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La représentation des intérêts économiques a pour auxiliaires les sociétés savantes et non professionnelles qui ont pour objet l'étude de ces mêmes intérêts sociétés d'agriculture, d'industrie, d'économie politique, de géographie commerciale, etc. Inutile de rappeler les services qu'elles ont rendus et le dévouement éclairé dont elles continuent à faire preuve.

Les chambres de commerce, les chambres des arts et manufactures et les chambres d'agriculture, c'est-à-dire tous les corps officiels chargés de faire connaître les besoins économiques, ne sont pas représentées, aujourd'hui, d'une façon permanente, auprès des ministres compétents, mais cette représentation a existé. Les textes organisant les conseils généraux du commerce, de l'agriculture et des manufactures n'ont pas même été abrogés, mais, depuis quarante ans peutêtre, ces assemblées ne se sont pas réunies.

Nous avons décrit l'organisation du Conseil du commerce et du Bureau du commerce sous l'ancien régime. Cette assemblée fut rétablie par Bonaparte en même temps que les chambres de commerce 1. Les chambres nommaient chacune deux candidats et, sur l'ensemble des présentations, le premier consul choisissait quinze membres. — Un décret du 26 juin 1810 modifia cette organisation. Le nombre des membres fut porté à soixante. Le ministre les prenait parmi les négociants notables dans les différents genres de commerce. Un Conseil général des manufactures fut institué par le même décret et d'après les mêmes principes. Les industries de la soie, de la laine, du chanvre, du lin, du coton et des cuirs et peaux devaient avoir chacune six députés sur les 60 industriels à la nomination du gouvernement. Avec les Cent-Jours nous voyons les chambres de commerce et consultatives appelées à élire des députés à la chambre des représentants où 23 sièges leur étaient réservés. Ce cas est resté unique dans les chartes de nos divers régimes politiques, mais il trouve son application de nos jours, en Autriche.

Pour l'élection de ces 23 députés, la France était divisée en treize arrondissements commerciaux ". Les chambres de commerce et consultatives de l'arrondissement, réunies en assemblée, dressaient la liste des éligibles, laquelle devait comprendre 60 noms de fabricants ou négociants distingués (120 pour l'arrondissement de Paris). Les électeurs des collèges du département nommaient ensuite un ou

1. Arrêté du 3 nivôse an XI.

2. Ce décret ne figure pas au Bulletin des lois. Voir le Moniteur du 27 juin suivant.

3. Ils avaient pour chefs-lieux : Lille, Rouen, Nantes, Bordeaux, Toulouse, Nimes, Marseille, Lyon, Strasbourg, Troyes, Paris, Orléans et Tours.

deux députés, appartenant soit à l'industrie, soit au commerce, dans chaque arrondissement 1.

Les conseils du commerce et des manufactures furent réorganisés par des ordonnances du 23 avril 1819. Vingt membres, dans le premier conseil, étaient nommés par le roi. De plus, un membre par chambre de commerce était choisi sur les deux candidats présentés par la chambre. Le conseil des manufactures restait composé à peu près comme en 1810. Une ordonnance du 27 janvier précédent avait créé le Conseil de l'agriculture (10 membres titulaires et 1 membre correspondant par département nommés par le ministre).

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Aux présentations ou aux nominations directes une ordonnance du 29 avril 1831 substitua un régime d'élection. La chambre de commerce de Paris nomma 8 membres, les chambres de Lyon, Marseille, Bordeaux, Nantes, Rouen et le Havre nommèrent chacune 2 membres et les autres chambres de commerce chacune un membre au Conseil général du commerce. Vingt chambres consultatives envoyèrent chacune un membre au Conseil général des manufactures. Le Conseil de l'agriculture restait à la nomination du ministre, mais les trois présidents élus de chaque conseil faisaient partie de droit d'une assemblée nouvelle appelée à centraliser leurs vœux et qui reçut le nom de Conseil supérieur du commerce, de l'agriculture et des manufactures 3.

Les trois conseils généraux furent transformés en sections indépendantes d'un seul conseil général qui reçut le même nom que le Conseil supérieur, mais qui continua à s'en distinguer. Dans la section de l'agriculture, 86 agriculteurs, étaient nommés par le ministre. Lors de la création des chambres d'agriculture, on décida qu'ils seraient choisis parmi les membres de ces compagnies. 51 industriels, élus par les chambres des manufactures, et 65 commerçants, élus par les chambres de commerce désignées dans le décret, composaient les deux autres sections".

A partir de ce moment, le Conseil général s'effaça devant le Conseil supérieur et finit bientôt par disparaître entièrement. Il était la chambre nationale du commerce, de l'industrie et de l'agriculture. Il

1. Acte additionnel aux Constitutions de l'Empire, 22 avril 1815. Il y avait des collèges de département et des collèges d'arrondissement élus par les assem blées primaires.

2. Elle ne figure pas au Bulletin des lois. Voir le Moniteur du 3 février 1819. 3. Sous la monarchie de Juillet, le roi pouvait nommer à la chambre des pairs des commerçants ou industriels payant 3,000 francs de contributions directes et ayant fait partie pendant six ans d'un conseil général (de département) ou d'une chambre de commerce (loi du 29 décembre 1831).

4. Voir les décrets des 1er février 1850 et 9 avril 1851.

avait des attributions d'initiative, des sessions régulières et au moins annuelles, une commission permanente. Les services qu'il avait rendus lui avaient valu des éloges publics. On peut dire qu'il concourait d'une manière continue à l'administration des intérêts économiques. Le Conseil supérieur, qui remplaça cette assemblée vieille d'un siècle et demi, n'a jamais eu cette organisation ni ces caractères. Nommé entièrement par le gouvernement et convoqué par lui, il n'a jamais délibéré que sur les questions qu'il lui soumettait. Six notables seulement en 1853, choisis parmi les hommes versés dans les questions industrielles, commerciales et agricoles, représentaient le monde des affaires. Ce nombre fut porté à 92, puis à 10 3. En 1879 *, on fit un retours timide vers le passé. Le Conseil supérieur fut divisé en 3 sections, composées chacune de 18 membres, choisis dans le parlement, ou parmi les présidents des principales chambres de commerce et les hommes notoirement versés dans les questions économiques. La séparation des ministères de l'agriculture et du commerce, en 1881, amena une nouvelle réorganisation.

Le Conseil supérieur de l'agriculture n'a pas le plus petit caractère représentatif. Le Conseil supérieur du commerce et de l'industrie 5 comprend 6 membres de droit le ministre président, les directeurs du commerce intérieur et du commerce extérieur au ministère du commerce, les directeurs généraux des douanes et des contributions indirectes et le directeur des consulats 6. Quatre vice-présidents et un secrétaire, celui-ci ayant voix consultative, sont nommés par décret en dehors du conseil. Également nommés par décret les 24 membres de chacune des deux sections, choisis parmi les sénateurs, les députés, les présidents des principales chambres de commerce et les hommes << notoirement les plus versés », etc. Le conseil est toujours convoqué par le ministre qui règle à son gré l'ordre du jour. Les attributions de cette assemblée ne sont pas déterminées. Elles s'étendent à toutes les affaires au sujet desquelles le ministre juge à propos de la consulter. Le décret parle spécialement du tarif des douanes, des questions de colonisation, de marine marchande, de grande pêche, d'émigration. En réalité les sessions sont rares. Depuis 1882 le conseil a été réuni 3 fois. La session de 1890, où le conseil a délibéré sur les projets de nouveaux tarifs des douanes, a été très importante. Également

1. Décret du 2 février 1853.

2. Décret du 18 novembre 1869.

3. Décret du 13 mars 1872.
4. Décret du 1er octobre 1879.

5. Décret du 13 octobre 1882.

6. Autrefois il y avait encore le directeur des colonies.

à signaler la session de 1876 pour les tarifs votés en 1881. De 1870 à 1882 le nombre des sessions n'avait pas non plus dépassé 3. L'ordre du jour a toujours été limité à des questions de douanes.

Mais presque tous les projets de réforme des chambres de commerce ont demandé la réorganisation du Conseil supérieur sur les bases des anciens Conseils généraux. Tous donnaient aux chambres de commerce le droit d'élire collectivement ou individuellement leurs délégués. Dans ce dernier cas, le nombre de ces membres serait considérable. Les uns proposaient des élections au scrutin de liste en répartissant les chambres par groupes d'industrie ou de commerce, ou encore l'établissement d'une liste commerciale et d'une liste industrielle, ou enfin la création de groupes régionaux de chambres de commerce. M. Pierre Legrand faisait même de ces groupes une institution permanente, intermédiaire, destinée à associer les chambres. d'une même région, à centraliser et à résumer leurs vœux et dont les dépenses auraient été couvertes par des contributions versées par ces compagnies. Tous créaient une commission permanente, une session ordinaire au moins annuelle, des attributions d'initiative, etc. Le conseil aurait été obligatoirement consulté dans certains cas 1.

L'organisation de cette assemblée vient d'être modifiée par les décrets des 3 juillet et 1er décembre 1894 qui élargissent le caractère représentatif du conseil. Au lieu de 24 membres dans chaque section il y en a 30. Ce nombre est également celui des présidents des chambres de commerce qui font partie du conseil. Il n'y en avait que 18 avant cette époque. Une commission permanente de 25 membres, composée du directeur général des douanes, des directeurs du commerce extérieur et des consulats et des présidents ou vice-présidents de 16 des chambres représentées au conseil, fonctionne comme le conseil lui-même, à intervalles irréguliers, sur la convocation du ministre et pour donner son avis sur les questions qu'il juge à propos de lui soumettre. D'après le décret de 1882, les chambres représentées doivent être les principales chambres de commerce. Or le président de la plus petite chambre (Mazamet) siège au conseil au

1. Les cas prévus par le décret de 1882.

2. Voici les noms des chambres de commerce représentées au Conseil supérieur du commerce et de l'industrie 1o Chambres de Paris, Marseille, Bordeaux, le Havre, Nantes, Nancy, Reims, Calais, Nice, Orléans, Mazamet, Chalon-sur-Saône, Angers. Bayonne et Narbonne; 2° Section de l'industrie Lyon, Saint-Étienne, Rouen, Roubaix, Amiens, Lille, Elbeuf, le Mans, Grenoble, Épinal, Saint-Quentin, Troyes, Besançon, Angoulême et Clermont-Ferrand. Les chambres dont le nom est en italique sont représentées à la commission permanente. Les six dernières. chambres dans chaque section font partie du Conseil depuis le 1er décembre 1894.

même titre que le président de la chambre de Paris. On a voulu, sans doute, éviter de donner une trop grande prépondérance aux chambres importantes et faire entrer au conseil des délégués du plus grand nombre des industries.

Le jour où l'on voudra revenir à la représentation intégrale des chambres de commerce, il conviendra de graduer le nombre de leurs délégués d'après le principal des patentes payé dans leur circonscription et non d'après le nombre des patentés comme on l'a proposé. On pourra également réserver des sièges aux chambres des colonies et aux chambres de commerce françaises à l'étranger.

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CHAMBRES DE COMMERCE COLONIALES

CHAMBRES DE COMMERCE FRANÇAISES A L'ÉTRANGER.

Sous l'ancien régime, il y eut des chambres d'agriculture et de commerce à Saint-Domingue (Port-au-Prince, le Cap) et des assemblées de commerce à la Martinique et à la Guadeloupe'. D'abord purement consultatives, ces chambres devinrent plus tard de petits parlements locaux, chargés de l'administration économique sous l'autorité diminuée des gouverneurs. Elles étaient représentées au Conseil du commerce. En 1787, elles furent remplacées par les assemblées coloniales, qui ont donné naissance aux conseils généraux.

En 1820, un bureau, transformé plus tard en chambre de commerce, fut créé à la Martinique, en 1830 et 1831, la Réunion et Alger reçurent la même institution et, depuis cette époque, ces créations furent généralisées.

Il y a aujourd'hui, dans nos colonies ou pays de protectorat, 28 chambres de commerce, parmi lesquelles les six chambres algériennes. L'administration de l'Algérie étant rattachée aux divers

1. Arrêtés des 22 juillet 1759, 1er avril 1776 et 7 mars 1776.

2. Voici la liste des chambres des colonies et des pays de protectorat français: Algérie Alger, Oran, Constantine, Philippeville, Bone, Bougie. - Tunisie: Tunis, Sousse. Afrique occidentale française: Saint-Louis, Gorée, Dakar, Rufisque, Kayes. Congo français Libreville (conseil de commerce et d'agriculture). La Réunion Saint-Denis. Madagascar: Tamatave. Indo-Chine française: Saigon, Hanoi, Haiphong. Inde française: Pondichéry. Martinique Fortde-France, Saint-Pierre. Guadeloupe Basse-Terre, Pointe-à-Pitre. — Guyane : Saint-Pierre et Miquelon Saint-Pierre. Nouvelle-Calédonie : Établissements français de l'Océanie: Papeete (Taïti). — Les colonies suivantes n'ont pas de chambres de commerce: Guinée française; Dahomey et dépendances. Obock. - Mayotte et dépendances. Diégo-Suarez et dépenCette dernière colonie se rattache géographiquement à Madagascar.

Cayenne.
Nouméa.

dances.

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