soit par le gouverneur de la province où ils se trouveront, soit par le mandarin des étrangers à Hué.

« Dans aucun cas et sous aucun prétexte, leurs vaisseaux chargés ou sur lest ne pourront être retenus dans les ports de l'empire, et leur départ ne pourra être différé.

«Les sujets du roi pourront importer en Cochinchine toutes les marchandises d'Europe et des autres parties du monde, et en exporter toutes celles qu'ils y trouveront, soit qu'elles proviennent du pays même, soit qu'elles y aient été apportées des pays voisins; il n'y aura d'exception à cet égard que pour les marchandises qui sont ou seront prohibées par les lois du pays. <«< Aucune nouvelle prohibition ne sera appliquée au commerce français que deux années au moins après qu'elle aura été publiée.

<«<Les sujets du roi payeront les mêmes droits d'entrée et de sortie en Cochinchine que ceux auxquels sont actuellement soumis les naturels, sans que d'ailleurs ces droits puissent être augmentés à l'avenir en aucun cas et sous quelque dénomination que ce soit.

་་

« Les Français jouiront des privilèges de toute espèce qui seront accordés par la suite à d'autres peuples, soit par traité, soit de toute autre manière. « Les sujets de l'empereur attachés au service de l'agent de France ou employés par nos armateurs ou négociants dans les affaires de leur commerce, seront considérés comme sujets français, tant que dureront ces fonctions, et jouiront en conséquence de tous les bénéfices de la protection du roi, par l'entremise de son agent.

<< Enfin, l'empereur prêtera l'assistance nécessaire pour l'exécution des décisions qui seront prises par l'agent de France à l'égard des sujets de S. M., marins et autres.

« M. Chaigneau rédigera ces diverses stipulations dans les formes qu'il jugera les plus adaptées aux tournures de l'idiome cochinchinois, et il y ajoutera d'ailleurs toutes celles qui, tendant au même but, pourront se rapporter à quelques circonstances locales. Par exemple, l'office de mandarin, dont M. Chaigneau est revêtu en Cochinchine et qu'il est autorisé par le roi à conserver, doit, par le facile accès qu'il lui laisse chez l'empereur, lui donner une influence très favorable à nos intérêts. Il serait donc à désirer d'obtenir, dans le traité à conclure, la promesse du même titre pour les agents successeurs de M. Chaigneau, ou du moins celles des prérogatives de ce titre les plus utiles au succès des affaires, et notamment d'entrer dans l'intérieur du palais et d'approcher la personne du souverain.

« La correspondance de M. Chaigneau avec le département des affaires étrangères aura pour principal objet nos intérêts commerciaux en Cochinchine, et contiendra naturellement l'exposé de toutes ses démarches comme commissaire et comme agent du roi, ainsi que celui de tous les actes de son administration comme consul. Il trouvera toutes les directions nécessaires, pour la tenue de cette partie de sa correspondance, dans les instructions générales et particulières du 8 août 1814. Mais M. Chaigneau recueillera en outre et consignera dans un journal, dont il enverra copie au ministère par les occasions qui se présenteront, toutes les informations possibles sur

A. TOME X. 1895.

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les événements qui auront lieu, non seulement en Cochinchine, mais encore en Chine, dans les iles Manilles et dans les colonies anglaises et hollandaises, particulièrement dans celles de Sumatra et de Java, où il paraît que des contestations se sont élevées entre les autorités des deux nations. M. Chaigneau rédigera enfin, pour les transmettre au ministère, des mémoires particuliers sur les diverses parties de la statistique de la Cochinchine, telles que les lois, l'administration, la population, l'industrie, les arts, les mœurs, l'état militaire de terre et de mer, etc.

<< Il est encore un objet sur lequel M. Chaigneau porterà son attention et fera parvenir des renseignements au ministère. Peut-être l'empereur de Cochinchine verrait-il avec plaisir passer dans ses États, pour s'employer à son service, quelques Français d'une capacité éprouvée dans la marine, le génie ou d'autres parties scientifiques; et s'il était disposé, d'ailleurs, à leur faire un sort avantageux, on s'occuperait ici de faire un choix de sujets qui répondissent à ses vues. Ces Français, utiles au gouvernement de Cochinchine, attireraient la faveur sur nos établissements, leur donneraient de la consistance et concourraient, avec l'agent du roi, au maintien et à l'accroissement de notre crédit 1. »

Complétons le dossier en enregistrant également ici la lettre adressée par Louis XVIII à l'empereur d'Annam. Tous ces documents ont leur importance historique et réclament leur place dans la genèse des établissements français dans l'Indo-Chine.

IV.

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<«< Très haut, très excellent, très puissant et très magnanime prince, notre très cher et bon ami, Dieu veuille augmenter votre grandeur avec fin heureuse! Nous avons éprouvé une vive satisfaction en apprenant que vous aviez accueilli avec bienveillance les Français qui se sont présentés dans vos États pour y faire le commerce. Cette conduite à leur égard est une preuve que vous conservez le souvenir de l'ancienne amitié qui a subsisté entre les souverains de la France et ceux de la Cochinchine.

« Comme, de notre côté, nous sommes dans les mêmes dispositions, nous devons espérer qu'il en résultera des avantages réels pour nos sujets respectifs, en favorisant les relations qui se sont déjà établies et en cherchant à les étendre de plus en plus. C'est dans cette vue que nous avons jugé convenable d'accréditer près de vous, en qualité de notre agent, le sieur J.-B. Chaigneau, officier de notre marine et mandarin cochinchinois. Le principal motif qui nous a déterminé dans ce choix a été l'avantage qu'il a d'être connu de vous et d'avoir su se concilier votre estime et votre confiance. Nous ne doutons pas que vous n'écoutiez favorablement toutes les demandes et représentations qu'il sera dans le cas de vous adresser en faveur de nos sujets, soit relativement à leur commerce, soit pour tout autre objet, et nous devons croire qu'ils sont assurés de jouir toujours de votre bienveillance et de votre justice.

1. Henri Cordier, op. cit., p. 39.

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