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par la force des bienfaits et l'autorité de la sagesse. L'insulaire, entièrement chassé de la péninsule, et sans ressources sur le continent, implorera, pour nous échapper encore, la vitesse de ses vaisseaux; on va dire une seconde fois, en dépit de l'Angleterre Il n'y a plus de Pyrénées!

» Rien ne peut donc altérer les nobles impressions qui naissent à l'aspect de ces trophées instructifs et glorieux. Le guerrier choisi pour nous les porter leur ajoute encore un nouveau prix ; son bras servit à les enlever : que dis-je ! on a craint longtemps qu'il ne les payât de ses jours. Brillant des grâces de la première jeunesse, il est déjà couvert d'honorables blessures comme un vétéran. Il eut le bonheur de trouver dans son aïeul et dans son père les vrais modèles de la valeur et de l'urbanité françaises : il n'a point démenti ce double exemple. Il réunit les plus beaux caractères de l'officier français, également propre à briller dans la cour et dans l'armée ; sachant cultiver son esprit dans la dissipation des fêtes et dans le tumulte des camps; aimable et doux dans la société, mais terrible un jour de bataille. Que ces drapeaux teints de son sang doivent paraître beaux à sa mère, à son épouse, à son père, qui versent des larmes de joie, et sur qui semblent s'arrêter tous les regards de cette Assemblée! Je suis sûr que dans ce moment le jeune guerrier se dit dans son cœur que, malgré tant de périls et de souffrances, la gloire dont il jouit ne fut pas trop chèrement achetée, et que nul sacrifice n'est imposle souverain qui lui réservait un si beau jour!

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sible pour Oui, j'en atteste l'honneur français, telle est sa pensée. L'honneur français ! que de prodiges de prodiges on peut faire avec ce seul mot! L'honneur français, dirigé par un grand homme, est un assez puissant ressort pour changer la face de l'univers.

non sans

» On a souvent nommé les rois d'illustres ingrats; on a dit, quelque raison, qu'ils mettaient trop tôt en oubli le dévouement de leurs sujets, et qu'auprès du trône il était plus utile de flatter que de servir. Combien le maître à qui nous sommes attachés mérite peu ce reproche! Du haut point d'élévation qu'il occupe il jette un regard équitable sur les talens qui sont au-dessous de lui; car il est trop élevé au-dessus d'eux tous pour ne les pas juger tous avec impartialité. Ses bienfaits préviennent à chaque instant ses serviteurs de toutes les classes, et particulièrement ses fidèles compagnons d'ar

mes. Le pinceau des grands artistes est chargé de reproduire les grandes actions; les places publiques portent les noms des guerriers morts sur le champ de bataille, et se décorent de ers images; des arcs de triomphe s'élèvent à la gloire des armées françaises, et un temple voisin conservera sur des

tables d'or la mémoire des braves. C'est là qu'un héros veut donner à ses soldats une part de son inmortalité : il embellit leur vie par la fortune et les titres dus à leur courage; il fait plus, il honore leur mort, et sa royale amitié ne néglige pas même le marbre de leurs tombeaux.

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Quels dévouemens extraordinaires ne doit pas attendre un souverain si magnanime! Aussi que de grandes choses il a fait exécuter dans un règne si court et si rempli !

» Périsse à jamais le langage de l'adulation et de la flatterie ! Je ne commencerai point à m'en servir dans les dernières paroles que je prononce à cette tribune, d'où je vais descendre pour toujours (1). Je n'ai point oublié les devoirs imposés à ce Corps respectable et cher dont j'ai l'honneur encore une fois d'être l'organe et l'interprète. Le Corps législatif ne doit porter au pied du trône que la voix de l'opinion publique : c'est avec elle seule que je louerai le prince; j'exprimerai franchement l'admiration qu'il m'inspire. J'en trouve l'occasion naturelle dans cette fête guerrière où brille toute sa gloire : l'élite de la France et de l'Europe est ici rassemblée; j'en appelle à leur témoignage; tout ce que je vais dire de lui sera merveilleux et véritable.

» Transportons-nous par la pensée dans l'avenir; voyons ce héros comme la postérité doit le voir un jour à travers les nuages du temps. C'est alors que sa grandeur paraîtra pour ainsi dire fabuleuse; mais trop de monumens attesteront les merveilles de sa vie pour que le doute soit permis. Si nos derniers desceudans veulent savoir quel est celui qui, seul, depuis l'empire romain, réunit l'Italie dans un seul corps, l'histoire leur dira: C'est Napoléon! S'ils demandent quel est celui qui, vers la même époque, dissipa les hordes arabes et musulmanes au pied des pyramides et sur les bords du Jourdain, l'histoire leur dira : C'est Napoléon! Mais d'autres surprises les attendent; ils apprendront qu'un homme, en quelque sorte désigné d'en haut, partit du fond de l'Egypte au moment où toutes les voix de la France l'appelaient à leur secours, et qu'il

(1) M. de Fontanes, nommé six fois candidat à la présidence par le Corps législatif, et six fois choisi par Napoléon, avait enfin prié ses collègues de ne plus lui donner leurs voix. « Il ne manque plus rien à ma gloire, avait-il dit; j'en puis être fier, puisqu'elle me vient de si haut, et que je la dois premièrement à votre bienveillance... Je dois me renfermer tout entier dans les devoirs que m'impose l'Université impériale en surveillant l'instruction publique je tacherai de payer à vos enfans la reconnaissance que je dois à leurs pères. » (Séance du 16 janvier 1810.)

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Į vint rétablir les lois, la religion et l'ordre social, menacés d'une ruine prochaine : cet homme encore sera Napoléon ! Ils verront dans dix années trente états changeant de forme, des trônes fondés, des trônes détruits, Vienne deux fois conquise et les successeurs du grand Frédéric perdant la moitié de leur héritage! Ils croiront d'abord que tant de révolutions et de victoires sont l'ouvrage de plusieurs conquérans; l'histoire, appuyée sur le témoignage unanime des contemporains, dissipera toutes les méprises; elle montrera toujours le méme Napoléon, fondant de l'Autriche sur la Prusse, poussant sa marche victorieuse jusqu'aux dernières limites de la Pologne, s'élançant tout à coup du fond de la Sarmatie vers ces monts qui séparent la France des Espagnes, et triomphant près de ces régions où l'antiquité plaçait les bornes du monde! Et cependant les prodiges ne seront pas épuisés; il faudra retracer encore les bienfaits d'un Code immortel; il faudra peindre tous les arts rappelant à Paris la magnificence de Rome antique; car il est juste que la ville où réside un si grand homme devienne aussi la ville éternelle.

» J'interroge maintenant tous ceux qui m'écoutent; en est-il un seul qui désavoué le moindre trait de ce tableau? Heureux les princes qu'on peut louer dignement avec la vérité! Heureux aussi l'orateur qui ne donne aux rois que des éloges justifiés par leurs actions! »

Cette cérémonie fut terminée par une fête et un banquet que le Corps législatif donna à MM. de Ségur et aux militaires porteurs des drapeaux.

III.

SESSION DE 1810.

DELIBERATION du Conseil d'état. Séance du 27 janvier 1810.

• Le Conseil d'état, qui, d'après le renvoi de S. M., a entendu le rapport de la section de l'intérieur sur la question de savoir quelles sont les formes qu'il convient d'adopter pour l'ouverture du Corps législatif pour 1810,

» EST D'AVIS:

» 1°. Que la session de 1810 est tellement rapprochée de

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celle de 1809, qu'il n'y a lieu à aucune solennité pour son ouverture;

» 2°. Qu'il suffira de faire annoncer l'ouverture de la session de 1810 par les orateurs du Conseil d'état chargés de présenter le message de S. M. et le premier projet de loi. »

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Approuvé. Én notre palais des Tuileries, le 30 janvier 1810. Signé NAPOLÉON. "

Un décret du 22 janvier, jour de la clôture de la session de 1809, indiquait pour le 1er février suivant l'ouverture de la session de 1810.

Un autre décret du 24 janvier, vu la liste des candidats à la présidence présentée par le Corps législatif, nommait PRÉSIDENT M. le comte de MONTESQUIOU.

DISCOURS prononcé par M. le comte Treilhard, conseiller d'état. -Séance du 1° février 1810.

« Messieurs, après l'interruption momentanée de vos travaux, S. M. I. veut que leur reprise soit honorée par l'examen et la discussion d'un ouvrage très important, d'un Code pénal.

» Le Code Napoléon a établi l'état des hommes et leurs propriétés sur des bases inébranlables.

» Le Code de Procédure civile aplanit les avenues du temple de la justice en débarrassant l'instruction des affaires d'une foule d'actes aussi ruineux pour les plaideurs qu'inutiles pour les juges.

» Le commerce se félicite de la promulgation d'un Code qui doit le replacer sur ses plus fermes appuis, la bonne foi et l'économie.

» Un Code d'Instruction criminelle garantit la sûreté publique et individuelle en facilitant la recherche des crimes et en forçant leur poursuite; il offre des moyens infaillibles pour atteindre les coupables, et il réunit aussi tout ce qui peut calmer l'inquiétude de l'innocence persécutée.

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Que manque-t-il encore à notre législation? Un Code pénal, qui inflige au coupable la peine qu'il a encourue; une peine juste, proportionnée au crime, car la société doit la justice même à ceux qui se déclarent ses ennemis, et la justice exclut également l'excès de l'indulgence et de la sévérité.

» Ainsi, pendant qu'une suite non interrompue de prodiges éleve au plus haut degré la gloire du nom français, des

lois sages auront préparé notre bonheur domestique : il n'en est point sans la libre et paisible jouissance de notre personne, de notre état, de noire famille, de nos propriétés. Ces bienfaits nous ne pouvions les obtenir que d'une bonne législation; ils se feront sentir tous les jours et à tous les instans, et c'est aussi tous les jours et à tous les instans que le peuple français doit en bénir l'auteur.

Législateurs, vous recueillerez une portion de sa reconnaissance, puisque S. M. I. vous associe à ses profondes méditations. Hâtez-vous, messieurs, de procéder au complément de votre organisation pour nous mettre en état de terminer, en vous présentant le premier livre du Code pénal, la mission honorable dont S. M ́I. a daigné nous charger.

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Indépendamment du Code pénal, délibéré dans cette session, le Corps législatif adopta encore: 1° la loi qui transformait les Cours d'appel en Cours impériales, d'Assises, spéciales, etc. ; 2o l'importante loi sur les mines. Nous rapporterons l'exposé des motifs de ces deux actes.

MOTIFS du projet de loi relatif à l'administration de la justice par les Cours impériales, d'Assises et spéciales, et par les tribunaux de première instance; exposés par M. Treilhard, conseiller d'état. - Séance du 12 avril 1810.

<< Messieurs, il ne suffit pas d'avoir de bonnes lois; il faut encore s'assurer qu'elles seront exécutées. Une administration sage et ferme de la justice n'est pas moins nécessaire pour le maintien de la paix intérieure que la force pour repousser les attaques de l'étranger; et s'il est vrai que sans la force une nation cesserait bientôt d'exister comme nation, il n'est pas moins vrai que sans la justice une nation n'échapperait pas à l'anarchie et à ses horribles suites.

» Chez un peuple nouveau, dont les mœurs encore pures et les goûts simples offrent une garantie contre les erreurs et les écarts des passions, les chefs de famille sont les premiers et peuvent être longtemps les seuls magistrats.

Chez une nation ancienne, nombreuse, puissante, qui porte dans son sein, avec le germe de toutes sortes d'industrie, les élémens de toutes les discordes, l'administration de la justice est au premier rang des plus urgens besoins, et demande toute la sollicitude du législateur.

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