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proclamé le principe d'insurrection comme un devoir ? qui a adulé le peuple en ie proclamant à une souveraineté qu'il était incapable d'exercer? qui a détruit la sainteté et le respect des Jois, en les faisant dépendre non des principes sacrés de la justice, de la nature des choses et de la justice civile, mais seulement de la volonté d'une assemblée, composée d'hommes étrangers à la connaissauce des lois civiles, criminelles, administratives, politiques et militaires?

» Lorsqu'on est appelé à régénérer un Etat, ce sont des prineipes constarament opposés qu'il faut suivre. L'histoire peint le cœur humain; c'est dans l'histoire qu'il faut chercher les avantages et les inconvéniens des différentes législations. Voilà les principes que le Conseil d'état d'un grand Empire ne doit jamais perdre de vue; il doit y joindre un courage à toute épreuve, et, à l'exemple des présidens Harlay et Molé, être prêt à périr en défendant le souverain, le trône et les lois.

"

J'apprécie les preuves d'attachement que le Conseil d'état m'a données dans toutes les circonstances. J'agrée ses senti

nens. >>

VIII.

SESSION DE 1812-1815.

DISCOURS de l'empereur en ouvrant la session, le dimanche 14 février 1815.

«Messieurs les députés des départemens au Corps législatif, la guerre, rallumée dans le nord de l'Europe, offrait une occasion favorable aux projets des Anglais sur la péninsule; ils ont fait de grands efforts. Toutes leurs espérances ont été déçues; leur armée a échoué devant la citadelle de Burgos, et a dû, après avoir essuyé de grandes pertes, évacuer le territoire de toutes les Espagnes.

» Je suis moi-même entré en Russie. Les armes françaises ont été constamment victorieuses aux champs d'Ostrowno, de Polotzk, de Mohilow, de Smolensk, de la Moskowa, de Maloiaroslavetz; nulle part les armées russes n'ont pu tenir devant nos aigles. Moskou est tombé en notre pouvoir.

» Lorsque les barrières de la Russie ont été forcées, et que l'impuissance de ses armes a été reconnue, un essaim de Tartares ont tourné leurs mains parricides contre les plus belles provinces de ce vaste empire, qu'ils avaient été appelés à dé

fendre. Ils ont en peu de semaines, malgré les larmes et le désespoir des infortunes Moskovites, incendié plus de quatre mille de leurs plus beaux villages, plus de cinquante de leurs plus belles villes, assouvissant ainsi leur ancienne haine, et sous le prétexte de retarder notre marche en nous environnant

d'un désert.

» Nous avons triomphé de tous ces obstacles. L'incendie même de Moskou, où en quatre jours ils ont anéanti le fruit des travaux et des épargnes de quarante générations, n'avait rien changé à l'état prospère de mes affaires.

» Mais la rigueur excessive et prématurée de l'hiver a fait peser sur mon armée une affreuse calamité. En peu de nuits j'ai vu tout changer.

» J'ai fait de grandes pertes. Elles auraient brisé mon âme si dans ces grandes circonstances j'avais dû être accessible à d'autre sentiment qu'à l'intérêt, à la gloire et à l'avenir de mes peuples.

» À la vue des maux qui ont pesé sur nous, la joie de l'Angleterre a été grande; ses espérances n'ont pas eu de bornes.. Elle offrait nos plus belles provinces pour récompense à la trahison; elle mettait pour condition à la paix le déchirement de ce bel Empire: c'était, sous d'autres termes, proclamer la guerre perpétuelle.

» L'énergie de mes peuples dans ces grandes circonstances, leur attachement à l'intégrité de l'Empire, l'amour qu'ils m'ont montré, ont dissipé toutes ces chimères, et ramené nos ennemis à un sentiment plus juste des choses.

>> Les malheurs qu'a produits la rigueur des frimas ont fait ressortir dans toute leur étendue la grandeur et la solidité de cet Empire, fondé sur les efforts et l'amour de cinquante millions de citoyens, et sur les ressources territoriales des plus belles

contrées du monde.

>> C'est avec une vive satisfaction que nous avons vu nos peuples du royaume d'Italie, ceux de l'ancienne Hollande et des départemens réunis, rivaliser avec les anciens Français, et sentir qu'il n'y a pour eux d'espérance, d'avenir et de bien que dans la consolidation et le triomphe du grand Empire.

» Les agens de l'Angleterre propagent chez tous nos voisins l'esprit de révolte contre les souverains; l'Angleterre voudrait voir le continent entier en proie à la guerre civile et à toutes les fureurs de l'anarchie; mais la providence l'a elle-même désignée pour être la première victime de l'anarchie et de la guerre civile.

» J'ai signé directement avec le pape un Concordat qui ter

mine tous les différends qui s'étaient malheureusement élevés dans l'Eglise.

La dynastie française règne et régnera en Espagne.

» Je suis satisfait de la conduite de tous mes alliés. Je n'en abandonnerai aucun ; je maintiendrai l'intégrité de leurs Etats. Les Russes rentreront dans leur affreux climat.

» Je désire la paix; elle est nécessaire au monde. Quatre fois, depuis la rupture qui a suivi le traité d'Amiens, je l'ai proposée dans des démarches solennelles. Je ne ferai jamais qu'une paix honorable, et conforme aux intérêts et à la grandeur de mon Empire. Ma politique n'est point mystérieuse; j'ai fait connaître les sacrifices que je pouvais faire.

Tant » que la guerre maritime durera mes peuples doivent se tenir prêts à toute espèce de sacrifice; car une mauvaise paix nous ferait tout perdre, jusqu'à l'espérance, et tout serait compromis, même la prospérité de nos neveux.

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L'Amérique a recouru aux armes pour faire respecter la souveraineté de son pavillon. Les voeux du monde l'accompagnent dans cette glorieuse lutte. Si elle la termine en obligeant les ennemis du continent à reconnaître le principe que le pavillon couvre la marchandise et l'équipage, et que les neutres ne doivent pas être soumis à des blocus sur le papier, le tout conformément aux stipulations du traité d'Utrecht, l'Amérique aura mérité de tous les peuples: la postérité dira que l'ancien monde avait perdu ses droits, et que le nouveau les a reconquis.

» Mon ministre de l'intérieur vous fera connaître, dans l'Exposé de la Situation de l'Empire, l'état prospère de l'agriculture, des manufactures et de notre commerce intérieur, ainsi que l'accroissement toujours constant de notre population. Dans aucun siècle l'agriculture et les manufactures n'ont été en France à un plus haut degré de prospérité.

>> J'ai besoin de grandes ressources pour faire face à toutes les dépenses qu'exigent les circonstances; mais, moyennant différentes mesures que vous proposera mon ministre des finances, je ne devrai imposer aucune nouvelle charge à mes peuples.

EXPOSÉ DE LA SITUATION DE L'EMPIRE, présenté au Corps législatif par M. le comte de Montalivet, ministre de l'intérieur. Séance du 25 fé

vrier 1813. (1)

<< Messieurs, Sa Majesté m'a ordonné de vous faire connaître la situation de l'intérieur de l'Empire dans les années 1811 et 1812.

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»Vous verrez avec satisfaction que, malgré les grandes armées que l'état de guerre maritime et continentale oblige de tenir sur pied, la population a continué de s'accroître; que notre industrie a fait de nouveaux progrès; que jamais les terres n'ont été mieux cultivées, les manufactures plus florissantes; qu'à aucune époque de notre histoire la richesse n'a été plus répandue dans les diverses classes de la société.

» Le simple cultivateur aujourd'hui connaît les jouissances qui lui furent jusqu'à présent étrangères : il achète au plus haut prix les terres qui sont à sa convenance; ses vêtemens sont meilleurs, sa nourriture est plus abondante et plus substantielle; il reconstruit ses maisons plus commodes et plus solides.

» Les nouveaux procédés dans l'agriculture, dans l'industrie, dans les arts utiles, ne sont plus repoussés par cela même qu'ils sont nouveaux; partout on tente des essais, et ce que l'expérience démontre préférable est utilement substitué aux anciennes routines. Les prairies artificielles se sont multipliées; le système des jachères s'abandonne; des assolemens mieux entendus, de nouvelles cultures augmentent le produit de nos terres; les bestiaux se multiplient; les races s'améliorent ; de simples laboureurs ont acquis les moyens de se procurer à de hauts prix les béliers de race espagnole, les étalons de nos meilleures espèces de chevaux ; éclairés sur leurs vrais intérêts, ils n'hésitent pas à faire ces utiles achats : ainsi les besoins de nos manufactures, de notre agriculture et de nos armées sont chaque jour mieux assurés.

(1) Chaque paragraphe de cet important Rapport était appuyé de calculs comparatifs et de démonstrations arithmétiques, formant en tout soixante-quinze tableaux réunis en un cahier in-4°.

On dirait que les ministres de Napoléon avaient le pressentiment que cet Exposé de la situation intérieure de l'Empire serait le der nier qu'ils auraient à rédiger: il est le plus complet de tous; c'est un compte-rendu général de l'administration en France pendant les douze années de gloire militaire.

» Ce degré de prospérité est dû aux lois libérales qui régissent ce grand Empire, à la suppression de la féodalité, des dîmes, des mains mortes, des ordres monastiques, suppression qui a constitué ou affranchi ce grand nombre de propriétés particulières, aujourd'hui le patrimoine libre d'une multitude de familles jadis prolétaires ; il est dû à l'égalité des partages, à la clarté et à la simplification des lois sur la propriété et sur les hypothèques; à la promptitude avec laquelle sont jugés les procès, dont le nombre décroît chaque jour : c'est à ces mêmes causes et à l'influence de la vaccine que l'on doit attribuer l'accroissement de la population. Et pourquoi ne dirions-nous pas que la conscription elle-même, qui chaque année fait passer sous nos drapeaux l'élite de notre jeunesse, a contribué à cet accroissement en multipliant le nombre des mariages, en les favorisant, parce qu'ils fixent pour toujours le sort du jeune Français qui une première fois a obéi à la loi ?

Population.

» La population de la France était en 1789 de vingt-six millions d'individus ; quelques personnes réduisaient même leurs calculs à vingt-cinq millions. La population actuelle de l'Empire est de quarante-deux millions sept cent mille âmes, dont vingthuit millions sept cent mille pour les départemens de l'ancienne France. Cette population n'est pas le résultat de simples conjectures, mais de recensemens exacts. C'est une augmentation de deux millions cinq cent mille, ou de près d'un dixième depuis vingt-quatre ans.

CHAPITRE PREMIER.

DE L'AGRICULTURE.

doit

» La France, par l'étendue, par la fertilité de son sol, être considérée comme un état essentiellement agricole. » Cependant elle a dû longtemps recourir à ses voisins pour fournir à plusieurs de ses besoins principaux. Elle s'est presque entièrement affranchie de cette nécessité.

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» Le produit moyen d'une récolte en France est de deux cent soixante-dix millions de quintaux, sur lesquels il faut en prélever quarante millions pour les semences.

» La récolte de 1811, une des plus mauvaises années connues, est entrée dans le calcul de ce produit moyen.

» Les deux cent trente millions de quintaux qui restent pour la consommation auraient, aux prix actuels, une valeur de près de cinq milliards; mais, aux prix réduits de quinze

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