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pour résultat la prise de dix pièces de canon, de vingt caissons de munitions et de quinze cents prisonniers. Six mille Russes furent tués ou blessés. La perte de la grande armée se monta à deux cents hommes tués, neuf cents blessés, et une cinquantaine de prisonniers. « Le 28 juillet, à la pointe du jour, nous sommes entrés à Witepsk, ville de trente mille habitans. Il y a vingt couvens. Nous y avons trouvé quelques magasins, entr'autres un magasin de sel évalué quinze millions. Les combats de Mohilaw et d'Ostrowno ent été brillans et honorables pour nos armes ; nous n'avons eu d'engagé que la moitié des forces que l'ennemi a présentées, le terrein ne comportant pas d'autres développemens... A l'un de ces combats l'empereur était sur une hauteur, tout près de deux cents voltigeurs qui, seuls en plaine, avaient attaqué la droite de la cavalerie ennemie. Frappé de leur belle contenance, il envoya demander de quel corps ils étaient ; ils répondirent: Du neuvième, et les trois quarts enfans de Paris! Dites-leur, dit l'empereur, que ce sont de braves gens; ils méritent tous la croix ! » (Bulletins 7°, 8, 9eet 10o.) « Le 1er août l'ennemi a fait la sottise de passer la Drissa, et de se placer en bataille devant le deuxième corps. Le duc de Reggio a laissé passer la rivière à la moitié du corps ennemi, et quand il a vu environ quinze mille hommes et quatorze pièces de canon engagés au delà de la rivière, il a démasqué une batterie de quarante pièces canon, qui ont tiré pendant une demi-heure à portée de mitraille. En même temps les divisions Legrand et Verdier ont marché au pas de charge, la baïonnette en avant, et ont jeté les quinze mille Russes dans la rivière. Tous les canons et caissons pris, trois mille prisonniers, parmi lesquels beaucoup d'officiers, trois mille cinq cents hommes tués ou noyés, sont le résultat de cette affaire. Le combat de Drissa, ceux d'Ostrowno et de Mohilow, pourraient dans d'autres guerres s'appeler des batailles... Nous avons appris par des proclamations qu'on s'amusait en Russie à chanter des Te Deum à l'occasion des victoires obtenues par les Russes... Le général Ricard est entré avec sa brigade dans Dunabourg le 1er août. Ainsi cette ville, que l'ennemi fortifiait depuis cinq ans, où il a dépensé plusieurs millions, qui a coûté la vie à plus de vingt mille hommes de troupes russes pendant la durée des travaux, a été abandonnée sans tirer un coup de fusil, est en notre pouvoir comme les autres ouvrages de l'ennemi, et comme le camp retranché qu'il avait fait à Drissa. » (Onzième et douzième bulletins.)

de

Le 10 août l'empereur résolut de s'emparer de SMOLENSK, 'ville forte, que les Russes considèrent comme le boulevart de Moscou. Des ponts furent jetés sur le Borysthène, et différens corps d'armée passèrent ce fleuve pour prendre les positions nécessaires à cette entreprise. «Le 16 les hauteurs de Smolensk furent couronnées; la ville présenta à nos yeux une enceinte de murailles de quatre mille

toises de tour, épaisses de dix pieds et hautes de vingt-cinq, entremêlées de tours, dont plusieurs étaient armées de canons de gros calibre. L'empereur reconnut la ville, et plaça ainsi son armée : le maréchal duc d'Elchingen eut la gauche appuyant au Borysthène ; le maréchal prince d'Ekmulh le centre; le prince Poniatowski ła droite; la garde fut mise en réserve au centre; le vice-roi en réserve à la droite, et la cavalerie, sous les ordres du roi de Naples, à l'extrême droite. L'ennemi oceupait Smolensk avec trente mille hommes, et le reste de son armée se formait sur les belles positions de la rive droite du fleuve, vis à vis la ville, communiquant par trois ponts. On savait que les généraux avaient les ordres réitérés de leur maître de livrer bataille, et de sauver Smolensk. Le 17, à trois heures après midi, la canonnade s'engagea ; à quatre heures et demie commença une vive fusillade; à cinq heures les divisions Morand et Gudin enlevèrent les faubourgs retranchés de l'ennemi avec une froide et rare intrépidité, et le poursuivirent jusqu'au chemin couvert, qui fut jonché de cadavres russes, A six heures du soir trois batteries de pièces de douze (de brèche) furent placées contre les murailles. On déposta l'ennemi des tours qu'il occupait par des obus qui y mirent le feu. Le général d'artillerie comte Sorbier rendit impraticable à l'ennemi l'occupation de ses chemins couverts par des batteries d'enfilade. Le combat continua toute la nuit; les trois batteries de brèche tirèrent avec une grande activité: deux compagnies de mineurs furent attachées au rempart. Cependant la ville était en feu au milieu d'une belle nuit d'août, Smolensk offrait aux Français le spectacle qu'offre aux habitans de Naples une éruption du Vésuve. A une heure après minuit l'ennemi abandonna la ville, et repassa la rivière. A deux heures la place était évacuée; deux cents pièces de canon et mortiers de gros calibre, et une des plus belles villes de la Russie, étaient en notre pouvoir; et cela à la vue de toute l'armée ennemie. Le combat de Smolensk, qu'on peut à juste titre appeler bataille, puisque cent mille hommes y ont été engagés de part et d'autre, coûte aux Russes quatre mille sept cents hommes restés sur le champ de bataille, deux mille prisonniers la plupart blessés, et sept à huit mille blessés. Parmi les morts se trouvent cinq généraux russes. Notre perte se monte à sept cents morts et trois mille deux cents blessés. Toutes les troupes ont rivalisé d'intrépidité. Le champ de bataille a offert, aux yeux de deux cent mille personnes qui peuvent l'attester, le spectacle d'un cadavre français sur sept ou huit cadavres russes. Le 18 on a rétabli sur le Borysthène les ponts que l'ennemi avait brûlés, et l'on est parvenu dans cette même journée à maîtriser le feu qui consumait la ville, les sapeurs français ayant travaillé avec àctivité. » A quelque distance de Smolensk, les généraux Gouvion Saint-Cyr, Gudin, Maison, Ledru, Gerard, Verdier, se couvraient de gloire dans les combats de

Polotsk et de Valontina. Le combat de Polotsk eut lieu le 18, et celui de Valontina le 19. « Dans le premier notre perte est de mille hommes, tués ou blessés : la perte des Russes est triple; on leur a fait cinq cents prisonniers. Notre perte au combat de Valontina, où plus de quatre-vingt mille hommes se sont trouvés engagés, a été de six cents morts et de deux mille six cents blessés. Le général comte Gudin est mort, atteint d'un boulet, au commencement de l'action cette perte est sensible; le général Gudin était un des officiers les plus distingués de l'armée. La perte de l'ennewi, comme l'atteste le champ de bataille, est encore triple; nous lui avons fait un millier de prisonniers, la plupart blessés. Le lendemain l'empereur a distribué sur le champ de bataille des récompenses à tous les régimens qui s'étaient distingués; et comme le cent vingt-septième, qui est un nouveau régiment, s'était bien comporté, S. M. lui a accordé le droit d'avoir une aigle, droit que ce régiment n'avait point encore, ne s'étant trouvé jusqu'à présent à aucune bataille, Ces récompenses, données sur le champ d'honneur, au milieu des morts, des mourans, des débris et des trophées de la victoire offraient un spectacle vraiment militaire et imposant (1). — L'ennemi court en toute hâte sur Moskou. » (Treizieme et quatorzième bulletins.)

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« L'armée ennemie en s'en allant brûle les ponts, dévaste les routes, pour retarder la marche de l'armée française. Les établissemens de commerce de Smolensk étaient tout entiers sur le Borysthène, dans un beau faubourg; les Russes ont mis le feu à ce faubourg pour obtenir le simple résultat de retarder notre marche d'une heure. On n'a jamais fait la guerre avec tant d'inhumanité ; les Russes traitent leur pays comme ils traiteraient un pays ennemi. Le pays est beau, et abondamment fourni de tout; les routes sont superbes, La chaleur est excessive; il n'a pas plu depuis un mois. Le 29 août, à la pointe du jour, le général comte Caulincourt est entré dans Viazma, L'ennemi avait brûlé les ponts, les magasins, et mis le feu à plusieurs quartiers de la ville. Viazma est une ville de quinze mille habitans. Deux bataillons du vingt-cinquième se sont employés avec beaucoup d'activité à éteindre l'incendie; on est parvenu à le domiLes Russes continuent de brûler toutes les villes qu'ils abandonnent. Nous avons jeté six ponts sur la rivière de Ghjat, qui se jette dans le Volga ainsi nous sommes sur le pendant des caux qui descendent vers la mer Caspienne. L'armée prend deux jours de repos.» (Bulletins 15o, 16o et 17o. )

ner.

(1) Un décret du 27 août, rendu au quartier général impérial de' Slavkowo, nomme maréchal d'Empire le général Gouvion Saint-Cyr,)

Bataille de la MOSKOWA.

- ( Dix-huitième bulletin. )

Mojaïsk, le 10 septembre 1812.

« Le 4 septembre l'empereur partit de Ghjat, et vint camper près de la poste de Gritueva."

» Le 5, à six heures du matin, l'armée se mit en mouvement. A deux heures après midi on découvrit l'armée russe, placée la droite du côté de la Moskowa, la gauche sur les hauteurs de la rive gauche de la Kologha. A douze cents toises en avant de la gauche, l'ennemi avait commencé à fortifier un beau mamelon entre deux bois, où il avait placé neuf à dix mille hommes. L'empereur, l'ayant reconnu, résolut de ne pas différer un moment, et d'enlever cette position. Il ordonna an roi de Naples de passer la Kologha avec la division Compans et la cavalerie. Le prince Poniatowski, qui était venu par la droite, se trouva en mesure de tourner la position. A quatre heures l'attaque commença. En une heure de temps la redoute ennemie fut prise avec ses canons; le corps ennemi chassé du bois et mis en déroute, après avoir laissé le tiers de son monde sur le champ de bataille. A sept heures du soir le feu cessa.

» Le 6, à deux heures du matin, l'empereur parcourut les avant-postes ennemis; on passa la journée à se reconnaître. L'ennemi avait une position très resserrée : sa gauche était fort affaiblie par la perte de la position de la veille; elle était appuyée à un grand bois, soutenue par un beau mamelon couronné d'une redoute armée de vingt-cinq pièces de canon. Deux autres mamelons, couronnés de redoutes, à cent pas l'un de l'autre, protégeaient sa ligne jusqu'à un grand village que l'ennemi avait démoli pour couvrir le plateau d'artillerie et d'infanterie, et y appuyer son centre. Sa droite passait derrière la Kologha, en arrière du village de Borodino, et était appuyée à deux beaux mamelons couronnés de redoutes, et armés de batteries. Cette position parut belle et forte. Il était facile de manœuvrer et d'obliger l'ennemi à l'évacuer ; mais cela aurait remis la partie, et sa position ne fut pas jugée tellement forte qu'il fallût éluder le combat. Il fut facile de distinguer que les redoutes n'étaient qu'ébauchées, le fossé peu profond, non palissadé ni fraisé. On évaluait les forces de l'ennemi à cent vingt ou cent trente mille hommes. Nos forces étaient égales; mais la supériorité de nos troupes n'était pas douteuse.

» Le 7, à deux heures du matin, l'empereur était entouré des maréchaux à la position prise l'avant-veille. A cinq heures et demie le soleil se leva sans nuage; la veille il avait plu: c'est le soleil d'Austerlitz, dit l'empereur : quoiqu'au mois de septembre, il faisait aussi froid qu'en décembre en Mora

vie: l'armée en accepta l'augure. On battit un ban, et on lut l'ordre du jour suivant :

« Soldats, voilà la bataille que vous avez tant désirée ! Dé> sormais la victoire dépend de vous; elle nous est nécessaire; » elle nous donnera l'abondance, de bons quartiers d'hiver, » et un prompt retour dans la patrie! Conduisez-vous » comme à Austerlitz, à Friedland, à Witepsk, à Smolensk, » et que la postérité la plus reculée cite avec orgueil votre » conduite dans cette journée; que l'on dise de vous: Il était » à cette grande bataille sous les murs de Moskou ! » Au camp impérial, sur les hauteurs de Borodino, le 7 septembre, à deux heures du matin. >>

» L'armée répondit par des acclamations réitérées. Le plateau sur lequel était l'armée était couvert de cadavres russes du combat de l'avant-veille.

» Le prince Poniatowski, qui formait la droite, se mit en mouvement pour tourner la forêt sur laquelle l'ennemi appuyait sa gauche. Le prince d'Ekmülh se mit en marche le long de la forêt; la division Compaus en tête. Deux batteries de soixante pieces de canon chacune, battant la position de l'ennemi, avaient été construites pendant la nuit.

» A six heures le général comte Sorbier, qui avait armé la batterie droite avec l'artillerie de la réserve de la garde, commença le feu. Le général Bernetty, avec trente pièces de canon, prit la tête de la division Compans (quatrième du premier corps), qui longea le bois, tournant la tête de la position de l'ennemi. A six heures et demie le général Compans est blessé. A sept heures le prince d'Eckmülh a son cheval tué. L'attaque avance; la mousqueterie s'engage. Le viceroi, qui formait notre gauche, attaque et prend le village de Borodino, que l'ennemi ne pouvait défendre, ce village etant sur la rive gauche de la Kologha. A sept heures le maréchal duc d'Elchingen se met en mouvement, et, sous la protection de soixante pièces de canon, que le général Foucher avait placées · la veille contre le centre de l'ennemi, se porte sur le centre. Mille pièces de canon vomissent de part et d'autre la mort.

» A huit heures les positions de l'ennemi sont enlevées, ses redoutes prises, et notre artillerie couronne ses mamelons. L'avantage de position, qu'avaient eu pendant deux heures les batteries ennemies, nous appartient maintenant; les parapets, qui ont été contre nous pendant l'attaque, redeviennent pour nous. L'ennemi voit la bataille perdue, qu'il ne la croyait que commencée. Partie de son artillerie est prise; le reste est évacué sur ses lignes en arrière. Dans cette extrémité il prend le parti de rétablir le combat, et d'attaquer avec toutes.

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