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que nous donnait, il y a peu de temps, un monarque dont la victoire est accoutumée à accomplir les prédictions.

» Au même instant un cri de détresse est sorti du sein des iles Britanniques; le crédit qui soutenait sa puissance colossale et factice s'est ébranlé, et ce gouvernement, déjà banni du continent, mais qui se vantait naguère, au milieu de l'encombrement de ses manufactures, de pouvoir en échanger les produits contre tout l'or du Mexique et du Pérou, est aujourd'hui contraint de proclamer son erreur d'avouer qu'il perd la confiance publique, et de proposer l'établissement désastreux d'un papier-monnaie.

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"Tel est le contraste que présente actuellement la situation de la France et celle de l'Angleterre.

n

» Le gouvernement anglais veut la guerre, le monopole du commerce, et la domination des mers.

» Ses alliés sont ou détruits ou perdus pour lui; il ruine tous ceux qu'il veut soudoyer; il épuise son peuple en efforts inutiles; il est puni de l'égoïsme par l'isolement, et après avoir entassé emprunt sur emprunt, taxe sur taxe, assiégé de plaintes, menacé de troubles, il est réduit à proposer au peuple pour ressource une monnaie fictive qui n'a d'autre gage qu'une confiance qui n'existe plus.

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mers.

L'empereur, au contraire, veut la paix et la liberté des

» Il a huit cent mille hommes sous les armes; les princes de l'Europe sont ses alliés; tout son Empire jouit d'une tranquillité profonde.

» Sans emprunts, sans anticipations, neuf cent cinquantequatre millions, levés facilement, assurent la libre exécution de ses nobles projets; et Sa Majesté ne nous charge que de vous porter des paroles de satisfaction et d'espérance.

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Que de confiance, messieurs, doit inspirer ce parallèle! Répandez-la dans l'esprit de vos concitoyens; communiquezleur les impressions que vous avez reçues: votre tâche sera facile; vous les trouverez tous animés des mêmes sentimens pour un souverain qui n'a d'autre but dans ses travaux bonheur et la gloire de son peuple. »

que

le

XX.

15*

VII.

GUERRE DE RUSSIE.

DOCUMENS DIVERS.

Napoléon va payer des prospérités de la France et de son propre bonheur l'imprudente confiance qu'il a placée dans ses alliés, les uns encore privés de lumières politiques, d'autres jaloux de sa puissance, la plupart ne sachant que s'abaisser ou trahir, tous impatiens d'échapper au joug de la reconnaissance ou à celui de l'oppression.

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Les Russes, battus et dispersés toutes les fois qu'ils avaient été amenés devant les drapeaux français, n'inspiraient plus aucun effroi. Une sage et prévoyante politique devait seulement s'attacher à éloigner leur gouvernement des intérêts du midi de l'Europe; mais Napoléon, ayant cru distinguer dans leur maître un homme au dessus de sa nation, voulut l'associer à l'honneur de ses projets contre l'ennemi du continent. Ces deux puissans monarques, se donnant la main d'une extrémité de l'Europe à l'autre, pouvaient en effet dominer et vaincre enfin l'Angleterre : Napoléon eût accompli sa mission politique; en recouvrant une part de la prépondérance maritime usurpée par la Grande-Bretagne, Alexandre aurait élevé et éclairé sa nation. Déjà cette alliance de la Russie avec le premier des Empires civilisés avait obtenu d'heureux résultats, lorsque le czar, jaloux des talens militaires et de l'immense renommée de son ami, sacrifia à des passions les promesses de Tilsit et d'Erfurth ; encore dans l'âge où les princes guerriers se laissent entraîner par une brillante ambition, il sourit à l'idée d'occuper à son tour la première place mais au fond il n'obéissait qu'à la politique mercantile de l'Angleterre, en même temps qu'il cédait à la vieille diplomatie moscovite, plus avide d'hommes et d'arpens que d'une véritable gloire.

La Suède, déchirée par ses révolutions, avait cherché le repos et son salut dans la protection de la puissance de l'Europe qui exerçait la prépondérance; elle avait appelé un général français, Bernadote, à la dignité de prince royal, de successeur immédiat du roi Charles XIII qu'elle venait de se donner. Bernadote, contraire à la fois aux vues de Napoléon son ancien frère d'armes, anx intérêts de la France son pays, aux vœux de sa patrie adoptive, donna pour alliés à la Suède ses ennemis les plus dangereux, les Russes et les Anglais. (1)

(1) Le traité d'alliance entre la Russie et la Suède fut signé à Pétersbourg le 24 mars 1812.-Dans le mois de janvier précédent, blessé des relations qui préparaient ce traité, Napoléon s'était emparé de Stralsund (Pomeranie suédoise). Le 3 mai de la même année l'Angleterre accéda au traité du 24 mars entre la Suède et la Russie. (D'autres traités entre les mêmes puissances sont indiqués plus loin. )

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La Prusse, qui dans aucun temps ne peut occuper qu'un rang secondaire dans l'ordre moral et politique de l'Europe, mais alors humiliée de ne devoir qu'à Napoléon une existence dont il avait fait une insupportable sujétion; l'Autriche, tant de fois abaissée, et qui dans l'abandon d'une archiduchesse à son vainqueur avait osé entrevoir la réussite et l'impunité de ses constans projets contre la puissance française ; la Prusse et l'Autriche étaient impatientes d'entrer dans une sixième coalition; mais, encore placées sous la main de Napoléon, elles consentirent avec lui, contre l'alliance du nord, des traités qu'elles se promettaient de respecter jusqu'au moment où elles pourraient les violer sans danger. (Voyez, pour ces traités, page 240.)

L'Espagne, tombeau incessamment ouvert, continuait d'être déchirée et par ses propres enfans, et par les Anglais, ses soi-disant protecteurs, et par les Français, qui achetaient encore le droit de la regarder comme leur conquête en reformant chaque jour leurs armées toujours détruites.

Dans l'année 1811 et les premiers mois de 1812 il y eut entre les cabinets des négociations multipliées, mais qui ne pouvaient conduire à aucun résultat favorable; la franchise et la loyauté ne se montraient nulle part. Tandis que des alliés de la France violaient secrètement les traités qui les attachaient à sa fortune, la France de son côté s'emparait de provinces encore amies. Au mois d'avril 1812 Napoléon fit proposer à l'Angleterre, comme un gage de ses intentions pacifiques, de rendre le Portugal à la maison de Bragance, de reconnaître l'indépendance de l'Espagne avec la dynastie actuelle, et de faire évacuer toute la péninsule par ses troupes; mais ces mots, la dynastie actuelle, n'expliquaient point si c'était la dynastie de Joseph Napoléon ou celle de Charles IV, et le ministère britannique prit occasion de ce doute pour prolonger et rendre nulles les négociations, ce que le ministère français n'avait pas été sans prévoir.

La guerre était voulue par toutes les passions, et toutes les passions se retrouvaient encore une fois excitées par l'émigration française, longtemps oubliée de l'étranger; mais, depuis le mariage de Napoléon et la naissance du roi de Rome, elle était parvenue, à force de négociations, de plaintes, de prom esses, à reprendre quelque influencé auprès des agens des cours de sorte que la guerre qui allait se rallumer était pour ainsi dire une reprise de la guerre de la révolution. Et déjà l'on peut entrevoir, non plus en opposant ces craintes reprochées comme chimériques aux derniers républicains, mais par la démonstration des faits; ici, disons-nous, on peut déjà voir les suites de l'érection du trône impérial: Napoléon était évidemment menacé d'avoir deux conquêtes à défendre, celle de la France et celle qu'il avait faite sur les Français; l'affranchissement de 1789 et l'établissement de sa dynastie.

XX.

15*

Toutefois l'émigration française aurait échoué dans ses efforts si la Russie, entraînée par ses sentimens jaloux, par son ambition, bien plus réelle que celle de la France, eût maintenu une alliance qui devait la flatter: ce que Napoléon ambitionnait par dessus tout, en s'emparant de la domination universelle, c'était l'exécution et le triomphe de son système continental, vaste conception, que la génération tout entière regrettera longtemps de n'avoir point secondée, comme pouvant seule arracher le continent au despotisme que l'Angleterre lui impose sous le rapport du commerce et de la liberté des mers. Ce système, qui blessait seulement les intérêts présens de quelques peuples, mais qui ruinait la Grande-Bretagne, aurait nécessairement conduit à la paix générale: Napoléon en exigea l'exécution rigoureuse, et ne put l'obtenir, ni des princes, jouets du cabinet britannique, ni des peuples, asservis aussi à leur propre égoïsme. Napoléon eut recours à la force. Le blocus continental est donc une des principales causes de cette sixième coalition.

La domination de Napoléon s'étendait sur soixante-douze millions d'habitans; savoir :

La France, avec les nouveaux départemens réunis de la Hollande, des villes anséatiques, du Valais, etc.

L'Italie, en y comprenant Naples, Lucques et Piom

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42,000,000

10,600,000

1,100,000

11,000,000

2,100,000

3,600,000

1,600,000

72,000,000

Napoléon se montrera à ses ennemis avec un million d'hommes sous les armes, tirés de ces différens peuples. De cette masse de combattans, répandue soit en Espagne et en Portugal, soit sur les côtes et les frontières, soit dans les pays réunis, la moitié environ menacera la Russie.

Les traités récens avec la Prusse et l'Autriche assuraient encore à Napoléon, du moins dans sa pensée, de nombreux auxiliaires au dehors, tandis que l'intérieur de son Empire devait être garanti par l'organisation de la garde nationale en trois bans. Les communications faites au Sénat feront connaître ces dernières dispositions.

SÉNAT.

Un senatus-consulte du 20 décembre 1811 avait appelé sous les drapeaux cent vingt mille hommes de la conscription de 1812. Il n'y eut pour cet acte ni exposé de motifs ni rapports; il fut adopté sur une simple proposition, et d'après ce principe que la conscription était un tribut personnel, qui devait être acquitté chaque année, en temps de paix comme en temps de guerre.

Séances des 10 et 13 mars 1812, présidées par le prince archichancelier.

RAPPORT fait à l'empereur par le ministre des relations extérieures. (Communiqué au Sénat par le même ministre, Maret, duc de Bassano.)

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Sire, les droits maritimes des neutres ont été réglés solennellement par le traité d'Utrecht, devenu la loi commune des nations.

» Cette loi, textuellement renouvelée dans tous les traités subséquens, a consacré les principes que je vais exposer.

» Le pavillon couvre la marchandise. La marchandise ennemie sous pavillon neutre est neutre, comme la marchandise neutre sous pavillon ennemie est ennemie.

» Les seules marchandises que ne couvre pas le pavillon sont les marchandises de contrebande, et les seules marchandises de contrebande sont les armes et les munitions de

guerre. » Toute visite d'un bâtiment neutre par un bâtiment armé ne peut être faite que par un petit nombre d'hommes, le bâtiment armé se tenant hors de la portée du canon.

» Tout bâtiment neutre peut commercer d'un port ennemi à un port ennemi, et d'un port ennemi à un port neutre.

» Les seuls ports exceptés sont les ports réellement bloqués, et les ports réellement bloqués sont ceux qui sont investis, assiéges, en prévention d'être pris, et dans lesquels un bâtiment de commerce ne pourrait entrer sans danger.

» Telles sont les obligations des puissances belligérantes envers les puissances neutres; tels sont les droits réciproques des unes et des autres ; telles sont les maximes consacrées par les. traités qui forment le droit public des nations. Souvent l'Angleterre osa tenter d'y substituer des règles arbitraires et tyranniques; ses injustes prétentions furent repoussées par tous les gouvernemens sensibles à la voix de l'honneur et à l'intérêt de leurs peuples: elle se vit constamment forcée de reconnaître

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