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ordinaire, elle annonça la victoire et la paix comme le prix du dévouement de ses nouveaux soldats.

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L'empereur a tenu sa promesse; il a vaincu et pacifié sans qu'il ait été besoin de devancer encore le moment où les Français soumis à la conscription doivent acquitter leur dette envers la patrie.

» Le temps a amené le retour du terme périodique où l'appel doit avoir lieu.

» Au commencement de 1811 la conscription de cette année doit se préparer à entrer successivement dans les cadres, pour y remplacer ou les braves atteints dans les batailles, ou les vétérans qui vont au sein de leur famille porter leur gloire et chercher le repos.

» Le nombre levé sur les conscriptions antérieures a été de cent vingt mille hommes; mais l'appel ne vous en a été proposé que successivement, et avec la distinction de destination immédiate et de réserve.

Bien que la totalité d'une levée égale à celle des conscriptions précédentes ne soit pas actuellement nécessaire, S. M. a pensé qu'il était plus convenable de mettre à la disposition de son ministre de la guerre le nombre des conscrits employés les années précédentes.

» Ils ne seront ensuite appelés que successivement, en vertu des décrets de S. M., et autant que le besoin se fera sentir.

Aucune augmentation de revenu ne sera nécessaire, et les fonds assignés par le budget de 1810 pour cet exercice, ou mis à la disposition pour celui de 1811, suffiront aux dépenses de ces deux années, et de tous les départemens du ministère.

>> Pour se maintenir dans une attitude honorable, pour se montrer protectrice où menaçante aux yeux de ses amis ou de ses ennemis, la France n'a donc besoin, messieurs, d'aucun effort nouveau, d'aucun sacrifice extraordinaire. "Car ce n'est pas ainsi qu'il faut jamais appeler la levée de la conscription, tribut personnel, garant de l'indépende la puissance et de la gloire de l'Empire, et qui doit, en temps de paix comme en temps de guerre, être acquitté chaque année dans une proportion plus ou moins

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forte.

Et le minimum de cette proportion doit être toujours, même en paix, en raison composée 1o du résultat de la mortalité ordinaire, 2° du nombre de congés délivrés.

Ce nombre de congés serait alors du cinquième de l'armée s'il n'arrivait pas qu'un grand nombre de Français préferent la vie militaire, ses chances glorieuses et ses hono

rables hasards à un repos ou à un travail dont ils sont désaccoutumés.

» Ces braves acquittent ainsi volontairement, et pour un temps qui embrasse souvent la durée de leur vie, la dette d'une partie de leurs concitoyens, en même temps qu'ils forment dans tous les corps de l'armée cette réserve inépuisable, ce fonds de vieux guerriers, à l'exemple desquels se forment les nouvelles levées, et qui garantissent la victoire.

» En songeant à l'étendue de leur dévouement, à la durée de leurs services, quel Français peut hésiter à s'y associer, quand il entend la voix de la patrie qui l'appelle, de la loi qui lui commande, et de la gloire qui l'attend! »

M. Regnault (de Saint-Jean-d'Angely) termine en donnant lecture d'un projet de senatus-consulte qui a pour objet de mettre à la disposition du ministre de la guerre cent vingt mille hommes de la conscription de 1811.

Le Sénat nomme deux commissions : l'une, composée de MM. Sémonville, Garnier, Colchen, Lapparent et Gouvion, est chargée de l'examen des senatus consulte portant réunion de la Hollande, des villes anséatiques et du Valais; les senatus-consulte relatifs à la conscription maritime et à la conscription de 1811 sont renvoyés à la seconde, qui a pour membres MM. Bougainville, Lacépède, le duc de Dantzick, Laplace et Cornet.

Dans la séance du 13, par l'organe de MM. Sémonville, Bougainville et Lacepède, ces deux commissions font leurs rapports, et votent pour tous les senatus-consulte présentés le 10; ces actes sont immédiatement adoptés par le Sénat, ainsi que l'adresse ci-après.

ADRESSE du Sénat à l'empereur. Du 13 décembre 1810.

"Sire, la profondeur et l'étendue de vos desseins, la franchise et la générosité de votre politique, votre sollicitude constante pour le bien de vos peuples, ne se sont jamais plus manifestées que dans le message adressé au Sénat par Votre Majesté impériale et royale.

Les arrêts du conseil britannique ont non seulement déchiré le droit public de l'Europe; ils outragent jusqu'à ces lois naturelles qui sont aussi anciennes et aussi impérissables que le monde. La nature elle-même a placé les mers hors du domaine de l'homme il peut les franchir, mais non les occuper; et prétendre exercer l'empire sur l'élément qui environne de toutes parts la terre habitable, c'est aspirer à

tenir en captivité les deux mondes, et à flétrir d'une tache de servitude l'humanité tout entière.

Tel est l'attentat sacrilége contre lequel Votre Majesté réunit tous les efforts de sa puissance : l'Europe, justement indignée, vous applaudit et vous seconde.

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Déjà ce gouvernement inquiet et turbulent qui avait suscité contre la France cinq coalitions successives, détruites en un instant par vos armes victorieuses, voit aujourd'hui toutes les nations du continent liguées contre lui, et ses vaisseaux repoussés de tous les ports; il ne peut plus alimenter sa circulation intérieure que par des valeurs mensongères, et son commerce étranger que par la fraude. Les seuls alliés qu'il ait sur la terre sont le fanatisme et la sédition.

» Poursuivez, Sire, cette guerre sacrée, entreprise pour l'honneur du nom français et pour l'indépendance des nations! Le terme de cette guerre sera l'époque de la paix du monde.

» Les mesures proposées par Votre Majesté hâteront ce terme si désirable. Puisque vos seuls ennemis sont sur l'Océan, il est nécessaire de vous rendre maître de toutes les portes par où l'Océan communique avec les provinces intérieures de votre Empire.

» Au milieu de ces opérations politiques et guerrières, votre bienfaisante sollicitude vous a inspiré l'idée de vivifier ce commerce du nord, qui a été si longtemps pour l'industrie française une source féconde d'encouragement et de prospérité. Les productions du midi de l'Empire se rendront, par des routes sûres et faciles, dans les ports de la Baltique et le lien des nations va resserrer encore les nœuds du traité de Tilsit.

» Animés par l'honneur, par l'amour et la reconnaissance, les conscrits de 1811 viendront avec orgueil se ranger autour de vos aigles triomphantes, et s'honorercnt de payer ce glorieux tribut que tout Français doit à son souverain et à sa patrie.

» Le cœur paternel de Votre Majesté laisse voir qu'elle ne demande ce tribut qu'avec regret; mais il doit se consoler par la pensée que l'état prospère des finances vous permet de ne point exiger de vos peuples de nouveaux sacrifices.

» Le Sénat, Sire, ne fait qu'exprimer des sentimens qui sont communs à tous les sujets de Votre Majesté quand il vous offre l'hommage de son dévouement, de son amour et de son inébranlable fidélité. »

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VI.

SESSION DE 1811.

DISCOURS de l'empereur en ouvrant la session (1), le 16 juin 1811.

«Messieurs les députés des départemens au Corps législatif, la paix conclue avec l'empire d'Autriche a été depuis cimentée par l'heureuse alliance que j'ai contractée : la naissance du roi de Rome a rempli mes vœux et satisfait à l'avenir de mes peuples.

» Les affaires de la religion ont été trop souvent mêlées et et sacrifiées aux intérêts d'un état du troisième ordre. Si la moitié de l'Europe s'est séparée de l'église de Rome, on peut l'attribuer spécialement à la contradiction qui n'a cessé d'exister entre les vérités et les principes de la religion, qui sont pour tout l'univers, et des prétentions et des intérêts qui ne regardaient qu'un très petit coin de l'Italie. J'ai mis fin à ce scandale pour toujours. J'ai réuni Rome à l'Empire. J'ai accordé des palais aux papes à Rome et à Paris : s'ils ont à cœur les intérêts de la religion, ils voudront séjourner souvent au centre des affaires de la chrétienté; c'est ainsi que saint Pierre préféra Rome au séjour même de la Terre-Sainte.

» La Hollande a été réunie à l'Empire: elle n'en est qu'une émanation; sans elle l'Empire ne serait pas complet.

» Les principes adoptés par le gouvernement anglais, de ne reconnaître la neutralité d'aucun pavillon, m'ont obligé de m'assurer des débouchés de l'Ems, du Weser et de l'Elbe, et m'ont rendu indispensable une communication intérieure avec la Baltique. Ce n'est pas mon territoire que j'ai voulu accroître, inais bien mes moyens maritimes.

» L'Amérique fait des efforts pour faire reconnaître la liberté de son pavillon. Je la seconderai.

» Je n'ai qu'à me louer des souverains de la Confédération du Rhin.

1 » La réunion du Valais avait été prévue dès l'acte de médiation, et considérée comme nécessaire pour concilier les inté rêts de la Suisse avec les intérêts de la France et de l'Italie.

(1) Convoquée par décret daté de Saint-Lô, le 31 mai.

» Les Anglais mettent en jeu toutes les passions. Tantôt ils supposent à la France tous les projets qui peuvent alarmer les autres puissances, projets qu'elle aurait pu mettre à exécution s'ils étaient entrés dans sa politique; tantôt ils font un appel à l'amour-propre des nations pour exciter leur jalousie: ils saisissent toutes les circonstances que font naître les événemens inattendus des temps où nous nous trouvons c'est la : guerre sur toutes les parties du continent qui peut seule assurer leur prospérité. Je ne veux rien qui ne soit dans les traités que j'ai conclus. Je ne sacrifierai jamais le sang de mes peuples pour des intérêts qui ne sont pas immédiatement ceux de mon Empire. Je me flatte que la paix du continent ne sera pas troublée. » Le roi d'Espagne est venu assister à cette dernière solennité. Je lui ai accordé tout ce qui est nécessaire et propre à réunir les intérêts et l'esprit des différens peuples de ses provinces. Depuis 1809 la plupart des places fortes d'Espagne ont été prises après des siéges mémorables: les insurgés ont été battus dans un grand nombre de batailles rangées. L'Angleterre a compris que cette guerre tournait à sa fin, et que les intrigues et l'or n'étaient plus suffisans désormais pour la nourrir ; elle s'est trouvée contrainte à en changer la nature, et, d'auxiliaire, elle est devenue partie principale. Tout ce qu'elle a de troupes de ligne a été envoyé dans la péninsule: l'Angleterre, l'Ecosse, l'Irlande sont dégarnies. Le sang anglais a enfin coulé à grands flots dans plusieurs actions glorieuses pour les armes françaises. Cette lutte contre Carthage, qui paraissait devoir se décider sur le champ de bataille de l'Océan ou au-delà des mers, le sera donc désormais dans les plaines des Espagnes! Lorsque l'Angleterre sera épuisée, qu'elle aura enfin ressenti les maux qu'avec tant de cruauté elle verse depuis vingt ans sur le continent, que la moitié de ses familles seront couvertes du voile funèbre, un coup de tonnerre mettra fin aux affaires de la péninsule, aux destins de ses armées, et vengera l'Europe et l'Asie en terminant cette seconde guerre punique.

» Messieurs les députés des départemens au Corps législatif, j'ordonne à mon ministre de mettre sous vos yeux les comptes de 1809 et de 1810. C'est l'objet pour lequel je vous ai réunis. Vous y verrez la situation prospère de mes finances. Quoique j'aie mis, il y a trois mois, cent millions d'extraordinaire à la disposition de mes ministres de la guerre pour subvenir aux dépenses des nouveaux armemens qui alors paraissaient nécessaires, je me trouve dans l'heureuse situation de n'avoir à imposer aucune nouvelle surcharge à mes peuples. Je ne hausserai aucun tarif; je n'ai besoin d'aucun accroissement dans les impositions.

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