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tion. Cette fois, l'initiative vint du côté abyssin. Menacé par les Égyptiens, le négus Johannès fit parvenir plusieurs lettres au tsar pour invoquer sa protection. Il ne reçut aucune réponse. Mais le public russe commençait à s'intéresser à son royaume. En 1885-1886, le cosaque Atchinoff alla rendre visite au roi des rois et rapporta de sa part des cadeaux destinés au tsar, paraît-il. En 1888, il emmena de Jérusalem deux moines du couvent abyssin, les fit recevoir officiellement à Odessa, à Pétersbourg, à Kiew, à Moscou, et réussit à créer en faveur de l'Abyssinie un courant d'opinion grâce auquel il organisa une nouvelle expédition avec le concours du Père Paisi. C'est cette expédition, officiellement patronnée par le Saint-Synode, et sur le caractère de laquelle on se méprit en France, qui vint échouer si lamentablement à Sagallo devant les canons du Primauguet.

Ménélik, roi du Choa, devenu empereur d'Éthiopie après la mort de Johannès, reçut de 1889 à 1893 deux visites du lieutenant Machkoff, qui, à son retour, fut attaché pendant plusieurs mois au ministère des affaires étrangères. En 1893, un moine éthiopien, Christodule, vint à son tour en Russie, où il proclama les sympathies de ses frères pour l'orthodoxie. L'expédition du capitaine Léontieff est la dernière de la série. Mais on s'attend à ce qu'elle soit prochainement suivie d'une autre, au grand mécontentement de l'Italie, qui voit de très mauvais œil tout ce qui peut compromettre son influence dans ses nouvelles possessions de la mer Rouge. Il est bon de constater à ce propos que la chancellerie russe est la seule qui n'ait, ni directement, ni indirectement, reconnu le protectorat dont la version italienne du traité d'Occioli a investi le gouvernement du Quirinal sur les États de Ménélik. A. G.

Lavisse et Rambaud. Histoire générale, Tome VI. Louis XIV (16431715). Paris. A. Colin. 1 vol. in-8°, 1895. — Ce nouveau volume de la collection publiée par MM. Lavisse et Rambaud se présente à nous avec les mêmes qualités que possèdent ses anciens une grande lucidité dans l'exposition de faits si multiples et si divers; une bonne méthode apportée dans le classement de ces faits, des césures adroitement ménagées dans le cours du récit, grâce auxquelles la pensée peut de temps en temps se reposer et réflėchir sur la période parcourue avant d'entreprendre une nouvelle étape.

Thirria. Napoléon III avant l'Empire. Plon. 1 vol. in-8°, 1895. — L'auteur possède deux qualités remarquables: un sang-froid très rare et une parfaite indépendance d'esprit en présence de faits très prochains encore et que les préoccupations de parti font voir sous des jours fort différents : le caractère du futur empereur est bien esquissé; sa psychologie est approfondie d'une plume très sûre, l'ouvrage se lit facilement et laisse dans l'esprit une impression durable.

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Daniel Zolla, lauréat de l'Institut, professeur à l'École des sciences politiques. Les questions agricoles d'hier et d'aujourd'hui, 2o série. Paris, Alcan, 1895. Depuis 1893, M. Zolla donne tous les quinze jours environ. au Journal des Débats, une chronique agricole; ce volume est la réunion, des chroniques parues en 1894. Comme celui de l'année dernière, il contient à la fois des études purement techniques et des études économiques et financières d'un ordre plus général; n'étant pas agronome, nous nous félicitons de ce que celles-ci sont de beaucoup les plus nombreuses. Il est impossible d'analyser un ouvrage de ce genre, et nous nous bornerons à signaler quelques-unes des études qui nous ont paru les plus intéressantes, à raison surtout de l'importance des problèmes qu'elles soulèvent. Mais auparavant, nous tenons à appeler l'attention sur l'excellente méthode de l'auteur il s'appuie constamment sur les faits et ne donne son opinion qu'après avoir fourni au lecteur les moyens de s'éclairer personnellement. C'est là une méthode véritablement scientifique et nous ajouterons loyale. M. Zolla a consacré un article aux variations de la population agricole en France. Dans deux autres articles, il a cherché à établir les charges fiscales qui pèsent sur la propriété rurale et sur l'agriculture; il a résolu d'une manière très intéressante ce difficile problème, et montré que si les proprietaires ruraux et les agriculteurs voient une bonne partie de leurs revenus réclamés par le fisc, du moins, leur quote-part n'est-elle pas, dans l'ensemble, plus élevée que celle des autres contribuables. Nous signalerons encore deux études consacrées à l'indemnité due par le propriétaire au fermier qui a réalisé des améliorations; question des plus délicates, que certains voudraient voir résoudre par une modification de notre législation et dont M. Zolla conseille, très sagement à notre avis, de chercher la solution dans une rédaction plus prévoyante et plus habile des baux à ferme.

Dans ce volume comme dans le précédent, plusieurs articles sont relatifs à la baisse des prix des denrées agricoles. L'auteur montre combien est erronée la croyance suivant laquelle cette baisse est due à l'augmentation des importations étrangères. Des nombreuses statistiques citées, il ressort avec évidence que les importations varient en raison directe des prix : les périodes de fortes importations coïncident toujours avec des périodes de hausse des prix. Cherchant la raison de cette baisse qui affecte l'agriculture depuis une dizaine d'années, M. Zolla croit devoir l'attribuer à une appréciation de l'or, devenu l'unique monnaie internationale. Sans vouloir aborder ce difficile problème, nous avouerons que la réponse ne nous satisfait pas si l'or a pris une place prépondérante, sa production s'accroit au lieu de diminuer, et en outre son emploi a été restreint par l'usage de plus en plus grand de la monnaie fiduciaire et des méthodes de compensation. M. Zolla a eu l'heureuse idée de mettre au commencement de ce volume le discours qu'il a prononcé à l'hôtel des Sociétés savantes, à la demande du Comité de défense et de progrès social, sur L'Agriculture et le Socialisme, devant un auditoire un peu houleux, duquel cependant il a réussi à se faire écouter jusqu'au bout.

A. V.

Charles Benoist. De l'organisation du suffrage universel. La crise de l'État moderne. Paris, Firmin-Didot, 1 broch. in-12, 1895. — Voilà un travail qu'il faut saluer ses pareils sont rares. Le droit constitutionnel donne souvent lieu à des observations intéressantes, il prête un appui complaisant aux théories faciles; observations et théories s'accumulent et enguirlandent assez tristement les articles de nos lois fondamentales. Écartez les guirlandes, et vous retrouvez toujours les vilaines lettres pointues du texte, sa phraséologie trop souvent antique, son aspect noirâtre et morose de vieux meuble fatigué qui réclame des réparations ou au moins un bon coup d'époussetoir. Observations et théories n'ont rien éclairci ni rien édifié; leur essaim inutile bourdonne sottement autour du lamentable appareil et l'on se demande pourquoi tous ces efforts un peu bruyants, mais généreux dans le fond et d'intention excellente, restent infructueux. L'auteur du premier ouvrage nous l'apprend : c'est qu'on n'a jamais guéri une constitution malade en achevant de torturer ses textes, qu'aussi bien une constitution ne peut pas tomber malade. Une constitution, c'est dans notre pays, du moins, trop familier, hélas! avec ce genre d'élucubration, du noir sur du blanc, quelque chose comme la fantasmagorie des ombres chinoises, que chaque effet de lumière modifie, amplifie ou rapetisse, et qui s'affaiblissent, vacillent et s'effacent si la lumière s'éteint. Quand on veut saisir la cause de ces étranges images, ce n'est pas l'ombre fugitive et vaine qu'il faut poursuivre; c'est derrière la toile qu'il faut passer, c'est la lumière qu'il faut chercher. De même pour comprendre la nature, pénétrer le caractère, déterminer le génie subtil d'une constitution, il faut regarder derrière la feuille de papier que couvrent les articles et aller chercher au delà la masse profonde du peuple pour lequel et par lequel ces articles ont été écrits. Si, par hasard, quelque vice secret trouble le fonctionnement de la constitution, c'est dans cette masse qu'on en découvre le principe, c'est à cette foule, douée de sensibilité et de raison qu'il faut parler, non aux textes sourds et aveugles. Certes, la tâche est plus difficile; raisonner des milliers d'intelligences est autrement scabreux que bousculer quelque inoffensif article 75, qui n'en peut mais. La grandeur de l'entreprise se mesure à sa difficulté; il faut, pour vaincre cette dernière, une foi robuste, un talent éprouvé possède les deux.

l'auteur

Émile Worms. La politique commerciale de l'Allemagne, 1 vol. in-8°; Marchal et Billard, 1895. M. Worms, qui a publié, il y a une vingtaine d'années, une histoire du Zollverein allemand, vient de retracer les oscillations de la politique commerciale de l'empire allemand, depuis le mouvement nettement protecteur de 1879, jusqu'au régime des traités de commerce plus modérés inauguré en 1891. Le sujet était intéressant et le nouvel ouvrage de M. Worms contient des renseignements utiles, non seulement sur les causes et les effets de la politique de l'Allemagne, mais encore sur les velléités de fédération, au point de vue douanier, de la Grande-Bretagne et de ses colonies, velléités dont on semble s'être quelque peu préoccupé

au delà du Rhin. Un peu plus de sobriété dans l'exposition en eût toutefois rendu la lecture plus facile et eût jeté plus de clarté sur des questions singulièrement complexes. C. D.

Ed. Engelhardt. Les protectorats romains. Étude historique et juridique comparative. (Extrait de la Revue générale de droit international public, 1895.) Le mot de protectorat appliqué aux procédés de conquête et d'annexion des Romains paraît une nouveauté. Il surprendra plus d'une personne habituée à voir dans le protectorat une forme toute récente de rapports entre peuples de civilisation inégale dont les plus forts ou les plus avancés étendent avec quelques ménagements - leur domination sur ceux qu'ils considèrent comme leurs inférieurs. L'intéressante étude que vient de publier M. Engelhardt montre que si le mot protectorat a reçu depuis peu une nouvelle acception, la chose qu'il désigne est fort ancienne, que le « régime de commandement mixte et de tolérance relative » que nous appelons maintenant protectorat « a été le principal instrument de la domination romaine depuis ses commencements jusqu'à son apogée ». L'alliance romaine, qu'elle portât le nom de fœdus æquum ou de fœdus iniquum, se résolvait toujours en une dépendance plus ou moins étroite pour l'allié, en un abandon de sa politique extérieures aux mains romaines. L'esquisse que trace M. Engelhardt du développement de la puissance de Rome met en relief la souplesse, la variété et les multiples avantages de ce procédé qui permettait au peuple conquérant et colonisateur par excellence de l'antiquité, d'étendre son domaine et de décupler ses forces en tirant le meilleur parti des ressources que pouvaient lui offrir les peuples vaincus, transformés en alliés. L'alliance sans doute était souvent rude; son joug était pesant, mais il n'était point sans compensation. Si l'allié était enchaîné à la politique romaine, Rome le protégeait contre toute entreprise relevant d'elle et la pax romana diminuait l'injustice et la violence dans les rapports entre nations. On peut conclure de la suggestive étude de M. Engelhardt que le secret du succès des protectorats romains fut dans les bienfaits calculés de Rome à l'égard de ses alliés, et de cette conclusion les modernes colonisateurs ont à faire leur profit; s'ils peuvent légitimement prétendre retirer profit des protectorats qu'ils établissent, ils ne doivent pas oublier que c'est en faisant régner plus de paix et de justice parmi les nations protégées qu'ils parviendront à maintenir et à faire fructifier leur domination.

C. D.

CHRONIQUE DE L'ÉCOLE.

Cours complémentaires: M. TARDE, chef du bureau de la statistique au Ministère de la Justice, inaugurera prochainement un cours de Sociologie politique. La date d'ouverture sera indiquée par voie d'affiches.

Groupes de travail et conférences d'application. La conférence d'histoire, de politique contemporaine, de droit international et de législation sera dirigée cette année par MM. A. LEROY-BEAULIEU et Renault. La conférence de finances aura pour directeur M. R.-G. Lévy. La conférence de droit administratif, M. ROMIEU.

Les anciens élèves désireux de prendre part aux travaux des conférences pourront manifester dès maintenant leur intention au secrétariat. Ils seront prévenus de l'ouverture des conférences par voie de circulaires.

Les conférences de

Conférences de revision et d'interrogation. revision et d'interrogation porteront dans le cours de l'année 1895-96 sur les matières suivantes :

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La date de leur ouverture sera indiquée par voie d'affiches.

L'Académie a

Académie des sciences morales et politiques. décerné le prix Le Dissez de Penanrun à M. A. Arnauné, professeur à l'École, pour son livre La monnaie, le crédit et le change.

Nominations et promotions. M. DE NALÈCHES, ancien élève de l'École (section diplomatique), a été appelé aux fonctions de directeur au Journal des Débats.

M. V. DUMAS, ancien élève de l'École, attaché au secrétariat général du Gouvernement tunisien, est nommé contrôleur civil suppléant à Gafsa.

M. NOULENS, ancien élève diplômé, a été appelé aux fonctions de chef de cabinet du ministre de la Guerre.

M. FERRARIO, ancien élève, est nommé chef du secrétariat particulier du ministre de l'Intérieur.

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