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départements ministériels français, ces chambres ont été soumises aux mêmes règlements que les chambres de la métropole. Nous n'étudierons donc ni leur organisation ni leur fonctionnement. Il suffit de dire que leurs élections offrent quelque particularité parce qu'on a voulu donner une représentation aux commerçants musulmans. Trois sièges leur sont réservés à la chambre d'Alger, deux sièges dans les autres chambres. La liste des électeurs français est dressée sur les mêmes bases qu'en France. Les électeurs musulmans doivent égaler le dixième des électeurs français et réunir les conditions exigées pour ces derniers. Chaque catégorie d'électeurs vote sur une liste différente. A l'origine, la chambre d'Alger comprenait 5 membres français, un membre musulman et un membre hébreu élus au suffrage universel de tous les négociants, français ou non. Mais, depuis l'arrêté du 10 mars 1835, le suffrage restreint a été appliqué dans la colonie et, à part quelques modifications pour donner une représentation au commerce indigène, son régime a suivi les variations de la législation électorale des chambres de commerce de France'. Toutefois il faut tenir compte du décret Crémieux qui a accordé la nationalité française aux Israélites algériens'.

Tout autre est le régime des chambres des autres colonies et des pays de protectorat. Elles sont créées et organisées par arrêtés des gouverneurs ou des résidents généraux. Le nombre de leurs membres varie depuis 6 jusqu'à 14, en y comprenant l'élément indigène et l'élément étranger (chambres asiatiques et de Taiti); 3 commerçants étrangers à Taïti sont nommés par le gouverneur, 5 indigènes à Pondichery font partie de la chambre, 2 étrangers asiatiques à Saïgon sont élus par les commerçants de cette catégorie, 2 étrangers non asiatiques sont choisis par les électeurs français réunis aux com

1. Comparez l'arrêté du 10 mars 1835 à l'ordonnance du 16 juin 1832, l'arrêté du 19 décembre 1848 à celui du 19 juin précédent, le décret du 5 mars 1855 à celui du 30 août 1852, enfin le décret du 20 septembre 1873 à celui du 22 janvier 1872.

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2. 24 octobre 1870. Voici les services spéciaux administrés par les chambres d'Algérie Alger: bourse, concours financier pour les travaux du port; - Oran : palais consulaire, musée commercial, concours financier; — Philippeville : musée commercial, concours financier, outillage (voies ferrées); Bône concours financier; Alger et Bone patronnent chacune une école navale commerciale. Le total des budgets du service ordinaire s'élevait en 1893 à 61,448 fr. (dont 53,680 fr. à recouvrer par l'imposition additionnelle). Le total des budgets spéciaux s'élevait à 1,959,857 fr. La chambre d'Alger avait un budget ordinaire de 26,848 fr. et des budgets spéciaux dont l'ensemble s'élevait à 412,392 fr. La chambre de Bougie n'était pas encore installée.

Pour l'approbation des comptes et budgets, le gouverneur général sert d'intermédiaire. Voir sur les chambres de l'Algérie Béquet, Répertoire ou Droit administratif, et André Weiss: Pandectes françaises (monographie de la chambre d'Alger).

merçants ou représentants de commerce européens et américains, 1 membre annamite est désigné par les électeurs français et les commerçants étrangers asiatiques de toute nationalité. Au Tonkin, les asiatiques payant une patente de 4o classe au moins nomment 1 membre annamite et 1 membre chinois.

Pour être électeur français, il faut être inscrit à la patente ou payer une licence. A la Guadeloupe et dans l'Inde, le nombre des électeurs est limité et la liste électorale est dressée par une commission administrative ou mixte. Il en est de même en Tunisie, où la représentation indigène fait défaut.

Les conditions de l'éligibilité varient davantage. Il faut, pour être élu, exercer une profession commerciale, industrielle ou maritime depuis un certain temps et, sauf au Sénégal, en Cochinchine, à Taïti, dans l'Inde, à la Guadeloupe et à Miquelon, on exige un âge minimum de 25, 27 ou 30 ans. Les anciens commerçants et les représentants de commerce ne peuvent être nommés qu'en nombre limité.

L'assemblée électorale et le contentieux des élections relèvent de l'autorité administrative. La durée du mandat varie entre trois et six ans et le renouvellement partiel existe partout, sauf à Taïti et à Cayenne.

Dans toutes les chambres la qualité de membre-né, président d'honneur et président effectif des séances auxquelles il assiste, attribuée au préfet en France, appartient, aux colonies, au directeur de l'Intérieur, au Tonkin au résident-maire, à Tunis au consul de France 1, à Sousse au vice-consul contrôleur civil.

Les chambres nomment leur bureau. Cependant, à la Martinique le président est désigné par le gouverneur. Dans cette colonie les chambres doivent siéger au moins une fois par mois. En leur absence elles sont représentées par une commission composée de deux membres et du secrétaire.

Les chambres coloniales émettent des avis et des voeux sur les questions économiques et plus spécialement sur les questions industrielles et commerciales. A l'exception des chambres de Pondichery et de Nouméa, elles ont aussi des attributions administratives, mais leur exercice a été très restreint. Cependant la chambre de Tunis a l'administration d'un outillage maritime.

Les dépenses de ces compagnies sont couvertes par des subventions du conseil général de la colonie, qui, dans ce cas, règle leur budget, ou par une imposition additionnelle à la patente. Le budget est alors approuvé par le gouverneur. Des contributions établies sur les com

1. Aujourd'hui au résident général.

merçants français de la Tunisie et des cotisations couvrent les dépenses des chambres de la Régence, dont le budget est réglé par le résident général. Toutes les chambres possèdent la personnalité civile et peuvent recevoir, par conséquent, des dons, des legs ou des subventions 1.

La chambre de commerce de Kayes fait exception aux règles que nous avons posées. Elle a été créée en 1893 par le lieutenant-colonel Archinard, commandant supérieur du Soudan, et se compose des quelques commerçants français résidant à Kayes. La chambre de Madagascar est une chambre libre, ayant un caractère syndical et se rapprochant plutôt des chambres de commerce françaises à l'étranger que des chambres coloniales.

Les chambres coloniales correspondent directement avec le ministre des colonies; mais elles doivent communiquer leurs lettres à l'autorité locale.

Ces chambres sont peu connues. On dirait que leurs vœux ne traversent pas les océans pour arriver jusqu'à nous. Cependant quelques-unes publient des bulletins comme les chambres de Tunis, du Tonkin, de Saint-Louis, de Saïgon, de Madagascar. La plupart des autres vivent dans l'ombre. Une revue officielle de création récente semble vouloir les mettre en relief. La mission de ces compagnies est en effet très importante et les comptes rendus de leurs travaux contribueraient utilement, s'ils étaient publiés et répandus en France, à l'étude des questions coloniales.

Certaines colonies ont des chambres d'agriculture (Algérie, Tunisie, Inde, Nouvelle-Calédonie, Guadeloupe, Réunion, Taïti) dont les membres sont, ou élus, comme à la Réunion, ou nommés par le gouverneur, quelquefois sur présentation. La représentation libre (chambres syndicales) existe en Algérie, à la Guadeloupe, à la Martinique et à la Réunion, en vertu de l'article 10 de la loi du 21 mars 1884 *.

1. Voir sur les chambres coloniales Dislère, Législation coloniale, et l'article Colonies dans le Répertoire de droit administratif de Béquet; Petit, Organisation politique des colonies (on trouve dans cet ouvrage, édité en 1894, l'indication des dates des arrêtés créant et organisant les chambres de commerce). Ces arrêtés figurent aux Bulletins officiels de chaque colonie.

2. La Revue coloniale, publiée par le ministère des colonies. Voir aussi le Journal des chambres de commerce.

3. Les chambres d'agriculture et les chambres de commerce des colonies nomment des délégués au Comité consultatif colonial de l'agriculture, du commerce et de l'industrie établi près du ministre des colonies (arrêté du 13 juillet 1895). Les chambres de Tunisie et de Madagascar n'ont pas ce droit. Ces pays relèvent du ministère des affaires étrangères.

4. Pour les trois colonies sucrières, les « immigrants » ou travailleurs indiens, transportés suivant certaines conventions avec l'Angleterre, ne peuvent faire partie des syndicats.

Les autres colonies étant placées sous le régime des décrets, la loi précitée pourrait leur être appliquée sans l'intervention du Parlement. Quelques associations, qui prennent le nom de syndicats, existent au Tonkin.

Des colonies officielles nous passons aux colonies libres, c'est-àdire aux agglomérations de Français en pays étranger, agglomérations qui ont été organisées, dans certains pays, comme le Levant, depuis une époque déjà éloignée.

Des chambres de commerce ou plutôt des associations de négociants français s'étaient formées à la Nouvelle-Orléans et à Lima, en 1878. Elles avaient pour but de favoriser notre commerce d'exportation. L'attention du gouvernement, éveillée par nos consuls, le décida à nommer une commission pour étudier s'il y avait lieu d'encourager la généralisation du système 1.

Cette commission, où figuraient MM. Paul Leroy-Beaulieu et Levasseur, demanda l'avis des chambres de commerce de la métropole et de nos consuls. Les chambres de commerce applaudirent au principe de l'institution. La chambre de Rouen seule la déclara inutile. Elle lui préférait une réforme du recrutement du corps consulaire.

A l'étranger, la formation de cette commission fut accueillie avec une grande joie par nos nationaux. Ils y virent une marque de sollicitude de la mère patrie pour nos colonies libres. A Londres, à Odessa et dans d'autres villes, on jeta les bases d'une chambre de commerce française. Sur 121 consuls consultés, 21 répondirent qu'ils disposaient des éléments nécessaires pour une création immédiate. Ailleurs, les difficultés de groupement, le petit nombre des colons, la situation sociale peu élevée occupée par la plupart d'entre eux rendait toute création impossible, du moins pour le moment. En même temps les consuls donnaient leur avis sur le régime à adopter pour les chambres. Presque tous réclamaient l'autonomie afin d'éviter l'intervention du représentant de la France dans les questions de personnes ou de concurrence commerciale et de ne pas engager la responsabilité de notre gouvernement vis-à-vis des puissances étrangères. Par déférence, il convenait cependant de réserver au consul la présidence d'honneur. Quelques-uns réclamaient davantage et se prononçaient contre l'autonomie parce que, disaient-ils, ces chambres auraient besoin des subventions du gouvernement français, ce qui entraînerait forcément un contrôle de la part du consul. D'ailleurs, il était nécessaire de maintenir ces compagnies dans une certaine dépendance afin

1. 1883.

de les empêcher de devenir gênantes pour notre action diplomatique 1. La commission ayant terminé son travail proposa un modèle de statuts dont voici l'économie :

Le consul de France est membre de droit de la chambre et président d'honneur des séances auxquelles il assiste. Les membres de la chambre sont les commerçants français établis depuis un an dans le pays étranger ainsi que les chefs des maisons françaises faisant des affaires dans ce pays, à charge pour les uns et pour les autres d'adhérer aux statuts et de payer une cotisation annuelle. La radiation est prononcée par la chambre ou par le conseil. Ce dernier est élu par les membres de la chambre réunis en assemblée générale, et renouvelé chaque année de la même manière. Il administre gratuitement la chambre, il doit lui rendre un compte annuel de ses travaux et il peut désigner des membres correspondants ayant voix consultative aux séances. La chambre correspond directement avec les ministères, les agents diplomatiques et consulaires et les chambres de commerce. Elle a pour mission de présenter ses vues sur les améliorations à introduire dans la législation commerciale, sur l'exécution des travaux et l'organisation des services publics intéressant le commerce et l'industrie, de faire connaître l'état de, la législation commerciale, de signaler et de décrire les usages commerciaux, de résumer ses travaux dans une correspondance régulière ou une publication périodique.

La chambre peut échanger avec les commerçants français, et avec les institutions commerciales de la métropole, tous les renseigne ments propres à développer le commerce. Elle a aussi un rôle de conciliation et d'arbitrage vis-à-vis des commerçants français. Elle doit faciliter le placement de nos jeunes nationaux et la diffusion de la langue française à l'étranger par l'encouragement à la création d'écoles ou d'associations, et signaler les fraudes qui peuvent être commises au préjudice de notre commerce.

Les finances de la chambre sont formées par les cotisations des membres, les dons et subventions de toute nature qu'elle est appelée à recevoir.

En général les statuts des chambres de commerce françaises à l'étranger sont la copie amplifiée du modèle. Comme on le voit, ces compagnies diffèrent essentiellement des chambres de la métropole. Ce sont des associations de commerçants et non des corps administratifs. Elles n'ont pas de législation générale ou particulière, et leur

1. Rapport de la commission des chambres de commerce françaises à l'étranger, 1883.

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