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» Pour la première fois depuis les Romains, l'Italie tout entière sera soumise au même système. La réunion des états de Rome était nécessaire à ce grand résultat : ils coupent la presqu'ile de la Méditerranée à la mer Adriatique, et l'histoire a prouvé de quelle importance était une communication immédiate entre l'Italie supérieure et le royaume de Naples. Il y a trois siècles que, pendant que Charles VIII faisait la conquête de ce royaume, le pape, changeant tout à coup de sentiment. forma contre lui une ligue formidable: la retraite du roi se trouva coupée, et il ne revint en France qu'en marchant sur le corps des confédérés, à la tête desquels était le pape, à Fornoue. Mais pourquoi chercher des exemples dans l'histoire de Charles VIII, de Louis XII, de François Ier ? N'a-t-on pas vu de nos jours le pape accueillir dans sa capitale et dans ses ports les Anglais, qui de cet asile agitaient le royaume de Naples et le royaume d'Italie, distribuaient de l'argent et des poignards aux assassins qui égorgeaient nos soldats dans les vallées des Calabres? L'empereur a demandé que le pape fermât ses ports aux Anglais. Croirait-on que le pape ait rejeté cette demande? Il lui a proposé de former une ligue offensive et défensive avec le royaume de Naples et le royaume d'Italie ; le pape a repoussé cette proposition. Il n'est pas une circonstance, depuis la paix de Presbourg, où la cour de Rome n'ait manifesté sa haine contre la France: toute puissance qui devient prépondérante en Italie est aussitôt son ennemie; ainsi, avant la bataille d'Austerlitz, avant celle de Friedland, l'empereur reçut de Rome des brefs pleins d'acrimonie. On vit ensuite le pape se plaindre des principes de tolérance consacrés par le Code Napoléon; on le vit s'élever contre les lois organiques qui régissent l'intérieur de l'Empire, et dont il n'avait, à aucun titre, le droit de se mêler. On le vit jeter des brandons dans nos provinces: il s'essayait ainsi à diviser, à ébranler le grand Empire, et l'on ne peut douter de ce qu'il aurait fait si quelque bataille importante avait été perdue. La cour de Rome a trop dévoilé ses sentimens secrets: elle n'a pu méconnaître les services rendus par l'empereur à la religion; mais ce motif de reconnaissance, qui devait être si puissant pour le chef de l'Eglise, ne pouvait rien sur la haine du souverain temporel. Convaincu de ces vérités, consacrées par l'histoire de tous les temps, et par notre propre expérience, l'empereur n'avait à choisir qu'entre deux partis; ou créer un patriarche, et séparer la France de toute relation avec une puissance ennemie, qui cherchait à lui nuire, ou détruire une souveraineté temporelle, seule source de la haine de la cour de Rome

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France. Le premier parti aurait entraîné des discussions dan

gereuses, et jeté l'alarme dans quelques consciences; l'empereur l'a repoussé le second était l'exercice des droits qui sont inhérens à sa couronne impériale, et dont l'empereur ne doit compte à personne; l'empereur l'a adopté. Les papes, ni aucuns prêtres dans l'Empire, ne doivent avoir de souveraineté temporelle. Jainais l'empereur ne reconnaîtra le droit de la triple couronne; il ne reconnaît que la mission spirituelle donnée aux pasteurs de l'Eglise par Jésus-Christ, et que saint Pierre et ses plus pieux successeurs ont si purement et si saintement remplie au grand avantage de la religion.

» Le royaume de Naples durant cette année a pris une nouvelle consistance. Le roi a porté un soin particulier à l'organisation de ses états : il a rétabli l'ordre dans toutes les parties de l'administration; il a réprimé le brigandage, et ses peuples, depuis la première jusqu'à la dernière classe, ont montre des sentimens qui font à la fois leur éloge et celui de leur souverain. Le clergé de Naples, composé comme celui de France, d'hommes éclairés, a mérité l'estime de l'empereur. Un seul ecclésiastique, l'archevêque de Naples, a refusé le serment qu'il devait au souverain: en vain les théologiens se sont efforcés de le convaincre; il a persisté dans son erreur : sa crasse ignorance fait la satire de ceux qui l'avaient élevé à un poste aussi éminent.

» La Hollande n'est réellement qu'une portion de la France; ce pays peut se définir en disant qu'il est l'alluvion du Rhin, de la Meuse et de l'Escaut, c'est à dire des grandes artères de l'Empire. La nullité de ses douanes, les dispositions de ses agens, et l'esprit de ses habitans, qui tend sans cesse à un commerce frauduleux avec l'Angleterre, tout a fait un devoir de lui interdire le commerce du Rhin et du Weser. Froissée ainsi entre la France et l'Angleterre, la Hollande est privée des avantages contraires à notre système général, auxquels elle doit renoncer, et de ceux dont elle pourrait jouir : il est temps que tout cela rentre dans l'ordre naturel.

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Sa Majesté a voulu assurer aussi d'une manière éclatante les avantages de l'acte de la Confédération helvétique, en joignant à ses titres celui de médiateur de la Suisse. C'est assez dire aux Suisses que le bonheur sera perdu pour eux le jour où ils toucheront à ce palladium de leur indépendance. Le pont de Bâle a donné des occasions fréquentes aux troupes françaises de violer le territoire helvétique; il leur était nécessaire pour le passage du Rhin.

» Les provinces Illyriennes couvrent l'Italie, lui donnent une communication directe avec la Dalmatie, nous procurent un point de contact immédiat avec l'empire de Constantinople,

que la France, par tant de raisons et d'anciens intérêts, doit vouloir maintenir et protéger.

Sa Majesté vient d'ordonner qu'il fût contruit un pont permanent à Huningue.

» Les Espagnes et le Portugal sont le théâtre d'une révolution furibonde; les nombreux agens de l'Angleterre attisent et entretiennent l'incendie qu'ils ont allumé. La force, la puissance et la modération calme de l'empereur leur rendront des jours de paix. Si l'Espagne perd ses colonies, elle l'aura voulu. L'empereur ne s'opposera jamais à l'indépendance des nations continentales de l'Amérique : cette indépendance est dans l'ordre nécessaire des événemens ; elle est dans la justice; elle est dans l'intérêt bien entendu de toutes les puissances. C'est la France qui a établi l'indépendance des États-Unis de l'Amérique septentrionale; c'est elle qui a contribué à les accroître de plusieurs provinces : elle sera toujours prête à défendre son ouvrage. Sa puissance ne dépend point du monopole; elle n'a point d'intérêt contraire à la justice. Rien de ce qui peut contribuer au bonheur de l'Amérique ne s'oppose à la prospérité de la France, qui sera toujours assez riche lorsqu'elle se verra traitée avec égalité chez toutes les nations et dans tous les marchés de l'Europe. Soit que les peuples du Mexique et du Pérou veuillent être unis à la métropole, soit qu'ils veuillent s'élever à la hauteur d'une noble indépendance, la France ne s'y opposera pas, pourvu que ces peuples ne prennent aucun lien avec l'Angleterre. Pour sa prospérité et son commerce, la France n'a besoin ni de vexer ses voisins, ni de leur imposer des lois tyranniques.

Nous avons perdu la colonie de la Martinique et celle de Cayenne; l'une et l'autre ont été mal défendues. Les circonstances qui nous les ont enlevées sont l'objet d'une sévère enquête. Ce n'est pas que leur perte soit de quelque poids dans la balance des affaires générales; car elles nous seront restituées à la paix plus florissantes qu'au moment où elle nous ont été ravies.

Enfin la paix a ramené l'empereur au milieu de nous! Tous les corps de l'État ont porté leurs hommages au pied de son trône; ses réponses sont gravées dans vos cœurs. Le monarque qui excite le plus l'admiration et l'enthousiasme est aussi celui qui est digne de plus d'amour. Il nous l'a dit, il place dans celui qu'il inspire toutes ses espérances de bonheur.

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Français, il a donc pu se tromper une fois lorsqu'il ajouté que d'autres princes avaient été plus heureux que

lui. »

CLÔTURE de la Session.

DRAPEAUX.

PRÉSENTATION DE

Séance du 22 janvier 1810.

Cette séance de clôture était encore consacrée à la réception de drapeaux que Napoléon avait donnés au Corps législatif dans le moi de novembre 1808, lorsqu'il commandait en personne son armé d'Espagne. (Voyez dans le tome précédent, page 500.) Les rois e princes souverains ses parens ou ses alliés (1), ainsi que le corp diplomatique, avaient été invités et se trouvaient présens à l cérémonie, qu'une circonstance particulière rendait plus intéressante encore; le jeune officier chargé de présenter les drapeaux était l fils du conseiller d'état chargé de clore la session.

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DISCOURS de M. le comte de Ségur, conseiller d'état.

Messieurs, l'empereur nous a chargés de vous apporter le décret qui termine cette session. Mais vos travaux ne seront que suspendus ; une nouvelle session va bientôt s'ouvrir, et des lois importantes qui vous ont déjà été annoncées, telles que le Code pénal et la loi sur les mines, en rempliront le cours.

>> Cette suspension sera si courte qu'on peut considérer cette nouvelle session comme une prolongation de la première; aussi l'ouverture n'en sera pas solennelle: S. M. n'a point à recevoir le serment de nouveaux députés, et elle n'aurait rien à ajouter au tableau rapide et glorieux qu'elle a daigné vous tracer récemment de ses travaux, de ses triomphes, de ses généreux projets et de notre situation politique.

ces vic

» Je ne vous rappellerai point, messieurs, ce discours mémorable qui excita parmi vous tant d'enthousiasme; toires éclatantes au centre de l'Espagne; cette prompte fuite d'une armée anglaise ; cette marche, rapide comme la pensée, qui a porté en un instant nos aigles des murs de Burgos aux remparts de Vienne; cette glorieuse délivrance du royaume de Saxe et du duché de Varsovie; l'accroissement de la puissance de nos alliés ; la gloire et la brièveté de la guerre ; la générosité de la paix, la réunion de la Toscane à l'Empire; l'abolition de la souveraineté temporelle des papes; enfin l'attaque ino

(1) Napoléon avait appelé à Paris ces rois et princes souverains pour assister au double événement de son divorce et de son mariage. (Foye plus loin.)

pinée de ces quarante mille Anglais qui nous croyaient déjà vaincus en nous voyant privés de la présence de notre empereur et de nos légions, et qui ont disparu à la vue d'un peuple armé pour l'honneur et pour la patrie. Cette histoire d'une année, qui remplirait un siècle, est encore présente à votre mémoire, et vous avez gravées dans vos cœurs ces paroles paternelles qui votaient des remercimens aux braves citoyens des départemens du Nord et du Pas-de-Calais.

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Nous sommes fiers encore de ses prédictions sur la durée de notre gloire; puisse-t-elle être en effet immortelle comme la sienne! Plus nous en serons dignes, et plus nous sentirons que nous la lui devons. Certes l'honneur qu'il ajoute à l'antique renommée des Français, l'étendue qu'il donne à notre Empire, le rang glorieux que ses triomphes nous assignent dans l'univers, et les hautes destinées qu'il nous prépare, devraient nets faire supporter avec satisfaction les plus pénibles sacrifices, et quel tribut d'admiration ne devons-nous donc pas payer à sa sagesse, lorsque nous voyons qu'étant obligé de doubler ses forces militaires il ne nous fait acheter toute cette grandeur, toute cette puissance, par aucun nouveau sacrifice, et que la plus grande partie de nos contributions se trouve employée à l'accroissement de notre prospérité intérieure, à la construction de nos routes, au desséchement de nos marais, à l'ouverture de nos canaux, à l'embellissement de nos cités !

» Cet emploi de nos revenus à l'amélioration de toutes les parties de l'administration publique a dû vous frapper avec évidence, messieurs, dans le tableau qui yous a été présenté par le ministre de l'intérieur à votre première séance.

» L'achèvement du canal de Saint-Quentin ; les progrès de celui du nord; le desséchement d'une immensité de landes, celui des marais de Bourgoin et de Rochefort, conquêtes sur la nature, plus douces et presque aussi étendues que celles que nous avons faites sur nos ennemis ; les travaux du canal Napo

, ceux du port de Cherbourg, qui triomphent de l'Océan et menacent l'Angleterre; l'avancement des routes du Simplon et du Mont-Cénis; l'achèvement rapide du Louvre; l'arrivée des eaux de l'Ourcq dans la capitale; l'érection de plusieurs monumens dignes d'immortaliser un règne; l'établissement des dépôts de mendicité et des fonds qui en assurent l'entretien ;. les encouragemens donnés aux arts, aux découvertes, à l'industrie; les justes indemnités accordées aux départemens ravagés par les inondations; le rétablissement des édifices destinés au culte; tout cet exposé fidèle de la situation de l'Einpire doit exciter notre reconnaissance et décourager nos

ennemis.

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