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et la France et son souverain, qu'elle a la pudeur de ne pas confesser toute l'étendue de son ambition et de son injustice.

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Cependant elle répand des subsides et des promesses; elle sème des espérances et des illusions; elle stipendie des cabinets, corrompt des généraux, insurge des peuples, révolte des armées. Vains efforts, messieurs, qui viendront se briser devant la force de l'Empire, dirigée par le génie de son souve→ rain, devant la résolution de défendre les droits des Français, de leurs alliés au partage du commerce du monde et de l'empire des mers!

» Ce sentiment est celui de la nation entière; c'est celui'de nos villes commerçantes et manufacturières, qui ne veulent être ni déshéritées de leur antique patrimoine, ni dépouillées de leurs récentes conquêtes. Vous réchaufferez, messieurs cet honorable et utile esprit public; vous le ferez naître, s'il était des cités où il n'existât pas.

>>Vous direz à vos concitoyens, sur la foi des paroles qui vous ont été adressées du haut du trône, que la Grande-Bretagne et les ennemis qu'elle a déchaînés contre nous se sont applau dis trop vite de l'assistance que leur out prêtée la rigueur imprévue des élémens, l'intempérie précoce des saisons; vous leur direz que les armées qui se sont approchées de nos frontières expieront bientôt les stériles avantages qu'elles ont obtenus, et leurs succès sans combats, et leurs triomphes sans victoires et leurs occupations sans conquêtes, »

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Séances des 10 et 11 janvier 1813, présidées par le prince archichancelier.

RAPPORT fait à l'empereur par le ministre des relations extérieures, (Communiqué au Sénat par le même ministre, le duc de Bassano, dans la séance du 10.)

<< Sire, lorsque la Russie, violant ses traités, et renonçant à son alliance avec la France de l'Ans'unir au système pour gleterre, déclara la guerre à Votre Majesté, vous appréciâtes, Sire, toute l'importance de la lutte qui allait s'engager. Vous ordonnâte's la formation, sous le titre de cohortes de la garde

nationale, de cent bataillons composés d'hommes âgés de vingt à vingt-six ans, qui, appartenant aux six dernières classes de la conscription, n'avaient point été appelés à l'armée active. Cette institution a eu tout le succès que Votre Majesté pouvait en attendre. Une belliqueuse jeunesse, préparée au métier de guerre dans des cadres de vieux soldats, demande avec empressement à partager la gloire de ses frères d'armies.

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Lorsque, de Smolensk, Votre Majesté fit marcher vers Moskou ses armées victorieuses, elle ne se dissimula point que ses progrès dans le pays ennemi ajoutaient de nouvelles chances aux chances communes de la guerre; elle voulut fortifier encore la base de ses opérations, et elle ordonna la levée de la conscription de 1813, qui est aujourd'hui tout entière sous les

armes.

» Avec les garnisons des places de France et d'Italie, Votre Majesté a donc dans l'intérieur de ses Etats une force de plus de trois cent mille hommes, suffisante pour entretenir la guerre avec la Russie pendant la prochaine campagne. Et votre intention était, Sire, de ne demander aucun secours extraordinaire si tous nos alliés, et spécialement l'Autriche, le Danemarck et la Prusse, restaient fidèles à la cause commune.

» L'Autriche, le Danemarck, la Prusse, ont donné à Votre Majesté les plus fortes assurances de leurs sentimens ; la Prusse a même offert d'augmenter d'un tiers, et de porter trente mille hommes, le contingent qu'elle avait fourni en exécution des traités.

» Mais pendant que cette puissance manifestait des dispositions aussi conformes à ses engagemens et aux intérêts de sa politique, les intrigues de l'Angleterre préparaient un de ces événemens qui caractérisent l'esprit de désordre et d'anarchie que cette puissance ne cesse de fomenter en Europe. Le général d'Yorck, commandant le corps prussien sous les ordres du maréchal duc de Tarente, a trahi tout à la fois son honneur, son général en chef et son roi; il a fait un pacte de perfidie avec l'ennemi.

» Il n'est point d'intrigues, il n'est point de sourdes menées que l'Angleterre n'ait mises en œuvre pour changer les dispositions des souverains; mais lorsqu'elle les a trouvés fermes dans leurs vrais intérêts, et inébranlables dans leur alliance avec Votre Majesté, elle a entrepris de produire un bouleversement général en cherchant à ébranler la fidélité des peuples. Au-delà des états de Votre Majesté, Sire, il est peu de contrées où l'audace et les manoeuvres des désorganisateurs n'aient porté l'inquiétude parmi les dépositaires de la tranquillité publique. Dans les cours des agens de corruption, dans les camps de

lâches instigateurs, et dans les villes enfin, dans les écoles, et jusqu'au sein des institutions les plus révérées, de faux enthousiastes travaillent sans cesse à séduire par des doctrines ténébreuses et ceux qui doivent maintenir, par la fidélité la plus courageuse, l'autorité qui leur est confiée, et ceux qui n'ont d'autre devoir que celui d'obéir.

» Dans de telles circonstances, Sire, et lorsque les intentions mêmes d'un prince allié n'ont pu garantir les avantages que votre système politique devait vous assurer, il devient d'une impérieuse nécessité de recourir aux moyens que Votre Majesté trouvera dans la puissance de son Empire et dans l'amour de ses sujets.

» Par ces considérations les ministres de Votre Majesté, réunis dans un conseil extraordinaire de cabinet, vous proposent :

» 1o. De rendre à l'armée active les cent cohortes de gardes nationales;

» 2o. De faire un appel de cent mille hommes sur les conscriptions de 1809, 1810, 1811 et 1812.

» 3°. De lever cent mille homines de la conscription de 1814, qui se formeront dans les garnisons et dans les camps, sur nos frontières et sur nos côtes, et pourront se porter où il sera nécessaire pour venir au secours des alliés de Votre Majesté.

» Par cet immense développement de forces, les intérêts, la considération de la France et la sûreté de ses alliés se trouveront garantis contre tous les événemens.

» Le peuple français sentira la force des circonstances; il rendra un nouvel hommage à cette vérité, si souvent proclamée par Votre Majesté du haut de son trône, qu'il n'est aucun repos pour l'Europe tant que l'Angleterre n'aura pas été forcée à conclure la paix.

» Ce n'est point en vain, Sire, que vous avez donné à la France le titre de grande nation! Aucun effort n'e pénible pour elle lorsqu'il s'agit de faire éclater et son amour pour Votre Majesté et son dévouement à la gloire du nom français. » Je joins à ce rapport les pièces relatives à la défection du général d'Yorck.

Je suis avec le plus profond respect, Sire, etc. Signé le duc de BASSANO. Paris, le 9 janvier 1813. »

...

MOTIFS du senatus-consulte qui met à la disposition du ministre de la guerre trois cent cinquante mille hommes (1); exposés par M. le comte Regnault (de Saint-Jean d'Angely), eonseiller d'état. Même séance.

« Monseigneur, sénateurs, le traité de Tilsit avait rendu au nord de l'Europe une paix qui semblait devoir être durable. » Majs l'Angleterre, menacée de la guerre avec les EtatsUnis d'Amérique, redoutant avec raison la mauvaise issue que doit tôt ou tard avoir pour elle la lutte engagée en Espa-' gne, s'est occupée de susciter à la France une nouvelle guerre en faisant rompre l'alliance récemment jurée par la Russie.

» Les efforts de l'empereur pour la maintenir et assurer l'exécution des traités ont été inutiles, et la guerre s'est renouvelée.

>> Elle a été commandée

par la violation des conventions les plus solennelles , par des armemens nombreux, par des agressions évidentes, par des refus répétés de toute explication, enfin par la nécessité imposée à S. M. de maintenir les droits et la considération de sa couronne et de celle de ses alliés.

>> Le succès de cette lutte nouvelle a été ce qu'il sera toujours pour des Français conduits par le génie qui les a accoutumés à

vaincre.

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L'ennemi, forcé dans tous les postes, repoussé dans tous les combats, vaincu dans toutes les batailles, a été forcé d'abandonner sa capitale au vainqueur; mais il l'a livrée aux flammes, et presque réduite en cendres.

>>

De là la nécessité de cette retraite glorieuse, retraite dans laquelle nous n'avons été atteints et frappés que par l'âpreté du climat, la dureté précoce de la saison, et l'excès inaccoutumé de sa rigueur.

» Quand le vingt-neuvième bulletin de la grande armée vint étonner à la fois et rassurer la France, l'étendue de ses pertes, dévoilées à la nation avec une simplicité si énergique, avec une

(1) Le 1er septembre 1812, pendant que Napoléon marchait sur Moskou, ses ministres étant venus demander la conscription de 1813, un senatus-consulte la lui avait accordée : il n'y eut point de discours pour motiver cette levée annuelle. Elle fut portée cette fois à cent trente-sept mille hommes, savoir, cent vingt mille pour l'armée active, et dix-sept mille pour les remplacemens et complémens prescrits dans les cohortes du premier ban de la garde nationale.

si noble confiance, éveilla chez tous les Français le sentiment du besoin de les réparer; tous allèrent dès lors au-devant des demandes qu'ils pressentaient, disposés plutôt à les prévenir qu'à les débattre ou à les attendre.

Cependant l'empereur, dont les ennemis doivent toujours craindre, les alliés et les sujets toujours espérer la venue, était arrivé dans sa capitale lorsqu'on le croyait encore au-delà de Wilna, et, se faisant rendre compte des ressources de ses arsenaux, de ses magasins, de son trésor, du nombre de ses troupes, avait annoncé à la France l'intention de ne faire aucune demande d'hommes ni de contributions nouvelles.

» Avec les impositions annuelles et les soldats déjà sous les armes, il pouvait fournir à tous les besoins de la campagne au midi et au nord de l'Europe.

» Mais, sénateurs, les faits que le ministre des relations extérieures vient de nous faire connaître par ordre de Sa Majesté doivent changer les premiers calculs de sa sagesse, économe des sacrifices de ses peuples, et y faire succéder les calculs de la prévoyance et de la nécessité.

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Déjà, messieurs, j'ai vu éclater dans cette Assemblée les témoignages de l'indignation qu'éprouvera l'Europe entière au récit d'une trahison à laquelle on hésiterait de croire si elle n'était avouée, écrite par son auteur même.

» Le général prussien, dont le nom deviendra désormais une injure, a trahi à la fois son souverain, l'honneur, les devoirs de citoyen et ceux de soldat.

» Il s'est séparé honteusement de l'armée dont il faisait partie, du corps avec lequel il marchait ; il a livré ceux qui s'exposaient sur sa foi aux suites hasardeuses de son lâche abandon, de sa désertion inopinée.

» Instruit de ce crime, nouveau dans l'histoire des guerres modernes, S. M. le roi de Prusse a montré un ressentiment digne de sa loyauté et de sa fidélité à ses alliés.

» Uni de sentimens au monarque, son cabinet n'a éprouvé que le besoin de réparer, de punir un attentat politique et militaire qui offense la nation prussienne, et outrage son souverain.

» Ces faits, ces assurances sont consignés dans les pièces dont le ministre des relations extérieures vous a donné communication.

» Elles garantissent que la gravité de cet événement sera appréciée non seulement par le gouvernement, mais encore par le peuple prussien tout entier : il jugera, et toutes les nations du nord jugeront avec lui, de quels malheurs un tel crime pourrait être la source. La Prusse montrera son attachement

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